C’est évident que toutes les femmes sont exposées aux agressions sexuelles dans les lieux publics, privés et dans l’environnement familial. Mais en plus de ce fardeau, la femme noire porte sur ses épaules (et sur son derrière) le mythe selon lequel elle a une hypersexualité teinte d’exotisme au sens le plus primitif du terme. Pour les femmes afrodescendantes des Amériques, lutter contre le machisme a été trois fois plus difficile au cours de la longue histoire d’oppression qui avant de leur nier leurs droits en tant que femmes leur nia leurs droits en tant qu’être humain et en tant que personne libre.

RÉSISTENCE DES FEMMES ESCLAVES

Fernando Romero dans sa classification des afronegrismes dit que le vocable negra (noire, négresse) a toujours eu parmi nous une acception raciale de caractère dédaigneux qui fut très commune, même s’il fut également utilisé en termes affectifs...

Remontons au XVIIème siècle pour comprendre le processus que vécurent les femmes esclaves. Dès la puberté, beaucoup étaient prostituées (dans le sens de mises en prostitution) et – ou étaient obligées d’avoir des relations sexuelles avec les maîtres. Elles étaient également utilisées comme reproductrices d’esclaves, c’est-à-dire qu’on les croisait avec un esclave étalon sain et fort pour avoir une main d’œuvre de premier niveau et coûtant un prix élevé.

Il y eut diverses formes de résistances. Les traditions orales conservées jusqu’à ce jour racontent que certaines avortaient sans que le maître se rende compte ou se suicidaient dans les cas de dépression extrême. Ces mesures drastiques étaient pour elles la meilleure preuve d’amour pour leurs enfants, car elles leurs évitaient la condamnation et la souffrance d’une vie d’esclave.

Un autre groupe achetait la liberté de ses enfants dans une lutte dramatique contre le temps. Plus les années passaient, plus le prix de la créature augmentait et l’argent accumulé devenait insuffisant.

Il y a également des résistances importantes dans d’autres pays d’Amérique. C’est le cas de l’esclave brésilienne Anastacia qui vécut de nombreuses années avec un masque sur le visage ressemblant à une muselière pour animaux, qu’elle ne retirait que pour manger. Son péché: elle avait refusé d’avoir des relations sexuelles avec le fils de son maître.

Les femmes afropéruviennes ont également été le symbole de la lutte contre l’oppression esclavagiste et le régime patriarcal généralisé dans toutes les classes sociales durant le siècle dernier. Dans un essai sur la vie quotidienne urbaine des esclaves en 1800, Cristine Hunefeld raconte l’histoire de la famille Lasmanuelos qui, générations après générations fit des efforts courageux pour acheter la liberté de ses membres. Les personnes qui aidèrent Manuela lors de ces premiers contacts avec la ville étaient des femmes, noires et esclaves, avec des degrés divers de relative indépendance vis-à-vis de leurs maîtres. Les hommes se sont joints à cette aide de façon lointaine, indique Cristine.

Cela signifie que celles qui se sont impliquées dans la lutte de Manuela et de son époux Manuel fut le secteur le moins reconnu de la société esclave: les femmes. La décision au sein de la famille pour savoir celui ou celle dont on allait acheter la liberté en premier favorisa largement les femmes. La raison était que elles pouvaient maintenir le lien avec l’époux et les enfants s’ils étaient séparés de l’entourage, attitude qui s’avérait toujours plus difficile pour les hommes.

REDÉCOUVRIR LES SOURCES DU POUVOIR

Il s’avère difficile d’évoquer l’identité, entendue comme l’ensemble de caractéristiques spécifiques, communes qui servent d’élément rassembleur pour que les personnes soient classées au sein de groupes déterminés. Le thème des identités ethniques interagit étroitement avec les identités sexuelles et de genre.

Pour les femmes afrodescendantes des Amériques, faire un travail à ce sujet a signifié une triple tache. La discrimination de genre est accompagnée de la discrimination raciale et de la marginalisation que cause la pauvreté. Nous pensons qu’il est important de recouvrer l’érotisme en tant que pouvoir, comme le dit l’écrivaine Audre Lorde(1).

Il est nécessaire de se convaincre du fait que l’érotisme, perçu comme une ressource fondamentalement féminine et spirituelle signifie l’affirmation d’une énergie créative qui permet de partager le plaisir physique, émotionnel, spirituel ou intellectuel, c’est-à-dire que c’est la jouissance même de la vie. Cette caractéristique est une source de pouvoir fortement conservée par les femmes noires des Amériques malgré les vexations subies. Elle a été vulgarisée, stipendiée et diabolisée au cours des années par la société, les médias et même confondue par les femmes elles-mêmes qui n’ont pas découvert son sens réel.

  • S’emparer de ce pouvoir doit alors passer par la redécouverte et la revalorisation de cette arme qui peut être utilisée dans nos discours sur l’identité féminine et sur l’identité nègre.

Ce sera également un élément important pour affronter les agressions sexuelles quotidiennes auxquelles nous sommes exposées dans divers milieux.

Le jour viendra où lorsqu’on évoquera cette source, en se regardant dans un miroir, on se dira la même chose que María teresa Ramírez, poétesse dominicaine: "Ils disent que je suis brillante. Il faut voir ce qu’ils veulent dire".

  • Pour se perpétuer, toute oppression doit dénaturer les sources de pouvoir au sein de la culture de l’opprimé.

(1) Audre Lorde, especial Fempress1995

traduit de l'espagnol par Guy everard Mbarga

http://www.rebelion.org/ddhh/negras170601.htm