Le questionnaire de l'Abbé Grégoire

  • 1. L'usage de la langue française est-il universel dans votre contrée. Y parle-t-on un ou plusieurs patois ?
  • 2. Ce patois a-t-il une origine ancienne et connue ?
  • 3. A-t-il beaucoup de termes radicaux, beaucoup de termes composés ?
  • 4. Y trouve-t-on des mots dérivés du celtique, du grec, du latin, et en général des langues anciennes et modernes ?
  • 5. A-t-il une affinité marquée avec le français, avec le dialecte des contrées voisines, avec celui de certains lieux éloignés, où des émigrants, des colons de votre contrée sont allés anciennement s'établir ?
  • 6. En quoi s'éloigne-t-il le plus de l'idiome national ? N'est-ce pas spécialement pour les noms des plantes, des maladies, les termes des arts et métiers, des instruments aratoires, des diverses espèces de grains, du commerce et du droit coutumier ? On désirerait avoir cette nomenclature.
  • 7. Y trouve-t-on fréquemment plusieurs mots pour désigner la même chose ?
  • 8. Pour quels genres de choses, d'occupations, de passions, ce patois est-il plus abondant ?
  • 9. A-t-il beaucoup de mots pour exprimer les nuances des idées et les objets intellectuels ?
  • 10. A-t-il beaucoup de termes contraires à la pudeur ? Ce que l'on doit en inférer relativement à la pureté ou à la corruption des mœurs ?
  • 11. A-t-il beaucoup de jurements et d'expressions particulières aux grands mouvements de colère ?
  • 12. Trouve-t-on dans ce patois des termes, des locutions très-énergiques, et même qui manquent à l'idiome français ?
  • 13. Les finales sont-elles plus communément voyelles que consonnes ?
  • 14. Quel est le caractère de la prononciation ? Est-elle gutturale, sifflante, douce, peu ou fortement accentuée ?
  • 15. L'écriture de ce patois a-t-elle des traits, des caractères autres que le français ?
  • 16. Ce patois varie-t-il beaucoup de village à village ?
  • 17. Le parle-t-on dans les villes ?
  • 18. Quelle est l'étendue territoriale où il est usité ?
  • 19. Les campagnards savent-ils également s'énoncer en français ?
  • 20. Prêchait-on jadis en patois ? Cet usage a-t-il cessé ?
  • 21. A-t-on des grammaires et des dictionnaires de ce dialecte ?
  • 22. Trouve-t-on des inscriptions patoises dans les églises, les cimetières, les places publiques, etc. ?
  • 23. Avez-vous des ouvrages en patois imprimés ou manuscrits, anciens ou modernes, comme droit coutumier, actes publics, chroniques, prières, sermons, livres ascétiques, cantiques, chansons, almanachs, poésie, traductions, etc. ?
  • 24. Quel est le mérite de ces divers ouvrages ?
  • 25. Serait-il possible de se les procurer facilement ?
  • 26. Avez-vous beaucoup de proverbes patois particuliers à votre dialecte et à votre contrée ?
  • 27. Quelle est l'influence respective du patois sur les mœurs et de celles-ci sur votre dialecte ?
  • 28. Remarque-t-on qu'il se rapproche insensiblement de l'idiome français, que certains mots disparaissent, et depuis quand ?
  • 29. Quelle serait l'importance religieuse et politique de détruire entièrement ce patois ?
  • 30. Quels en seraient les moyens ?
  • 31. Dans les écoles de campagne, l'enseignement se fait-il en français ? Les livres sont-ils uniformes ?
  • 32. Chaque village est-il pourvu de maîtres et de maîtresses d'école ?
  • 33. Outre l'art de lire, d'écrire, de chiffrer et le catéchisme, enseigne-t-on autre chose dans ces écoles ?
  • 34. Sont-elles assidûment surveillées par MM. les Curés et Vicaires ?
  • 35. Ont-ils un assortiment de livres pour prêter à leurs paroissiens ?
  • 36. Les gens de la campagne ont-ils le goût de la lecture ?
  • 37. Quelles espèces de livres trouve-t-on plus communément chez eux ?
  • 38. Ont-ils beaucoup de préjugés, et dans quel genre ?
  • 39. Depuis une vingtaine d'années, sont-ils plus éclairés ? leurs mœurs sont-elles plus dépravées ? leurs principes religieux ne sont-ils pas affaiblis ?
  • 40. Quelles sont les causes et quels seraient les remèdes à ces maux ?
  • 41. Quels effets moraux produit chez eux la révolution actuelle ?
  • 42. Trouve-t-on chez eux du patriotisme ou seulement les affections qu'inspire l'intérêt personnel ?
  • 43. Les ecclésiastiques et les ci-devant nobles ne sont-ils pas en butte aux injures grossières, aux outrages des paysans et au despotisme des maires et des municipalités ?

Langues & Nations : la Tour de Babel

Nation, langue, littérature
Expériences et positions africaines et européennes
Contributions to the conference in Yaounde, Cameroon, February 2001

Linguistic traces of a colonial structure

Hugo C. Cardoso
Universiteit van Amsterdam, The Netherlands
Postcolonial innovations and transformations: Putting language in the forefront