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Claudy Siar : « L’intérêt commun n’est pas une chose partagée au sein de notre communauté »
12/10/2011
 

Délégué interministriel à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer depuis mars 2011, Claudy Siar a reçu Grioo.com. Dans cette interview, il raconte pourquoi il a accepté de devenir délégué interministériel, évoque son rôle à la tête de la délégation, revient sur ses relations avec certains de ses (ex)amis et déplore l’absence d’unité et de vision stratégique au sein de la communauté afro-caribéenne
 
Par Paul Yange
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Claudy Siar  
Claudy Siar
 

Bonjour Claudy Siar. Vous êtes arrivés à la tête de la délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer en mars 2011. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez accepté d’occuper ce poste ?

Dans un premier temps j’ai refusé. J’avais refusé parceque je ne me suis pas préparé à être dans les hautes sphères de l’Etat. Je n’y avais jamais pensé. Ça n’a jamais été pour moi une opportunité possible. Et je croyais être plus utile dans la société civile que dans les arcanes du pouvoir.

Et puis lorsque j’ai parlé avec les uns et les autres, des gens qui peuvent être du bord politique du président de la république ou très opposés, je pense à des gens comme Elie Domota, Christiane Taubira et bien d’autres…Lorsque je leur ai dit voilà ce qu’on m’a proposé, que dois je faire, faut-il accepter ou pas…Lorsque vous avez des amis qui vous disent si c’est toi ça a du sens car on sait quel est ton propos et on sait que tu ne changeras pas une fois arrivé là, lorsque vous vous dites ça fait des années et des décennies que j’envoie des pierres contre les murs de la citadelle, et qu’on me propose d’entrer dans la citadelle et voir ce que je peux faire, c’est sûr qu’on se dit aussi ‘on peut me tuer’ à l’intérieur de la citadelle. Mais on peut aussi faire des choses et en sortir.

Mes engagements me font me dire que je ne peux plus accepter la discrimination en France. Je ne veux plus que la peau de quelqu’un soit un facteur pour l’empêcher de faire ce qu’il a à faire
Claudy Siar


J’ai fini par accepter au bout d’un mois et demi. En disant ‘j’établis une feuille de route précise, mais quelque soit le résultat de l’élection présidentielle, je veux en sortir à l’issue du scrutin ». Je n’entame pas de carrière. Je fais partie de ces très rares personnes qui plaident pour une mandature lorsqu’on est président de la république, et pas deux, car je crois que c’est durant l’unique et seule mandature qu’il est possible d’exprimer totalement son programme, ses projets, l’esprit qui est le sien, et ne pas avoir de calculs sur les deux mandats.

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Ça a été très compliqué car il a fallu que je mesure le rapport qu’il y a entre l’Etat français et les différents Etats d’Afrique et les populations d’Afrique. Il a fallu que je mesure ce que l’Etat aujourd’hui signifiait pour bon nombre d’originaires d’Outre-mer en terme d’idéologie politique et de dogmatisme (...) donc ça n’a pas été simple de prendre de décision. Et puis on se dit qu’à un moment donné dans une vie, lorsque vous avez le pouvoir d’inoculer le virus de l’égalité à ceux qui ne l’ont pas compris et notamment dans les sphères du pouvoir, vous vous dites que votre petite personne n’est rien.

Vous prenez aussi en compte le fait que le poste vous permettra de comprendre le fonctionnement des rouages de l’Etat. Et quelque soit les coups que vous prendrez, quelque soit les sacrifices que cela demande car ça en a demandé beaucoup et ça en demande encore beaucoup, lorsque vous vous dites militant, il faut peut-être aller jusqu’au bout des choses. A tort ou à raison. On verra.

Jamais un président de la république n’était allé aussi loin et n’avait eu une politique aussi volontariste pour les gens d’Outre-mer
Claudy Siar


Comprenez-vous que d’autres personnes refusent ce genre de proposition. A une époque, Lilian Thuram avait été pressenti comme secrétaire d’Etat aux sports, et avait préféré ne pas franchir le pas…

Je comprends tout à fait, et contrairement à ceux qui jugent de façon primaire les choix des uns et des autres, je ne juge jamais les choix. Ils doivent être en harmonie avec les personnes qui prennent ces décisions là et je ne juge pas. Je ne dis pas que telle personne est traître parcequ’elle a fait telle chose, ou telle autre personne a eu tort de ne pas faire ceci ou cela…Chacun est libre de faire ce qu’il veut. Et je pense que lorsque Lilian refuse, il le fait car il est en opposition avec une politique et avec un président qu’il a rencontré d’ailleurs.

