Cinq profils politiques de Noirs en France ?
Par JB, samedi 3 décembre 2005 à 15:58 :: Général :: #617 :: rss
Quand je m’installe devant ma télé ce 3 décembre 2005 pour regarder le magazine L’Hebdo sur France Ô après avoir aperçu autour d’une table Claude Ribbe, Stéphane Pocrain, Jean-François Kahn etc., je m’attends à passer un bon moment de télévision. Ma surprise (déception ?) est grande quand au bout d’un moment j’assiste à un affrontement entre l’universaliste Claude Ribbe et l’alterrépublicain Stéphane Pocrain.
Le premier, que la récente naissance du Conseil représentatif des Associations noires (CRAN) met mal à l’aise à cause de son principe fondateur, un rassemblement basé sur la couleur de la peau, a une vision idéalisée de la République où Blancs et Noirs vivent en parfaite harmonie. Que penseriez-vous, demande-t-il naïvement à Stéphane Pocrain, d’un rassemblement des associations blanches ? Réponse intelligente de l’ex-porte parole des Verts : « Les situations ne sont pas comparables. Les blancs ne sont pas en France une minorité discriminée pour le logement et pour le travail. » Fin de la polémique et avantage à SP. Je ne suis pas sûr que Stéphane Pocrain ne veuille pas de cette République idéale, mais il est las de l’attendre. Alors il veut une autre République qui reconnaisse tous ses enfants avec leurs spécificités. Si le communautarisme est un repli sur soi, il n’en veut pas. S’il s’engage sur cette base de la couleur de peau, c’est parce qu’il croit à l’action militante. Rien n’est donné, il faut prendre ! C’est parce que les Noirs de France ont toujours cru comme Claude Ribbe aux bons sentiments des champions de l’humanisme déclaré, qu’ils en sont encore à construire des cadres d’expression.
Mais pourquoi ces sujets relatifs aux Noirs (‘Noir : ce n’est pas un gros mot.’ Patrick Lozes, président du CRAN) bénéficient-ils d’une nouvelle attention aujourd’hui en France, avec par exemple la relance de la polémique sur l’enseignement des côtés positifs de la colonisation française ? La plupart des observateurs (ici Kahn et Pocrain) s’accordent à penser que l’enjeu est électoral. Il s’agirait notamment pour les politiques de droite à l’initiative de ce texte, de mettre dans leur escarcelle, les rapatriés d’Algérie du sud de la France. Alors, puisqu’on parle d’élection, tentons une typologie des votants noirs. Stephane Pocrain et Claude Ribbe sont peut-être deux profils différents. Cherchons-en d’autres.
A l’occasion du Festival du cinéma des mondes métissés (4->9 novembre 2005), l’émission de France Ô, Studio M de Marie José Alie installe ses quartiers en Guyane. Dans un décor de plage et sur un plateau balayé par le vent, elle reçoit Raoul Peck (auteur-réalisateur), Alex Descas (comédien) et Philippe Niang (scénariste). Question : croyez-vous en un cinéma militant ? Se sentant sûrement le plus concerné pour avoir réalisé ‘Lumumba’, Raoul Peck se lance pour dire qu’il se méfie de cette notion de militantisme. Il préfère, lui, celle de citoyenneté. Car, ignorant ou négligeant son pouvoir, la masse du coup silencieuse se cache derrière ses leaders auxquels elle laisse porter le chapeau (le drapeau ?), en se dédouanant de tout engagement. Second concerné, Alex Descas reconnaît que oui, il est militant dans la mesure où il n’accepte pas n’importe quel rôle, ce qu’il appelle, les rôles ‘serpillière’. P. Niang qui a écrit plusieurs scénarii pour la télévision française à l’instar du film ‘Un bébé noir dans un couffin blanc’ dans lequel il convie à l’amour en invitant à voyager au delà des préjugés et des a priori, lui, n’est pas militant. Il ne se lève pas le matin en se disant ‘Qu’est-ce que je vais faire pour mes frères aujourd’hui ?’ Les autres non plus je crois, mais bon…
Autre question adressée à Philippe Niang, diplômé de philosophie : quelle est votre philosophie ? P. Niang, n’est pas dans la transcendance, il est dans l’immanence… S’il fallait choisir une formule, il dirait comme la publicité de Nike : « Just do it. » Il est pour l’action. Seule, elle compte. Raoul Peck, décidément méfiant, émet une réserve sur des formules toutes faites qui n’expriment peut-être pas le fond d’une pensée nécessairement complexe. Pour lui, il faut agir, certes, mais dans un cadre bien déterminé, qui prend en compte notre passé, notre présent et engage notre futur. De fait nous sommes le produit de quelque chose, d’une expérience spécifique à laquelle nous ne pouvons/devons nous dérober. Le positionnement de P. Niang obéit en fait à cette exigence, lui qui est bourguignon (oui, lui aussi !) de par sa mère et sénégalais par son père. Mais c’est de culture française qu’il s’est nourri. Alors, il n’a, lui, pas de problème d’identité. Il n’a même pas eu à choisir, il a eu un parcours rectiligne en ayant réussi ses vies scolaire et professionnelle comme n’importe quel Français ordinaire. Trois parcours, peut-être deux, qui font partie du spectre des profils que j’ai ébauchés plus haut. Achevons le tableau.
Si l’on voulait emprunter une classification compréhensible avec des références françaises actuelles, l’Extrême Droite pourrait être représentée par la Tribu Ka et son mentor, Kémi Séba. La droite par les fameux ‘Egyptologues’ et profils du type de Stéphane Pocrain ou Raoul Peck (qu’ils partagent ou non ces idées) ; le Centre par une masse indéterminée moins cohérente (constante ?) idéologiquement et de ce fait difficilement cernable, à l’image de Claude Ribbe qui exhibe le côté détestable de Napoléon tout en critiquant le CRAN, ou Serge Bilé qui se désolidarise de Dieudonné tout en s'investissant dans sa négrité pour révéler la présence des Noirs dans les Camps nazis. Ces Centristes oscillent entre la Droite, et une Gauche représentée par les partisans de l’entrisme comme Lonsi Koko (PS) ou Patrick Lozes (UDF) ; enfin l’Extrême Gauche représentée par les assimilés notoires croyants et adeptes de l’intégration à la française (tous 'Gaulois'), à l’image des bourguignons Gaston Kelman et Philippe Niang. Cinq parcours possibles, cinq profils que je vous invite à méditer, à critiquer, à corriger, à considérer ou à rejeter.
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