L’Afrique idéalisée aux Etats-Unis.

Molefi Kete Asanté relate l’expérience « il y a quelques années » d’un « Africain Américain, vêtu d’un agbada Yorouba et se présentant sous le nom d’Olaitan Olayide… Il « fut salué avec respect dans le Sud, dans des endroits dont l’accès aurait été interdit à James L. Smith. Vêtu d’un ‘Botany 500’ et se présentant comme James L. Smith, ou même Dr. James L. Smith, on aurait refusé de servir ce même Africain Américain. (…) » (Afrocentricité, Ed. Menaibuc, p.p. 61-62). Le cas n’est pas général, mais dans ce patelin, ce jour-là, l’Afrique a été honorée, à la seule vue d’un vêtement qui l’évoquait.

Et méprisée en France.

En France, il n’aurait pas été nécessaire à l’ami James L. Smith de mettre un costume africain pour susciter égards et considération : sa seule origine afro américaine aurait suffit (le mythe de l’Amérique, sûrement !)… Au contraire son accoutrement africain lui aurait sans doute attiré des ennuis du genre : « Vos papiers… ». Car en France, ce qui évoque l’Afrique typique provoque la méfiance, inspire le mépris ; au mieux, dicte la condescendance, à l’image de ces statuettes africaines délicatement posées sur des coins de bureaux comme pour caresser l’ego colonial. Ce sentiment de supériorité a parfois des résurgences saisissantes. C’est lui qui dicte cette sortie de Nicolas Sarkozy au Tchad à l’occasion de laquelle il déclare au sujet de ses compatriotes impliqués dans l’affaire de l’arche de Zoé que, quoi qu’ils aient fait, il irait les chercher. Et il y est parvenu ! C’est encore en vertu de ce mépris du continent africain, voire de ses habitants que les pirates du Ponant ont pu être exfiltrés de Somalie pour venir rendre compte devant la justice française, pour un forfait pourtant commis dans leur pays.

Alors la question est : pourquoi ce qui est africain suscite ces attitudes contradictoires en France et aux Etats-Unis ?

Voici pourquoi !

On pourrait avancer l’ ‘affirmative action’ comme piste pour tenter une explication. Aujourd’hui aux Etats-Unis et quoi qu’on en dise en France, l’affirmative action montre ses résultats. On n’y est plus à mener (seulement) des combats pour la dignité et le respect. Désormais, tout y est possible. Au pays de l’Oncle Sam, la couleur de la peau n’est plus un obstacle pour accéder aux plus hautes fonctions. Il suffit d’être pertinent, convainquant, compétent. Comme Barack Obama. Pendant que les Etats-Unis la promouvaient, en France, on ‘assimilait’, c’est-à-dire infériorisait les Africains en les qualifiant de ‘primitifs’ et taxant leurs arts de ‘premiers’ ! La supercherie dure encore… Et pour que la leçon rentre bien dans les crânes, un matraquage médiatique subtil et organisé achève le travail.

Deux stratégies de l’homme noir en France.

Le reniement de Gaston Kelman. C’est pour échapper à cette petite condition du Noir en France que Gaston Kelman s’est cru obligé de renier le manioc, 'absent' de son nouvel environnement d'adoption. Depuis en effet, il a accès aux plateaux de télévisions occidentales. Pour débiter des inepties. Comme de dire qu’avec la mort d’Aimé Césaire, « c’est une page qui se tourne. » Non, frère Kelman, ce n'est pas une page qui se tourne, c'est une vérité qui éclate ! Et qui crève les yeux, puisque le magazine économique Challenges du 24 avril 2008 le remarque à travers l'éditorialiste Ghislaine Ottenheimer : « un des moments forts des obsèques d'Aimé Césaire fut la lecture des textes du poète disparu. A l'issue de la cérémonie, nombre de Martiniquais ont regretté de ne pas les connaitre, de ne pas les avoir appris en classe... »

La revendication de sa singularité, d’Aimé Césaire. La faute à l'école « imprégnée de grands principes datant de Napoléon, poursuit Ghislaine Ottenheimer. Par souci d'unification, ce dernier voulait que tout le monde fasse la même dictée à la même heure. Aujourd'hui, dans un univers mondialisé, uniformisé, l'école doit au contraire donner des racines, distinguer des modèles auxquels peuvent s'identifier les élèves. Et ce ne sont pas forcément les mêmes à Fort-de-France, à Bobigny ou à Rennes. » Alors, plutôt que d’inviter au reniement auquel Césaire n’a pas cédé, Gaston Kelman devrait s’arrêter un peu pour se replonger dans l'oeuvre du grand poète et dans l’histoire de l’Afrique. Cela lui éviterait d’être approximatif sur le sujet comme l’autre jour dans l’émission d’Alain Foka. Surtout, il baignerait heureusement dans un univers autre, qui le changerait de l’ébahissement perpétuel devant la tour Eiffel et autres symboles du même acabit. Avec l’espoir qu’il reviendrait un peu changé de cette immersion, et enfin instruit de ce que : tout ce qui s'élève n'atteint pas Dieu, comme tout ce qui brille n'est pas or ! Bling Bling…