
La situation en Côte d'Ivoire a brutalement dégénéré samedi, neuf soldats français ayant été tués dans des bombardements gouvernementaux, entraînant une riposte des forces françaises suivie d'accrochages avec l'armée ivoirienne et de violences anti-françaises.
Réuni en urgence à New York, le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté à l'unanimité une déclaration condamnant l'attaque contre les forces françaises et soutenant l'action menée par ces forces et celles de l'Onu en Côte d'Ivoire (Onuci).
Dans cette déclaration, le Conseil "exige de l'ensemble des parties ivoiriennes la cessation immédiate de toutes les opérations militaires et le respect complet du cessez-le-feu".
La France a annoncé qu'elle allait proposer sans tarder au Conseil de sécurité l'adoption "de nouvelles mesures" incluant un embargo sur les armes, à l'encontre de la Côte d'Ivoire.
Le ministère français de la Défense a annoncé dans la nuit de samedi à dimanche la "neutralisation" de tous les aéronefs ivoiriens.
En réponse aux bombardements gouvernementaux sur des troupes françaises basées à Bouaké (centre), fief des rebelles sous le feu gouvernemental depuis trois jours, le président français Jacques Chirac avait ordonné la destruction de tous les "moyens aériens militaires ivoiriens".
Ces bombardements ont fait neuf morts et une trentaine de blessés parmi les militaires français, et tué un civil américain, selon un dernier bilan français.
Le dispositif militaire français en Côte d'Ivoire, la force Licorne, "s'est également assuré de la disponibilité de l'aéroport d'Abidjan pour permettre l'évacuation des blessés", actuellement soignés à Yamoussoukro (centre) et qui devraient être évacués dimanche, a précisé le ministère.
Samedi après-midi, moins d'une heure après la destruction de deux avions Sukhoï à Yamoussoukro (centre) par la force Licorne, en riposte immédiate au bombardement de son cantonnement de Bouaké, des combats ont éclaté entre militaires français et ivoiriens à l'aéroport international d'Abidjan qui a été fermé.
Paris, qui dispose de 4.000 hommes en Côte d'Ivoire aux côtés d'une force de l'Onu de plus de 6.000 hommes, a annoncé l'envoi de 300 hommes supplémentaires pour assurer la sécurité de ses ressortissants.
Les "jeunes patriotes", proches du président Laurent Gbagbo, ont appelé samedi soir à manifester contre la France à Yamoussoukro ainsi qu'à se rendre à l'aéroport d'Abidjan, vers lequel convergeaient des milliers de personnes.
Comme à chaque regain de tension, des manifestants anti-français sont sortis dans les rues d'Abidjan, où de nombreuses scènes de pillages contre la communauté française ont été enregistrées.
Dans la soirée, le porte-parole de la présidence ivoirienne, Désiré Tagro, a lancé à la télévision un appel "au calme" aux Ivoiriens, appelant à ne pas "s'attaquer aux civils de nationalité française et en général aux étrangers".
La ministre française de la Défense française Michèle Alliot-Marie a averti que le président ivoirien Laurent Gbagbo "sera tenu personnellement responsable" du maintien de l'ordre public à Abidjan, tout en excluant pour le moment une évacuation des ressortissants français.
En outre, au cours d'une conversation téléphonique, le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, a directement exhorté M. Gbagbo à trouver une solution politique à la tension actuelle, soulignant que "la violence ne mène à rien".
Sur le terrain, des combats ont éclaté samedi après-midi entre troupes loyalistes et combattants des Forces nouvelles (FN, rebelles) à Sakassou au sud de Bouaké, en zone rebelle, a annoncé Sidiki Konaté, porte-parole des FN.
Cet engagement est le premier affrontement entre troupes terrestres des deux parties depuis que les loyalistes ont entrepris jeudi des bombardements aériens sur le nord du pays, aux mains des rebelles.
Les attaques gouvernementales - qualifiées de "véritable coup d'Etat" par le chef des FN Guillaume Soro - ont relancé le conflit ivoirien alors que le processus de paix issu des accords de Marcoussis (signés en janvier 2003 en France) s'enlise depuis des mois.
La Côte d'Ivoire est coupée en deux, depuis le déclenchement en septembre 2002 d'une rébellion contre le président Gbagbo, par une "zone de confiance" où sont stationnées des Casques bleus appuyés par des troupes françaises.
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