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René Pleven, Charles de Gaulle, Winston Churchill et Franklin Roosevelt
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En 1944, au moment où la France peine à se libérer de la domination allemande, la question des colonies se pose à nouveau. Le gouvernement provisoire d’Alger, avec à sa tête Charles de Gaulle, demande à René Pleven, alors commissaire aux Colonies, de réunir les représentants des territoires français. C’est ainsi, qu’entre le 30 janvier et le 8 février, se tient la conférence de Brazzaville. Lors du discours d’ouverture, Charles de Gaulle se montre catégorique : « les fins de l’œuvre de colonisation accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’empire ; la constitution éventuelle, même lointaine, de self-government dans les colonies est à écarter ». D’après lui, la colonisation française en Afrique a été globalement positive et il n’est pas question de remettre en cause le cœur de ses fondements. Une fois libérée, la France devra redevenir une République une et indivisible, la grande « Union française ». La question de l’émancipation des territoires colonisés, si elle est abordée, ne trouve qu’une formulation ambigüe. Les colonies pourraient à terme devenir autonomes mais en restant sous domination française.
Toutefois, les critiques se font pressante de l’autre côté de l’Atlantique. Franklin Roosevelt multiplie les condamnations des puissances colonisatrices. En août 1941, il rencontre notamment Winston Churchill, à bord d’un navire de guerre américain, le USS Augusta, afin de discuter de l’avenir du monde post-Seconde Guerre mondiale. En résulte un document appelé « Charte de l’Atlantique », qui reprend en grande partie le discours sur l’état de l’Union prononcé par Roosevelt en janvier, et qui stipule dans sa troisième clause que : les pays « respectent le droit des peuples à choisir la forme du gouvernement sous laquelle ils souhaitent vivre ; et ils souhaitent voir le droit de souveraineté et l'autodétermination restauré à ceux qui en ont été privés par la force ». Le sujet revient par la suite dans les discussions menées en 1942 pour l’adoption de la « Déclaration des Nations-Unies », puis en 1945 lors de celles conduisant à la signature à San Francisco de la « Charte des Nations-Unies ». En 1946, de Gaulle décide donc de faire des concessions. Tout d’abord, c’est le code de l’indigénat, en vigueur depuis 1887 dans toutes les colonies françaises, qui est supprimé, mettant fin aux travaux forcés et à la distinction faite entre citoyens et sujets français. Le code est supprimé théoriquement mais la distinction persiste dans les faits jusqu’en 1956. En effet, ce n’est que dix ans plus tard que les citoyens des colonies jouissent du droit de vote par suffrage universel. Enfin, le pouvoir colonial assure vouloir mettre en place une représentation électorale plus équitable. C’est ainsi qu’en 1946, une assemblée territoriale est créée et que près de vingt députés africains peuvent siéger au Palais-Bourbon, au sein de l’hémicycle de l’Assemblée nationale française. De plus, trois grands conseils sont créés à Dakar, Tananarive et Brazzaville dans lesquels siègent une dizaine de conseillers. A terme, les populations colonisées sont censées devenir des citoyens français, égaux en droits et en devoirs à ceux de la métropole.
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Sylvanus Olympio, Nkwame Nkrumah, Louis Armstrong et Martin Luther King Jr
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La France continue donc à croire en son Empire et à y investir, notamment par le biais du FIDES (Fonds d’Investissement pour le Développement Economique et Social) fondé en avril 1946. Destiné à centraliser les projets coloniaux, le FIDES a permis de réaliser des investissements lourds dans toutes les infrastructures : transports, énergie, agriculture, communication, etc. La métropole investit trois fois plus en dix ans que lors des cinquante années précédentes.
Et si les investissements financiers ne suffisent pas à garder la main sur les colonies, la France joue sans hésiter d’armes politiques. Ce fut notamment le cas au Togo et au Cameroun, dans les deux territoires disposant d’un statut particulier. Anciennes colonies allemandes, les deux pays sont placés sous mandat de la Société des Nations (SDN) en 1918, puis sous tutelle de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) en 1945. Dans les deux cas, la tutelle est exercée par le Royaume-Uni et surtout par la France. Dans les années 1950, la France fait tout pour gêner l’irrésistible ascension du parti nationaliste mené par Sylvanus Olympio, le Comité d’Union Togolaise (CUT), quitte à recourir par exemple à de multiples trucages électoraux et à soutenir les partis adverses, plus volontiers pro-français. L’enjeu est de taille puisque le Togo français devient, dès le 30 août 1956, une République autonome sur laquelle la France compte bien exercer encore un moment son influence. De plus, le processus de décolonisation s’engage au Togo britannique voisin. Kwame Nkrumah, formé en Angleterre et aux Etats-Unis et proche de la mouvance socialiste est revenu en Gold Coast en 1947 où il devient secrétaire général du United Gold Coast Convention (UGCC) qu’il quitte pour fonder la Convention’s People Party (CPP). C’est sous l’impulsion de ce leader panafricaniste que le Ghana devient indépendant le 6 mars 1957. Durant les festivités, le Ghana accueille Louis Armstrong, venu jouer avec les orchestres locaux, et Martin Luther King, icône d’un peuple noir qui s’émancipe lui aussi aux Etats-Unis. Un an avant, le 1er janvier 1956, c’est le Soudan qui devenait indépendant.
Mais c’est par la force que, de son côté, la France affirme le plus fermement sa domination coloniale. En mars 1946, des députés malgaches présentent lors d’une session de l’Assemblée constituante une proposition de loi qui vise à abolir toute forme de colonisation et à faire de Madagascar un État libre de l’Union française. Les députés mis en cause sont rapidement accusés de subversion et arrêtés. S’en suivent des insurrections massives sévèrement réprimées et qui font près de 30 à 40 000 morts sur les 700 000 habitants que compte l’île. Puis, en décembre 1956, ce sont des maquisards camerounais, menés par l’Union des Populations du Cameroun (UPC) de Ruben Um Nyobé, qui passent à l’offensive en lançant une vague d’attentats et de sabotages. Les révoltes sont elles aussi durement contenues et bien que le Cameroun devienne en mai 1957 un Etat autonome sous tutelle française, dès le mois de décembre, sept compagnies d’infanterie sont envoyées et dispersées pour surveiller la ZOPAC, Zone de Pacification du Cameroun. En 1958, la France fait tuer Nyobé, puis réitère l’expérience de l’assassinat politique en 1960 avec son successeur à la tête du parti, Félix Moumié. Pendant plusieurs années, l’armée française arrose des zones entières de napalm. Pierre Messmer, qui était à l’époque Haut-Commissaire au Cameroun français, parlait ainsi de guerre psychologique menée par la France, sur le modèle indochinois ou algérien. Parallèlement à ces deux épisodes sanglants et méconnus de l’histoire de la France coloniale, les soldats britanniques réprimaient eux aussi les révoltes Mau-Mau au Kenya, de 1952 à 1960. L’heure n’est donc pas à l’acceptation de la décolonisation. |