
La demande de démission du Premier ministre Seydou Diarra par le parti du président Laurent Gbagbo après l'échec du démarrage du processus de désarmement en Côte d'Ivoire fragilise un peu plus "le gouvernement de réconciliation nationale" et le processus de paix.
Le Front populaire ivoirien (FPI, le parti présidentiel) a affirmé ce week-end que les ex-rebelles, en refusant de désarmer, "défient l'ensemble de la communauté internationale" et "déclarent la mort de tous les accords de paix".
En conséquence, le FPI a demandé la démission de M. Diarra, "incapable" d'appliquer ces accords, tout en appelant le président Gbagbo à "mobiliser et engager sans attendre tous les moyens politiques, diplomatiques et militaires en vue de libérer les zones occupées et de restaurer l'intégrité du territoire et de l'autorité de l'Etat". L'accord de Marcoussis, signé en France en janvier 2003, prévoyait que le gouvernement "dès sa prise de fonctions, entreprendra le processus de regroupement des forces en présence" et assurera la "réinsertion sociale des militaires à travers le programme de Démobilisation désarmement et réinsertion (DDR)".
Toujours pas appliqué, Marcoussis a été "réactivé" fin juillet par un nouvel accord, dit "Accra 3", prévoyant l'adoption de réformes politiques et le désarmement. Les Forces nouvelles (FN, ex-rébellion) ont qualifié "d'irresponsable" et "inutilement incendiaire" la déclaration du FPI, accusant le parti présidentiel de vouloir "la reprise de la guerre" pour "régler la crise ivoirienne".
De nombreux titres de la presse ivoirienne estimaient lundi que la déclaration du FPI "porte un coup supplémentaire" au gouvernement, déjà malmené depuis plusieurs mois. Le cabinet de M. Diarra rassemble partisans du pouvoir, de l'opposition et ex-rebelles. La démission réclamée de M. Diarra après ce "constat d'échec" constitue une "grave menace" pour le gouvernement, n'hésite pas à affirmer Soir Info (indépendant), soulignant qu'en fait "chacun persiste dans sa logique". Pour ce journal, les accords de Marcoussis et d'Accra sont devenus "une poudrière politique" faisant "planer une grave menace sur la cohésion du gouvernement de réconciliation nationale".
Les FN, qui contrôlent le nord du pays depuis la tentative de coup d'Etat ratée du 19 septembre 2002, ont lié leur désarmement à l'adoption des réformes politiques, les proches du pouvoir rétorquant que si certains textes ont déjà été votés, la totalité des réformes ne peut être menée à bien tant que le pays est divisé. "L'attitude des hommes de Bouaké (fief des ex-rebelles) a un mérite, celui de faire comprendre que la rébellion ne désarmera jamais de façon volontaire", observe pour sa part L'Intelligent d'Abidjan, proche du pouvoir, qui estime que "pour la première fois on sent bien que cela passera ou cassera pour l'un ou l'autre des camps".
"Le désarmement est la mission première du gouvernement et là, il patauge encore plus que pour les réformes, traitées à un train de sénateur", souligne de son côté un diplomate à Abidjan. Cette même source observe avec "philosophie" que la "communauté internationale commence à avoir l'habitude de cette situation puisqu'en mars dernier une première tentative de désarmement s'était soldée par un échec".
M. Diarra, qui préside le gouvernement depuis l'accord de Marcoussis après une carrière dans la fonction publique et la banque, a appelé "les uns et les autres à la retenue, au civisme, à la responsabilité et à la sérénité", dans un communiqué lundi. Le Premier ministre doit, selon ses services, procéder "dans les prochains jours à des consultations avec toutes les parties prenantes à la mise en oeuvre des accords de Linas Marcoussis (et) d'Accra". Une "importante déclaration" devrait sanctionner ces différentes rencontres.
La France a indiqué lundi qu'elle continuait de soutenir M. Diarra, tout en appelant toutes les parties à tenir leurs engagements, notamment sur le désarmement.
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