On a pu constater que les africains ne sont pas unanimes, mais peuvent débattre, même avec la passion démesurée qui veut convaincre ces autres parfois calés sur leurs positions et bouchés à tout argument adverse. Pour en venir à l’essentiel, je suis de ceux, rares peut-être, qui malgré leur infaillible soutien et une immense tristesse pour le Président Laurent Gbagbo se réjouissent en quelque sorte d’une telle issue pour lui, même si elle n'est pas définitive, parce qu'elle lui enlève une charge trop lourde pour un seul homme, fut-il un héros. Et malgré la justesse de son combat.




J'aime souvent rappeler l'inconséquence, toute humaine, de chaque africain qui l'amène à sembler bien connaitre les problèmes du continent et ses solutions, à se lamenter, mais à ne pas tirer les conséquences et surtout à ne jamais faire ses propres devoirs.

Ainsi, tout le monde sait qu'en Afrique francophone notamment, nos chefs d'États et leurs gouvernements sont des pantins qui ne se soucient fondamentalement que des intérêts de puissances et de firmes occidentales. Quand on voit les moyens colossaux utilisés par ces derniers avec l'aide des sous-traitants chargés de nous endormir comme l'ONU (Onuci en Côte d'Ivoire) et l’armée Française chargée de nous tuer, il est évident que les choses ne changeront pas de sitôt.




À moins que l'on cesse de totalement de laisser reposer nos destins sur les sommets de nos États. Et c'est en ce sens que tous ceux qui considèrent Laurent Gbagbo comme un héros qui s’est battu pour une plus grande indépendance de l’Afrique, un Panafricaniste, devraient se dire que ne pèsera plus enfin sur ses seules épaules le poids de cette tache ardue. Et que si l’on veut, chacun de nous, anonymes individus, prendra enfin le relais et donc ses responsabilités propres dans ce combat qui se poursuit.




S’il en est ainsi, les africains doivent arrêter de focaliser sur les dirigeants, notamment les chefs d'États, en pensant que ce sont eux qui vont sortir l'Afrique de sa situation d'esclavagisme-dépendance. Surtout que l’Histoire nous démontre clairement le contraire.




J’ai la ferme conviction que la solution se trouve en chacun des africains, individuellement, mais aussi en groupe, ensemble, qui doivent se dépasser. Parce que, que l'on soit un Senghor, un Boigny, un Biya, un Diouf, un Ouattara, un Éyadéma, un Bongo ou un Compaoré officiellement adoubé par la France et les multinationales occidentales, ou un Sankara, Mugabe, Lumumba, Biko, ou Gbagbo honnis par ces puissances, le résultat est le même pour les populations africaines.




Nous contenter d’accuser nos chefs d'État et autres autorités, c'est souvent nous décharger de toute responsabilité personnelle. On leur donne tant de pouvoir, en préparant ainsi nos propres déceptions. Donner le pouvoir signifie ici que l'on se convainc qu'ils sont les seuls à pouvoir décider du destin de nos pays, et en tant qu'individus, la plupart d'entre nous se complaisent alors dans l'attentisme et se contentent du peu qu'ils peuvent recevoir du gouvernement, de l'État, des dirigeants. Mais quand on voit la pression que ces derniers subissent des puissances occidentales, si on continue d'abandonner nos destins de nations entre leur pouvoir, je le répète, rien ne changera, véritablement au rythme que l'on souhaite.




Il serait judicieux de penser, même si cela semble illusoire, à prendre chacun un peu de pouvoir symbolique que l'on délaisse habituellement et depuis toujours aux chefs d'États et dirigeants, et à croire en nos propres capacités à bouleverser, et même à révolutionner le destin qu'on nous promet éternellement maudit.



Le rôle de "messie" ou de "Dieu tout puissant" accordé à nos dirigeants est certainement lié à l'organisation familiale en Afrique, notamment du point de vue du rôle central du père. Ce dernier est le guide, oriente la vie de la famille. On sait pourtant que le père est souvent loin des enfants par exemple, et ne sait pas nécessairement ce qui est bien pour eux. Les enfants ont rarement droit à la parole, le père est un être à part, ou alors auquel on porte un respect parfois démesuré. Tout le monde compte aussi sur lui pour trouver toutes les solutions. Et pour le père, c’est à la fois une fierté, mais aussi une difficulté, car la tâche peut-être ardue. Le père a un pouvoir, une responsabilité qu’il n’a peut-être pas demandé, qui lui est due et il ne sait pas toujours quoi en faire. Et ce schéma familial se répète au niveau des États. Bien sûr, il y a beaucoup plus de pères en Afrique qui font leurs devoirs que de chefs d’États et dirigeants.




Il faut donc mettre fin à l’attentisme déresponsabilisant des populations, en les amenant à se rendre compte de leur pouvoir, de leurs capacités - gâchées dans l’attitude du spectateur de leurs vies - et du fait que chaque individu ou chaque groupe d’individus anonymes peuvent devenir des bâtisseurs du développement de leur pays, et peut-être servir d’exemple aux politiques, leur montrer la voie en inversant en quelque sorte les rôles.




Chaque africain doit comprendre qu'il a le pouvoir de devenir un leader plutôt que d’attendre des Obama, Nkrumah, Sankara, Lumumba , Gbagbo, qui ne leur donneront que de l’espérance, cette unique denrée abondamment répandue dans les esprits sur notre continent depuis des siècles, pourtant peu pourvoyeuse de progrès.