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Pouvez-vous vous présenter à nos internautes ?
Je m’appelle Sam Boubou BA, je suis Sénégalais. Je suis marié et père de trois enfants.
Je suis arrivé en France en septembre 1993.
Quel est votre parcours ?
je suis né à Dakar au Sénégal. J’ai passé mon enfance et une bonne partie de ma jeunesse à Pikine, la grande banlieue de Dakar.
Pikine est avant tout une excroissance de Dakar, considérée avant comme un village de déguerpis.
Cette ville créée en 1952 compte actuellement plus d’un million 500mille habitants et connaît une croissance démographique très rapide.
Pikine tire une bonne partie de son caractère, la crise sociale qui affecte le monde rural.
L’exode rural est la source principale de cette croissance qui se traduit qui se traduit par une invasion partielle de l’espace urbain par des flux de populations encore largement déterminées par des systèmes socio-culturels traditionnels.
Les problèmes d’emploi, de chômage y sont récurrents.
La ville de Pikine compte environ 300 associations de développement de quartiers dont la moitié est constituée de jeunes.
J’ai débuté mon apprentissage syndical en étant délégué de classe. Cette envie de revendiquer, d’être porte- parole ne m’a plus quitté.
J’ai tour à tour été secrétaire général des brevets de Techniciens du Sénégal, délégué dans la coordination des élèves et étudiants du Sénégal, des responsabilités qui m’ont emmené à négocier avec des ministres de la république en vue de satisfaire des plates formes revendicatives.
J’ai adhéré au mouvement populaire « Union de la Jeunesse Démocratique Alboury Ndiaye, UJDAN », avant de militer au Parti de l’Indépendance et du Travail ( PIT ) jusqu’en 1992, date à laquelle j’ai décidé de me consacrer exclusivement à l’association dénommée « Amicale des Jeunes de Wakhinane , AJW» que j’ai fondée avec d’autres jeunes deux ans auparavant.
Cette association est un mouvement populaire qui a pour objectif d’améliorer les conditions de vie des habitants de Wakhinane, par la formation et l’entraide, le renforcement du tissu social à partir des forces des habitants qui sont d’abord les principaux concernés et bénéficiaires.
Actuellement, l’AJW est devenue une association d’exemple, de référence au Sénégal. Sans l’aide extérieure, elle a formé des centaines de jeunes filles à la couture, elle a ouvert des classes d’alphabétisation, une école, elle appuie des habitants qui se constituent en Groupement d’Intérêt économique, elle a ouvert un centre de sensibilisation et d’informations sur les drogues etc. L’association a acheté il y a deux ans une maison qui est son complexe socio-éducatif dans lequel se déroulent ses activités.
Des ONG internationales viennent de partout pour visiter l’expérience. Même le Président CHIRAC s’y est rendu accompagné par son homologue Abdou DIOUF du Sénégal en présence de la mission française de coopération au Sénégal. |
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Sam Boubou Ba a collaboré avec la Société Africaine de Culture membre du groupe Culture de et Développement de l’UNESCO
©
unesco |
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J’insiste sur cette étape de mon expérience parce qu’elle montre que le développement passe par la mobilisation de la population et la prise en compte de son propre destin.
Elle montre aussi que lorsque l’Afrique essaie de bâtir son action sur la solidarité et la vie associative, elle peut parvenir à des résultats probants.
Le prolongement de cette expérience en France m’a amené à collaborer avec la Société Africaine de Culture membre du groupe Culture de et Développement de l’UNESCO, un partenariat qui a abouti en 1996 à exposer publiquement à l’Unesco l’exemple de l’AJW, et à participer à la publication dans le cadre de la décennie Mondiale du développement culturel ( 1988 – 1997 ) d’un livre intitulé : « la Culture chemin de lutte contre la Pauvreté », qui rassemblait dix expériences de développement dans le monde.
En France, j’ai passé un Diplôme des Hautes Etudes en Pratiques Sociales, à l’Université de Rennes ; ensuite un Master DESS Pratiques Sociales du Développement à l’Institut d’Etudes du Développement Economique et Social ( IEDES ) à Paris 1 la Sorbonne.
Quelles sont les caractéristiques de ces deux diplômes et quels ont été vos sujets de réflexion ?