Nicolas Sarkozy lors d'un voyage aux Antilles  
Nicolas Sarkozy lors d'un voyage aux Antilles
© getty
 

Lorsque moi j’accepte, je le fais parceque même si je suis en opposition sur certains aspects de la politique de mon pays, en ce qui concerne l’Outre-mer, jamais un président de la république n’était allé aussi loin et n’avait eu une politique aussi volontariste pour les gens d’Outre-mer. Ça se voit à tous les niveaux, dans les nominations, les discours faits, Cesaire au panthéon, dans le propos de mai 2011 pour les dix ans de la loi Taubira. Même les personnes qui étaient là –je pense à Serge Romana- ont dit « quel discours du président de la république ». Tout le monde était bluffé.
Donc à un moment donné comme je dis, je prends pour argent comptant le discours de Dakar. Je prends aussi pour argent comptant le discours sur Césaire au Panthéon, et le discours sur les dix ans de la loi Taubira.

Sur l’Outre-mer il y a une vraie politique. Alors, est ce qu’on se dit qu’on peut être un accélérateur de cette politique là et de la prise en compte, la prise de conscience des réalités des gens d’Outre-mer dans l’Hexagone (mon action se limite à l’Hexagone) ou est ce qu’on se dit « je n’y vais pas parceque je ne veux pas voir mon image égratignée »…J’ai passé mon temps à voir mon image égratignée, parceque je faisais tel ou tel choix. Mon engagement sur le continent [africain] et pour le continent m’a valu des attaques de gens d’Outre-mer. Les gens de Guadeloupe, Martinique etc disaient « Oui, pourquoi il n’y a que l’Afrique, pourquoi es tu tout le temps en Afrique… » Et pourtant je l’ai fait. J’ai pris des coups et en Afrique les gens ne le savent pas.

C’est pour ça qu’il y a eu la création de la radio « Tropiques FM », parceque j’ai voulu dire aux originaires d’Outre-mer « voilà ce que j’ai fais ». Et cela même si certains ont dit au début ‘’ça va être une radio vendue à l’Afrique…’’ Et je suis allé au bout de cela en devenant délégué interministériel. C’était une façon de dire que je restais aussi engagé pour ma communauté. Et je me fais encore attaquer…Mais c’est comme ça. Ce n’est pas très grave.




 
 

Vous avez participé au Black Caucus. Qu’est ce qui vous a conduit là bas, et quel bilan tirez-vous de ce déplacement et des rencontres que vous avez effectuées ?

Ce qui m’a conduit au Black Caucus [réunion annuelle de parlementaires afro-américains NDLR] c’est une opération que nous montons à la fin de l’année, les 4 et 5 décembre, et qui s’appelle « pourquoi pas moi », sur l’entrepreneuriat, afin d’aider tous ceux et toutes celles qui dans notre communauté travaillent sur l’innovation, l’entrepreneuriat de l’innovation...Il était essentiel de voir comment opèrent les Afro-américains, eux qui ont réussi à créer leurs propres réseaux, à comprendre les codes de l’Amérique blanche, et à créer leurs propres codes. L’idée n’était pas de s’inspirer, mais de comprendre comment ils avaient fait pour trouver nous aussi des solutions, (le modèle français est différent).

Avec Alain Dolium qui a conçu le forum "pourquoi pas moi". L’idée est d’être extrêmement concret, de trouver des solutions, et de créer des réseaux, des liens avec les grands capitaines d’industrie, les grands groupes français et ces créateurs d’entreprise.

L’idée est de faire en sorte de faire en sorte dans l’imagerie des uns et des autres, et pour nos enfants, qu’il n’y ait pas seulement une image de Noirs qui sont dans la musique ou le sport, mais également dans le monde de l’entreprise. [Nous on le sait mais il faut que tout le monde le sache].

