
La France tient le président ivoirien Laurent Gbagbo pour "personnellement responsable" de l'ordre public à Abidjan, où de violentes manifestations ont visé la communauté française samedi, a déclaré la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie.
"Nous prenons bien entendu toutes les mesures de sécurité nécessaires. Mais le président Gbagbo sera aux yeux de toute la communauté internationale personnellement responsable du maintien de l'ordre public", a-t-elle dit lors d'un bref point de presse au ministère de la Défense.
Les forces gouvernementales ont bombardé ces derniers jours des positions des ex-rebelles ivoiriens dans le Nord et le centre de la Côte d'Ivoire, en particulier à Bouaké.
La situation s'est brutalement aggravée samedi en début d'après-midi avec le largage d'une bombe de 250 kg sur un cantonnement de soldats français de l'opération Licorne par un chasseur bombardier Sukhoï ivoirien.
Neuf soldats français et un ressortissant américain ont été tués, 23 soldats français ont été blessés.
Le président Jacques Chirac a ordonné à la force Licorne de détruire les deux Sukhoï qui ont participé au bombardement et cinq hélicoptères d'attaque au sol MI 24, soit la quasi-totalité de l'aviation ivoirienne.
Un accrochage a éclaté à l'aéroport d'Abidjan entre des forces gouvernementales ivoiriennes et des soldats français à la suite de la destruction des deux Sukhoï.
Des partisans du gouvernement de Laurent Gbagbo armés de machettes sont descendus dans la rue et le lycée français Mermoz d'Abidjan a été incendié.
"Il semble qu'en fin d'après-midi et en début de soirée il y ait dans Abidjan un certain nombre de groupes qui sont toujours très difficiles à identifier et qui sont à l'origine d'un certain nombre d'incidents", a déclaré Michèle Alliot-Marie.
CHIRAC AVAIT MIS EN GARDE GBAGBO
La ministre de la Défense a précisé que Jacques Chirac avait téléphoné "il y a trois ou quatre jours" au président Gbagbo "pour le mettre en garde contre toute initiative qui risquerait de mettre le feu aux poudres" en Côte d'Ivoire.
"Le président Gbagbo, visiblement, n'en a tenu aucun compte", a-t-elle ajouté.
Michèle Alliot-Marie a assuré que "toute la communauté internationale" condamnait "très fortement" le bombardement de la position française à Bouaké.
Le président nigérian Olusegun Obasanjo, qui préside actuellement l'Union africaine, et le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, avec lesquels Jacques Chirac s'est entretenu samedi, "approuvent les mesures qui vont être prises", a-t-elle ajouté.
Elle a précisé que le conseil de sécurité de l'ONU adopterait "demain matin" (dimanche) une résolution qui "condamnera très fermement l'action du président Gbagbo".
Selon l'entourage de la ministre de la Défense, la France attend également de cette résolution qu'elle renforce le mandat des 6.000 casques bleus de l'ONU et des 4.500 soldats de la force Licorne en leur donnant une "capacité d'imposer la paix" en Côte d'Ivoire.
En attendant, la France a mis en alerte toutes ses unités pré-positionnées en Afrique, a-t-on précisé de même source.
Trois Mirage F1 venus du Tchad et un avion ravitailleur ont été envoyés à la mi-journée à Libreville, au Gabon.
Le président Jacques Chirac a d'autre part annoncé l'envoi de deux compagnies supplémentaires, soit environ 300 militaires, en renfort en Côte d'Ivoire.
Les autorités françaises s'interrogeaient samedi soir sur ce qui avait pu motiver le bombardement de la position française de Bouaké.
"Quand on largue une bombe de 250 kg, il est difficile de croire que c'est par hasard", soulignait-on de source militaire. "Cela fait trois jours qu'ils (les forces gouvernementales ivoiriennes) ne se sont pas trompés", faisant référence aux bombardements de jeudi et de vendredi dans le nord et le centre de la Côte d'Ivoire.
L'entourage de Michèle Alliot-Marie a par ailleurs précisé après son point de presse que les familles des militaires français tués et blessés à Bouaké était en train d'être prévenues.
Reuters |