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Sylvia Serbin présente "Reines d'Afrique"
06/02/2005 |
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Journaliste et historienne afro-antillaise, (30 passés entre le Sénégal où elle est née, et la Côte d’Ivoire), Sylvia Serbin vient de publier "Reines d'Afrique et héroïnes de la diaspora noire" aux éditions Sépia. Cet ouvrage met à l'honneur 22 femmes, africaines, antillaises, américaines, dont certaines ont été d'authentiques reines, d'autres de valeurs résistantes, même si elle a également mis à l'honneur certaines prophétesses messianiques ou des victimes du racisme européen: on retrouvera ainsi dans son livre des personnages comme Harriet Tubman l'américaine libératrice d'esclaves, les reines Zingha d'Angola, Pokou de Côte d’Ivoire ou Ranavalona III de Madagascar, à côté des Amazones du Dahomey, ou de la Vénus Hottentote.  |
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Par
Hervé Mbouguen |
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A quel public s’adresse votre livre?
Je trouvais qu’il y avait un manque et que de plus en plus de jeunes Afro-descendants grandissaient sans repères, sans passé, et qu’au 21è siècle cela commençait à devenir insupportable. Ce livre s’adresse à un public multiculturel très large bien sûr, et en particulier aux jeunes générations pour leur donner des références autres que les héros blancs qui peuplent habituellement leur imaginaire. Les enfants issus d’Afrique et de la diaspora notamment pourraient se construire une identité plus forte s’ils savent qu’ils sont issus d’une histoire, d’un continent qui s’est longtemps suffi à lui-même, mais aussi d’ancêtres qui ont porté des valeurs de dignité et de courage. Des hommes et des femmes noirs dont ils pourraient se réclamer avec fierté.
C’est une façon aussi de démentir les clichés qui ont été véhiculés à cause de l’esclavage et colonisation, sur le fait que le Noir n’a rien apporté à la civilisation universelle, sur le fait qu’il est né pour servir parce qu’inférieur aux autres, et sur le fait que l’Afrique était un continent figé et sans passé jusqu’à l’arrivée des Européens.
En parlant d’Histoire, doit-on le considérer comme un livre d’Histoire ou comme une introduction à l’Histoire ?
Ma démarche est originale dans la mesure où je n’ai pas voulu faire un livre uniquement pour des spécialistes qui eux ont les moyens de faire ces recherches même si les africanistes (chercheurs, historiens, etc.) n’ont presque jamais valorisé la femme noire en tant qu’actrice historique ou politique. C’est un ouvrage historique dont les personnages ont été scénarisés pour les rendre plus proches de nous, avec une écriture simple et accessible à tous. |
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Quelle fut votre démarche ?
Je me suis appuyée sur des sources écrites incontestables. Jusqu’au Moyen-Age, la plupart des informations sont issues de géographes arabes, ensuite à partir du 16è siècle il y a des chroniques portugaises, et un peu plus tard toutes les sources coloniales. Ensuite, chaque fois que j’ai pu voyager dans des pays concernés par ces personnages, je suis allée en quête des traditions orales pour savoir comment ces femmes étaient perçues, si la mémoire collective en avait gardé trace et quel fut le vécu des populations d’alors face aux évènements relatés par les sources occidentales. C’est ce qui m’a permis de rendre ces récits aussi vivants, même si ces recherches m’ont pris des années !
Pourquoi ce biais sur les femmes uniquement alors que les jeunes générations d’Afro-descendants comme vous dites ne connaissent pas toutes les héros que furent Soundjata Kéïta, Toussaint Louverture ou Samory Touré ?
J’ai voulu valoriser ces personnages féminins parce qu’on ne parle jamais d’elles dans les manuels. Et puis aucune héroïne noire n’est reconnue par l’histoire universelle. Ca me paraissait inconcevable de faire croire, par un tel silence, que les femmes, qui constituent la moitié du genre humain, seraient restées totalement muettes, inactives, transparentes même, tandis que leurs sociétés affrontaient des faits historiques majeurs. Il était important de faire connaître ces figures féminines parce que si personne ne le faisait, elles risquaient de s’effacer totalement de notre mémoire et de celle des autres générations. Certains des grands personnages masculins de l’histoire des peuples noirs ont déjà inspiré des écrits. Alors il est temps de s’intéresser aussi aux femmes emblématiques de notre patrimoine. |
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La reine Zingha d'Angola
©
Reines d'Afrique |
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Ne trouvez-vous pas qu’un certain nombres d’héroïnes ont des comportements moins féminins que ce qu’on aurait pu escompter : certaines sont volages, elles sont aussi cruelles que les hommes, n’hésitant pas parfois à se servir de l’esclavage pour prospérer ?
