
"La réforme du Conseil de sécurité a vécu. Il y a beaucoup de perdants, l'Afrique est l'un d'entre eux", estime Tom Wheeler, de Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA).
L'échec, au moins temporaire, de la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies a douché les espoirs de l'Afrique de pouvoir enfin faire véritablement entendre sa voix au sein de l'organisation internationale.
Principal organe de décision de l'Onu, le Conseil de sécurité compte quinze membres dont cinq permanents dotés du droit de veto (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie). Après des mois de discussions tumultueuses et parfois confuses, les membres de l'Union africaine (UA) ont refusé d'abandonner leur demande de deux sièges permanents avec droit de veto. Ce faisant, ils ont rendu impossible tout rapprochement avec le projet concurrent du G4 (Brésil, Allemagne, Inde et Japon) qui proposait six nouveaux sièges permanents sans droit de veto, dont deux africains.
"Nous devons négocier avec les autres groupes, à moins que notre objectif soit d'empêcher qu'une décision soit prise. Si cela devait arriver, l'Afrique y perdra plus que n'importe quelle région", avait mis en garde le président du Nigeria, également président de l'UA, Olusegun Obasanjo, lors du sommet d'Addis Abeba en août. Mais un groupe de pays mené par l'Algérie a considéré que le continent devait s'en tenir à ses revendications initiales et n'avait rien à gagner en s'associant à une initiative qu'il jugeait "condamnée d'avance".
Nombre d'observateurs estiment qu'en choisissant de ne pas transiger sur le droit de veto, l'Afrique a manqué de pragmatisme et laissé passer une opportunité.
Par ailleurs, les désaccords sur la stratégie à suivre traduisent aussi les ambitions nationales, les susceptibilités et les rivalités de personne qui ont pesé sur les débats. Les candidats déclarés, dont les trois favoris sont l'Afrique du Sud, le Nigeria et l'Egypte, se sont, plus ou moins directement, lancés des piques, faisant resurgir de vieux débats sur la définition du pays le plus "africain", le plus "panafricain", voire, sujet plus sensible, "le plus noir". A défaut de résultats, certains pays du continent estiment que ce processus a permis à l'Afrique d'afficher ses revendications. "Notre combat est un combat moral car l'Afrique est marginalisée", explique Julius Onen, secrétaire général du ministère ougandais des Affaires étrangères.
Le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan, qui a exclu toute avancée sur l'élargissement du Conseil lors du sommet mondial qui s'ouvre mercredi à New York, espère un accord "d'ici la fin de l'année". Mais il reconnaît aussi que le projet risque d'être reporté de "plusieurs années". Donc, ce n’est pas demain que l’Afrique va avoir sa place parmi les décideurs.
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