« Même si on n’aime pas le lièvre, il faut reconnaître qu’il a de grandes oreilles et qu’il court vite. » Et lorsque le boulanger-en-chef d’Eburnie résiste à tous les courants contraires, contourne tous les écueils, prend de vitesse tous ses concurrents réels et supposés, proches et lointains pour imposer sa... « gbagbologie », il y a de quoi s’incliner devant la pugnacité de ce lièvre politique.
Un lièvre politique qui a réussi le tour de force de rallier tout le monde à sa fumeuse trouvaille de « dialogue direct ».
Il n’y a pas jusqu’à l’impétueux Guillaume Soro, qui avait pourtant claironné haut et... clair son « niet catégorique », qui ne s’est finalement pas laissé convaincre. Bien entendu, le leader des Forces nouvelles (FN, ex-rébellion ivoirienne) y a mis la forme : « Respectueuses de leurs engagements sincères dans l’application des accords déjà signés et surtout loyales à l’esprit et à la lettre de la résolution 1721, les Forces nouvelles m’ont mandaté pour répondre oui à l’initiative du chef de l’Etat, mais seulement dans le cadre de la résolution 1721 », a-t-il notamment déclaré aux membres du Groupe de travail international (GTI) qui tenait récemment leur 12e réunion à Abidjan.
Le GTI constatait, en effet, « une impasse totale due principalement au refus de certaines parties ivoiriennes d’accepter et d’appliquer la résolution 1721, en dépit des efforts déployés notamment par le Groupe de médiation ».
Aussi pense-t-il que le « dialogue direct » proposé par le chef de l’Etat « doit viser à l’application de solutions concrètes et précises, notamment en ce qui concerne l’identification, le processus de désarmement, la restructuration des forces armées et la tenue d’élections crédibles sur l’ensemble du territoire national ». En réalité, en souscrivant à cette idée de « dialogue direct », on enterre en douceur la résolution des Nations unies dont les uns et les autres - Guillaume Soro compris - sont désormais unanimes pour constater « l’échec ».
Et comme Michel de Bonnecorse, le « Monsieur Afrique » de l’Elysée est passé par là quelques jours avant la réunion du GTI pour encourager les « idées de discussions directes », l’on ne peut s’empêcher de conclure qu’il a réussi à convaincre les irréductibles d’hier d’y aller, en apportant, selon des observateurs avertis « le soutien de la France au plan Gbagbo ».
En tout cas, le chef de l’Etat ivoirien aura montré qu’il a plus d’une pâte d’habileté dans son pétrin, et qu’il ne se laissera pas dépouiller de ses prérogatives. Quand un boulanger court aussi vite qu’un lièvre et retourne la course à son avantage, on n’a plus qu’à reconnaître l’efficacité de sa... « gbagbologie ».
S.M.T.
Journal du jeudi
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