Un proviseur de l’Education nationale vient d’être révoqué pour diffusion pornographique sur son blog. Mais le caractère pornographique est-il justifié? Qu’est-ce qui implique une telle sanction? Quels sont ses fondements d’une telle décision ? (...) pourquoi y a-t-il faute? Est-ce à dire que la censure est rétablie, non pas de droit, selon un édit, mais dans les faits ? Délit de blog Le document source — garfield.com — a été retiré de la toile (enfin, pas tout à fait...). Une copie destinée à un public restreint est disponible à BlogAPart

Extrait de l'article rédigé par philippe boisnard écrivain, philosophe

Ces extraits sont ici cités afin de souligner les passages qui illustrent nos propos.
Le document source reste la seule référence obligatoire pour la construction du sens.

Tout d’abord, précisons que les blogs, de plus en plus, se donnent à lire comme des journaux intimes, qui allient à la fois le témoignage et la fiction, la pensée personnelle et la pensée générale. Ils ne sont pas de l’ordre de la pure objectivité, mais par leur logique interne d’écriture, ils impliquent une invention de soi.

Ce qui est dit est ensuite discuté par des lecteurs potentiels (ou bien non lu), ce qui permet un partage derrière une certaine forme d’anonymat. Alors que le journal intime appartenait géolocalement au monde proche de celui qui écrivait, grâce à la dimension spécifique du web, il n’y a plus de géolocalisation du partage, celui-ci se détermine par rassemblement selon des affinités partagées (...). C’est pourquoi le blog est à la fois lieu secret et lieu ouvert à tous les regards, alors que le journal intime pouvait, par son caractère matériel, prétendre au secret absolu.

La censure, telle que la définissait Rousseau, dans Du contrat social, repose sur la possibilité de garantir l’intégrité de la morale des mœurs (chap. III, liv. IV), et comme on le sait, la république fondée par Rousseau se doit d’être l’incarnation politique d’une volonté générale, fondée sur un devoir de raison, et pour les sujets, un devoir-être moral. En ce sens, Rousseau, loin de penser la démocratie au niveau politique, la répudie comme impropre aux hommes, ceux-ci ne pouvant pas en effet, du fait de leurs passions et de leurs désirs, être laissés à eux-mêmes, ceux-ci devant accepter de plier leur intérêt propre et leur expression en faveur de l’intérêt de la volonté générale, avec ce qu’elle accepte au niveau de l’expression publique.

On voit alors toute l’ambiguïté du blog: il est à la fois une expression personnelle publiée d’un point de vue privé et l’acceptation plus ou moins consciente d’appartenir au plan général de la publicité: il est une publication. Cependant, en cette heure de spectacularisation mondiale aussi bien de la violence que de la sexualité, spectacularisation se donnant, comme l’exprimait Baudrillard, en tant que pornographie, n’est-il pas évident qu’il y aurait une aberration dans la décision prise par l’éducation nationale, s’il est vrai que les contenus ne sont pas plus sensationnels que ceux qu’on peut constater? Est-ce que le développement exponentiel des blogs et la nature de leur expression n’impliquent pas de rompre avec une morale politique imposant de convenir à un devoir-être, mais plutôt demande une autre forme d’approche, peut-être même quant à leur nature? Délit de blog

Texte de la pétition Bienveillance pour Garfieldd

To: Monsieur le Ministre de l'éducation nationale

Monsieur le Ministre,

Une commission paritaire nationale disciplinaire tenue le 9 décembre a jugé qu’un chef d'établissement devait être révoqué au motif que son blog présentait des «photos et écrits à caractère pornographique» ce qui constituait un «comportement incompatible avec l'exercice de la responsabilité d'un chef d'établissement».

La révocation est la plus grave des sanctions qui peut frapper un fonctionnaire puisqu’elle lui interdit de continuer à exercer ses fonctions. Elle constitue une condamnation extrême, peu employée ; exceptionnellement dans le cadre d’une première mesure et de manière rarissime quand les faits reprochés n’ont pas de volet pénal parallèle. En l’espèce, le proviseur sanctionné l’était pour la première fois et sans que les faits reprochés n’aient donné lieu à des procédures externes.

Ceux qui ont régulièrement consulté le site incriminé sont nombreux à ne pas comprendre comment il a pu être assimilé à de la pornographie.

Ceux qui ont régulièrement consulté le site incriminé sont nombreux à ne pas comprendre comment il a pu être perçu comme pouvant jeter le discrédit sur l'institution.

Ceux qui ont régulièrement consulté le site incriminé sont nombreux à ne pas comprendre comment le remarquable attachement de Garfieldd au système éducatif, aux enseignants et aux équipes avec lesquelles il a travaillé et surtout, surtout sa volonté acharnée à travailler pour les élèves qui lui sont confiés ont pu être relégués au second plan pour ne retenir de son journal que ce qui, sorti de son contexte et interprété avec un parti pris, pouvait lui faire du tort.

Du reste l’éducation nationale, qui a su s’adapter à l’outil internet, a installé sur de nombreux serveurs pédagogiques des logiciels chargés de filtrer les contenus douteux. Le site de Garfieldd n’a jamais été bloqué pour son caractère pornographique.

Monsieur le Ministre, l’institution ne s’honore pas de cette décision pas plus qu’elle ne répond aux attentes de ses membres en sanctionnant de façon disproportionnée un puni pour l’exemple.

A un moment où cette décision extrême se télescope de façon malheureuse avec d’autres rapports concernant l’institution et qui vont dans un sens plus favorable aux mis en cause, vous pouvez envoyez un message d’apaisement et de justice sereine en revoyant la sanction comme la moi vous y autorise.

Vous devriez recevoir, si ce n’est déjà fait, un recours gracieux. En répondant à ce recours, Monsieur le Ministre, vous ne répondrez pas seulement à un homme pour qui vous êtes le dernier espoir, vous répondrez aussi à tous ceux qui ont de Garfieldd une autre vision que celle qui a été présentée et qui attendent que son honneur lui soit rendu.

Notre webmarade Garfieldd n’est pas à l’initiative de cette pétition, il n’en est même pas avisé. Que celle-ci n’assombrisse pas votre réflexion si sa teneur vous déplaisait.

Nous sommes tous des proviseurs de Mende.

Sincerely, The Undersigned