Le Diplôme des Hautes Etudes en Pratiques Sociales est une formation à la conduite de Recherche – Actions autour des pratiques sociales.
Son objectif est de donner des capacités d’observation et d’analyse des pratiques localisées en les resituant dans un contexte plus global ( politique, social, économique, du développement .. ) afin de favoriser l’accompagnement aux changements.
C’est une formation pluridisciplinaire car elle mobilise les apports théoriques et méthodologiques des sciences humaines et sociales dans leurs diversités.
Elle est aussi multi-référentielle car elle propose une lecture plurielle des approches et des modes de raisonnement.
Elle s’organise en trois étapes :
La démarche monographique
La construction de l’objet de recherche, les démarches d’investigation et recueil de données
L’écriture d’un mémoire |

Parmi les sujets de réflexion, on peut noter:
L’apport des micro sociologies dans la recherche
Théories et pratiques de la recherche-action
Analyse de contenu, analyse de discours
Analyse des situations éducatives et animations pédagogiques
Evolution de l’emploi et du salariat
L’anthropologie dans la dynamique sociale
Anthropologie du développement
Approche « village » , dynamiques locales et développement endogène
Financement populaire et solidarité mutualiste
Animation et conduite de réseaux
Développement social urbain et politique de la ville
Sociologie des organisations
Ce DESS – Master « Pratiques sociales du Développement » obtenu à l’IEDES est axé principalement sur les actions locales et sectorielles de Développement.
Il vise à doter aux étudiants l’acquisition d’outils et de moyens conceptuels, analytiques et méthodologiques qui leur permettent d’améliorer leurs pratiques sociales de développement, afin de les rendre à la fois plus compréhensibles et plus efficaces.
Parmi les sujets de réflexion, on peut noter :
La politique de la communauté européenne en matière de développement
L’évolution et l’utilisation des crédits de l’aide alimentaire programmée de l’UE
L’anthropologie des sociétés locales face au développement
L’organisation des relations financières et économiques internationales
Politiques et pratiques, actions décentralisées et pratiques citadines
Politiques et pratiques professionnelles du développement
L’apport des micros crédits au développement
Les approches socio- anthropologiques des sociétés urbaines
Travail et marchés du travail dans les pays en développement
Modèles de développement et sorties de l’ajustement structurel
Pratiques et politiques d’autogestion et d’autopromotion
Stratégies et pratiques d’insertion professionnelle |

En ce moment vous travaillez pour une collectivité. Pourquoi avoir choisi ce secteur que vous connaissez fort bien ?
Depuis mon arrivée en France, j’ai toujours travaillé pour les collectivités locales.
Travailler dans les collectivités est pour moi une opportunité pour prolonger mon expérience de développement local acquise depuis le Sénégal. Donc, je me sens bien professionnellement dans les collectivement.
Respectivement, j’ai été animateur de quartiers, directeur de maison de quartiers , responsable de service de médiation, directeur de service enfance-jeunesse, chef de projet des politiques éducatives partenariales.
Ma mission d’animateur au sein d’une équipe de service jeunesse aux Mureaux consistait à participer à la conception et la réalisation d’activités d’animation en direction des 6- 11 et des 12 - 15 ans.
Ma mission de Directeur de Maison aux Mureaux ( 78130 ) consistait à :
Maintenir les contacts permanents avec la population d’une zone constituée de 5 quartiers, analyser les demandes exprimées par celles-ci.
Mettre en œuvre des animations dans ces quartiers : conception et réalisation, recrutement d’animateurs, élaboration de budget.
Créer des lieux de vie dans les quartiers par la mise en place de conseils d’animation intergénérationnels, et développer toutes les actions favorisant la présence de l’institution municipale dans ces quartiers.
Ma mission de responsable de service médiation à la ville de Limay ( 78520 ) couvrait toute la ville et consistait à écouter les habitants, à leur apporter un soutien psychologique en cas de besoin, à intervenir dans les processus de résolution de conflitsentre les familles, les institutions scolaires et autres:
Encadrer une équipe de médiateurs municipaux
Favoriser la relation entre les enfants et leurs parents qui demandent de l’aide
Permettre aux parents de mieux s’investir et les soutenir dans leur fonction parentale
Faciliter la relation entre familles et institutions scolaires et non scolaires
Médiation entre familles pour désamorcer des crises ou réconcilier les personnes en conflit
Médiation auprès de l’école pour apporter des éclairages de la psychologie sous l’angle interculturel
Résolution de conflits entre familles et / ou institutions
Ma mission de Directeur du service Enfance – Jeunesse à Limay consistait à diriger la maison de la petite enfance ( crèche collective, halte garderie, crèche familiale ), le centre de loisirs maternel et primaire, la maison de la jeunesse et ses annexes. |

En quoi consiste votre travail et qu’apportez-vous de plus à votre avis dans cette collectivité ?
