
Dominique de Villepin, qui s'exprimait ce matin sur France Inter, a pris les députés UMP à contrepied en contestant ouvertement l'article de la loi de février 2005 sur "le rôle positif" de la colonisation française, soulignant qu'il n'appartenait pas, selon lui, au Parlement "d'écrire l'histoire". Le Premier ministre, a affirmé comprendre le report du déplacement de Nicolas Sarkozy aux Antilles, où cette disposition controversée, que la majorité UMP a refusé de supprimer le 29 novembre dernier, suscite colère et indignation.
"Dans notre pays, il n'y a pas une mémoire, mais des mémoires. Ces mémoires, elles sont à vif, écorchées, souffrantes. Nous devons prendre en compte le regard de chacun, parfois même l'expérience, l'itinéraire de chacun", a précisé le chef du gouvernement, dans un visible souci d'apaisement, ajoutant que "ce n'est pas au politique, ce n'est pas au Parlement d'écrire l'histoire ou de dire la mémoire" et qu'il s'agit là d'une règle "à laquelle nous devons être fidèles". "Il n'y a pas d'histoire officielle en France", a-t-il insisté.
L'article IV de la loi de février 2005 sur l'indemnisation des rapatriés, notamment des harkis, stipule que "les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord". Cet amendement est vivement dénoncé par les autorités algériennes ou aux Antilles, où l'on s'élève contre "la loi de la honte".
"Il y a des mots qui peuvent blesser"
Face à cette vague de protestations, Dominique de Villepin prône le dialogue - profitant de l'occasion pour adresser une critique voilée à son ministre de l'Intérieur. "Trouvons la sérénité nécessaire au cours des prochains jours, des prochaines semaines, pour tous ensemble nous parler, a-t-il réclamé. Evitons les mots qui peuvent blesser". Une référence aux propos de Nicolas Sarkozy, au plus fort de la crise des banlieues, sur les "voyous" et "racailles", à l'oeuvre selon lui dans les quartiers difficiles, et la nécessité de les "nettoyer" au "Kärcher", déclarations mal perçues dans les Dom-Tom.
Ainsi, le poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire, chantre de la "négritude", avait-t-il fait savoir qu'il ne rencontrerait pas Nicolas Sarkozy lors du voyage que le ministre de l'Intérieur devait effectuer, à partir d'aujourd'hui, dans les Antilles françaises. Il avait déjà opposé un tel refus au président du Front national, Jean-Marie Le Pen.
(Reuters) |