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Français fuyant la Côte d'Ivoire
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lexpress.fr |
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Georges ne le dit pas, mais il a peur. Peur de ce qui peut arriver tout à l’heure, demain, dans une semaine. Peur de l’avenir. Dans la maison de son fils Alexis, il grommelle lorsque arrive un journaliste français. Il engueule même Alexis et Lilian, son copain et associé, qui l’ont invité: «Ne dites pas n’importe quoi. Vous savez bien comment le moindre mot peut être pris.» Georges ne veut pas parler. Puis il se lâche, intarissable. A son fils, quand il a vu les Français quitter le pays, il a dit: «Plutôt être mort ici que mort-vivant en France.» «Quand je me dis que je dois partir, confie-t-il, c’est terrible. Mon grand-père et ma grand-mère sont enterrés ici.»
A 50 ans, six enfants – «au moins», sourit-il – plusieurs vies, économiques ou amoureuses mais toutes africaines, Georges est déchiré: il ne veut pas partir de ce pays où il est né, à Abidjan. Mais, bien sûr, il ne veut pas non plus être tué. Alors comme Alexis et Lilian, il croise les doigts: «Rester, pour nous, c’est quitte ou double. Si les Ivoiriens sont capables de régler leurs problèmes politiques, alors c’est le jack-pot pour notre société. Avec toutes ses richesses la Côte d’Ivoire repart en quelques jours. Mais s’ils n’y arrivent pas, si s’imposent à leur tête des gens qui ne veulent plus des Français alors ce sera la valise ou…» Georges ne termine pas sa phrase qui rappelle des mots déjà entendus, il y a une quarantaine d’années, lorsque les pieds-noirs ont quitté l’Algérie pour devenir des rapatriés. Rapatriés, comme toutes ces familles qui, pendant une semaine, ont transité par le camp militaire du 43e bataillon d’infanterie de marine (BIMa), avant de s’engouffrer, enfin, dans un avion pour la France. Georges, son fils Alexis, 29 ans, et Lilian, 37 ans, ne parlent pas de politique, surtout ivoirienne. Mais ils racontent volontiers leurs vies, également ivoiriennes.
Leur «business», à la différence de celui de nombreux autres français, a été en constante expansion depuis quelques années. Motif: ils dirigent une société de sécurité et d’intervention. Autant dire que pendant ces journées où Abidjan, la capitale économique aux 5 millions d’habitants est devenue folle, ils n’ont pas chômé. Près de 500 interventions au cœur de la mêlée, avec ce paradoxe: ce sont leurs clients – ou futurs clients potentiels – qu’ils ont aidé à sortir de la furie et à quitter, peut-être pour toujours, le pays. |
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Georges ne le dit pas, mais il a peur. Peur de ce qui peut arriver tout à l’heure, demain, dans une semaine. Peur de l’avenir. Dans la maison de son fils Alexis, il grommelle lorsque arrive un journaliste français. Il engueule même Alexis et Lilian, son copain et associé, qui l’ont invité: «Ne dites pas n’importe quoi. Vous savez bien comment le moindre mot peut être pris.» Georges ne veut pas parler. Puis il se lâche, intarissable. A son fils, quand il a vu les Français quitter le pays, il a dit: «Plutôt être mort ici que mort-vivant en France.» «Quand je me dis que je dois partir, confie-t-il, c’est terrible. Mon grand-père et ma grand-mère sont enterrés ici.»
A 50 ans, six enfants – «au moins», sourit-il – plusieurs vies, économiques ou amoureuses mais toutes africaines, Georges est déchiré: il ne veut pas partir de ce pays où il est né, à Abidjan. Mais, bien sûr, il ne veut pas non plus être tué. Alors comme Alexis et Lilian, il croise les doigts: «Rester, pour nous, c’est quitte ou double. Si les Ivoiriens sont capables de régler leurs problèmes politiques, alors c’est le jack-pot pour notre société. Avec toutes ses richesses la Côte d’Ivoire repart en quelques jours. Mais s’ils n’y arrivent pas, si s’imposent à leur tête des gens qui ne veulent plus des Français alors ce sera la valise ou…» Georges ne termine pas sa phrase qui rappelle des mots déjà entendus, il y a une quarantaine d’années, lorsque les pieds-noirs ont quitté l’Algérie pour devenir des rapatriés. Rapatriés, comme toutes ces familles qui, pendant une semaine, ont transité par le camp militaire du 43e bataillon d’infanterie de marine (BIMa), avant de s’engouffrer, enfin, dans un avion pour la France. Georges, son fils Alexis, 29 ans, et Lilian, 37 ans, ne parlent pas de politique, surtout ivoirienne. Mais ils racontent volontiers leurs vies, également ivoiriennes.
