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Patrick Lozes, le président du CRAN
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Une polémique a éclaté par rapport à vos projets pour la commémoration de l'esclavage. Pouvez-vous nous dire quelles étaient vos intentions?
Nous souhaitions qu'il y ait plusieurs types de manifestation, des manifestations de recueillement et des manifestations d'envergure puisque aussi bien nous voulions que ce premier 10 Mai soit l'occasion d'honorer les esclaves et de faire connaître cette tragédie qui a été longtemps occultée. Nous souhaitions que ce soit l'occasion de diffuser de manière forte dans tout le pays des connaissances sur cette tragédie. Nous voulions rappeler que la France a reconnu que la traite négrière et l'esclavage comme crime contre l'humanité, mais qu'elle ne dit pas assez qu'on ne peut pas abolir quelque chose qui n'a pas existé...
C'était également l'occasion de faire le lien entre hier et aujourd'hui. C'était l'occasion par exemple d'expliquer que pour justifier l'esclavage aux opinions publiques d'hier, on a inventé une hiérarchie des races qui est encore -consciemment ou inconsciemment- très opérante aujourd'hui.
Le concert controversé était donc l'un des éléments de la commémoration que vous prépariez?
Il était question d'utiliser l'engagement d'artistes pour faire passer un message. Vous faites mieux passer un message avec de bons ambassadeurs. Nous voulions nous adresser à la jeunesse de ce pays et au delà de la jeunesse à l'ensemble de la population.
Nous voulions, sur un écran géant, faire défiler des chiffres, des dates, des faits. Nous souhaitions utiliser l'engagement d'ambassadeurs afin que des personnages comme Toussaint Louverture, Delgres, et d'autres soient mieux connus.
Quand on parle d'esclavage en France, on pense tout de suite à Christiane Taubira qui a fait la loi portant son nom, ou à Maryse Condé qui a présidé le Comité Pour la mémoire de l'esclavage, et à d'autres personnes, quelle était la position de ces personnalités sur vos projets?
Nous avions un projet avec plusieurs partenaires, la ligue de l'enseignement, ce qui n'était pas innocent, la Ligue des Droits de l'Homme, SOS-Racisme ou Trace TV qui nous aurait permis d'être présent sur les 3 continents concernés par cette tragédie. Christiane Taubira était informée de ce projet, il y a eu plusieurs réunions avec elle, et nous avons rencontré à plusieurs reprises Mme Françoise Vergès du CPME.
Nous avions l'écoute des personnes qui font autorité sur cette question.
Je fais bien la différence entre les personnes qui ont lancé cette campagne et celles qui de bonne foi se sont laissé manipuler.
Vous faites à l'évidence référence au Collectif DOM qui a envoyé des dizaines de mails sur le sujet, mais il y a également des personnes comme Serge Bilé, plutôt neutre, qui se sont émues de la formulation retenue
Je crois que plusieurs personnes ont été manipulées dans cette affaire et au final le grand gagnant est le gouvernement qui prenant prétexte de la confusion créée s'en tire à bon compte sur le dos des populations noires.
Deux points ont fait polémique. Le premier avait trait à vos partenaires. Vous avez cité SOS-Racisme qui a un historique retenu dans la lutte contre le racisme en France mais qui ne s'est jamais particulièrement intéressé à l'esclavage. D'autres associations comme le Coffad semblent avoir eu l'impression de ne pas avoir été consultées. Comment avez-vous choisi vos partenaires et comptez-vous tenir un peu plus compte à l'avenir d'associations peut-être plus petites, mais qui ont quand même une antériorité dans la commémoration de l'esclavage?
Au CRAN, nous ne nous sommes jamais opposés à qui que ce soit, nous sommes au contraire dans une démarche d'ouverture, une démarche rassembleuse. Nous aurions tout fait pour que cette manifestation ne soit pas une manifestation des uns contre les autres.
Tous ceux qui ont quelque chose à dire sur cette histoire étaient évidemment les bienvenus. L'ostracisme et les insultes ne sont pas de notre fait.
Le second élément de la polémique était le budget. On a parlé de 600.000 euros. Le chiffre était-il exact?
Le budget obtenu par le CRAN et tous ses partenaires était d'environ 170.000 euros, On est bien loin des sommes folles avancées.
En essayant de nuire au CRAN certains ont oublié le fond de la question: la situation des populations noires hier et aujourd'hui. Certains ont oublié la loi du 23 février 2005 et ont favorisé la duplicité des gouvernants qui d'un côté, disent qu'ils vont abolir cette loi, alors qu'on constate qu'elle est déjà appliquée dans certains manuels sur le marché qui parlent du rôle positif de la présence française Outremer.
En se polarisant sur le CRAN on oublie que d'un côté, on a confié à Edouard Glissant le fameux projet dont tout le monde parle, et que de l'autre on construit à Marseille un musée dont tout le monde pense qu'il a pour but d'expliquer le "rôle positif" de la présence française Outremer.
En tapant sur le CRAN, on contribue à passer sous silence que d'un côté, à travers les cérémonies, on rend hommage à la loi Taubira et que de l'autre, on ne dit rien quand 40 députés montent à l'assaut de cette même loi Taubira.
Nous avons du pain sur la planche. C'est cela, et cela seul qui doit nous mobiliser aujourd'hui et demain.
Que fera le CRAN le 10 Mai?
Se recueillir, travailler pour une meilleure connaissance de l'histoire des populations noires en France ainsi qu'à l'amélioration de leurs conditions de vie actuelles. |