QUE DANSE LE NOIR ?
Petite métaphysique d'une esthétique de la névrose

« La danse n’est pas qu’un jeu du corps elle est plus que cela » Bertrand VERGELY







«On va BOUGER, BOUGER»!

« Tenez ! Ecoutez ! Quelque part dans la nuit, le tam-tam bat… 
Quelque part dans la nuit, mon peuple danse…
Et c’est tous les jours comme ça… Tous les soirs… »
Aimé CESAIRE (La tragédie du roi Christophe)



«On va BOUGER, BOUGER!», C'est l'invite d'un air très connu. Oui, «On a trop parlé mais rien n’a changé » ; alors on va BOUGER, BOUGER. En effet, «la vie est trop courte,… il faut profiter…».

C’est cela même. La création ivoirienne semble ne s’être jamais aussi bien portée que depuis que ce Pays s’est abîmé dans l'errance guerrière. Pays déchiré, pays en tranches à l’image de la gestuelle entêtée de cette danse qui continue, paradoxe bien africain, de remplir les « maquis » (Non les obscurs retranchements de la rébellion armée mais les boîtes de nuits et autres lieux d’ambiance d’Abidjan).
Pays cou coupé ? Pays COUPE DECALE !
Corps en fête de têtes résolument tristes. Tous ces balancements de tête, négations non assumées ? Vrai joie, faux bonheur ? Célébration de l’étant, fuite de l’être ?
Et que dire donc de la proposition congolaise ?
Une Nation entière révulsée. Convulsives, ces désarticulations? Danses lubriques, on fait la nique à la mort ! Esthétique de l’exubérance. On hausse le ton pour « rester audible »,pour « subsister » comme dirait Georg SIMMEL. L’exagération, l’extraversion : un appel à l’aide ? Clips aussi déjantés les uns que les autres de fausses vraies stars complètement désincarnés.
Abidjan, Kinshasa, Paris, Kingston… Générations d’écorchés vifs. Danses au langage abscons. Danses dé-raisonnables.

Hasardeuses spéculations que tout cela ! Pas tout à fait cependant.
Rappelons nous ceci : « Ce Nègre qui se tord comme un ver, c’est le Nègre au « paroxysme du vécu et de la fureur » » Stanislas Spéro ADOTEVI (Négritude et Négrologues)

Une pensée sérieuse de la Danse ne saurait faire l’économie d’une théorie des affects. La démarche de questionnement de son discours latent, l'analyse des passions qu’elle révèle ou dissimule et de leur mécanisme, trouve son sens dans le projet d’architecture d’une conscience noire. Nous ne nous risquerons à parler ici de la danse que dans ce qu’elle a d’urgent et de spontané dans le fait noir "moderne", de résolument immédiat, d’ancré et de tributaire des nouvelles configurations générales (psychologique, matérielle, épistémique) de depuis la rencontre d’avec le "monde blanc" .

RIZE a fait irruption dans l’univers extrêmement monotone du film documentaire à portée sociologique et le "Krumping" fait désormais parti de nos sujets de discussion favoris. Mais en dis t-on assez ?

Impressionnant en effet le spectacle de cette expression. Ce qu’il nous est donné de voir nous fait penser à ces quelques vers d’Aimé CESAIRE :
« Sang ! sang ! vertige du devenir ! aux trois quarts abîmes dans l’ahurissement du jour. Je me suis senti rougir de sang. Des artères du monde bouleversées, arrachées, déracinées, se sont tournées vers moi et elles m’ont fécondé. Sang ! sang ! tout notre sang ému par le cœur mâle du soleil » (Cahier d’un retour au pays natal)

Le Krumping est un grand NON. Un non qui bouge
Le Krumping n’est pas drôle. Et s’il vous fait ne serait-ce que sourire, vous êtes définitivement coupable de cécité.
Le Krumping est l’age mûr d’un cri qui , échouant à trouver un mode d’expression et ne pouvant cependant plus être retenu, explose.
Ne cherchez pas à comprendre le Krumping.
Le Krumping est déjà mort.
Mort quand la première caméra s’est braquée dessus...






L’africain ne se suicide pas, l’Africain a la danse…

« Danse- t-on sa vie quand on danse ? » Bertrand VERGELY


La réponse à la question que pose le Professeur VERGELY dans Les grandes interrogations esthétiques est bien évidemment Oui ! Mais s’agissant du cas nègre la chose est plus complexe que ce à quoi aboutit sa réflexion.
Voici :
Le Noir danse sa vie mais aussi sa mort. Sa vie qui est une mort, sa vie qui est sa mort.
En effet le noir danse la faim, la misère, la guerre, la soumission, les frustrations. Il danse sa réalité qui est une folie.

