Alberto Barrow est peut-être la personnalité la plus visible du Comité Panaméen contre le Racisme. Aujourd’hui, il dissipe les doutes qui entourent ces questions dans le cadre de la discussion suivante avec LA ESTRELLA:

POUR LA PREMIÈRE FOIS, DEPUIS QUE JE PEUX USER DU RAISONNEMENT, LE RECENSEMENT INTRODUIT UNE NOUVELLE MODALITÉ PAR LAQUELLE ON CHERCHE À ÉTABLIR LE NOMBRE D’AFRODESCENDANTS AU SEIN DE LA POPULATION. À QUOI CELA EST DÛ?

Je pense que la question est pertinente. Il y a à coup sûr une situation exceptionnelle dans le recensement de ce dimanche 16 mai. C’est exceptionnel, parce que 70 ans ont passé depuis que cette mesure a été suspendue. Ce n’est pas la première fois que ça arrive. C’est vrai que c’est la première Fois que ça arrive dans mes 58 ans de vie et de même pour vous. Le sujet est de nouveau pris en compte.

CERTAINS GROUPES D’AFRODESCENDANTS CONSIDÈRENT CETTE MESURE COMME UNE SORTE DE REVENDICATION. POUR QUELLE(S) RAISON(S)?

Il y a des choses élémentaires qu’il faut comprendre. C’est quoi le recensement? C’est un outil utilisé partout à travers le monde. Il n’existe aucune société de nos jours qui n’utilise pas cet outil qui permet – avec l’information multiple qui est recueillie, car lors d’un recensement, il y a des dizaines de questions, et la question sur l’afrodescendance ou la négritude a évidemment attiré une grande attention— de planifier pour le développement. Ce qui se passera dimanche se passe tous les 10 ans, et lors ces processus de recensement on prend une photographie de la société panaméenne. Sur cette photographie que l’on prendra dimanche, les noirs veulent sortir avec leur identité. Nous sommes tous panaméens, bien sûr, mais nous ne sommes pas tous égaux dans beaucoup de sens. On pourra aussi identifier combien parmi nous ont un handicap, sont autistes, aveugles, etc. Il s’agit donc d’une photographie reflétant les particularités des panaméens. Le message de la population afropanaméenne est le suivant : nous voulons apparaitre sur cette photographie.

COMMENT EST ON ARRIVÉ À FAIRE INTÉGRER LA QUESTION DANS LE QUESTIONNAIRE DU RECENSEMENT?

Je vais vous éclairer. La réincorporation a été un processus dans lequel on a certainement dû intervenir, en parlant de certains membres de la société civile, fondamentalement des groupes d’afropanaméens, mais au-delà de cela, c’est lié à des engagements internationaux qu’a pris l’État Panaméen. En 2001, pour en citer un des principaux à Durban, en Afrique du Sud, s’est tenue la troisième conférence internationale convoquée par les Nations Unies, en vue de l’élimination de toutes les fromes de discrimination. Un des thèmes qui est ressorti du Plan d’Action de Durban pour lutter contre l’exclusion présente dans de nombreuses parties du monde fut l’incorporation dans le recensement du décompte des noirs. Aujourd’hui, le Panama ne fait que respecter cet engagement qu’il avait pris à ce moment. Il est impossible que le Panama réalise un recensement en ayant souscris au Plan d’Action de Durban —pour le Panama et pour tout autre pays— sans l’incorporation de la variable ethnique comme élément à mesurer. On va voir différents recensements chez nos voisins qui sont en cours, et dans lesquels on intègre la variable ethnique, et particulièrement la variable noire.

Aucun des organismes multilatéraux ne prêterait ni ne donnerait un centavo à l’État Panaméen s’il ne respecte pas cet engagement. La BID a offert plus de 300 000 $ seulement pour la promotion du recensement et cela est fait parce qu’il y a un engagement de l’État à comptabiliser la population des afrodescendants.

VOUS AVEZ ÉVOQUÉ UN SUJET TRÈS IMPORTANT, CELUI DES EXEMPLES VÉCUS EN MATIÈRE D’EXCLUSION SOCIALE ET DE RACISME, QUEL DIAGNOSTIC FAITES-VOUS DU PANAMA AUJOURD’HUI SUR CES ASPECTS?

Nous avons un problème grave de négation à ce sujet et c’est comme toute chose que l’on nie, surtout quand il s’agit de sujets aussi problématiques. Au Panama, il y a des problèmes d’exclusion ethnique et raciale. Nous pouvons sortir de cette rédaction et nous rendre près d’ici, à Curundú, et demander à n’importe quel gars s’il a été victime, dans son quotidien, d’actes discriminatoires et d’actes racistes dans cette société et – du moins moi— je ne serai pas surpris de la réponse. Je peux te donner des références plus précises dans le cadre du recensement, et je suis certain que ce sera édité. Il y a deux jours lundi dernier a eu lieu une presse de conférence, la dernière et la plus importante de l’Institut National des Statistiques et du Recensement et le Contrôleur Général —organisations qui chapeautent ce processus— et lors de la conférence de presse, évidemment, il y avait des journalistes et des communicateurs en général, en plus des représentants d’organisations de la société civile et de fonctionnaires invités et là-bas —j’y étais et je l’ai vu— on a refusé l’entrée à un afropanaméen, à un noir panaméen, à un afrodescendant. Qui était ce noir panaméen selon vous? Personne d’autre que Ricardo Weeks, connu dans ce pays comme DJ Black, le secrétaire exécutif du Conseil National de l’Ethnie Noire, instance rattachée à la Présidence de la République. Ami journaliste, pourquoi penses-tu qu’on lui a refusé l’accès? Parce qu’il y a un profil dans la société panaméenne sur les panaméens noirs, indigènes et juifs. Il s’agit là d’une réalité, mais c’est une réalité qui affecte plus certaines personnes et on en revient à la question de savoir pourquoi nous voulons apparaitre sur la photo avec notre identité d’afropanaméen. Presqu’instinctivement, parce que cela fait partie des préjugés dans notre société, l’agent de sécurité qui était présent pour une conférence de presse pleine de gens, il lui a paru que Ricardo Weeks n’était pas un invité naturel, malgré le fait qu’il portait la chemise blanche portant le logo du Gouvernement National (et il la portait de manière visible, comme l’utilise très souvent Salo Shamah), il portait un Blue jean (comme a souvent l’habitude de les porter Salo Shamah) et des chaussures blanches (comme le fait parfois Shalo Shamah), mais comme l’agent de sécurité a un profil construit, il lui a paru que ce gars noir ne correspondait pas au profil établi et il l’a empêché. Il a dû se faire identifier comme fonctionnaire rattaché à la Présidence de la République pour pouvoir entrer.

Traduit de l’espagnol par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com/