Universaliser la langue française ?
Par Csgd, dimanche 29 janvier 2006 à 23:37 :: Général :: #764 :: rss
Le 13 août 1790, l'Abbé Grégoire commence une enquête sur sur les pratiques linguistiques en France. Sur la base des 49 réponses reçues, L'Abbé Grégoire rédigera un rapport lu à la Convention nationale sur "la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser la langue française". "La Convention décrètrae que "dans toute la République les enfants doivent apprendre à « parler, lire et écrire en langue française », mais ce programme d'instruction publique restera lettre morte jusqu'à Guizot, Victor Duruy, puis J. Ferry". Michel KELLE
Avec cette enquête, l'Abbé Grégoire initie la tradition des enquêtes linguistiques. Elle est reprise dans nombre d'analyse linguistique contemporaine.
A lire : Une critique du travail de l'Abbé Grégoire
Michel de Certeau, Dominique Julia, Jacques Revel.- Une politique de la langue. La Révolution française et les patois.- Gallimard, « Folio/Histoire », 1975.
C'est aussi une manière de s'intéresser à l'historien Michel de Certeau, qui selon François Dosse est un homme de foi "peu sensible aux basculements radicaux" et qui "s’intéressait aux manières qu’a la modernité de réemployer l’ancien, de le revisiter, de le recycler en de nouveaux langages. Cela l’amenait à voir en la pratique historienne, une manière d’enterrer le passé pour rendre au présent l’espace des possibles". Michel de Certeau, ici et ailleurs par André Meury, Politis,
Le questionnaire de l'Abbé Grégoire
- 1. L'usage de la langue française est-il universel dans votre contrée. Y parle-t-on un ou plusieurs patois ?
- 2. Ce patois a-t-il une origine ancienne et connue ?
- 3. A-t-il beaucoup de termes radicaux, beaucoup de termes composés ?
- 4. Y trouve-t-on des mots dérivés du celtique, du grec, du latin, et en général des langues anciennes et modernes ?
- 5. A-t-il une affinité marquée avec le français, avec le dialecte des contrées voisines, avec celui de certains lieux éloignés, où des émigrants, des colons de votre contrée sont allés anciennement s'établir ?
- 6. En quoi s'éloigne-t-il le plus de l'idiome national ? N'est-ce pas spécialement pour les noms des plantes, des maladies, les termes des arts et métiers, des instruments aratoires, des diverses espèces de grains, du commerce et du droit coutumier ? On désirerait avoir cette nomenclature.
- 7. Y trouve-t-on fréquemment plusieurs mots pour désigner la même chose ?
- 8. Pour quels genres de choses, d'occupations, de passions, ce patois est-il plus abondant ?
- 9. A-t-il beaucoup de mots pour exprimer les nuances des idées et les objets intellectuels ?
- 10. A-t-il beaucoup de termes contraires à la pudeur ? Ce que l'on doit en inférer relativement à la pureté ou à la corruption des mœurs ?
- 11. A-t-il beaucoup de jurements et d'expressions particulières aux grands mouvements de colère ?
- 12. Trouve-t-on dans ce patois des termes, des locutions très-énergiques, et même qui manquent à l'idiome français ?
- 13. Les finales sont-elles plus communément voyelles que consonnes ?
- 14. Quel est le caractère de la prononciation ? Est-elle gutturale, sifflante, douce, peu ou fortement accentuée ?
- 15. L'écriture de ce patois a-t-elle des traits, des caractères autres que le français ?
- 16. Ce patois varie-t-il beaucoup de village à village ?
- 17. Le parle-t-on dans les villes ?
- 18. Quelle est l'étendue territoriale où il est usité ?
- 19. Les campagnards savent-ils également s'énoncer en français ?
- 20. Prêchait-on jadis en patois ? Cet usage a-t-il cessé ?
- 21. A-t-on des grammaires et des dictionnaires de ce dialecte ?
- 22. Trouve-t-on des inscriptions patoises dans les églises, les cimetières, les places publiques, etc. ?
- 23. Avez-vous des ouvrages en patois imprimés ou manuscrits, anciens ou modernes, comme droit coutumier, actes publics, chroniques, prières, sermons, livres ascétiques, cantiques, chansons, almanachs, poésie, traductions, etc. ?
- 24. Quel est le mérite de ces divers ouvrages ?
- 25. Serait-il possible de se les procurer facilement ?
- 26. Avez-vous beaucoup de proverbes patois particuliers à votre dialecte et à votre contrée ?
- 27. Quelle est l'influence respective du patois sur les mœurs et de celles-ci sur votre dialecte ?
- 28. Remarque-t-on qu'il se rapproche insensiblement de l'idiome français, que certains mots disparaissent, et depuis quand ?
- 29. Quelle serait l'importance religieuse et politique de détruire entièrement ce patois ?
- 30. Quels en seraient les moyens ?
- 31. Dans les écoles de campagne, l'enseignement se fait-il en français ? Les livres sont-ils uniformes ?
- 32. Chaque village est-il pourvu de maîtres et de maîtresses d'école ?
- 33. Outre l'art de lire, d'écrire, de chiffrer et le catéchisme, enseigne-t-on autre chose dans ces écoles ?
- 34. Sont-elles assidûment surveillées par MM. les Curés et Vicaires ?
- 35. Ont-ils un assortiment de livres pour prêter à leurs paroissiens ?
- 36. Les gens de la campagne ont-ils le goût de la lecture ?
- 37. Quelles espèces de livres trouve-t-on plus communément chez eux ?
- 38. Ont-ils beaucoup de préjugés, et dans quel genre ?
- 39. Depuis une vingtaine d'années, sont-ils plus éclairés ? leurs mœurs sont-elles plus dépravées ? leurs principes religieux ne sont-ils pas affaiblis ?
- 40. Quelles sont les causes et quels seraient les remèdes à ces maux ?
- 41. Quels effets moraux produit chez eux la révolution actuelle ?
- 42. Trouve-t-on chez eux du patriotisme ou seulement les affections qu'inspire l'intérêt personnel ?
- 43. Les ecclésiastiques et les ci-devant nobles ne sont-ils pas en butte aux injures grossières, aux outrages des paysans et au despotisme des maires et des municipalités ?
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