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W.E.B Du Bois, son fils Burghardt et Nina Du Bois
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Ils ignorent pratiquement tout autour d’eux, de l’organisation économique moderne, de la fonction du gouvernement, de la valeur et des possibilités de l’individu - presque toutes ces choses que l’esclavage, par mesure de précaution, les empêchait d’apprendre.
Tout ce que le garçon Blanc apprend par capilarité, dès son plus jeune âge, grâce à l’atmosphère sociale dans laquelle il baigne, concentre l’essentiel des problèmes les plus inextricables pour le Noir d’âge mûr.
“Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes: tous les Hommes sont créés égaux; ils sont dotés par le créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la poursuite du bonheur.”
Le 4 novembre 2008, l’Amérique s’est souvenue de la promesse de ses pères fondateurs, de ces hommes qui initièrent cette aventure unique et improbable: la fondation d’un pays libre et démocratique, le pays des opportunités pour tous et de l’égalité des chances.
C'est aussi le jour où justement, nous devions nous souvenir de ceux qui ont vécu, souffert et lutté, pour que le rêve devienne réalité. De nombreux hommes n’ont vécu que pour rappeler à ce pays sa promesse, longtemps reniée. Sojourner Truth, Harriet Tubman, et Frederick Douglass qui sera d’ailleurs le premier Afro-Américain à obtenir une voix lors d’une convention désignant un candidat pour la Maison Blanche. Rosa Parks, la femme ordinaire au destin extraordinaire. Malcolm X et Martin Luther King qui payeront de leur vie. Sans compter des millions d’autres qui ont lutté et sont morts dans l’anonymat. |
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Fatia Nkrumah, W.E.B Du Bois, Kwame Nkrumah et Shirley G Du Bois
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Il y a 105 ans, alors que l’Amérique était encore un pays avili par l’oppression et la ségrégation raciale, un homme a élevé sa voix d’une manière totalement inattendue pour un Noir à cette époque: il a écrit un livre, à la fois analytique et poétique, un éssai intitulé The Souls of Black Folk. Il s’appelait William Edward Burghardt Du Bois.
Né en 1868, il est le premier Afro-Américain à obtenir un diplôme de Doctorat à l’Université de Harvard, en 1895. Bien avant la majorité de ses concitoyens, il avait saisi de manière aigüe le rôle que peut jouer l’homme exceptionnel pour sa communauté et pour ses concitoyens:
“Le progrès, dans les affaires humaines, vient bien plus souvent d’en haut que d’en bas: l’homme exceptionnel fait d’abord un bond en avant, puis il tire à lui ses frères plus quelconques, lentement, difficilement, jusqu’à sa position privilégiée. Ainsi ce n’est pas un accident qui a donné naissance aux universités, des siècles avant les écoles primaires, et qui a fait du bel Harvard la première fleur de notre désert.”
Cette intuition qui anticipait déjà la page historique qui est en train d’être écrite repose sur deux concepts clés, formulés par du Bois lui-même: la double-conscience, et le voile.
La double-conscience, pour les Afro-américains, c’est la capacité, la nécessité pour eux de s’accepter à la fois comme africains et comme américains. Cette voie du réalisme, visionnaire, synthétique sans être tiède, est en fait la seule qui pouvait avoir un futur: c’est le point d’équilibre vers lequel a convergé l’Amérique, avec le concept d’African-American. |
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''Les âmes du peuple noir'' de W.E.B Du Bois
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Le voile, par contre, est la barrière ténue et presque invisible de la ségrégation raciale. Il se manifeste souvent violemment à travers les pancartes Whites only ou les lois Jim Crow. Souvent par contre, il est beaucoup plus sournois, et son origine remonte aux premiers jours de l’émancipation, juste après 1865. Pour les Blancs de cette époque, selon Du Bois, “La vie au milieu de Noirs libres était tout simplement inconcevable, la plus démente des expériences”. La réponse à ce danger, à cette phobie à la fois consciente et inconsciente, était l’érection de barrières.
