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LE FIGARO. – Le désarmement prévu le 15 octobre n'a pas eu lieu. Qui bloque ?
Laurent GBAGBO. – Tout le monde a maintenant compris que le blocage ne venait pas du chef de l'Etat, ni du fait de non-lois non encore votées. De toute manière, on ne peut mettre sur le même plan un désarmement et le vote de lois : dans le premier cas, il y a entrave physique à l'organisation d'élections. Dans l'autre, non.
Mais, dans l'esprit des accords d'Accra, les réformes devaient être lancées avant le 30 septembre.
Il y a beaucoup d'ignorance et de mauvaise foi. Il n'y a pas de problèmes pour faire passer les lois ordinaires. C'est juste une question de temps. Ce qui pose problème, c'est l'article 35. Et là, c'est une grosse blague. Certains ont essayé de faire croire que le président de la République pouvait seul modifier la Constitution. En Côte d'Ivoire, il y a deux étapes à respecter :
1) Le texte doit aller au Parlement mais, pour cela, il faut que l'intégrité territoriale soit rétablie.
2) Le texte doit être voté aux deux tiers des voix. Cette étape franchie, le président le soumet à référendum.
Des plaisantins ont parlé de l'article 48, qui donne tous les pouvoirs au président de la République. Vous savez, l'équivalent de votre article 16 qui a fait écrire à François Mitterrand son fameux Coup d'État permanent. Mais avec cet article, on ne peut modifier la Constitution.
N'opposez-vous pas une logique juridique à une logique politique, parfois à privilégier dans un processus de sortie de conflit ?
Écoutez, les rebelles ont tenté un coup d'État. Il a échoué. Ils ont ensuite essayé de transformer cela en guerre civile et ils n'ont pas gagné cette guerre. Ils voudraient aujourd'hui avoir les gains politiques d'une victoire qu'ils n'ont pas eue. C'est impossible.
Sans désarmement, comment imaginer que l'intégrité territoriale du pays puisse être rétablie à court terme ?
Les semaines qui viennent diront cela.
L'option militaire – que certains dans votre camp soutiendraient – est sur la table ?
C'est moi qui décide et ce n'est pas dans mes plans. Sinon, croyez-vous que j'aurais passé deux ans à négocier et prévoir des réformes ?
On dit pourtant que vous acheté beaucoup d'armes ces derniers mois.
C'est le devoir d'un chef d'État qui a été surpris une première fois car son armée n'était pas équipée. Pendant quarante ans, le pays n'a pas eu de véritable armée.
Considérez-vous aujourd'hui les Forces nouvelles comme un acteur politique ?
Non. De toute manière, toutes les rébellions en Afrique commencent et se terminent de la même façon, en se fractionnant, en se criminalisant. Une guérilla gagne en peu de temps ou se désintègre. Regardez la Sierra Leone, l'Angola... Le problème, c'est qu'il y a chez les rebelles des gens qui étaient chauffeurs et qui ont aujourd'hui des millions et des millions sur des comptes dans des pays voisins. Beaucoup de gens n'ont pas intérêt à ce que la paix revienne.
Pour vous, les rebelles ne sont que le bras armé du RDR d'Alassane Ouattara ?
C'est clair. Ils n'ont pas caché leur programme.
Ils vous accusent de ne faire aucune concession.
II y en a eu deux majeures : l'amnistie et leur inclusion dans le gouvernement, alors que nos institutions ne s'étaient pas effondrées. Et la semaine dernière, je viens à nouveau de faire une concession énorme en proposant que la loi sur l'article 35 soit transmise à l'Assemblée nationale dès un début, seulement un début de désarmement. Après, il y aura référendum. Il n'y pas plus démocratique, non ? Je ne comprends pas pourquoi le RDR de M. Ouattara n'est pas plus enthousiaste. Ils ont tellement clamé qu'ils étaient «majoritaires». L'adoption de l'article 35 devrait donc être un jeu d'enfant. Ils devraient vite demander aux rebelles de désarmer pour que l'on aille au référendum...