Je ne veux plus que nous n'ayons que des miettes, que de petits bouts de France
Claudy Siar



On fait quelque chose qui est très pragmatique, très concret, avec ce forum « pourquoi pas moi ». Rencontrer des Afro-américains, des sénateurs, des membres du congrès, des membres de l’administration Obama, c’était aussi pour moi l’occasion d’être absolument sûr de cette idée que nous pouvons construire un autre modèle que le modèle afro-américain. Et depuis que j’en suis revenu, j’en suis convaincu : nous pouvons créer un autre modèle, en rupture avec cette politique de discrimination que nous subissons, nous pouvons être différents des Afro-américains.

Parfois, on voit tellement le modèle de réussite de certains Afro-américains (pas tous malheureusement) qu’on essaye de créer la même chose en France sans réaliser qu’on va droit dans un mur. Le mur est celui du modèle français et de l’identité française qui sont complètement différents. Il faut véritablement éviter ça. Les raisons d’un tel déplacement étaient de comprendre la société américaine, et les Afro-américains en particulier.

Mes engagements vont jusqu’à me faire dire que je ne veux plus accepter la discrimination en France. Je ne veux plus que la peau de quelqu’un soit un facteur pour l’empêcher de faire ce qu’il a à faire. Je ne veux plus que nous n’ayons nous que les miettes, que de petits bouts de France. Ce n’est plus acceptable. Ma détermination est grande et va au-delà de ma petite personne qui est attaquée par des gens de ma propre communauté, ceux pour qui on s’engage.

 
 

Je parlais de pragmatisme tout à l’heure...Je n’ai pas de parti politique, je ne suis ni UMP, ni PS. Lorsqu’on connait notre histoire, qu’on subit ce qu’on subit, comment voulez-vous entrer dans des partis politiques ? Vous devez vous dire « quel est celui qui veut faire quelque chose pour améliorer le sort des nôtres ? » C’est comme ça que je raisonne. Lorsque sur la problématique de l’Outre-mer, Nicolas Sarkozy a donné des gages…je me dis « Ok on y va ». Si on m’avait proposé autre chose, par exemple sur l’immigration, j’aurais bien évidemment dit non. Parce que je connais la politique de la France, pas la politique de la droite, car les charters existaient aussi sous la gauche. C’est pour cela qu’il faut que les gens arrêtent de dire « ah moi je suis de gauche » car ils sont plus humanistes.

Lorsqu'il s’agit de nous, il n’y a pas d’humanisme. Il y a des hommes et des femmes qui peuvent comprendre les problématiques, et ces femmes et ces hommes sont de tout bord politique. Il y a à l’intérieur de ces partis là de véritables freins, à l’établissement de la justice qui doit nous être rendue, et au fait que l’égalité qui doit primer dans notre pays.

Lorsqu'on voit le modèle américain et qu’on le compare au modèle français, on voit des discriminations partout. Alors qu’est qu’on fait ? On attend pour régler les problèmes ? Tout à l’heure vous me posiez la question sur Lilian Thuram. Mis à part les histoires qui ont eu lieu dernièrement (affaire des quotas NDLR), on ne peut pas dire qu’il y ait des problèmes de discrimination dans le football. Et si c’est pour être ramené au sport, il avait raison de refuser. Il a mis un terme à sa carrière sportive, ce n’était pas pour continuer. Aujourd'hui il a décidé de travailler contre les discriminations et pour l’égalité. Et je comprends qu’il ait refusé.

En allant au Black Caucus, je voulais comprendre la société américaine, et les Afro-américains en particulier, tout en gardant à l'esprit que le modèle afro-américain ne peut être répliqué en France
Claudy Siar



La lutte contre les discriminations, c’est le combat de ma vie. Depuis l’âge de 17 ans je suis engagé sur ces questions. Ça fait donc presque trente ans. Il est hors de question que je lâche sur ces problématiques.

Vous êtes intervenu il y a quelques semaines au sujet de l’affaire Elisor. Vous avez publié un communiqué...