Le Noir danse sa mort, mais attention, la danse n’est pas suicide. Ce n’est même pas un mime du suicide. L’expression corporelle générale défi les archétypes de la légèreté, de la fuite, de l’évasion, caractéristiques du langage moderne occidental. Elle ancre le corps résolument dans la réalité. Elle rend le danseur présent au monde. En témoigne le dialogue entre les pieds entre les pieds du danseur africain et le sol, entre la « paume » des pieds et la Terre.
La Danse est un refus du suicide, c’est une violence.Nous sommes au cœur du Réel merveilleux de J. S. Alexis .
Et, que NIETZSCHE ait vu dans le danseur « la plus haute définition de l’homme » est un trait d’esprit dont la puissance reste entière. Le Danseur est le « Héros » nietzschéen, et la Danse est héroïque en ceci que : « s’il est courant de voir les hommes aspirer à fuir leur condition en se délivrant du corps, il l’est moins de voir des hommes aspirer à rentrer dans leur corps pour s’incarner et non se désincarner. ». L’expression corporelle est une dialectique de la matérialisation, elle travaille contre l’acceptation de la disparition.
Le Noir danse aussi, et peut être surtout, la mort de son oppresseur.
La Danse semble mettre inconsciemment en scène toutes ces révoltes rêvées, milles fois accomplies dans la solitude de l’être. On danse la liberté d’être réellement, c’est à dire la liberté de se lever. On joue et on rejoue l’acte ultime. On crée symboliquement les conditions du trépas du "dominant".
Jean Paul SARTRE l’a compris :
« Ils dansent : ça les occupe ; ça dénoue leurs muscle douloureusement contractés et puis la danse mime en secret, souvent à leur insu, le non qu’ils ne peuvent dire, les meurtres qu’ils n’osent commettre . en certaines régions, ils usent de ce dernier recours : la possession. » (Préface aux Damnés de la terre de Frantz FANON). La Danse devient ainsi un exutoire, une « défense ».

Le Danseur est le « Héros Rebelle » dont rêve le poète et ce n’est nullement un hasard si la révolte se construit dans son imaginaire comme le spectacle d’une gigantesque célébration de corps en transe autour d’un grand feu.
« C’était un soir de novembre (…) des clameurs éclairèrent le silence, (…) Nous avons bondi (…) Nous courions (…) Nous frappions. La sueur et le sang nous faisaient une fraîcheur. Nous frappions parmi les cris et les cris devinrent plus stridents et une grande clameur s’éleva vers l’est, c’étaient les communs qui brûlaient et la flamme flaqua douce sur nos joues… » (CESAIRE, Et les chiens se taisaient).

On s’est beaucoup demandé pourquoi les esclaves noirs chantaient et dansaient autant, alors même, qu’ils subissaient la plus grande des injustices. La réponse est dans l'interrogation.

Dans Ainsi parle le fleuve noir, René DEPESTRE nous livre une lecture lucide des mécanismes cognitifs complexes et du psychodrame collectif à l’origine et à l’œuvre dans vaudou haïtien :
« Né de la folle démesure de l’ordre esclavagiste, le vaudou projette sur l’histoire des haïtiens les effets d’une « illumination » fantastique, une sorte d’agrandissement des échelles de perception du réel, où l’atroce et le merveilleux, le mystique et l’érotique, le carnavalesque et le politique se côtoient, s’interpénètrent, se recoupent entre eux, dans une transe et une exubérance effrénées. »
Il ne manque pas de souligner la place centrale que tient la danse dans cette « réfutation idéale », cette « antithèse artistique», cette « négation poétique », qui n’est rien d’autre que la codification esthétique de l’impératif "ré- actif", manifeste dans la foi vaudouisante :

