Comme un cheveu sur la soupe

Le paragraphe est inclus dans un article du blog realisance intitulé La Norme, de son contenu et de sa valeur. Illusion, réalité ou idéal ? De la Norme «La seule protection contre l´injustice de l´homme est le pouvoir physique, financier, scientifique (Marcus Mosiah Garvey). [1]»

C'est le 5ème paragraphe. Qui vient après ce passage :

Et étonnamment, arrivé à cette revendication, l´homme blanc redevient tout à coup inculte et pas civilisé : il se réclame tout à coup de la barbarie ! Manger à deux râteliers, pourvu que l´escroquerie et le crime lui soient profitables. De quelle culture s´agit-il donc ? Mais vous l´avez certainement déjà compris, n´est-ce pas ?

Et avant celui-ci :

Pour en revenir à notre culture, je donne raison à (…), parce que ce n´est pas en lisant tous les livres de la bibliothèque qu´on devient intelligent ou cultivé. On a lu, c´est tout. La culture n´est pas seulement de tissu théorique, cognitif ; elle est aussi, dans son tourment profond une dialectique ininterrompue entre us, usages, connaissances, idées, raisonnements s´attelant, se contredisant ou se relevant au chevet de l´existence humaine dans sa quête insoluble à la sécurité, au respect et à l´amour des siens, mais aussi à la réalisation organisée de rêves, d´attentes et d´ambitions humaines légitimes.

La lecture du billet est ardue. On vacille entre plusieurs "normes" culturelles. Ce qui est bien normal dans notre temps de "mélanges" planétaires. Héritiers d'une civilisation, la civilisation des Lumières, la première à unifier l'Humanité entière, nous avons l'habitude de grands textes, de beaux textes, construits comme des cathédrales. En réalité, il y eut une profusion de textes maladroits où se disaient une chose et son contraire, le meilleur et le pire. Tel est le cas du texte que je cite ici et d'où j'extrais le paragraphe si violent qui me nomme précisément. Sauf qu'il est produit en notre époque, début du XXIème siècle, alors que nous sortons de la culture occidentale pour entrer dans une autre, sans nom aujourd'hui, pleine d'incertitudes.

Une certitude cependant brise notre horizon : nul être humain ne peut ignorer que cette culture qui émerge est planétaire, le troisième cycle de la première civilisation planétaire commencée au XVème siècle. Avec comme date de rupture 1492 et le fait correspondant : la découverte par le monde méditerranéen d'un immense continent dont on ne connaîtrait les véritables dimensions qu'au XXème siècle.

Au cours du deuxième cycle de notre civilisation, l'Humanité a abandonné l'esclavage (et donc le commerce des êtres humains aussi nommé "traite"), le servage, la colonisation et bien d'autres formes de domination de l'homme par l'homme [2] Il en est une qui perdure siècle après siècle, millénaire après millénaire la domination masculine, dite virile, sur le genre féminin. Et pourtant que d'avancées dans la République française : droit de vote, égalité homme/femme, parité, etc., jusqu'au droit de porter pantalon.

Parole, Parole, Parole

"me rappelle une belle dame Alexis Marise Bique". Cela commence comme un sonnet de Ronsard, suivi de mes fonctions et d'une esquisse de la philosophie de mon travail associatif. Et aussitôt, l'ordre de se soumettre énoncé dans les normes intangibles "j´ai appris qu´elle était fort agréable à regarder… c´est un bon début"[3]. Et pour bien préciser la nature des relations, ma pensée, aussi philosophique qu'elle fut auparavant devient un objet : un objet pas un sujet. Par un effet de chosification : Mais je suis naturellement intéressé par l´objet de notre partage. Et un rappel à la brûlante nature (féminine). La suite est un précipité qui me rappele le comportement du maître esclavagiste dans certains ouvrages de bonne qualité sur la société esclavagiste de plantation aux Amériques.

Une jubilation

Cela me rappelle aussi les terribles images d'Eunice Barber à l'intérieur du cercle des forces de l'ordre. Ce que je voyais, c'était l'humiliation d'une femme par une horde masculine. Et il y eu peu de protestions publiques de ce fait. Une recherche google sur ce sujet renvoie "Aucun document ne correspond aux termes de recherche spécifiés (Forum Réalisance + eunice barber)". La seule personne que j'ai entendu qualifier cette horreur d'humiliation, en publique, est une femme : Madame Christiane Taubira. Le paragraphe que je dénonce décrit l'horreur comme une jubilation.

Au milieu des grands débats qui agitent la République française tout en instrumentalisant l'histoire, en en faisant un jouet, il y a ce qu'il ne faut pas dévoiler : la jubilation que provoque ici et maintenant la souffrance et l'humiliation de l'autre, homme ou femme. Celles qu'on met sur l'autel du sacrifice contemporain sous prétexte de dire l'histoire.