Je suis intervenu dès le départ. C’est moi qui ai trouvé l’avocat à la famille Elisor (un Guadeloupéen de 33 ans lynché la nuit de la Saint Sylvestre et décédé le 5 janvier 2011 NDLR). A l’époque je dirigeais encore ma radio, et en plus Claudy Elisor souhaitait faire des choses avec moi…Dès le départ j’ai exprimé via un communiqué ma colère. J’ai appelé l’Elysée en disant « voilà ce qui se passe, ce n’est pas acceptable ». A l’époque le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux avait déclaré : « il n’y a pas eu d’incidents majeurs lors de la nuit de la Saint Sylvestre ». Ce n’était pas possible…Et la réaction qui a été la mienne à ce moment là aurait été la même aujourd’hui.

Vous avez l’impression que la justice n’avance pas assez vite dans cette affaire ?

On a un deuxième juge qui a été nommé, et le sentiment de la famille Elisor et le sentiment d’une grande partie de la communauté antillaise est qu’il y a un deux poids deux mesures. L’un des présumés agresseurs, qui avait été entendu comme témoin assisté, a pris la poudre d’escampette en sortant du bureau du juge et est aujourd’hui au Sénégal.

Dans l’affaire Ilan Halimi, on est allé chercher Youssouf Fofana. Dans ce cas, il faut aller chercher ce garçon et le ramener dans son pays puisqu’il est français. C’est ça qui provoque ce sentiment de deux poids deux mesures, et je ne veux pas qu’il perdure dans l’esprit des gens. Je veux que la justice fasse son travail. Je ne suis pas entrain de dire qu’elle ne le fait pas, mais il faut qu’elle comprenne l’émoi qu’il y a, et que cet émoi vient nourrir un sentiment qui existe depuis déjà trop longtemps, d’injustice et de deux poids deux mesures.

Pierre-Just Marny était le plus ancien détenu de France  
Pierre-Just Marny était le plus ancien détenu de France
 

Vous vous êtes également exprimé lors du décès de Pierre-Just Marny (qui était le plus ancien détenu de France avant son suicide NDLR)...

Dès que je suis entré en fonction, lors de mes premières interviews, j’ai dit ‘je veux agir pour que l’on libère Pierre-Just Marny’. Et là ça a créé un choc en Martinique et aux Antilles. Personne n’avait jamais parlé de Pierre-Just Marny. Tout le monde s’en fichait. Mais moi je savais quel était le calvaire de cet homme et quel était sentiment d’injustice. Voilà un homme qui a passé en tout 48 ans, dont 46 ans consécutifs en prison. Il fallait qu’il sorte à un moment donné car la perpétuité ne va pas jusque là dans notre pays.

Il fallait trouver une solution pour qu’il sorte, et elle avait été trouvée. Moi j’ai été extrêmement touché, blessé, je comprenais son ras-le-bol, sa douleur. Il avait le sentiment d’être un peu mené en bateau. J’ai vécu sa mort comme un échec. Beaucoup de portes avaient été ouvertes. Les avocats avaient été reçus à l’Elysée, et au ministère de la justice. On avait trouvé la solution pour que la commission se déplace en Martinique. Il aurait été libéré avant la fin de l’année.

Vous avez l’impression qu’il s’est dit que c’était une tentative de plus qui n’aboutirait à rien ?

Je ne lui ai pas parlé directement. J’aurais peut être du. J’aurais peut être trouvé les mots pour lui dire que cette fois on était sur le chemin et qu’il fallait qu’il ait confiance. Au départ, j’avais une opposition déterminée face à moi. Au sein du pouvoir, on m’a dit non. Et puis quand vous parlez, vous expliquez, au bout d’une heure, on vous dit "effectivement on va étudier".

Dans l'affaire Elisor, l’un des présumés agresseurs, qui avait été entendu comme témoin assisté, a pris la poudre d’escampette en sortant du bureau du juge et est aujourd’hui au Sénégal. Dans l’affaire Ilan Halimi, on est allé chercher Youssouf Fofana. Dans ce cas, il faut aller chercher ce garçon et le ramener dans son pays puisqu’il est français



Je sais que lorsque j’ai effectué mes premières déclarations, les avocats de Pierre-Just Marny m’ont appelé en disant que je leur avais redonné de l’espoir et sont venus à Paris me voir. Les portes s’ouvraient, et celle de Pierre-Just Marny allait s’ouvrir. Ses avocats l’ont d’ailleurs dit à la presse aux Antilles après son suicide. Je ne suis pas devenu délégué pour faire de la politique politicienne, mais pour faire des choses concrètes. La libération de Pierre Juste Marny était un symbole.