« Leur grave situation de crise identitaire change, par ailleurs, les cultes ancestraux en religion motrice, en une foi qui est surtout dansée. La danse étant autorisée par les maîtres, qui y voient un divertissement plutôt salutaire et inoffensif, les esclaves se servent de son dynamisme même pour empêcher que le combustible biologique qu’on a fait de leur force de travail et de vie ne les enferme à tout jamais dans un destin animal de zombies. »
La dimension «cathartique» de la chose n’échappa pas au dominant qui s’empressa au demeurant, jadis, de l’encourager.
Nous initions une anthropologie du réel. Le Nègre est le siège d’un violent trouble. Il vit dans un monde qui nie au grand jour son humanité. Alors la nuit - quand la mesure commence seulement de somnoler et que l’esprit s’éveille hagard - celle ci se révèle criarde , possède le corps et tire la langue. C’est le moment qui suit la rencontre infiniment brève avec soi même, lancinante, où on doit choisir entre l’affrontement, ou l’oubli ou le report, et qu’on opte pour le remise à plus tard.
La danse est la tentative de contenance de la folie qui hurle. Le fameux « hurlement irréversible » aux portes duquel se trouve la personnalité tronquée. Si elle n'est résorbée, la chose peut prendre les aspects les plus inattendus. Il s’agit de cette « furie contenue » qui selon les mots de SARTRE « faute d’éclater, tourne en rond et ravage les opprimés eux-mêmes ». Et Le principal théoricien de la névrose nègre met le doigt sur ce qui est une des plus grande cécité de la conscience noire : « Pour s’en libérer, ils en viennent à se massacrer entre eux … ».
Quand on ne peut danser, c’est à dire célébrer symboliquement la mort « du soi » et ou la mort de l’autre ; quand la danse ne suffit plus, on tue. On tue, vraiment. Et on tue le soi. On se tue en tuant l’autre qui nous ressemble. On fait inconsciemment œuvre d’épuration de cette humanité problématique, la nôtre. (nous reviendrons dans de prochains sujets sur les dialectiques de la violence intra- africaine).
En somme la danse serait un exorcisme de l’être. Coule contenue dans la sueur, le solde de l'opération d'une certaine oeuvre d'humanité. L'évacuation des frustrations de moult « révoltes inopérantes ». Les libertés du corps sont l’émergence à la surface, d’un rêve turbulent.
Le Noir danse son cri…







De la névrose

« Toujours et partout, l’être parle à travers tout langage » Martin HEIDEGGER


Au nombre des esthétiques de la névrose, on compte : l’esthétique du cri, l’esthétique du suicide, l’esthétique de l’éclat, etc. La Danse a plusieurs masques.

Ces manifestations contemporaines noires du besoin d’expression corporelle sont en tout point comparables au « fait de Négritude ». Elles usent des mêmes mécanismes de l’absurde.
« Si le nègre de la brousse souffre, ce n’est pas dans son cerveau mais dans sa chair ». ADOTEVI n’a peut-être pas totalement mesuré la portée de cette vérité. Et le traumatisme de la souffrance se manifeste et tente de se résorber par là même où s’exerce la souffrance.
La danse comme la poésie à une certaine époque est un « cri fort absurde et sans finalité ». C’est la même esthétique du bizarre.
Frantz FANON parle du « style » de la poésie de la négritude, poésie « de combat », et inévitablement, encore une fois, l’esprit de la danse s’invite :
« Style heurté, fortement imagé car l’image est le pont-levis qui permet aux énergies inconscientes de s’éparpiller dans les prairies environnantes. Style nerveux, animé de rythmes, de part en part habité par une vie éruptive. Coloré aussi, bronzé, ensoleillé et violent. Ce style, qui a en son temps étonné les occidentaux, n’est point comme on a bien voulu le dire un caractère racial mais traduit avant tout un corps à corps, révèle la nécessité dans laquelle s’est trouvé ce homme de se faire mal, de saigner réellement de sang rouge, de se libérer d’une partie de son être qui déjà renfermait des germes de pourriture. Combat douloureux, rapide, où immanquablement le muscle devait se substituer au concept » (Les damnés de la terre)

Les mots de DEPESTRE demeurent les meilleurs pour qualifier les manifestations de la donne névrotique : « … onirisme solaire, dionysiaque, baroque jusqu’au surréalisme… ». Si le vaudou outre le fait d’héberger «une prodigieuse école de danse », en devient :« un psychodrame, un carnaval de défoulement, un théâtre tragique, un opéra prophylactique » , c’est que le tragique est définitivement lié à l’identité noire "moderne" et que le drame est désormais latent dans le "nègrerique" même, se nourrissant de cette problématique et combien créatrice, impossible « ...unité du présent, de l’absence et de l’étrange».