Actuellement je travaille pour la ville de Bezons ( 95 ), 27000 habitants, en qualité d’Attaché chef de projets des politiques éducatives partenariales. Je suis chargé de mission référent pour la conception, la mise en œuvre, la coordination pédagogique et le suivi des politiques éducatives partenariales. Je suis également chargé de coordonner le contrat temps libre, d’initier et de suivre le contrat éducatif local, d’impulser la cohérence des contenus éducatifs des activités menées dans les centres de loisirs maternels et primaires et sur le temps du midi dans les écoles.
A mon avis, ce qu e je pourrai considérer comme un plus que j’apporte pour la ville de Bezons, c’est l’expérience de ma démarche de recherche action Participative que j’ai acquise par mon engagement dans les associations de développement de quartiers au Sénégal.
Par exemple, cette expérience m’a beaucoup aidé pour l’élaboration du diagnostic éducatif local, travail élaboré en concertation avec l’ensemble des acteurs éducatifs sur le territoire.
En votre qualité de responsable et d’Africain, est-ce que cela facilite votre rôle implicite de médiateur ?
J’ai découvert à travers ce travail de médiation une facette jusque là pour moi insoupçonnée.
Le travail de médiation que j’effectuais n’était pas de la médiation de rue qui a aussi son rôle de régulateur social. Cette médiation était beaucoup plus institutionnelle, soutenue par l’autorité municipale. Je veux dire par là, que lorsqu’une personne venait me voir en mairie pour solliciter une médiation en vue de résoudre un conflit avec un tiers, un contact téléphonique suivi d’un courrier officiel de la ville était adressé aux différentes parties en conflit pour les convier à des rencontres bilatérales.
Je rencontrais chacune des parties séparément pour écouter les versions.
Après réflexion, je les convoquais à nouveau séparément pour leur proposer des solutions de sortie de crise ;
Une fois le terrain d’entente trouvé, je les réunissais tous en même temps pour proposer les solutions négociées.
Les termes de l’accord négocié pouvaient être ratifiés par les parties. |
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Pape Cissoko, l'auteur de l'interview
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Mais, dans l’exercice de cette mission publique qui donnait satisfaction aux administrés de toutes origines qui en faisaient la demande, j’ai constaté que la plupart des directeurs d’école ne me signalaient que des cas d’enfants noirs et arabes ; alors que j’apprenais par d’autres circuits que des enfants blancs de ces écoles « posaient problème », ou qu’il existait des conflits entre les parents de ces enfants et les enseignants.
Pour ces cas je n’étais pas saisi du tout.
De surcroît, parmi ces directeurs d’écoles, il y avait des maire-adjoints.
C’est inadmissible !
A la fin du contrat de cette mission, j’ai adressé une lettre ouverte pour dénoncer ces pratiques discriminatoires qui consistent à faire des catégories.
Quant au regard des étrangers illettrés par rapport aux institutions :
Nombreux de ces étrangers estiment que l’institution publique les sert malgré elle.
Ils ne comprennent pas l’institution et l’institution ne les comprend pas non plus.
Ce qui laisse la place aux préjugés de toutes sortes, venant de partout.
Ils ont l’impression que l’institution cherche à affaiblir leur autorité parentale en leur imposant une alimentation contraire à leurs valeurs religieuses ( par le biais des enfants qui mangent à la cantine municipale ), en exerçant sur eux une violence symbolique par le verbe ( ex : incompréhension de l’essentiel du discours de l’enseignant qui pourtant, est censé transmettre un message important pour l’avenir de l’enfant ; les conditions de prise de parole de ces parents ne sont pas toujours rendues faciles etc ; On convoque souvent ces parents pour un appel à accusation ( lorsque ça ne va plus ) plutôt qu’un appel à contribution ( qui suppose un échange apaisé et constructif.). |
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