Quels sont les domaines sur lesquels vous travaillez à la délégation ?

Il faut travailler sur la précarité des nôtres car les nôtres appartiennent aux couches les plus défavorisées de la société française c’est pour cela que j’ai créé le programme solidarité. Il faut travailler sur l’entreprise car on ne peut pas travailler juste sur la précarité et ne pas travailler sur ce qui crée de la richesse, de l’emploi, et donc l’entreprise.

Il faut travailler aussi sur la culture car la culture c’est l’identité. On le fait à travers les assises de la musique, à travers le PMOM (pôle média outre mer), et à travers [la création] d’un lieu pour l’Outre-mer, clairement identifié, populaire, pour les spectacles vivants et les associations. C’est du concret, des symboles que l’on laisse.

Travailler sur la culture et l’identité, c’est travailler sur l’histoire. Je milite aussi pour que sur tous les calendriers, il y ait marqué «abolition de l’esclavage » à la date du 27 avril. Ce n’est pas normal que cet événement ne soit pas comme le 8 mai ou le 11 novembre présent sur le calendrier. Ça c’est du concret. C’est des choses qu’on laisse, c’est comme ça qu’on retravaille sur les imaginaires des uns et des autres.

Métropole est un terme colonial. Et comme le disait très justement Sartre, pour changer, il faut parfois changer les mots, car ces mots nous ramènent à un passé douloureux, à un passé d’inégalités.
Claudy Siar


 
 

Il faut travailler aussi sur le fait que la France ne peut plus continuer à se voir comme un Hexagone avec la Corse, par exemple lorsqu’on regarde la météo. Il y a une émission sur France 3 qui s’appelle « Connaissez-vous bien la France » où la France est symbolisée par la Corse et l’Hexagone. Ce n’est pas normal. C’est à travers ce genre de symboles qu’on peut reconstruire les imaginaires, pour que les uns et les autres se parlent et se regardent autrement. La télévision est trop importante dans notre vie pour qu’on dise juste "c’est anecdotique".

Lorsque le père de famille français Blanc de Perrigueux regarde sa télévision et voit tous les jours la Guadeloupe, la Martinique, Mayotte, Saint-pierre et Miquelon, il se dit : « la France c’est tout ça. Il ne se le dit pas en se posant la question. Ça devient une évidence et c’est ces évidences là qui nous permettent d’avancer. Par exemple, je souhaite qu’on arrête d’employer le terme de métropole, aussi bien les gens des Antilles que les gens en France.

Métropole est un terme colonial. Et comme le disait très justement Sartre, pour changer, il faut parfois changer les mots, car ces mots nous ramènent à un passé douloureux, à un passé d’inégalités. Et ça pour moi c’est du concret. Lorsque je viens pour ne rester qu’un an, c’est pour faire des choses extrêmement concrètes. Lorsque certains ne le comprennent pas, qu’ils sont simplement dans la jalousie, la bêtise, la méchanceté, c’est à eux même qu’ils font du mal.

Je le dis très clairement, malgré les difficultés, malgré les discriminations, je gagne très bien ma vie (...) j’aurais pu être en dehors de ça, m’éviter des ennemis et simplement faire carrière comme beaucoup d'autres
Claudy Siar



Moi, et je le dis très clairement, malgré les difficultés, malgré les discriminations, je suis quelqu’un qui gagne très bien sa vie, j’aurais pu être en dehors de ça, m’éviter des ennemis, éviter que dans les hautes sphères audiovisuelles on dise ‘c’est un militant, un activiste’, j’aurais pu éviter de soutenir Dieudonné, de soutenir plein de gens, et simplement faire ma carrière comme beaucoup d’autres.

J’ai grandi en banlieue, je sais ce qu’est la vie en banlieue. Aujourd’hui je vis dans l’un des quartiers les plus huppés de Paris, mais je sais exactement qui je suis. Je sais exactement quelle est la réalité des vies. Ma petite personne n’est rien aux regards des difficultés des autres. C’est pour cela que je m’engage. Et ce n’est pas un plan de carrière. Si j’avais fait un plan de carrière, j’aurais dit « OK », j’entre en politique pour y rester longtemps. Quelque soit le résultat de l’élection présidentielle, je retournerai à mon métier car je suis passionné par le monde de la télévision, de la radio, par ce que je fais…

Vous avez rappelé tout à l’heure que vous militiez depuis plusieurs décennies. Estimez-vous que les luttes contre les discriminations et la prise en compte de la diversité avance de manière positive ?