Selon vous, le soutien du Burkina Faso aux rebelles continue-t-il ?
Le Burkina Faso a été depuis le début la base arrière des rebelles. Et c'est là-bas qu'ils se réunissent encore aujourd'hui. Vous savez, certains me téléphonent, et je vois bien d'où l'appel vient !
Vous avez récemment exprimé à demi-mot votre soutien aux groupes nationalistes des «jeunes patriotes».
Je n'ai pas dit qu'il s'agissait de gentils petits garçons. En Côte d'Ivoire, 70% de la population a moins de trente ans et 40% des jeunes sont au chômage. Une petite partie des jeunes a pris les armes pour attaquer le pays. D'autres ont pris la rue pour défendre la république. Je dis juste que je préfère ceux-là.
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Mais comment justifier leur agressivité contre les Français ?
Il y a comme toujours des dérapages et je les rappelle alors à l'ordre. Mais on ne peut me demander de faire rentrer Guillaume Soro au gouvernement et de mettre Charles Blé Goudé en prison.
En cette période de tension, de nouveaux troubles de leur part sont-ils possibles ?
Il est difficile de prévoir les mouvements de foule. Tout cela ne sera vraiment écarté que quand la situation du pays sera redevenue normale.
Comment expliquez-vous vos problèmes de communication avec la France ?
L'Occident est aujourd'hui confronté à un grave, très grave problème avec le monde musulman, qui se cristallise autour de l'Irak et des Etats-Unis. Sans doute parce que les choses n'ont pas été analysées à temps, de part et d'autre. J'ai peur que l'on soit au début d'un tel phénomène, non pas seulement entre la France et l'Afrique, mais entre l'Occident et le monde noir. Attention de ne pas aller à une rupture. Regardez Mugabe au Zimbabwe. Du jour où il a été désavoué par l'Occident, il est devenu un des hommes les plus populaires d'Afrique. Je ne rentre pas dans le fond du débat, je dis juste que certains types de rapport peuvent finir par monter un bloc contre un autre. Et j'ai peur que la Côte d'Ivoire et les analyses erronées faites autour ne participent à cela.
Après avoir été très difficiles, vos rapports avec Paris ont cependant l'air meilleurs.
C'est vrai qu'ils ont été très tendus. Cela va mieux car nos analyses se sont rapprochées. Tout le monde est maintenant d'accord pour appeler un rebelle, rebelle. Je ne connais pas de guérillas formées de Robin des Bois. En Occident, on commence à s'en rendre compte. Et puis, on ne peut agir aujourd'hui comme en 1960. Il faut repenser totalement les rapports entre la France et l'Afrique, sortir de la clandestinité, des chuchotements, du règne des gourous... Cela nécessite d'ailleurs des efforts des deux côtés. Nous, Africains, devons apprendre à devenir plus indépendants.
Après l'affaire Julia, vos anciens amis du Parti socialiste ont été durs parfois. François Hollande a déclaré récemment que vous étiez «infréquentable».
Voilà l'illustration de ce que je viens de dire sur les relations entre des pays puissants et riches et d'autres faibles et pauvres. Chez les «grands», on peut se croire autorisé à déverser toute sa bave sur les «petits». François Hollande se serait-il permis ces mots sur George W. Bush ou Vladimir Poutine ?
Et justement, sur l'affaire Julia...
Pour la Côte d'Ivoire, c'est une tempête dans un verre d'eau. Je ne connais pas les familles des deux journalistes et je n'ai jamais rencontré M. Julia. Un homme de son équipe m'a demandé de les aider. J'ai un certain nombre d'avions et j'en ai prêté un, pour aider. Un point, c'est tout. Et c'est vrai que j'ai pensé que l'Elysée était au courant. Je n'avais pas de raison d'en douter.
Propos recueillis par Arnaud De La Grange du journal Le Figaro.
Le site du Journal Le Figaro
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