Il y a 11 ans en Novembre 2006, alors que l'ambassadeur zaïrois Raymond Ramazani Baya traversant Menton à tombeau ouvert pour rejoindre au plus vite Mobutu, et écrasant deux enfants au passage jouissait selon la Convention de Genève d'une quasi immunité totale, ce qui signifie qu'il pouvait donc comme n'importe quel diplomate, quasiment tout faire sans être inquiété (sauf flagrant délit), Mobutu avait autorisé la levée de son immunité pour qu'il soit jugé en France (deux ans de prison avec sursis). C'était quasiment une première.

En revanche, la justice française n'a pas le même zèle pour lever d'autres immunités... Pourquoi a t-il été jugé en France ? Parce que les faits s'y sont déroulés. Vous voyez ce que je veux dire.

Pour quelle raison – sinon un racisme ambiant de plus en plus affiché donc assumé – devrait-on juger nos compatriotes de l'Arche de Zoé en France alors que les faits se sont déroulés au Tchad ?


La France officielle affirme qu'il existe un texte permettant l'extradition de ses ressortissants, mais :

- il faut l'accord du Tchad, arrière-cour de l'armée française (après 50 ans de coopération militaire, les Tchadiens ne peuvent toujours pas se prendre en charge seuls ; on se demande bien à quoi sert la coopération ?), ce qui interviendra sans aucun doute, le Tchad étant quasiment une néo-colonie française qui a peu de moyens de refuser les pressions ;

- l'existence d'un texte ne signifie pas application : la France officielle est bien placée pour le savoir, elle qui piétine chaque jour nombre d'engagements qu'elle a pris, aussi bien bien en interne, que sur le plan international ;


La gauche y compris, réclame un jugement en France et même certains blacks (les « bounty » ou les « peaux noires, masques blancs » tels Rama Yade). Il y a de quoi désespérer de ce racisme de plus en plus assumé, et qui va au-delà de l'arrogance.

Imagine t-on un instant une dizaine de Tchadiens dans la même situation en France avec 103 enfants français blancs. Que ne dirait-on pas ? C'est une affaire qui occuperait les médias un mois durant, sinon plus, où seraient évoqués le cannibalisme, les sacrifices humains.... parce que dans l'imaginaire collectif, seuls les blancs peuvent adopter, alors que c'est monnaie courante en Afrique, où l'oncle élève ses neveux ou nièces, voire les enfants d'un ami ou voisin, etc...

Bizarrement – ou volontairement – personne n'évoque ce cas de figure, oh combien improbable.

Au-delà du fond de l'affaire, que je ne connais pas, et pour laquelle je ne souhaite pas me laisser intoxiquer par une presse à laquelle je ne fais plus confiance (les news sont devenues des marchandises), la forme de l'affaire veut que l'affaire soit jugée au Tchad....


Nous y reviendrons sans doute ultérieurement... mais on peut déjà dire que la population tchadienne qui ne donne pas son avis sait ce qu'un jugement en France signifie :

- Bob Denard a été relaxé pour ses nombreux services rendus à .... l'Afrique !!!

- les protagonistes de l'affaire Elf (André Tarallo, promotionnaire de Chirac à l'ENA en 1957, pour ne citer que lui) a dû ne faire que deux mois de prison, si mes souvenirs sont bons (la préventive n'étant pas en pratique et selon les circonstances et les personnes comptabilisées de la même façon), pour raisons médicales. Près de deux ans et demi plus tard, celui qui est toujours en vie, mais qui est toujours hospitalisé au moment de ses comparutions, a été condamné définitivement et n'a pas remboursé un centime. Quant aux autres protagonistes qui sont également définitivement condamnés (André Guelfi, Alfred Sirven aujourd'hui décédé – qu'ont-ils payé ou remboursé ? -) ;

- je passe sur les nombreux crimes individuels non élucidés par la justice française concernant des ressortissants français (le juge Bernard Borrel à Djibouti, l'ambassadeur de France au Zaïre Philippe Bernard pour ne citer que les plus connus), je ne parle même pas ceux concernant les Africains (Sylvanus Olympio, Thomas Sankara, Patrice Lumumba, et les dirigeants de l'UPC : Félix Moumié, Ruben Um Nyobé, Ernest Ouandié, Ossendé Afana – à croire qu'on a voulu les éradiquer tous -), a fortiori pour des crimes pourtant commis sur le territoire français (Mehdi Ben Barka, Dulcie September et Outel Bono).


La justice française dont on loue les mérites est pourtant régulièrement condamnée par la Cour européenne des Droits de l'Homme (il est vrai que les magistrats ici ne sont pas aux ordres) et n'a pourtant rien à envier à la justice tchadienne. S'intéresse t-on d'ailleurs aux complices tchadiens de l'Arche de Zoé. Que deviennent-ils ? Sont-ils poursuivis ? Arrêtés ? Personne n'en parle ici, pourtant si les conditions pénitentiaires sont dures pour nos compatriotes, elles le sont également pour les Tchadiens. Qui s'en émeut ?



Enfin une brève incursion dans l'affaire des Tarterêts avec le fameux témoin sous X, bien qu'elle concerne la France et non l'Afrique. Cette affaire est scandaleuse, on ne le dit pas assez. Imaginez un blanc qui doit reconnaître un noir ou un asiatique. Pour lui, ils sont tous pareils (il n'y a qu'à regarder toutes les erreurs judiciaires concernant des blacks dans le couloir de la mort aux États-Unis). Pour inventer des preuves, il n'y a pas mieux, car il suffit de trouver un fantôme dont on ne saura jamais rien..... y compris s'il était un policier déguisé !!!



Cette note étant déjà assez longue, j'attend la décision du Conseil Constitutionnel relative à l'affaire ADN avant d'en faire quelques commentaires.