Malheureusement, la “démocratie sociale” interdit la publication de statistiques qui prouvent ces affirmations. Je n'ai d'autres alternatives que de décrire ce que ressent un noir à Cuba.

Je donne le témoignage d'une femme qui est née et a grandi sous un système qui a supposément éliminé la discrimination raciale. C’est un sujet tabou ; une chose dont on ne parle pas parce qu’elle est supposée ne pas exister, ce qui la rend très subtile et cruelle. D'où nous vient donc cette idée que nous sommes discriminés ?

Les différences entre noirs et blancs et toutes les couleurs intermédiaires semblent imperceptibles, mais elles sont présentes. Les religions africaines se sont mélangées fondamentalement avec le catholicisme, mais l'égalité des afrodescendants est un problème que l’on élude. Résultat : les noirs maudissent leurs origines.

Dans le Cuba d'aujourd'hui, nombreux sont les complexes qui acculent les nouvelles générations d'afrodescendants. Mon fils de 8 ans ne veut pas être noir, il veut éclaircir la couleur de sa peau. La même chose m'est arrivée.

Ma mère m'a toujours expliqué qu'il n y a pas de raison de renier ses origines. Elle m'a démontré que ma couleur était quelque chose qui me distinguait et que je devais en être fière.

 Ce qu'elle ne put m'expliquer, c'était la raison pour laquelle j’étais discriminée socialement. Elle ne put m'éviter la douleur d’entendre ces personnes qui pour m'offenser avaient juste à dire  “negro” et en prononçant ce mot, elles te faisaient ressentir tout leur mépris pour notre race.

Des fois, on fait très attention lorsqu'on utilise le mot Noir. On emprunte même des euphémismes pour nous pointer du doigt en évitant de prononcer ce mot : “les gens de couleur, les morenos (bruns), les mulâtres”.

Comme si utiliser ce vocable était une offense ou alors comme s’il s’agissait du terme le plus péjoratif avec lequel on pouvait annuler une personne.

- Il ne pouvait s’agir que d’un noir! Des expressions comme cette dernière nous rendent imparfaits par rapport à la race blanche. Nous sommes ceux qui peignent la touffe (cheveux frisés), ceux qui transpirent abondamment, les obtus de la pensée et les antis hygiéniques.

On nous sanctionne même avec l'histoire. “Le premier vol avec violence a eu lieu à Cuba le jour où Carlos Manuel de Céspedes (notre éminent patriote) a libéré ses esclaves”.

La thèse historique se reflète dans le présent. La majorité de la population pénale sanctionnée à Cuba est noire. C'est certainement la race qui commet le plus de délits, mais elle représente également le secteur social le plus pauvre.

Être noir implique pour les racistes avoir une prédisposition à la criminalité et à la délinquance, sans penser que les comportements délictuels dans une société sont directement liés à la pauvreté.

Il est plus facile de se remplir de préjugés.

Des points de vue social, économique et politique, les désavantages que les noirs ont sont nombreux. Mais ce n'est pas là tout ce que nous devons supporter. Il y a en plus ceux qui disent ne pas avoir de problème avec les noirs. Ceux qui nous rappellent constamment par le biais d'une phrase condescendante que nous sommes partie de la race imparfaite. Ou de ceux qui s’assurent d’abord qu’il n y a personne de notre race qui écoute pour dire : “Je sais que tous les noirs ne sont pas pareils, mais …”

Des fois ils ne se cachent même pas pour nous dénigrer. Pendant ce temps, nous écoutons les offenses avec indifférence, nous cachons notre douleur, devenant complices de la discrimination. Au point d'en arriver à nous reprocher à nous mêmes d'être noirs.

Nous autres noirs ressentons l'indifférence, le mépris et la haine. Même si nous n'en parlons pas, nous en souffrons. Bien que nous l'assimilions et que nous prétendions qu'elle est naturelle et quotidienne, la discrimination nous fait mal. Ces blessures resteront nôtres pour toute la vie.