La plus importante d’entre elles était la barrière de l’éducation, car comme l’explique justement l’auteur, “l’éducation pour tous a toujours introduit, et introduira toujours, un élément de danger et de révolution, d’insatisfaction et de mécontentement”. L’une des premières luttes les Afro-Américains a donc été celle de l’éducation, et déjà à l’époque de Du Bois, deux écoles s’opposaient.
La première était celle de Booker T. Washington (qui fut soit dit en passant le tout premier Noir à être invité à la Maison Blanche, par Theodore Roosevelt en 1901; invitation qui fit scandale). Il prônait une éducation manuelle, qui permettrait aux Noirs de s’installer à leur propre compte et de constituer une classe moyenne, une petite bourgeoisie financièrement indépendante: “On ne respectera les Noirs que lorsqu’ils habiteront des maisons en brique et à étage”. C’était une vision des choses très populaire chez les Blancs modérés et progressistes, qui souvent étaient les bailleurs de fonds des instituts de formation pour les Noirs. |
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En juillet 1963 au Ghana avec Kwame Nkrumah
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Du Bois par contre insistait sur la nécessité d’une éducation plus diversifiée, universelle: “Est-ce qu’on doit leur enseigner le commerce ou les arts libéraux? Ni l’un ni l’autre, et les deux: enseignez aux travailleurs à travailler et aux penseurs à penser; faites des charpentiers de charpentiers et des philosophes des philosophes, et des fous de fous.”
Les âmes du peuple Noir rassemble donc la pensée de Du Bois autour de ces deux concepts, à travers des analyses tirées soit de ses recherches, soit de son vécu, soit de son imagination. De tous ses textes, certains ont une importance spéciale: “Sur nos luttes spirituelles” où il campe la dimension spirituelle du problème Noir;
“Sur la signification du progrès”, démonstration par l’exemple du décrépissement d’une société où les Noirs sont exclus du système éducatif; “Sur la formation des Noirs” où il revient notamment sur son opposition avec Washington; “Sur la foi de nos pères”, où il explique le rôle joué par l’Eglise afro-américaine dans leur société; “Sur la mort du premier-né”, poignant épisode personnel sur la perte d’un enfant; “Sur Alexandre Crummell”, hommage au héros inconnu; ou encore “Sur le retour de John”, nouvelle brillante où l’on voit un jeune Noir innocent prendre conscience du Voile. |
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Les funérailles de Web Du Bois, décédé et enterré au Ghana en 1963. On reconnait Kwame Nkrumah et Shirley Du Bois, la veuve
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Cet essai, qui est aujourd’hui un classique, n’a pas pris une ride en plus d’un siècle. Au contraire: il permet de mesurer le chemin parcouru, mais surtout celui qui reste à parcourir.
C’est aussi le leg majeur d’un penseur essentiel, probablement l’un des plus grands intellectuels ayant jamais vécu, et un des pères du panafricanisme, mort justement au Ghana en 1963 après avoir été naturalisé ghanéen. “Tout au long de l’Histoire”, disait du Bois, “les forces d’hommes noirs isolés étincellent ça et là comme des comètes, et s’éteignent parfois avant que le monde ait vraiment mesuré leur éclat”: aujourd’hui, une de ces comètes s’est transformée en étoile, une étoile dont l’éclat persistera, symboliquement, pour l’éternité. |
Citation |

L’histoire du Noir américain est l’histoire de cette lutte- de cette aspiration à être un homme conscient de lui-même, de cette volonté de fondre son moi double en un seul moi meilleur et plus vrai. Dans cette fusion, il ne veut perdre aucun de ses anciens moi. Il ne voudrait pas africaniser l’Amérique, car l’Amérique à trop à enseigner au monde et à l’Afrique: il ne voudrait pas décolorer son âme noire dans un flot d’américanisme blanc, car il sait qu’il y a dans le sang noir un message pour le monde. Il voudrait simplement qu’il soit possible à un homme d’être à la fois un Noir et un Américain, sans être maudit par ses semblables, sans qu’il lui crachent dessus, sans que les portes de l’opportunité se ferment brutalement sur lui.
W.E.B Du Bois
Titre original: The Souls of Black Folk
Première édition: 1903
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