Ce texte manifeste avec splendeur la misogynie[4] dont je suis l’objet. Il y a longtemps que j’en souffre mais je n’avais encore eu l’occasion ni d’entendre moi-même prononcer ces paroles, ni de lire une telle charge violente, je veux dire qui viole et porte atteinte à ma dignité humaine. Sauf peut-être, sous le registre du racisme dans le roman de Madame Marie-Noëlle Recoque.- Débouya pa péché publié aux éditions Présence Africaine en 2004. Pages 204 et 205 “Manzelle Bique" est nommée quatre fois et mise en scène avec une violence inouie. La conclusion étant "Manzelle Bique était, sans contexte, une mulâtresse détestable".

Cet ouvrage qui veut dire l’histoire de Vieux-Habitants en Guadeloupe, (la commune où je suis née et où sont nés mes ancètres Européens et Africains, Indiens, voire Amérindiens), juste avant l’abolition de 1848, témoigne de la confusion entre histoire et fiction, entre acteurs du passé et citoyens d’aujourd’hui.

Dans le cas de Débouya pa péché comme dans celui de “realisance”, je ne connais pas les écrivains. Et, le rédacteur de “realisance” avoue qu’il ne me connait pas en précisant “j’ai appris...”.

J’analyse ce fait comme un symptome collectif où on attaque une personne désignée socialement comme un bouc émissaire. Cela fait des années que je subis le racisme, la misogynie et les discriminations de toutes parts. J’ai sombré, après avoir été licenciée de l’Education Nationale et cela fait six ans que je ne reçois aucun soutien tangible.

Ma démarche n’est pas de nier l’histoire, ni de verser dans la confusion mémorielle mais, de tenter de construire un récit historique vrai accompagné d’une lecture critique du présent. Je suis aussi témoin de mon époque et comme pour chacun, “le vent de l’histoire chante en moi”. Je demande que cesse les atteintes à ma liberté d’expression, le respect de mon travail sinon sa reconnaissance.

Est-ce le projet d’université d’été Saint-George & Dalayrac porté par la Société d’Histoire 94120 Saint-George & Dalayrac qui est visé à travers sa présidente ? Est-ce parce que je suis une femme “fort agréable à regarder”, trop intelligente ? Ira-t-on jusqu’à me couper la tête comme en d’autres temps ? Ou bien me laissera-t-on tout simplement périr sous les coups à me “faire vomir jusqu’au sang” ?

Je me sens de plus en plus en insécurité. Quand le même phénomène de bouc émissaire s’est produit à l’encontre d'historiens ou de personnalité du show-bizz, du monde politique, ceux-ci on reçu le soutien de leurs pairs, des défenseurs des droits de l’Homme, des citoyens du Monde. J’ose croire que des voix s’élèveront pour s’opposer aux insultes inqualifiables, à la diffamation dont je fais l’objet, à la volonté de disqualifier mes savoirs et savoir-faire, aux menaces proférées.

Je pense qu’il est plus que temps d’intervenir. Il est plus que temps que les élus de la Nation disent, avec les citoyens d'ici et de d'autres Nations, que la pratique quotiennement répétée de ces violences sans frontières ne peuvent plus avoir cours.

Lecteur, je sollicite votre intervention.

Alexis Marise Bique Présidente “Les 3A ~ Histoire & Sociétés” Présidente “Société d’Histoire 94120 Saint-George & Dalayrac”

Notes

[1] Marcus Garvey (Jamaïque,1887 - Londres, 1940) est un musicien qui joue de l'orgue à l'église, et bien qu'entouré d'analphabètes il est passionné de lecture. Chrétien descendant de Marrons, il est employé chez un imprimeur et participe à un syndicat qui l'élit meneur lors d'une grève. Il devient vite un orateur de premier plan, un journaliste (il fondera bientôt le journal Garvey's Watchman) et un activiste politique.

[2] Pour Karl Marx, les droits de l'homme sont en fait le reflet de la société bourgeoise. Il note ainsi dans Sur la question juive (1844) : « Aucun des prétendus droits de l'homme ne dépasse l'homme égoïste, c'est-à-dire un individu séparé de la communauté, replié sur lui-même, uniquement préoccupé de son intérêt personnel et obéissant à son arbitraire privé. » Pour K. Marx, l'émancipation de l'homme ne peut faire l'économie d'une véritable révolution politique car les droits de l'homme, qui ne sont que formels, ne remettent pas en cause la domination et l'exploitation. Les droits de l'homme par Catherine Halpern.- Sciences Humaines, Mensuel n° 171 - mai 2006.

[3] Lire ici

[4] La misogynie (du grec misogunia, de même sens) est un sentiment d'hostilité, de dédain qu'éprouvent certains individus (la plupart du temps des hommes, mais une femme aussi peut avoir un comportement misogygne) à l'égard des femmes. C'est l'une des deux formes de sexisme, étymologiquement dérivé du Grec miso (qui haït) et gyne (femme), terme opposé à misandrie.