Et si le CRAN roulait pour l'UDF...
Par JB, mercredi 14 décembre 2005 à 23:25 :: Général :: #648 :: rss
Sur le plateau de ‘Mots croisés’ (France 2) ce 12 décembre, l’animateur Yves Calvi somme Jacques Marseille, historien, de citer quelques exemples d’aspects positifs de la colonisation. L’amélioration de la situation sanitaire dans les pays colonisés, avance-t-il, et conséquemment, la chute de la mortalité infantile : ‘les bidonvilles dans ces pays, sont peuplés d’enfants qui devaient mourir, et qui, maintenant vivent’… Calixte Beyala est interloquée ! Pascal Bruckner, philosophe, s’attache, lui, à mettre en évidence ce qu’il trouve être un apport essentiel de la culture occidentale, à savoir le développement de l’esprit critique. Pas moins ! Et du coup, le meilleur apport de la colonisation est la fourniture aux peuples colonisés d’armes conceptuelles qui leur permettent de se défendre et de chasser le colonisateur.
Cette lecture met Christiane Taubira hors d’elle : ‘Sans vouloir blesser personne’, commence-t-elle… Pendant la Seconde guerre mondiale, l’Allemagne nazie a occupé la France. Cette situation a suscité des phénomènes de résistance. Des leaders ont émergé, des individus se sont distingués. Peut-on dire que ce phénomène de résistance est un aspect positif de l’Occupation ? Demande la députée de Guyane à un auditoire médusé qui ne s’attendait pas à ce parallèle et a eu du mal à reprendre ses esprits. L’argument fait donc mouche. La suite du débat sur la question n’est que bruit. Un bruit qui a au moins eu le mérite de réveiller Calixte Beyala.
La romancière souhaite une France réconciliée avec elle-même. En même temps, elle abhorre les confrontations, les explications ponctuées d’éclats de voix, qui y conduisent. Autant dire qu’elle veut arriver sans partir. Elle est donc comme ces gens qui veulent aller au ciel, mais qui ne veulent pas mourir ! Elle, qui a choisi la France comme son pays sans renier le Cameroun qui l’a vue naître, a tranquillement accepté l’histoire de France dans sa globalité, avec ses pages glorieuses mais aussi les épisodes qu’on préfèrerait oublier. Elle ne veut pas de cette France où le regard des voisins de palier se charge de non dits accusateurs pour les uns, coupables pour les autres. Elle s’en prend à ces gens qui mettent la République en accusation et qui ne cessent de rabâcher l’histoire de France en se jetant des noms d’oiseau sur la figure. Christiane Taubira ne se reconnaît pas dans ce portrait. Pour François Bayrou, ce sont les déclarations des hommes politiques qui donnent ce sentiment, par exemple quand Nicolas Sarkozy déclare à ce sujet qu’on assiste ‘à une dérive préoccupante. Tout semble bon désormais pour instruire le procès de la France et faire assaut d'auto dénigrement’.
L’historien Pascal Blanchard qui explique le malaise de la République par ses propres contradictions (c’est la République qui colonise), rappelle aussi à la romancière que si la marmite explose, c’est qu’on a trop longtemps laissé monter la pression. En abordant la question plus tôt, poursuit-il, au lieu d’avoir la ‘crise’ des banlieues, on aurait eu des ‘crisettes’. Et puis, ajoute l’auteur de Paris noir (1) et de La fracture coloniale (2), ce n’est pas se perdre en conjectures de proposer qu’un gamin de banlieue ouvre son livre d’histoire et y lise que son ancêtre kabyle a participé à la construction du métro parisien ! Et j’ajouterais pour ce même lecteur de banlieue, que ce n’est pas construire une usine à gaz de proposer que soit inscrit dans ce même livre, que son ancêtre africain a sauvé la cité du sacre des rois de France (Reims) de l’envahisseur allemand pendant la Première guerre mondiale ! Ce sont des faits concrets relatifs à l’histoire, qui inscrivent les jeunes dans la République, ce ne sont pas des revendications fumeuses, ni des attitudes victimaires qui empêchent d’avancer, n’en déplaise à Calixte Beyala.
Yves Calvi invite à élargir la perspective en citant le cas d’autres pays européens, tout autant que la France, anciennes puissances coloniales, mais dans lesquels le débat n’oppose pas deux visions contrastées de l’histoire. Il faut se réjouir, observe Christiane Taubira qui se méfie des homogénéisations et des nivellements comme ceux prescrits par les promoteurs des aspects positifs de la colonisation, que le problème se pose et se règle différemment en France. François Bayrou souligne à l’endroit des révisionnistes qui ont pondu ce texte, que l’ ‘histoire officielle’ est un attribut des totalitarismes. Plus généralement, poursuit-il, on ne peut comprendre le phénomène colonial sans en référer à Jules Ferry, qui inscrit cet expansionnisme dans la course aux débouchés économiques, en avertissant : « si nous n’y allons pas, ce sont les Espagnols et les Anglais qui le feront. » Des motivations similaires que cet ancien ministre de l’Education transpose dans le débat actuel ?
L’électorat noir de France s’organise. Il est à séduire. A conquérir ? Patrick Lozes, président du CRAN, est un lieutenant de François Bayrou. Le président de l’Union pour la Démocratie française (UDF) qui ne fait pas mystère de sa volonté de faire exploser la frontière entre la Droite et la Gauche françaises s’est montré bien proche dans l’argumentation, de la députée de Guyane. On se souvient que la Gauche française s'est refondée autour de la décolonisation de l'Algérie. Une stratégie visant à inscrire le vote noir au Centre, se mettrait-elle en place pour booster l'UDF avec la mise en orbite du Conseil représentatif des associations noires ?
Notes : (1) Hazan, 2001 ; avec Eric Deroo et Gilles Manceron. (2) La Découverte, 2005 ; avec Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire.
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