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Pouvez-vous vous présenter à nos internautes?
Ce n'est pas toujours facile de se présenter soi-même, parce qu'il faut faire la part des choses entre ce qu'on a envie de dire et ce qui peut intéresser les gens. En deux mots je suis originaire de la Côte d'Ivoire que j'ai quittée à l’âge de 13 ans mais à laquelle je suis très attaché. J’ai fait toutes mes études secondaires et universitaires à Poitiers en France. Après ma maîtrise d'Allemand et d'Anglais, j’ai fait l'école de Journalisme de Lille.
J’ai commencé comme journaliste à France Télévisions en 1988, principalement à France 3. J’ai travaillé dans une vingtaine de stations en Corse, à Bordeaux, Strasbourg, Rennes, au Mans où je m’occupais des sports, à Nancy où je présentais le journal télévisé ou encore à Dijon où j’ai notamment couvert l'affaire Grégory (NDLR: meurtre d'un gamin de 8 ans en 1984).
Ça a duré 5 ans. Et parallèlement à ça, je collaborais à pas mal de médias, que ce soit TV5, Africa N°1, ou encore comme correspondant à Paris du quotidien ivoirien Fraternité Matin.
En 1993, j'ai eu envie de changer d’horizon et je suis passé à RFO, d'abord à Paris où je présentais le journal télévisé pour tous les départements d'Outre-Mer puis en Guyane où j’ai également présenté le JT pendant un an avant de débarquer en Martinique où je fais la même chose depuis 10 ans.
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Qu'est-ce qui vous a poussé vers le journalisme?
En fait, je suis plutot tombé dedans. Mon père était dans les années 70 l'un des animateurs vedettes de la télévision nationale en Côte d'Ivoire, la RTI. Et comme tous les enfants je rêvais de de faire comme lui, de lui ressembler avec cette particularité étonnante : je lui ressemblais tellement physiquement qu'on m'appelait « photocopie ». On m'arrêtait à tous les coins de rue. Donc depuis gamin, je savais que j'allais faire ce métier et c'est ce qui est arrivé tout naturellement
Après l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, vous intégrez la chaîne publique France 3 en même temps que vous intervenez dans d'autres médias africains. Pouvez-vous nous parler de cette période de votre carrière?
Disons que ce qui m'a toujours intéressé c'est d'assumer les deux parties de moi-même : mon côté africain par mes origines et mon côté européen par mon éducation. J'ai donc envie chaque fois que je pose un acte dans la sphère européenne où je vis d'en faire tout simplement bénéficier ma Côte d'Ivoire et mon Afrique natales.
C'est pour cela que, lorsque je travaillais à France Télévision avec la possiblité d'accéder à une foule d'informations intéressantes pour l'Afrique, je m'arrangeais toujours pour en faire profiter tel ou tel médias africains en m'attachant à être son correspondant alors que je n'en avais absolument pas besoin financièrement. Mais pour moi, ça me permettait de trouver un équilibre dans ma vie. |
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Serge Bilé préparant son journal
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Qu'est-ce qui vous pousse ensuite, vous le non-antillais, à rejoindre RFO Paris?
Tout simplement l’envie d’aller voir ailleurs et d’aller travailler pour des gens qui me ressemblent. Il faut savoir qu’entre le moment où je suis arrivé en France en 1973, avec séjour en pension puis dans une famille française et le moment où j’arrive à RFO en 1993, j’ai quasiment peu évolué dans le monde des Noirs. Et ça me manquait de plus en plus. C’est tout bête mais c’est comme ça que j’ai franchi le pas.
J’ai donc d’abord débarqué à RFO Paris. On m’a ensuite demandé de venir à RFO Guyane à RFO Martinique. Ça a vraiment été le hasard parce que je n’avais jamais imaginé un jour vivre Outre-mer et encore moins m’y installer.
