Pour divers auteurs, élever à vingt millions le chiffre des esclaves introduits en Amérique n’est pas exagéré, auquel cas, le coût total de la saignée dépasserait les cent millions de personnes. Pour comprendre ce que cela signifiait alors en termes démographiques, il suffirait de se rappeler qu’au début du 19ième siècle, Buenos Aires avait une population d’à peine cinquante mille habitants.

Si les esclavagistes n’étaient intéressés que par leurs bras, ils ne purent empêcher le débarquement et l’irradiation d’une mosaïque bigarrée de cultures, résultant de la même diversité ethnique de cette population transplantée. C’est là l’origine de ce qu’on se mit à appeler "Nations", particulièrement dans la région du Rio de la Plata.

Malgré le mélange des cultures qui s’est opéré entre les différents groupes dans les plantations, les cultes afroaméricains qui au final de ce processus allaient se consolider ne perdirent pas en Amérique Latine (alors que ce fut le cas dans presque tous les États-Unis) un ancrage dans des cultures déterminées de la côte occidentale de l’Afrique, parmi lesquelles ressortent les Yorubá du Nigéria ("Nagô" pour les brésiliens et Lucumí" pour les cubains), et la Fon du Bénin actuel ("Gêge" au Brésil, et "Arará" à Cuba)....

Nostalgies du Candombe, par Pedro Figari 60x80cm

...Un autre aspect de notre dette envers l’Afrique est la rareté des études sur l’histoire sociale et culturelle de ces populations transplantées, ce qui est très notable si nous faisons par exemple la comparaison avec les groupes indigènes. Malgré les études importantes qui ont été réalisées, beaucoup reste à faire relativement à cette source essentielle de notre culture métisse, et qui reste encore grandement à connaître, à légitimer...

...Le candombe serait, dans son aspect rituel, une espèce de pantomime du couronnement des Rois de l’Ancien Congo, même s’il intègre des éléments propres de la royauté européenne.

De même, dans le cadre religieux, on note éléments de l’animisme de matrice Bantu mélangés à d’autres éléments chrétiens, comme par exemple l’incorporation au panthéon noir de Saint Benito et Saint Baltasar comme saints tutélaires de ces peuples. Déjà à l’époque de Rosas, on observe une tendance à contrôler ses manifestations culturelles par le biais de la folklorisation qui a amené à faire ressortir leurs aspects pittoresques (auxquelles il est vrai il ne manque pas de couleur) pour contourner la condition abjecte de l’esclave, de l’homme fait chose, fait animal de transport, ainsi que ses formes de résistance, qui se cristallisaient souvent en acte de rébellion réprimés avec cruauté...

...Aujourd’hui, au sein des populations noires, un dilemme compliqué est en débat: l’assimilation totale à la culture dominante par déculturation progressive ou la récupération de leur culture et de leur histoire...

Traduit de l'Espagnol par Guy Everard Mbarga

http://www.revistaquilombo.com.ar/revistas/20/q20.htm