Il y a quelque temps, alors que j’étais assise dans un train allant de Lower Manhattan à Harlem, j'ai à tout hasard écouté une étrange conversation.

Une africaine américaine parlait d’un ton animé avec ses amis d'un voyage qu’elle planifiait d’effectuer au Sénégal, duquel elle envisageait de retourner avec un souvenir inhabituel : un homme africain dont la peau serait si sombre que l’on serait incapable de le voir de nuit.

Ses commentaires terribles me rappelèrent un échange que j'avais eu au Nigeria, d’où ma famille est originaire, avec un New-Yorkais qui m’'avait confié qu’il s'était attendu à voir des lions et des tigres parcourant les rues de Lagos.

Bien que j'aie trouvé les deux conversations offensantes, j'ai été plus choquée par le fait que dans les deux cas, il s’agissait d’africains américains qui étaient en train de révéler leur ignorance des Africains. Après tout, nous partageons une connexion avec ce continent – n’est-ce pas ?

Malgré le fait qu’ils revendiquent l'Afrique comme étant partie de leur identité raciale, la vérité est que beaucoup d'africains américains semblent ignorer les réalités de l'Afrique et de ses habitants. Msia Kibona Clark, un professeur assistant en visite au département d’études africaines de l’Université de Howard indiquait dans une circulaire pour étudiant que généralement, les étudiants Africains Américains pensent que "les Africains sont des arriérés ... et que tous les Africains sont pauvres". Certains étudiants, selon elle, "se posent la question de la présence de grandes villes dans les nations africaines. Ils croient que tous les Africains viennent d'un village." Je me rends compte que de tels malentendus ne sont pas dépourvus de contexte.

Le fait d’arracher les Africains à leur patrie et des les emmener en Amérique en tant qu’esclaves a irrévocablement cassé le lien entre eux et ceux qui sont restés sur place – en créant des divisions social, culturel et historique. Avec l'esclavage et la lutte pour les droits civils étant considérés comme des éléments fondamentaux de l'expérience des africains d'américains, on estime que ceux qui sont arrivés plus récemment - volontairement - ne peuvent pas véritablement comprendre l'expérience des noirs.

Ce qui n’aide pas en plus, c’est le fait que l’exposition de beaucoup africains américains à l’Afrique et leur connaissance du continent sont formées par le discours occidental qui présente souvent une portrait faussé des Africains comme des primitifs empêtrés dans les conflits tribaux, le VIH, la pauvreté, la famine, la guerre civile et la corruption.

La prédominance de cette vision de l'Afrique est telle qu’il y a plusieurs années Keith Richburg, un correspondant africain-américain en Afrique pour le Washington Post, a écrit un livre intitulé Out Of Africa dans lequel il déclarait : Merci Seigneur, mes ancêtres en sont sortis, car aujourd’hui, je ne suis pas l’un d’eux.

En bref, Dieu Merci, je suis un américain". Il poursuivait en disant : "je suis un étranger ici en Afrique, à la dérive. Je leur ressemble… mais je ne peux pas comprendre ce que signifie le fait d’être l’un d’eux. C'est vrai, mes ancêtres sont venus de cet endroit, ceux sont mes cousins éloignés. Mais un gouffre s’est ouvert, un gouffre de 400 ans et 10 000 miles.

Rien dans mon éducation, ne m'a inculqué d’aucune manière ce que doit signifier le fait d’être un Africain. "

Même si ses mots provoquèrent la controverse, partant des conversations que j'ai eues, il semble que, la vision de Richburg n'est pas si peu commune.

Les préjugés sont vivement ressentis par les migrants africains, ou leurs enfants. Une connaissance de parenté nigériane qui est née et a grandi à Washington m'a dit que, alors qu’il s’était toujours référé à lui-même en tant qu’africain américain, il a très vite été remis à sa place au collège par de "vrais" Africains Américains qui lui ont dit que ses origines nigérianes faisaient qu’en fait ils ne faisait pas partie de leur groupe. Il se sent totalement américain, pourtant, il est aussi considéré comme un étranger par certains africains américains. Cette division interraciale ne peut pas continuer. Un nombre plus important de migrants africains récents signifie que le visage de l'Amérique noire change.

Environ 110 000 Africains sont arrivés aux États-Unis entre 1961 et 1980, contre 530 000 entre 1981 et 2000. Les Africains et les africains américains doivent s’entendre, car plus on avance dans le temps, plus ils se frotteront les uns aux autres.

Une des plus grandes tragédies de l'esclavage et de ses séquelles qui persistent, était le vide qu’il a créé dans la connaissance qu’ont les gens d’eux-mêmes, à travers un lien avec la culture africaine et l'héritage. Ce lien avec la culture africaine est toujours disponible, mais les fausses perceptions de l'Afrique et sa population continuent à agir comme une barrière.

S’il y a naturellement certaines parties de l’Afrique qui sont pauvres, il y a également une grande partie de l'Afrique qui est formidable – au-delà des safaris et des voyages dans les châteaux d’esclaves. Au cours des toutes dernières années, de nombreuses parties de l'Afrique ont connu un boom dans les industries telles que la mode et la musique, dans la technologie et dans la vie nocturne et dans d’autres activités culturelles. J'attends impatiemment mes voyages annuels au Nigeria, en Afrique du Sud ou au Mozambique de la même manière que je le fais pour les voyages en Europe ou ailleurs.

Évidemment, l'ignorance ne se manifeste pas exclusivement d’un côté : les Africains ont bien sûr également leur propre lot de préjugés – par exemple, leur croyance selon laquelle les Africains Américains ont une rancœur au sujet de l'esclavage et ne se préoccupent pas de leur éducation.

Ces fausses perceptions de part et d’autre n'ont pas besoin d'exister.

Plus important encore, le fait est que les noirs en Amérique - sans tenir compte de leur origine - sont toujours disproportionnellement affectés par les questions comme le VIH/SIDA, la discrimination et l'inégalité économique. Autant les africains américains que les Africains doivent faire face à ces divisions interraciales, car les préoccupations qui nous concernent aujourd’hui sont toutes trop réelles.