La névrose est une Fièvre. C’est une prise de parole à un niveau supra conscient, prise de parole du grand Corps. C’est la cristallisation des signaux alarmants qu’envoient le physiologique et le psychologique (résolument solidaires) et leur conscience : l’être, qui est aussi une inconscience.
Elle est urgence. C’est la tentative non « réfléchie » de lutte contre le mal qui ronge . L’être ne démissionne pas. Il n’est pas raisonné justement parce qu’il n’a pas de « conscience ». La Danse est le symptôme manifeste de l'opération d'un système d’auto défense.
Elle est déraison. Notre dé-raison n’est ni irrationnelle ni déraisonnable. Cette déraison n’est ni caprice ni errance, ce n’est pas la déraison bourgeoise surréaliste. Ce n’est pas une déraison en cœur, c’est une déraison en l’être. En ceci la névrose devient une exigence.
Elle est exigence, d’une exigence que le caractère unique de la persécution subie, de la dépossession vécue et des difficultés de la vie de tous les jours imposent au Noir.
« Des êtres humains soumis à une exceptionnelle pression déculturative sur leur identité historique, explique DEPESTRE, dans la peur et la mort dans l’âme, s’assignent spontanément une fabuleuse hygiène de survie en société ». La danse participe ainsi de la survie en sublimant le refoulement.

Il faut comprendre que, pour utiliser une image chère à HEIDEGER , la Danse aménage un « séjour à l’être » (dans le sens de prendre soin). L’Africain habite le monde, et l’habite en tant qu’homme et homme libre en dansant.

Il reste donc que la névrose aujourd’hui comme hier est nécessaire. Elle le premier tressautement. Le signe visible du manque. Elle est une étape et doit la rester. Tant qu’elle ne s’enlise dans les contingences de la "fixité" et les pièges de la répétition, elle participe d’une dynamique heureuse. Il lui faut, avant qu’elle ne soit récupérée par l’"industrie" et qu’elle ne subisse la corruption exotique, livrer tous ses enseignements et passer au stade du réfléchi et du choisi. La névrose est un moment. La Renaissance doit travailler à en faire un premier moment.





A quand la danse ?

« Le Nègre danse. Il faut qu’il continue de danser. 
Mais il ne s’agit plus de danser sur le mode de la répétition, mais sur celui de la Révolution. 
Il faut maintenant danser la danse de la victoire » 
Stanislas Spéro ADOTEVI


Quelque chose est à l’œuvre.
La même chose qui était à l’œuvre dans l’irruption de la négritude dans le champ de la poétique, la même chose qui était à l’œuvre dans l’irruption dans le champ musical du Spiritual, de ses masques, du Hip hop, etc.
Il s’agit de ne pas de réveiller seulement qu'avec les douleurs d’un corps violemment sollicité la veille. Il s’agit de se réveiller tout court.
On régurgite l’inadmissible. Comme le visage se fronce du fait du goût désagréable dans la bouche, de même le corps se crispe quand remonte à la surface cette souffrance, que l'opération de l'esprit tant en quelque sorte à ignorer. La Danse est un pré-vomissement. Il s’agit de construire un vomissement complet.

La poésie à un défi de classe. La Danse, elle, rassemble. La poésie se construit de et dans la solitude. la Danse joue du groupe.
De ce fait elle est intéresse hautement le programme révolutionnaire. Nous avons à faire à une névrose collective en ceci qu’elle se manifeste collectivement et donne lieu à une célébration.

La névrose est une crispation musculaire. L’an 0 de l’élan ; elle renferme donc en son sein, et est : élan et déni de l’élan. La névrose concentre la Conscience à l’état embryonnaire : Masse brute et informe. Il faut la travailler, l’alléger. L’œuvre esthétique, à n’en doit point douter, a ici une dimension hégélienne.

L’Etat de conscience consciente ou l’état consciente de la conscience est notre quête. Que le danseur sache pourquoi il danse est le plus important. Qu’il choisisse de soumettre la Danse, sera une attitude éclairée.

Bien sûr, d’abord le corps, la matière parle (elle parle sans qu’on l’y invite parce qu’elle est la première à subir) ; puis il appartient à la conscience de se faire maître du langage. De transformer le tourbillon en brise légère ou en rafale directe .
C’est cela : que tous sachent qu’ils rêvent la nuit et pourquoi ils rêvent.

