
L'avocat de l'accusé considéré comme le "cerveau" des massacres qui ont fait près d'un million de morts en 1994 au Rwanda a mis en doute lundi qu'il y ait eu "génocide", devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
"Le génocide n'a pas été démontré devant ce tribunal, parce que la préméditation n'a pas été établie", a déclaré Me Raphaël Constant, l'avocat français du colonel Théoneste Bagosora, ancien directeur de cabinet au ministère de la Défense, dont le procès reprenait lundi devant le TPIR.
L'avocat a qualifié les procédures en cours au TPIR de "justice de vainqueur", selon l'agence de presse indépendante Hirondelle. Me Constant a reproché au procureur de n'avoir encore mis en accusation aucun membre de l'ex-rébellion du Front patriotique rwandais (FPR), actuellement au pouvoir à Kigali.
"Nous sommes en présence d'une justice de vainqueur (...) Le procureur dépend fondamentalement des autorités de Kigali", a dénoncé Me Constant à la reprise du procès du colonel Bagosora, que le procureur a qualifié de "cerveau" du génocide. Le colonel Bagosora comparaît dans le procès dit "des militaires" avec l'ancien responsable des opérations militaires à l'état-major de l'armée, le général Gratien Kabiligi, l'ancien commandant du secteur militaire de Gisenyi (nord), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva et l'ancien commandant du bataillon para-commando, le major Aloys Ntabakuze.
Tous quatre sont accusés de génocide, crimes contre l'Humanité et crimes de guerre, et ils plaident tous non coupable. "La grande plaie de ce dossier est qu'il y a mélange de justice et de politique", a poursuivi Me Constant, pour qui "un procès équitable est un leurre" devant ce tribunal. "Il ne pourra y avoir de procès équitable tant qu'il n'y aura pas de démocratie au Rwanda, tant que les personnes ne pourront pas parler librement de ce qui s'est passé en 1994", a-t-il insisté, avant le défilé des témoins de la défense.
L'avocat, de retour du Rwanda, a affirmé que les témoins potentiels de la défense de Bagosora avaient peur de venir à la barre. "Je n'ai jamais autant côtoyé la peur de ma vie", a-t-il dit. Venir du Rwanda témoigner pour la défense de Bagosora revient à "signer son arrêt de mort", a-t-il affirmé. |