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Le film « American Gangster », dans lequel jouent Denzel Washington et Russell Crowe fait actuellement un tabac au box-office américain (80 millions de dollars rapportés en deux semaines d’exploitation aux Etats-Unis), et est pressenti comme un des favoris des prochains oscars…Mais cela n’a pas empêché certains journalistes afro-américains de critiquer le film, qui selon eux donne à la vie de gangster à un statut presque « héroïque ».
Le journaliste du Philadelphia Daily News, Elmer Smith, a ainsi écrit que le film a amené la vie de gangster à une nouvelle hauteur, à une génération qui ne se souvenait pas de ce que c'était la vie de Gangster, ou n’y prêtait pas attention.
Betty Bayé, une journaliste du Louisville Courier-Journal, a déclaré qu’elle avait discuté avec un de ses amis, qui est un ancien enseignant de New-York, et qui lui a dit : « Frank Lucas (le trafiquant de drogue interprété par Denzel Washington NDLR) est le diable...et certains idiots vont aller voir le film et se dire qu’ils veulent juste être comme lui »...
Un journaliste du New-York Daily News, Stanley Crouch, a comparé le film à un documentaire diffusé sur la chaîne afro-américaine BET, intitulé « American Gangster », et qui revenait notamment sur la vie de Lucas. Pour lui, dans le film, le personnage de Lucas est en décalage complet avec ce qu’il était dans la réalité : « On a donné à Frank Lucas des qualités qu’il n’avait simplement pas. Son personnage est dépeint comme quelqu’un de sophistiqué, posé, qui lit, et à qui il arrive d’avoir des éruptions de violence de temps en temps. En fait, le documentaire de BET montre qu’il était illétré.
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Non seulement il a tué des gens pour montrer qu’il était sans pitié dans le monde du banditisme, mais a même lancé un contrat sur la tête d’un de ses propres frères, qu’il avait fait venir de Caroline du Nord pour travailler dans le trafic de drogue avec lui. Lucas n’a annulé le contrat que parcequ’un autre de ses frères avait déjà été tué, et il ne voulait pas que sa mère pleure deux fils en même temps. Un homme qui tenait à sa famille en quelque sorte...Mais que de telles « qualités » ne figurent pas dans le film font de ce dernier une sucrerie certes agréable à consommer, mais hautement empoisonnée. »
Frank Lucas est toujours vivant, et Denzel Washington l’a rencontré. Initialement, l’acteur était réticent à jouer le film mais a fini par revenir sur sa décision. Mais a néanmoins précisé qu’il n’avait pas fait le film « pour glorifier un dealer de drogue », et qu’il l’avait dit à Frank Lucas lorsqu’il l’avait rencontré. L’ex-gangster, aujourd’hui âgé de 77 ans, était présent sur le tournage du film, pour donner quelques conseils. Interrogé par l’Associated Press, il dit regretter sa période gangster : « j’ai fait des choses terribles. Je suis terriblement désolé, je le suis vraiment ». Lucas s'occupe d'une association fondée par sa fille Francine, qui collecte de l'argent pour les enfants dont les parents sont incarcérés.
Cette dernière avait passé une partie de sa vie à cacher que son père était l'un des pires trafiquants de drogue de Harlem...Avec la sortie du film, elle peut enfin se soulager en s'exprimant. Nicholas Pileggi, producteur exécutif du film, et auteur de « Wiseguys », le livre sur lequel est basé le film « les affranchis », déclare que Lucas ne pourra jamais connaître la rédemption pour ce qu’il a fait, ne pourra jamais ramener les enfants morts, mais qu'il y a néanmoins « une rédemption ou une renaissance lorsque l’on réalise que ce que l’on a fait était mal ». Frank Lucas avait révolutionné le trafic de drogue en mettant au point une pratique inédite : il importait de l’héroïne pure d’Asie du Sud-Est qui était transportée dans les cercueils de soldats américains morts pendant la guerre du Vietnam, et dont les corps étaient ramenés aux Etats-Unis.
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Frank Lucas aujourd'hui âgé de 77 ans
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La "Blue Magic" (le nom qu’il donnait à son héroïne) était 100% pure, plus forte que toutes les autres drogues disponibles dans la rue, et vendue à un prix inférieur à celui de la concurrence. Le succès de ce trafic fut tel que lors de son arrestation en 1974, Lucas pesait selon Russell Crowe (qui joue le rôle du policier qui traque Lucas) 250 millions de dollars (qui équivaudraient à au moins 1 milliard de dollars aujourd’hui)
Pour Russell Crowe interrogé par la BBC, « la brillance et le génie que Lucas avait mis en œuvre pour bâtir sa fortune » [dans le trafic de drogue] est équivalent à la brillance et au génie que Bill Gates a mis en œuvre pour bâtir son empire. On ne sait pas si Bill Gates apprécierait la comparaison, mais le personnage de Lucas a tellement fasciné Russell Crowe que le rôle de Lucas était son premier choix lorsqu’il découvrit le script...
Avec "American Gangster", la vie de Frank Lucas suscite un nouvel intérêt, et certains témoins de l'époque, comme Mayme Johnson, 93 ans, et veuve de Ellsworth "Bumpy" Johnson, se font entendre. "Bumpy" Johnson est le mentor de Lucas dans le film, et Lucas a toujours affirmé qu'il était mort dans ses bras. Pour Mayme Johnson, son défunt mari n'avait jamais fait confiance à Lucas, et n'est de surcroît pas mort dans les bras de ce dernier comme il l'a affirmé à la presse. Frank Lucas n'a pas fini de faire parler de lui, et "American Gangster", en lui redonnant en quelque sorte une nouvelle vie, le fera certainement entrer définitivement dans la mythologie des grands gangsters américains...
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Bande-annonce de American Gangster |
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