
Les progrès socioéconomiques et politiques encourageants du Liberia après 14 ans d'une guerre civile ruineuse font de ce pays un cas dont la résolution aura valeur de précédent dans le cadre de la reconstruction et le développement humain post-conflit en Afrique, a déclaré un officiel onusien.
Ellen Johnson-Sirleaf, première femme élue présidente en Afrique l'année dernière, jouit d'une immense bienveillance au niveau international grâce à sa brillante carrière dans l'administration publique et une farouche détermination à relever les défis en termes de reconstruction de la première république du continent ruinée par la guerre civile qui a tué plus de 250 000 personnes.
Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) où Mme Johnson-Sirleaf avait servi à un poste de très haut niveau, et qui est à l'avant-garde des efforts d'assistance à l'Afrique concernant ses énormes problèmes de développement, a publié vendredi son premier Rapport sur le développement humain consacré au Liberia depuis l'avènement du nouveau gouvernement en janvier dernier.
"Le plus important pour nous est que le Liberia aujourd'hui représente un cas dont la résolution aura valeur de test" a déclaré Gilbert Houngbo, secrétaire général adjoint et directeur du Bureau régional adjoint du PNUD pour l'Afrique (RBA). "Les lumières clignotent et le train (de la reconstruction et du développement durable) est en marche. Ce n'est qu'une question de temps".
Outre la destruction ou l'absence d'infrastructures socioéconomiques, le Liberia peuplé de 4 millions d'habitants marqués par la guerre et avec un maigre budget national de 130 millions USD, est confronté à des problèmes liés à l'insécurité, la fuite des cerveaux, la dette, à des taux d'analphabétisme et de chômage élevés, à un service public démoralisé, et aux milliers d'anciens combattants jeunes et rebelles.
Le Rapport du PNUD intitulé "Mobilisation des capacités pour la reconstruction et le développement" analyse quelques-uns des problèmes qui ont bloqué le développement humain et propose des solutions pratiques sur la manière dont le nouveau gouvernement de Monrovia pourrait prendre en main les politiques favorables aux pauvres.
M. Houngbo a déclaré dans un entretien accordé à la PANA depuis New York, que les interventions du PNUD au Liberia se focalisaient sur trois domaines clé - la réduction de la pauvreté, la réalisation des Objectifs de développement pour le millénaire à l'horizon 2015, la gouvernance économique et la reconstruction post-conflit.
"Nous soutenons également la lutte contre le VIH/SIDA et bien entendu la question genre dans sa dimension transectorielle dans le cadre d'une stratégie de développement global" a-t-il souligné.
En termes monétaires, le PNUD dépense plus de 150 millions USD dans le cadre de ses différentes interventions au Liberia pour le cycle du programme 2006-2007, non compris les contributions provenant de sources bilatérales et multilatérales et des partenaires au développement, dont la Banque mondiale, le FMI et les organisations du système des Nations unies.
M. Houngbo a indiqué que le PNUD mettait un accent particulier sur le renforcement des capacités dans ses interventions en matière de développement dans les pays pauvres, y compris en Afrique, parce que "si nous nous ne renforçons pas les capacités au niveau individuel, sociétal et institutionnel, les efforts de développement pourraient s'avérer infructueux".
D'après le Rapport sur le développement humain national 2006 sur le Liberia, pour que le renforcement des capacités soit durable, il faut "procéder à une évaluation des besoins mais aussi à une évaluation des capacités existantes dans la société libérienne, y compris son capital social qui a contribué à la survie de la population dans des conditions de misère extrême et continue d'offrir des perspectives pour l'avenir".
Pour souligner l'importance de cette approche inclusive en matière de renforcement des capacités, le directeur régional a dit que le PNUD avait encouragé la création d'un Institut pour une société ouverte (Open Society Institute) dans le but d'impliquer tous les partenaires dans l'accélération de la réduction de la pauvreté, qui, a-t-il dit, était interdépendante de la création de richesses "afin de fournir à la population un accès aux besoins essentiels".
Le PNUD et des experts travaillant pour d'autres partenaires collaborent aussi avec les autorités libériennes à l'élaboration du Document de Stratégie de réduction de la pauvreté (PRSP) en vue d'aider à relancer les services sociaux tels que la santé, l'éducation, l'approvisionnement en électricité, l'eau et l'assainissement, a révélé l'officiel onusien, tout en soulignant l'importance d'un partenariat public-privé fort pour piloter le bateau du développement, particulièrement dans les pays émergeant d'un conflit.
Pour prendre en main les défis de la jeunesse, qui selon M. Houngbo sont presque identiques dans beaucoup de pays africains, le PNUD travaille en partenariat avec l'Organisation internationale du travail (OIT) sur des programmes de création d'emplois pour donner les moyens nécessaires aux jeunes libériens, y compris dans le cadre d'un programme volontaire pour les diplômés de l'université.
Le PNUD, dans le cadre de son programme de Transfert de technologie par l'intermédiaire des nationaux expatriés (TOKEN) aide également les Libériens expatriés soit à rentrer au bercail soit à s'engager dans des activités qui contribuent au développement de leur pays.
"Je n'ai pas les chiffres exacts, mais nous faisons beaucoup de progrès dans ce domaine au Liberia et dans d'autres pays africains", s'est réjoui M. Houngbo.
Doté de ressources naturelles comme le diamant et le bois, on ne peut pas dire que le Liberia est un pays pauvre, mais ironie du sort, ce sont ces énormes revenus tirés de l'exploitation illégale des ces ressources qui ont alimenté et entretenu la sanglante guerre civile, d'où l'embargo de l'ONU sur les exportations du diamant et du bois libériens.
A la question de savoir quand est-ce que le Liberia sortira de ces difficultés, vu le soutien généreux de la communauté internationale, M. Houngbo a répondu qu'un grand espoir est placé sur la Table ronde internationale sur la mobilisation des ressources pour le Liberia prévue en octobre.
D'après lui, la rencontre abordera un grand nombre de sujets qui vont changer positivement la situation au Liberia, dont l'allègement de la dette dans le cadre de l'Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE), et la poursuite des sanctions liées à l'exportation du diamant.
Tout en rappelant que la corruption reste le fléau qui empoisonne les gouvernements africains successifs dont le gouvernement inétrimaire du Liberia auquel a succédé l'administration de Mme. Johnson-Sirleaf, l'officiel onusien a dit que outre l'engagement réaffirmé de l'actuel président du Liberia à lutter contre ce vice, l'intervention du PNUD en matière de gouvernance économique est chevillée au principe de tolérance zéro pour la corruption.
"Nous ne réclamons pas la perfection, mais nos programmes sont basés sur des projets et n'engendre une quelconque manipulation d'argent. Chaque programme est soumis à un contrôle strict et les pays sont soutenus dans l'appropriation et la gestion de leurs ressources dans un équilibre subtil rigoureux", a-t-il ajouté.
Concernant les Rapports annuels sur le développement humain du PNUD critiqués par des économistes indépendants, particulièrement les critères standards utilisés pour mesurer le développement humain, le directeur régional a défendu les différents documents et les experts qui les ont établis.
Il a estimé que le défi majeur était celui de la qualité des statistiques, et qu'on doit réaliser que "la croissance ne se traduit pas nécessairement en développement économique". |