
A l’occasion de la visite de Mouammar Kadhafi qui arrivait en France le 10 décembre, jour de la journée mondiale des droits de l’homme, Rama Yade avait accordée une interview tonitruante au journal "Le Parisien", dans laquelle elle ne mâchait pas ses mots à l’égard du "guide".
Avant de s’exprimer, Rama Yade avait fait savoir à l’Elysée qu’elle allait parler dans la presse, et avait reçu le feu vert de Claude Gueant. Mais selon ce dernier, cité par le Canard Enchaîné, contrairement aux usages, Rama Yade a omis d’envoyer le texte de son interview à l’Elysée pour relecture.
"Même Fillon nous envoie ses entretiens avec la presse avant leur parution. C’est une question de courtoisie" aurait dit le secrétaire général de l’Elysée. Selon le journal satyrique, Nicolas Sarkozy a notamment dit à Rama Yade : "Il y a des limites. Tu ne peux pas te servir de ton secrétariat aux Droits de l’homme pour mettre en cause la diplomatie de la France et la politique du président".
Le président français aurait ajouté par la suite que "Rama [Yade] s’est servi du feu vert de Gueant pour mouiller tout le monde." Claude Guéant a dit plus tard aux journalistes que c'était le président, et non Rama Yade qui représentait la voix de la France. Le jeudi 13 décembre au Sénat, Rama Yade qui a bien reçu le message présidentiel, est revenue sur ses propos en déclarant devant les sénateurs que la visite de Mouammar Kadhafi "recevait le soutien de l’ensemble du gouvernement".
Contrairement à ce que croyaient certains observateurs, la sortie de Rama Yade n’était pas téléguidée par l’Elysée, et a même fortement déplu à Nicolas Sarkozy, bien qu’il ait renouvelé sa confiance à la secrétaire d’Etat. Rétrospectivement, ce n’est pas une si mauvaise affaire pour lui puisqu’au final, l’opinion retiendra que des membres du gouvernement ont trouvé à redire à la visite de Kadhafi, et ont défendu la patrie des droits de l’homme ("La France n'est pas qu'une balance commerciale").
Reste à savoir quelle sera maintenant la marge de manoeuvre de Rama Yade en matière de politique étrangère où comme le lui a rappelé Nicolas Sarkozy, la politique de la France ne peut pas être remise en cause unilatéralement. Même si elle n'a jamais caché l'antipathie que lui inspirait par exemple certains autocrates africains, elle devra composer avec. A moins de démissionner, ce qu'elle a exclu de faire. |