Et aujourd'hui vous êtes le présentateur vedette du journal de RFO Martinique
Disons que je fais partie des présentateurs maison. J'ai cette chance extraordinaire d'avoir été adopté par les martiniquais et ça me touche énormément parce que comme vous le savez les rapports entre antillais et africains ne sont pas toujours faciles. Il y a beaucoup de méconnaissances de part et d’autre. Je l'ai vécu. Je l’ai surmonté avec l’aide de beaucoup de gens ici qui ont su apprécier mon travail et qui m’ont encouragé. Ça me prouve qu’il suffit de peu de choses pour faire tomber les barrières. |
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Serge Bilé (à droite) en compagnie d'Aimé Césaire (à gauche)
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Quels conseils donneriez-vous à de jeunes africains souhaitant devenir journalistes en Europe comme vous?
Le conseil principal c'est qu'ils aient en eux un immense désir de liberté et le courage de l'assumer. Je sais que ce n'est pas évident en Afrique où on vous jette en prison pour un oui ou pour un non. J'ai connu ça sous Houphouët Boigny. Je suis resté un mois à la Maison d’arrêt d’Abidjan pour avoir, alors que j’étais en vacances là bas, critiqué l’arrestation du leader de l’opposition de l’époque, un certain Laurent Gbagbo.
Je précise que la liberté ce n’est pas uniquement l’art de jeter à la face des tyrans leur quatre vérités. Il y a des choses qu’on peut dire subtilement à travers des codes que peuvent comprendre nos lecteurs, nos auditeurs ou télespectateurs.
Je cite toujours cet exemple que j’ai beaucoup apprécié en Côte d’Ivoire. C’était en 1987. L’un des neveux de Houphouët-Boigny, le ministre Ahoussou Koffi avait été enlevé en plein cœur d’Abidjan par un de ses associés français qui réclamait à sa famille en guise de rançon le règlement d’une dette ancienne. Toute la Cote d’Ivoire l’avait appris dans l’après-midi grâce à RFI. Mais les journalistes locaux avaient pour consigne de ne pas en parler au journal de 20 Heures. Eh bien l’un d’entre eux, le présentateur du JT, Dégny Maixent, a fait ce soir là quelque chose d’extraordinaire. Il a commencé le journal sur un ton grave par cette formule : « la nouvelle vous la connaissez déjà… ». Alors bien sûr tout le monde s’attendait à ce qu’il parle de l’affaire. Eh bien non, lui malicieux il nous a tous pris à contre-pied en enchaînant dans un grand sourire une information insignifiante du genre: « les planteurs ont tenu leur réunion annuelle ce matin ». On avait tous compris ! C’est ça un journaliste libre ! |
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Des noirs dans les camps de concentration nazis
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serge-bile.com |
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Vous êtes également un réalisateur de documentaires ou films, sur des faits historiques pour lesquels les noirs sont peu présents dans l'imaginaire collectif. Vous avez par exemple tourné Saint-Maurice, le premier saint noir de l'église catholique, ainsi qu'un documentaire sur les noirs en camp de concentration. Pouvez-vous nous parler de ces aspects de votre travail?
Ça a commencé en Guyane par le simple fait du hasard. Quand j’y suis arrivé j’ai découvert des gens qu'on appelle là bas les Boni. Ils vivent en bordure de fleuve et ils ont contrairement au reste de la population gardé intactes leurs traditions africaines mais aussi les noms de chez nous. Ça m’a touché au plus haut point et je me suis dit que je n'avais pas le droit de garder ça pour moi.
J'ai donc réalisé un documentaire qui a reçu un accueil extraordinaire en Côte d'Ivoire dont est originaire une partie de ces Boni. L'année d'après je suis parti à Abidjan avec une délégation d’entre eux. C’était la première fois qu’ils mettaient les pieds en Afrique. Ils ont été chaleureusement accueillis.
