Emmanuel DUPUY, Président de l’Institut Prospective et Sécurité de l’Europe, publié le 06/12/2007 Le Sommet de Lisbonne des 18 et 19 décembre prochains, vient clore une Présidence portugaise de l’Union européenne qui avait placé l’agenda africain au cœur de ses priorités.

Rien étonnant à cela, quand on sait combien le « pragmatisme portugais » vis-à-vis des relations avec ses anciennes colonies africaines (Mozambique, Guinée-Bissau, Angola, Cap vert, Sao-Tomé Principe), malgré des guerres d’indépendances douloureuses est une réussite.

Cela se caractérise notamment par, la dimension linguistique, puissant facteur de cohésion et véritable outil de sa diplomatique africaine, au sein de la Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP). Il est ainsi éloquent de souligner que le Portugal qui a eu à faire face aux mêmes difficultés que la France vis-à-vis du continent africain (décolonisations douloureuses, processus de réconciliations nationales, phénomènes migratoires, etc.) ait pourtant pu apparaître comme le partenaire le plus crédible pour relancer cette dynamique du partenariat eurafricain tant attendue.

Ces rendez-vous eurafricains, qui ont vocation à devenir incontournables, comme le furent les sommets France-Afrique et tendent à le devenir les Sommets Afrique-Chine, ont vocation à réunir désormais, pour la première fois depuis le Sommet du Caire en 2000, les Chefs d’Etat et de Gouvernement des 27 Etats de l’UE et ceux du continent africain.

Ce Sommet de Lisbonne sera ainsi l’occasion de confirmer la nécessité de développer le partenariat UE-UA. Ce dialogue approfondi entre ces deux organisations devra ainsi se faire au profit de nouveaux pôles sous-régionaux, dans le cadre, par exemple, de la mise en œuvre des Accords de Partenariat Economique (APE) avec les régions ACP, dont la conclusion devrait intervenir avant la fin de l’année.

La transformation de la Stratégie de l’UE pour l’Afrique datant de décembre 2005 en une véritable Stratégie commune Union Européenne (UE) - Union Africaine (UA) en témoigne. Les six chapitres qui la composent - que sont la paix et la sécurité, les droits de l’Homme, l’aide au développement, la croissance économique et le commerce, le développement humain -, devront ainsi être pris dans une logique de co-partenariat, tant dans l’élaboration que le de suivi. La déclaration commune signée en mai 2006, portant sur la coopération entre les Nations unies et l’Union européenne dans la gestion des crises, tend à le confirmer, en Afrique plus qu’ailleurs. Dans ce sens, le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix à travers la sixième génération du programme d’équipement, formation et entraînement RECAMP (2007-2009), pourraient être conduits avec l’Union Africaine au nom de l’Union Européenne.

En parallèle, les deux conditions ayant amené la création de l’Union Africaine, à l’occasion du Sommet de Durban en 2002, prouvent la volonté de légitimer le rôle de « l’ONU africaine », notamment dans le cadre de la prévention et de la résolution des conflits ainsi qu’en matière de gouvernance démocratique, économique, écologique pour l’ensemble des pays du continent africain.

L’UA espère ainsi poursuivre le renforcement de « l’architecture de paix et de sécurité » africaine au cours des prochaines années, comme est venu le confirmer le Sommet d’Accra en juillet dernier. Dès lors, les liens consubstantiels existant entre développement et sécurité confirment également que le développement durable ne se réalise pas sans l’absence de stabilité et de sécurité.

Ses bonnes intentions manifestement partagées de part et d’autre de la Méditerranée, ne doivent néanmoins éluder certaines questions qui conditionnent la réussite d’un partenariat eurafricain qui pour porter ses fruits, devra être réellement équilibré :

-comment concrètement tendre vers le co-développement, le développement durable, la stabilité régionale, l’indépendance en matière de sécurité, tant intérieure qu’au niveau des Relations internationales ?

-Sur quels acteurs politiques, notamment issus d’une société civile réellement indépendante, en pleine maturation à travers de nombreux pays africains s’appuyer pour ce faire ?

-En quoi la réussite des missions sous drapeau européen en Afrique (Eufor RDC et la nouvelle Eufor Tchad RCA décidée le 15 octobre dernier) configure-t-elle l’avenir même du concept de PESD et la légitimité de l’UE comme acteur global ?

-Comment l’Europe pourra ancrer son Sud dans un espace vital à son extension et à sa lisibilité dans le cadre de la mondialisation ?

-Comment articuler les ambitieux projets de relance de la Francophonie sur une base plus volontariste (à l’instar de la CPLP) et celui tendant à la création d’une Union de la Méditerranée, dont le périmètre géographique pourrait sembler, à première vue, réduire la relation entre les deux continents ?

C’est, très modestement à quelques unes de ces questions fondamentales, parmi tant d’autres, laissées en jachère depuis le dernier et premier sommet UE-Afrique, que l’IPSE (Institut Prospective et Sécurité de l’Europe), le CEREM (Centre d’Etudes et de Recherches de l’Ecole Militaire), Convergence Républicaine et l’OPSA (Observatoire Politique et Stratégique de l’Afrique) tentent de répondre à travers la tenue d’un séminaire multidisciplinaire, baptisé « Afrique-Europe : regards croisés, liens tissés, perspectives communes » dont la première séance était consacrée à la résolution des crises et le maintien de la paix et la deuxième , placée sous le signe de la jeunesse et de la société civile - acteurs devenus incontournables dans le dialogue Nord-Sud, comme en témoigne les grandes attentes liées à la tenue du Sommet « informel » de la jeunesse qui se tiendra également à Lisbonne.

Ce sont là, quelques unes des conditions et priorités fortes qui devrait conditionner la réussite de la Présidence française de l’Union à partir du 1er juillet 2008, après la présidence slovène qui l’aura précédée.

Emmanuel DUPUY Président Institut Prospective et Sécurité de l’Europe (IPSE) www.ipse-eu.org]

http://www.linternationalmagazine.com/article466.html

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