Il s’agit de ne pas intérioriser la mort mais de l’intégrer. La mort intériorisée est une mort niée, la mort intégrée est une mémoire de la mort. Tout le génie de HEGEL se trouve contenu dans ces quelques lignes où il énonce la loi de la démarche constructive:

« C’est seulement par le risque de sa vie qu’on conserve la liberté, qu’on prouve que l’essence de la conscience de soi n’est pas l’être, n’est pas le monde immédiat dans lequel la conscience de soi surgit d’abord, n’est pas son enfoncement dans l’expansion de la vie ; on prouve plutôt par ce risque que dans la conscience de soi, il n’y a rien de présent qui ne soit pour elle un moment disparaissant ou prouve qu’elle est seulement un pur être-pour-soi ».

Prenons le risque de faire de ce être dans le monde qu'est la Danse, un être au monde qui ne soit pas seulement un visage de "l'expansion de et dans la vie", mais réellement un moment disparaissant. C’est le prix de notre liberté.

Oui, nous dansons encore pour ne pas devenir fou. La Danse est folie du corps qui préserve l’intégrité de l’esprit. Nous dansons pour ne pas tuer. Partout en Afrique on danse pour oublier.
Mais voilà, la danse n’invite pas à l’oubli. Les psychologues pensent que la douleur ancre la mémoire.
Donc la Danse ne libère pas (pas seule). Et c’est danger de l’ignorer. On n’est réellement libéré, que si naît une conscience (assumée ou non) de la Danse. Est n’est est que quand il est pour être c’est à dire qu’il n’est pas d’être réel sans conscience d’être pour être.

En clair, l’être est à l’œuvre en puissance dans la manifestation névrotique. Il nous appartient de pas le trahir et de permettre à la conscience prendre le relais dans la lutte qu’elle entend mener en réquisitionnant ainsi le corps.

« … dans la souffrance et la révolte, en dansant nos malheurs, nous plaçons sur un pied d’égalité avec la civilisation européenne notre propre sens de la joie de vivre et de la liberté » conclue René DEPESTRE.
Il s’agit bien sûr là, de la définition de l’essence même de l’acte négritique et de ce qu’elle a de résolument irrationnel, impératif et humanisant. Encore nous faudra- t- il, ne pas, parce que l’ignorant, nous abîmer dans le ce qui devrait être un « moment négatif », un « absolu transitoire », pour éviter les écueils du « Tout danse ». Car enfin, l’important est ceci que, comme le dit si justement ADOTEVI :

« Si la négritude ancienne est un refus de l’humiliation, la Nègre qui aujourd’hui parle au (ou danse pour le) Nègre doit être au centre du drame de son peuple, conscient de soi, c’est à dire présent aux tâches de l’heure. »



Nous voudrions savoir quel valeur cette analyse de Frantz FANON, a pour le Nègre d’aujourd’hui :

«Sur un autre versant, nous verrons l’affectivité du colonisé s’épuiser en danses plus ou moins extatiques.(…) La relaxation du colonisé, c’est précisément cette orgie musculaire au cours de laquelle l’agressivité la plus aiguë , la violence la plus immédiate se trouve canalisée, transformées escamotées. Le cercle de danse est un cercle permissif. Il protège et autorise. A heures fixes, à dates fixes, hommes et femmes se retrouvent en un lieu donné, sous l’œil grave de la tribu, se lancent dans une pantomime d’allure désordonnée mais en réalité très systématisée où, par des voies multiples, dénégations de la tête, courbure de la colonne, rejet en arrière de tout le corps, se déchiffre à livre ouvert l’effort grandiose d’une collectivité pour s’exorciser, s’affranchir, se dire. Tout est permis… dans cercle. Le monticule où l’on s’est hissé comme pour être plus près de la lune, la berge où l’on s’est glissé comme pour manifester l’équivalence de la danse et de l’ablution, du lavage, de la purification sont des lieux sacrés. Tout est permis, car en réalité l’on ne se réunit que pour laisser la libido accumulée l’agressivité empêchée, sourdre volcaniquement. Mises à mort symboliques, chevauchées figuratives, meurtres multiples imaginaires, il faut que tout cela sorte. Les mauvaises humeurs s’écoulent, bruyantes telles des coulées de laves. »
Quel échos ce long diagnostic, trouve –t-il dans Soubresauts du Krump .

Il appartient à la théorie de la renaissance de construire une conscience de l’élan. Il faut une structure. Nous parlons bien de posséder notre folie et de la diriger. Pas de la circonscrire mais de l’inscrire. Nous travaillerons cependant la doctrine et le programme sans faire fi du style.

Pour que vienne la danse, vite…




pour le GRDPEA










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