
Ce n’est qu’à partir de 1958, que le mouvement vers l’indépendance s’étend donc dans les esprits. Toutefois, en Afrique, les stratégies envisagées pour y parvenir sont assez diverses, à l’image des leaders africains de l’époque.
A la fin des années 1950, la plupart des élites politiques de l’Afrique francophone a été formée en France et reste donc très attachée à la métropole. Dès lors, des mouvements intellectuels comme celui de la « négritude » mené par Léopold Sédar Senghor restent fondamentalement plus enclins à défendre l’idée d’égalité entre métropole et colonies que celle de scission des colonies. Parmi les grandes figures de l’époque figurent ainsi : Blaise Diagne, premier africain à avoir intégré la Chambre des Députés en 1914 et devenu sous-secrétaire d’Etat aux Colonies en 1931, Lamine Gueye, avocat et député du Sénégal en 1936 qui fut membre de la SFIO en Afrique, ou encore Félix Houphouët-Boigny, ministre délégué à la Présidence du Conseil entre 1956 et 1957. D’autres, comme Joseph Conombo, Fily Dabo Sissoko, Léopold Sédar Senghor, Hamadoun Dicko, Modibo Keita, Hubert Maga ou Hamani Diori, furent également membres du Gouvernement français. A cela il faut ajouter la multitude d’Africains siégeant au Parlement ou au Conseil Economique et Social. Il est à noter que Mamadou Konaté, Modibo Keïta et Hamani Diori furent en outre vice-présidents de l’Assemblée nationale. Tous ces leaders, qui furent les acteurs des indépendances étaient avant tout proches de l’idée assimilationniste.
L’ambivalence de ces élites se retrouve dans l’évolution des partis politiques africains nés à l’époque. Il faut également préciser que ces batailles politiques africaines, qui s’inscrivent plus largement dans le contexte de la Guerre Froide, ont poussé les partis politiques à jouer de leurs influences sur le continent. Ainsi, en France, SFIO et PCF ne veulent pas laisser l’Afrique aux Américains. Quant à la droite française, elle ne veut surtout pas rendre possible une percée communiste en Afrique.
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François Mitterrand et Houphouët-Boigny
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En octobre 1946, le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) est créé. Ce parti a pour but de fédérer les élites et les élus africains pour sortir de l’orbite partisane française. Toutefois, le Parti Communiste choisit de suivre de près ce projet. La SFIO désapprouve cette approche et décide de boycotter le congrès fondateur de Bamako. Le résultat ne se fait pas attendre, et va à l’encontre de la stratégie de la SFIO, le RDA se rapproche officiellement des communistes français. En 1947, le président du RDA, Gabriel d’Arboussier se déclare ainsi « fidèle au camarade Staline ». Le RDA est de ce fait stigmatisé par certains partis français. C’est ce qui a valu à Houphouët-Boigny, qui présidait le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA), d’être accusé de communisme et d’avoir failli être arrêté.
De l’autre côté, on trouve les Indépendants d’Outre-mer (IOM), qui, loin de constituer un parti structuré, forment depuis septembre 1948 un groupe parlementaire, à l’instigation du Béninois Apithy et du Togolais Aku qui avaient démissionné du RDA jugé trop proche de Moscou. D’autres non-inscrits les rejoignent, ainsi que Senghor qui quitte la SFIO. Après les élections de 1951, les IOM deviennent la force politique majeure des colonies et fondent un mouvement, la Convention africaine, en février 1953 à Bobo-Dioulasso (Haute-Volta, futur Burkina Faso).
Rapidement, la radicalité change de camp. Et lorsque le RDA gagne les élections de 1956, les députés élus proposent aux députés français de l’Union Démocratique et Socialiste de la Résistance (UDSR) parmi lesquels on trouve René Pleven et François Mitterrand, de former un groupe parlementaire (UDSA-RDA qui devint RDA-UDSR, les députés africains y étant plus nombreux). Le RDA modère ses positions, et milite progressivement pour la communauté franco-africaine, se contenant de revendiquer de grandes réformes économiques et sociales et non une indépendance totale. Ce sont les IOM qui à leur tour se radicalisent. Le RDA compte alors neuf députés à l’Assemblée (au lieu de trois) et les IOM seulement sept (contre quatorze avant les élections). Le RDA dispose en outre de près de la moitié des élus des assemblées territoriales d’Afrique Occidentale Française (AOF) et de près d’un tiers de celles de l’Afrique Equatoriale Française (AEF). En mars 1958, les petits partis rejoignent le RDA au sein du Parti du Regroupement Africain (PRA).
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