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En avril 2001 un navire battant pavillon nigérian, le MS ETIRENO, captivait l'attention du monde: A son bord, une cargaison d'enfants-esclaves.

Le bateau, dont le port d'origine était Cotonou au Bénin, s'était vu refuser l'acces au port de Libreville au Gabon, ou les enfants étaient censés etre absorbés dans le travail au noir.

Cela fait bien quatre ans aujourd'hui, mais la situation n'a guere changé. Selon l'Organisation Internationale du Travail (OIT), 48 millions d'enfants agés au plus de 14 ans - soit un tiers de la population totale de cette tranche d'age - 'travaillent' en Afrique sub-saharienne.

Le scénario classique: un(e) marchand(e) d'esclaves approche une famille dans un pauvre village, promet monts et merveilles aux parents de l'enfant; ceux-ci le lui confient en toute confiance (il s'agit le plus souvent d'un parent éloigné), en échange de quelques billets. Ils ne reverront jamais leur enfant.

Une fois dans le pays de destination (Gabon, Cameroun, et recémment, Guinée Equatoriale), ces enfants sont vendus a une matronne sans scrupules qui les soumet a un esclavage qui ne dit pas son nom: le travail forcé.

Ils se levent tot, et couchent tard; on les voit dans les rues, vendant beignets, eau fraiche, toute sorte de pacotille, alors que leurs semblables vont a l'ecole. Le plus ironique c'est que les matronnes ont elles-meme des enfants qu'elles chérissent...

Dans certains cas, quelques barons locaux les 'emploient' (servitude domestique involontaire, selon le langage du Departement d'Etat américain) comme femme de ménage et nounou; dans d'autres cas (au Nigéria par exemple), une partie des filles sont destinées au marché d'esclavage sexuel en Europe. Au Mozambique, les jeunes filles sont également vendues en esclavage sexuel, cette fois en Afrique du Sud...

Mais l'exploitation sexuelle n'est pas aussi flagrante partout. Dans certains lieux, elle revet un semblant de moralité. Qui, par exemple, n'a pas entendu son pere, sa mere, son oncle, sa tante, bref un proche, encourager ses filles a coucher avec un homme trois fois son age pour se faire 'une situation'? Des 'Maïmouna' (la belle du roman d'Abdoulaye Sadji, vous vous souvenez?), il y en a dans presque chaque famille.

Au Darfour soudanais, les enfants subissent le même traitement que les adultes: tortures, tueries, viols...

Au Libéria, tout comme en Sierra Leone, ces innocents enfants sont transformés en soldats de la mort. Et si l'on en croit le magazine Courrier International (N° 762 - 9 juin 2005: "L'Afrique qui Marche"), on voit des «enfants-soldats de 8 ans pistolets-mitrailleur au poing» semer la terreur dans ces deux pays et aussi en Cote d'Ivoire.

Le cas le plus triste dans ce sens est bel et bien l'Ouganda, ou un certain Joseph Kony, leader du tristement célebre mouvement rebelle LRA, conduit des raids armés dans les villages de la région du Nord ou ses troupes kidnappent les enfants (9-14 ans). Une fois dans leurs camps (zone ou les troupes du gouvernement de Museveni n'osent plus s'aventurer), ces enfants sont soumis a un lavage de cerveau brutal.

On leur apprend a tuer, torturer et kidnapper d'autres enfants. Quant aux fillettes, elles sont soumises au viol et forcées a cuisiner pour les rebelles. Et cela dure depuis 18 ans... (Quelques rares chanceux qui ont pu s'échapper racontent avec horreur la vie dans ces camps, et il existe un documentaire traumatisant en anglais sur ce sujet: INVISIBLE CHILDREN)

En Angola, ce sont les mines anti-personnel qui ravagent les jambes des enfants. Aujourd'hui la guerre est finie, mais les mines sont toujours la, et les enfants qui aiment courir ça et la prennent le risque de se faire exploser a tout moment. En fait durant la guerre, une rumeur circulait selon laquelle aussi bien l'UNITA que les FAA utilisaient les enfants comme espions et testeurs de mines. L'idée était d'une simplicité diabolique: pour eviter toute embuscade, deux ou trois gamins sont mis au-devant des troupes. Imaginez la suite...

Au Sénégal, l'exploitation des enfants prend une forme tout aussi sinistre, avec la seule différence que la-bas, la chose est soigneusement recouverte d'un manteau de sainteté: c'est au nom du Saint Coran que l'on exploite.

On voit ces pauvres enfants - les ' Talibés ' comme on les appelle - mendier a tout coin de rue, chétifs et négligés, parfois condamnés a servir de guide a un mendiant adulte aveugle...tout cela au nom d'Allah.

Et c'est la un phenomene qui dure de longue date. Déja dans les années 80, l'illustre écrivaine Aminata Sow Fall dénonçait de maniere indirecte cette exploitation dans son roman intitulé LA GREVE DES BATTU...

Comment sommes-nous, Africains, tombés si bas?

L'Afrique dans laquelle j'ai grandi etait une Afrique ou l'on appelait chaque homme mur Papa, et chaque femme mure Maman ou Tante... En retour, chaque adulte était censé contribuer au bien-etre et a l'épanouissement des enfants, qui du reste étaient censés représenter le plus grand trésor de la communauté...

Et voila que les adultes se mettent a torturer, tuer, exploiter les enfants avec cruauté, tout cela pour un gain financier. S'il est vrai que les enfants d'aujour'dhui sont les leaders de demain, alors, il faut l'avouer, l'Afrique est VRAIMENT mal partie...