L’évolution est forcément positive puisqu’à l’époque où nous avons commencé à militer, personne ne tenait compte de ce que nous disions ou de nos manifestations. On disait ‘ces gens là se prennent pour qui…’ Aujourd’hui, ces débats font partie des débats qui agitent la société française. Donc oui il y a eu beaucoup d’avancées. Depuis même le moment où le 23 avril 1993 j’organisais la première marche commémorant l’abolition de l’esclavage, il y a eu cinq ans plus tard la marche de 1998 et en 2001 la loi Taubira. Donc oui évidemment les choses ont évolué. Même si aujourd’hui on peut encore entendre les critiques formulées à l’égard de la France sur le fait qu’elle n’intègre pas tous ses enfants...

 
 

Je comprends ceux qui estiment que ça ne va pas assez vite, mais dans le même temps, je veux leur dire qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible. La porte a été ouverte, nous sommes entrés dans la pièce, maintenant c’est terminé. Le seul retour en arrière serait le cas où on voudrait chasser de ce pays tous ceux qui sont non Blancs, ce qui n’est évidemment pas possible. Si en 1900, être Français c’était être Blanc et Catholique, en 2011, pour être Français il n’y a plus de couleur de peau et de religion. C’est une véritable avancée. C’est comme ça qu’il faut voir les choses. La part de combat que nous avons mené n’incombera pas à nos enfants. Eux auront leur part de combat à mener.

Le plus gros de mes combats –c’est pour ça que j’ai lancé le programme solidarité-, consiste à la fois à aider les personnes les plus vulnérables, les plus en difficulté, mais aussi à faire en sorte que les leaders d’opinion de la communauté des Français d’Outre-mer, (qui est à 80% afro), les chefs d’entreprises, les personnalités, les associations, se regroupent autour d’un programme, d’une idée commune : aider les autres. Pour qu'ils comprennent qu’on peut travailler tous ensemble lorsque l’intérêt commun est là.

Mais je m’aperçois que l’intérêt commun n’est pas quelque chose que nous partageons. Et que l’égoïsme, la bêtise et le manque de vision priment. Ce manque de vision, je le retrouve aussi bien en Afrique qu’aux Antilles, car comme je le dis souvent, il n’y a pas plus Africain qu’un Antillais dans son comportement. Nous avons toujours des visées à court terme, du mal à voir demain. Nous n’avons pas de vision stratégique. Et donc l’intérêt général ne veut rien dire, nous sommes uniquement dans l’intérêt individuel.

Je m’aperçois que l’intérêt commun n’est pas quelque chose que nous partageons. Et que l’égoïsme, la bêtise et le manque de vision priment. Ce manque de vision, je le retrouve aussi bien en Afrique qu’aux Antilles
Claudy Siar



Je sais que cela est du aux affres de l’esclavage et de la colonisation, (du néo-colonialisme aujourd’hui), du fait d’avoir eu peu et de se dire lorsque j’ai quelque chose : ‘je ne veux pas le partager’. C’est dommage. Je mène les combats pour que nos mentalités évoluent, pour que nous changions, que nous sortions de ces dogmes idéologiques et politiques. Que nous regardions quels sont nos intérêts, qui ne doivent pas être dissociés de l’intérêt national lorsqu’on est en France.

Il faut voir quels sont nos intérêts et arrêter d’avoir ces mentalités de colonisés qui nous font dire, même si nous ne le formulons pas de cette façon là, « Oui Bwana ». Certains peuvent dire, Oui mais Claudy, en entrant dans le gouvernement, est ce que tu ne fais pas exactement cela ? Il suffit de lire ma tribune lorsque je dis : « est ce qu’on ne voit dans l’outre-mer que les confettis de l’ancien empire colonial français ? »

On ne peut pas dire que j’utilise là un langage de Haut-fonctionnaire. Ma liberté je l’ai toujours et je la garderai jusqu’au bout. De même que ma détermination.


       
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