Musique et sexe dans Nochebuena negra de Juan Pablo Sojo

Par Maimouna Sankhé Adebowale

Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga

Cet éminent chercheur vénézuélien est Juan Pablo Sojo. Né à Curiepe (état de Miranda) le 23 décembre 1908, il est mort le 8 octobre 1948. Il est l’auteur de romans et de contes comme Nochebuena negra (1943, 1968, 1972, 1976, 1997), Sambarambulé y Hereque, entre autres. Cependant, une grande partie de son oeuvre est restée inédite et disparue. Il était autodidacte, apothicaire, romancier, conteur, poète, chercheur, journaliste, musicien et folkloriste.

Dans sa nouvelle Nochebuena negra la musique revêt un caractère aphrodisiaque qui réveille l’appétit sexuel des hommes et des femmes. De plus, les instruments de musique sont humanisés et comparés dans le cas suivant à un couple d’êtres humains en plein acte sexuel :

“Le furruco( sorte de tambour) gémissant, en plein orgasme de nouveau prenait du volume à l’appel de sa partenaire, la tambora gloussante et insatiable; il résonnait en violentant les secousses des femmes, et en réveillant en les hommes le désir qui pendait à leurs lèvres comme celui qui pendait aux seins et aux sexes des femmes ”.1

Il est extrêmement difficile d’analyser Nochebuena negra en passant par delà l’érotisme qui en fin de compte, devient le terrain où débouche n’importe quelle action. Dans toutes les cérémonies qu’organisent les personnages du roman, on entrevoit un aspect érotique. Tous les recoins sont convertibles en scènes sexe: sous les arbres, derrière la cuisine, dans les espaces fermés et dans ceux ouverts, mais toujours avec la complicité provocatrice des rythmes musicaux.

Après la mort du noir Vivian Blanco, Carmen Ramona et l’indienne Luisa Sinza lui organisent une veillé funèbre. À ce rite est présente Teodora qui, avec ses danses sensuelles réussit à séduire le majordome Luis Pantoja et par conséquent, ils se donnent rendez-vous dans la cuisine:

“...sans faire de bruit, il alla attendre Teodora à l’endroit convenu: derrière la cuisine. Elle arrive peu après, et là, en l’appuyant sur le tucutuco, souleva sa jupe hâtivement et la posséda totalement au son de la tambora et du furruco en chaleur”.2

Dans Nochebuena negra, les personnages ont une relation profonde avec la musique, en plus présente autant physiquement que spirituellement dans tous ses actes. Le noir Morocoto, avant de violer Coínta, entendait d’abord les voix du Mina qui lui chuchotant de posséder la fille. C’est comme si la musique ne réveillait pas seulement l’appétit sexuel, mais qu’en plus, elle exhortait le noir à commettre son acte sexuel. Mais le sexe, quand il n’et pas consenti est un péché qui se paie cher. La fille violée raconte ce qui s’est passé à sa tante Iginia qui jure vengeance: “¡Negro singón!... ¡No vaj a podé comé por tu mano!... ¡Dios s’tá arriba! (Nègre obsédé sexuel!…tu ne mangeras plus avec tes mains…Dieu est au ciel)”.3

La fête de San Juan semble être la nuit de la culmination des désirs sexuels de tous. La grande voix de l’ancêtre réussit à faire que les noirs, les blancs, les mulâtres et les indiens dansent avec excitation au rythme du tambour. Une fois de plus, la musique réunit les races et en même temps, sert de stimulant de leurs désirs sexuels.

Le sexe, la musique et la nature sont si étroitement liés dans Nochebuena negra qu’on dirait qu’il existe une complicité entre eux: la musique réchauffe le corps des auditeurs et ravive leur appétit, la nature abrite en secret la rencontre sexuelle qui se tient souvent à l’air libre. Lino Bembetoyo et Altagracia se donnent rendez-vous dans le champ de maïs, le ma majordome Luis Pantoja et la noire Teodora le font derrière la cuisine, tandis que le noir Coromoto viole Coínta au fleuve.

Juan Pablo Sojo était musicien et en tant que tel, il était normal que la musique occupe un place primordiale dans son oeuvre, une place qu’il serait intéressant d’examiner de manière exhaustive dans nos futures études.

Il est également l’auteur des livres suivants: Tierras del Estado Miranda; sobre la ruta de los cacahuales (1938) y Temas y apuntes afrovenezolanos (1943, 1986). Il est co-auteur de Folklore y cultura. Ensayos (1950), El Estado Miranda. Su tierra y sus hombres (1959), Antología de cuentistas y pintores venezolanos (1976), Estudios del folklore venezolano (1986) y La fiesta de la tradición: 1948. Cantos y danzas de Venezuela (1998).

Notes

Sojo, Juan Pablo: Nochebuena negra, Monte Ávila Editores, Caracas, 1972. p. 124.

Ídem. p. 128.

Nochebuena negra, op. cit. p. 256.

http://www.letralia.com/189/articulo04.htm