A partir de cette première expérience, je me suis décidé avec mes faibles moyens à m’intéresser aux pages méconnues de notre histoire. Ça répondait à la fois à une quête personnelle, un désir de témoigner et un souci de d’aider nos jeunes à reprendre confiance en eux et en l’avenir en réalisant notamment que des Noirs ont eux aussi jouer un rôle majeur dans l’Histoire. |
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Saint-Maurice sur qui Serge Bilé a tourné un documentaire
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serge-bile.com |
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C’est ainsi, que par le plus des hasard une fois encore, j'ai découvert qu'il y avait eu des Noirs qui ont été déportés pendant la seconde guerre mondiale dans les camps de concentration et que personne n’en avait parlé. J'ai donc à nouveau réalisé un documentaire sur la question en enquêtant et en recueillant des témoignages de survivants en Allemagne, en Espagne, en Belgique, au Sénégal et en France.
Même chose pour le dernier documentaire que je viens de faire. J’ai découvert par hasard encore qu’il y avait dans le domaine de la religion beaucoup de choses qui nous ont été cachées à commencer par le fait qu’il y avait dès les premières heures de la chrétienté des Saints noirs. Et le premier d'entre eux s’appelait Saint Maurice. C’était un Noir, originaire d'Egypte, qui s’était engagé dans l’armée romaine et qui avait fini par être décapité quelque part dans le valais suisse pour avoir refusé de renoncer à sa foi. Saint Maurice est aujourd’hui littéralement vénéré en Suisse alors qu’il est totalement inconnu chez lui en Egypte et plus généralement en Afrique.
C'est sur de genre de choses que j’aime à travailler. Mais malheureusement, je n'ai pas les moyens de mes ambitions. Et je n’ai pas non plus de mécènes car, comme vous le savez, les les hautes personnalités noires ne s’intéressent pas ni à notre mémoire ni à notre histoire. |
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Serge Bilé (en orange) avec Miriam Makeba
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Vous avez créé l'association Akwaba, afin de favoriser les échanges entre la Martinique et la Côte d'Ivoire. Que signifie ce nom? Que pouvez-vous dire de cette association, notamment en termes d'objectifs ou de son calendrier d'action?
Akwaba signifie « bienvenue » chez les peuples Akan que l’on retrouve aussi bien en Côte d'Ivoire qu’au Ghana ou au Bénin. J'ai été surpris voire même choqué, quand je suis arrivé en Martinique, de voir qu’il y avait peu de liens entre les Antilles et l'Afrique alors que nous avons les mêmes racines.
Et c’est comme ça que m’est venue l’idée de créer des échanges culturels entre la Martinique et la Côte d'Ivoire. Pour la première édition en 1995, nous avions fait venir en Martinique un chanteur comme Meiway, mais aussi peintre, un cinéaste, un écrivain… L’année suivante, on a fait la même chose en Côte d'Ivoire, en faisant partir des artistes martiniquais. Ça a duré comme ça pendant 4 ans. Ensuite on a carrément organisé des vols directs entre Fort-de-France et Abidjan. Plus besoin de passer par Paris. C’était génial.
Aujourd'hui, j'ai envie d'étendre ce type d’échanges à toute l'Afrique et je viens avec d'autres personnes originaires du continent de monter une association qui s’appelle Lisapo dont le but est d'organiser chaque année en Martinique un grand festival de musique africaine. |
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Serge Bilé présentant les Kora Awards
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Vous revenez d’Afrique du Sud où vous avez présenté la cérémonie des Kora Awards. Vous êtes vous même musicien et compositeur. Pouvez-vous nous parler de toutes vos activités hors journalisme aujourd'hui?
C’est la deuxième fois que je présente les Kora. Et pour moi c’est à la fois un honneur et un plaisir parce que cette cérémonie créee par Ernest Adjovi et qui récompense les meilleurs artistes du monde noir va dans le sens dans ce que j’ai toujours voulu faire, à savoir réunir l’Afrique et sa diaspora et être ainsi plus forts.
J’adore la musique. C’est une passion. J’écris effectivement des chansons pour beaucoup d’artistes antillais qui apprécient mes textes et mes mélodies.
Nous vous remercions |
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