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Leur «business», à la différence de celui de nombreux autres français, a été en constante expansion depuis quelques années. Motif: ils dirigent une société de sécurité et d’intervention. Autant dire que pendant ces journées où Abidjan, la capitale économique aux 5 millions d’habitants est devenue folle, ils n’ont pas chômé. Près de 500 interventions au cœur de la mêlée, avec ce paradoxe: ce sont leurs clients – ou futurs clients potentiels – qu’ils ont aidé à sortir de la furie et à quitter, peut-être pour toujours, le pays. |

Dans la tourmente qui suit, préfigurant curieusement ce qui s’est passé la semaine dernière, des mains inconnues ouvrent les portes de la prison de la ville, l’horrible Maca. La délinquance, déjà élevée du fait de la pauvreté et du chômage, grimpe en flèche. Des sociétés, des magasins sont pillés. Alexis et Lilian sentent là un marché. Ils créent une société de sécurité. A la fin de 1999, Flash Intervention a installé des boîtiers d’alarme électronique chez 50 clients. La société a trois voitures, 20 salariés. Quatre ans plus tard, ces chiffres sont multipliés par 10! Entre-temps il y a eu l’élection de Laurent Gbagbo dans des «conditions calamiteuses», c’est lui-même qui le dit, la répression contre les militants de l’opposant Alassane Ouattara écarté de l’élection pour cause de «non-ivoirité», et surtout, en septembre 2002, la rébellion d’une partie de l’armée, soutenue par le Burkina. Chaque épisode semble accélérer le délitement du pays, le naufrage de son économie. Le cessez-le-feu accepté par les rebelles, qui occupent depuis la moitié Nord, et surtout les accords conclus à Marcoussis sous l’égide de la France ne changent rien à l’insécurité qui gagne.
Dès la signature de ces accords éclatent, en janvier 2003, les premières émeutes antifrançaises, avec mises à sac de magasins et attaques d’entreprises représentant la France. Le 25 mars 2004 une marche de l’opposition est réprimée dans le sang. Les Français commencent à plier bagages. D’autres se barricadent pour rester. Flash Intervention engrange de nouveaux clients, notamment libanais…
Les choses deviennent sérieuses mais ce n’est encore rien comparé à ce qui vient de se passer les 6 et 7 novembre. Pour la première fois des maisons de Blancs ont été pillées, en présence de leurs occupants dont plusieurs ont été molestés. Pour la première fois des femmes blanches ont été violées. Les cas de viols ne se comptent pas par «dizaines» comme on l’a un peu légèrement avancé, à Paris, de source militaire. Mais les autorités en ont recensé «au moins 3 ou 4». Ce qui suffit largement à semer la terreur.
Les viols, c’est d’ailleurs ce qui a décidé Catherine Rechenmann, présidente à Abidjan des Français de l’Etranger à partir. Elle qui, au plus fort des émeutes précédentes, avait affirmé qu’elle ne «quitterait jamais ce pays» a changé d’avis. «Des verrous ont sauté. Un tabou est tombé», explique-t-elle, exténuée, avant de prendre, à son tour, l’avion du retour. Comme elle, ceux qui fuient, marqués par la violence et «la haine, oui la haine dites-le» qu’ils ont vues chez les émeutiers craquent: «Seule une poignée d’inconscients veut notre départ. Nous avons été protégés par des Ivoiriens qui savent parfaitement que les Français génèrent 60% de l’économie du pays. Et qu’après nous ils n’auront plus de travail. On ne veut pas les abandonner. La majorité des Ivoiriens veulent que nous restions, mais ils n’osent pas s’exprimer, écrivez-le.»
Le pouvoir de Laurent Gbagbo va donc avoir à gérer, outre la guerre et son isolement diplomatique, une sévère crise économique. Le secteur de la sécurité, lui, semble avoir encore de beaux jours devant lui. Théoriquement, Flash Intervention devrait encore prospérer. Théoriquement. Car certains de ses derniers clients, qui ont été évacués après s’être réfugiés sur les toits de leurs maisons, sont partis avec les vêtements qu’ils portaient ce jour-là et rien d’autre. Et les patrons de Flash intervention ne savent pas s’ils seront payés un jour. «Et nous, disent-ils, nous ne sommes pas dans la situation des expatriés appartenant à de grands groupes industriels comme Bolloré, France Télécom ou Bouygues, nous ne pouvons pas partir nous installer ailleurs.» Le plus inquiétant à leurs yeux c’est le début de départ des Libanais: «Eux, quand ils partent, c’est très mauvais signe.» Alexis ne fait de politique mais quand il a entendu dimanche Jacques Chirac assurer que la France n’abandonnerait pas son mandat en Côte d’Ivoire, il n’a pas pu s’empêcher de rappeler que de Gaulle, en d’autres temps, avait dit que la France ne quitterait pas l’Algérie. Le syndrome pied-noir rôde en Côte d’Ivoire.
D'après Le Nouvel Obs |
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