Je n’ai pas voulu idéaliser ces personnages, je les ai montrées telles qu’elles sont décrites par la tradition, avec toutes leurs contradictions. Mais cette image de féminité que vous évoquez n’est peut-être qu’une acquisition culturelle. Face aux situations de violence auxquelles elles étaient confrontées, elles agissaient en dirigeantes, en guides de leur société, et c’est pour cela que leur pouvoir n’était contesté par personne. Ce n’est pas un hasard si ces femmes, qui pouvaient accomplir avec tendresse leur rôle de mères ou d’épouse, savaient aussi se révéler de véritables meneurs d’hommes ou des femmes de pouvoir, lorsque la situation l’exigeait.
Cette image de douceur dont vous parlez est très romantique, très occidentale. Quand elles se trouvaient confrontées à l’adversité, nos mamans ne jouaient pas les cœurs fragiles ! Je crois qu’il faut valoriser cette image de la femme noire que nous ont laissées ces ancêtres : celle d’une battante qui ne se dérobe pas devant les difficultés de la vie, sans doute parce qu’elle est le pilier d’une famille, d’une société. |
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Les Amazones du Dahomey
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Reines Afrique / Unesco |
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Comme pour le reste de l’Afrique le « monde des ancêtres » semble avoir joué un rôle dans la vie d’un certain nombre d’entre elles
En effet, le monde du mystique passe souvent par les femmes. Et surtout durant des périodes traumatisantes pour certaines populations, même si on n’en parle pas. Des régions entières ont été déstructurées, des sociétés ont été disloquées, les gens se sont trouvés complètement perdus. A ce moment-là, le recours au sacré leur a donné l’illusion de pouvoir résoudre certains problèmes, tant ils étaient imprégnés de croyances culturelles qu’il est difficile de juger avec notre regard d’aujourd’hui.
Même aujourd’hui, dans des pays connaissant des difficultés économiques ou sociales, où les populations actives perdent leurs repères vitaux, on voit des gens très rationnels, occidentalisés ou d’un haut niveau d’éducation, se tourner vers toutes sortes de religions ou de sectes parce qu’ils sont fragilisés par une situation dont ils ne voient pas l’issue. |

A côté de reines ou d’authentiques résistantes, votre livre met en lumière des femmes qu’on qualifierait aujourd’hui de gourous de sectes, ou des victimes comme la Vénus Hottentote, qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Tout le monde ne naît pas avec un tempérament de meneur d’hommes, et j’ai voulu montrer que ces femmes ont affronté comme elles le pouvaient, les défis qui se posaient à elles. Certaines avaient le soutien de leur communauté et arrivaient à les diriger vers un but collectif, mais il y a eu des héroïnes complètement isolées face à une situation d’oppression terrible. Comme la mulâtresse Solitude, pendue en 1802 à la Guadeloupe pour s’être révoltée contre le rétablissement de l’esclavage par Napoléon. Ou encore la Vénus Hottentote qui avait aussi des accès de révolte et de résistance, alors qu’elle était encagée et traitée comme un animal dans deux pays promoteurs des droits de l’Homme : l’Angleterre et la France.
Cela montre qu’en tant qu’être humain on peut avoir des façons différentes de réagir et de s’impliquer face à une situation de survie et que même les plus faibles, les plus isolés, peuvent aussi refuser d’abdiquer leur dignité. |
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Statut érigée en mémoire de la mulâtresse Solitude
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Si on vous demandait de citer deux héroïnes de votre livre dont la méconnaissance vous paraît être une injustice ?
C’est une question difficile car il y en a bien davantage ! Mais je dois dire que celles qui ont suscité en moi le plus d’émotion sont la Mulâtresse Solitude, qui a affronté la mort les armes à la main plutôt que de redevenir esclave après avoir connu la liberté, et la Vénus Hottentote. Cette jeune Sud-africaine, parce que son physique ne correspondait pas aux canons occidentaux de l’époque, s’est retrouvée maltraitée de son vivant et disséquée après sa mort, uniquement pour que soient accrédités des préjugés sur l’infériorité des Nègres. Il faut qu’on en parle pour que plus jamais le regard de « l’Autre » ne conditionne l’acceptation ou non dans une société, d’un être différend par sa couleur de peau ou ses idées. Aujourd’hui, dans notre société où la tolérance devient un véritable combat, il faut arriver à ce que la question raciale ne soit plus un frein comme il l’a été pour la Vénus Hottentote.
Note: les livres coûtant le même prix en France, quelques librairies où vous pouvez trouver des livres afro-antillais, celui-ci est particulier:
La librairie Anibwe
52, rue Greneta à Paris
tél / fax : 01 45 08 48 33
Librairie Be Zouk
36 bis rue de Montreuil 75011 Paris
Téléphone: 01 43 67 67 17
Hibiscus Records
6 boulevard de Strasbourg 75010 Paris
Téléphone:01 42 49 75 75 |
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