___« De cette Afrique-là, on ne parle presque jamais !» « L'Afrique qui travaille, qui produit, qui invente et qui crée... » L’Afrique, un continent émergent "l’afro pessimisme des années 90."? La thèse du complot contre l'Afrique: points noirs
Par http://www.777-mafia.com/us/home, samedi 20 octobre 2012 à 12:09 :: ___Battlefiel IV - BLOODSLATTERS - Survival Of The Fittes - Everyday Gun Play - Street Life :: #4188 :: rss
- Pourquoi l'Afrique ne se développe pas ?
« De cette Afrique-là, on ne parle presque jamais !»
JPElongMbassi
Quel regard les médias portent-il généralement sur l'Afrique et en quoi cette approche médiatique demanderait-elle que l'on s'en préoccupe davantage, dans la perspective du développement local durable?
Secrétaire général de l'organisation panafricaine CGLUA (Cités et Gouvernements Locaux Unis d'Afrique), partenaire institutionnel de longue date d'Echos Communication, Jean-Pierre Elong Mbassi a abordé la question, avec autant de lucidité que de franchise, dans une interview tout récemment accordée à Tâaoun, La Lettre des Coopérations au Maroc.
De ces propos, recueillis pour Tâaoun par Elodie Martellière Sadouk, de l'agence conseil en Coopération décentralisée Marocoop Conseil, nous nous permettons de reproduire l'extrait suivant, pointé par Gautier Brygo, qui est la cheville ouvrière d'Echos Communication au Maroc.
Un point de vue qui se passe aisément de commentaires. Un point de vue autorisé qui, surtout, nous rappelle très concrètement l'importance stratégique d'une plateforme de communication en ligne centrée sur le développement durable de l'Afrique dans ses initiatives locales. Et l'urgence d'un changement de regard des journalistes, africains et autres, à travers ce prisme médiatique, encore à construire... (JD)
« L'Afrique qui travaille, qui produit, qui invente et qui crée... » laureats2010_-_copie
Tâaoun : Pourquoi souhaitez-vous mettre l’accent sur les médias ?
Mr Elong Mbassi : Un des problèmes auquel l’Afrique doit faire face c’est la manière dont elle est présentée au niveau international. L’Afrique a un problème d’image. Dans les médias internationaux, on n’en présente le plus souvent que les côtés négatifs : c’est le continent du SIDA, c’est le continent de la famine, c’est le continent de la pauvreté, c’est le continent des régimes politiques corrompus, c’est le continent des atteintes aux droits humains, bref c’est le naufragé de la mondialisation voué à la compassion et à l’aide humanitaire. Cette présentation de l’Afrique a un impact sur les Africains eux-mêmes, qui perçoivent leur continent à travers ce qu’on en dit au niveau mondial et le considèrent en quelque sorte comme le continent perdu et où il n’y a pas d’espoir.
Dans cette présentation, il y a peu de place pour l’Afrique qui travaille et qui produit, pour l’Afrique qui invente et qui crée une manière originale de vivre le monde et de s’articuler au monde, pour l’Afrique qui trouve quotidiennement des solutions à ses problèmes, pour l’Afrique au sein de laquelle les valeurs de solidarité et d’empathie continuent d’être le ciment de la vie en communauté et en famille, cette Afrique locale qui est la force motrice du développement du continent. De cette Afrique là, on ne parle presque jamais. Les raisons avancées par les médias se résument au fait qu’il n’existe pas de modèles, d’exemples ou de figures qui incarnent cette Afrique-là et qui leur soient facilement accessibles.
En fait les médias ne connaissent pas l’Afrique locale et n’ont manifestement que peu d’intérêt pour le développement local, pourtant condition sine qua non du développement durable de l’Afrique. C’est la raison pour laquelle les journalistes et professionnels des médias présents au Sommet Africités de Marrakech ont souhaité que soit développée une plateforme Internet où pourraient être regroupés et postés des projets de développement local exemplaires avec des informations sur leurs porteurs desdits projets. De la sorte il serait mis à la disposition des médias une base de données facilement accessible, où trouver des éléments permettant de présenter une image plus positive de l’Afrique. Nous pensons qu’il s’agit là d’un programme très important si l’on veut vraiment « changer la rumeur sur l’Afrique » comme cela nous semble nécessaire et juste.
L’Afrique, un continent émergent ?
Débat, Le lundi 15 novembre : Roland Pourtier, professeur émérite de Paris I Sorbonne : « L’Afrique, un continent émergent ? » à 19.00 à l’Avenue, 8 boulevard de l’Europe à Mulhouse.
49ème café de géo de Mulhouse
Le temps de l’Afrique est—il venu ?
Roland Pourtier
15 novembre 2010- Café L’Avenue
Ce titre a pour caractéristique de trancher avec l’afro pessimisme des années 90. La « négrologie », claironnant que l’Afrique meurt, qui trouve ses racines chez René Dumont qui écrivait dès 1962 : « L’Afrique noire est mal partie »
Je préfère « l’afro réalisme », le partage entre ce que l’on observe sur le terrain, ce que l’on peut lire, ce que l’on peut assimiler par les contacts avec autrui. Mon dernier livre porte le titre « Afriques noires » Hachette 2010 le pluriel étant essentiel car l’Afrique est un puzzle d’une grande diversité.
L’Afrique n’est pas le continent maudit présenté dans les médias à chaque fois que quelque chose y va mal. Le triste inventaire de famine, viols, guerres, qui existent certes, fait oublier les aspects positifs. L’Afrique ne va pas si mal que cela même si tout n’y va pas bien. Les Français ont une image déformée du continent, accordant une place disproportionnée au Sahel, devenu le symbole d’une Afrique souffrant de la sécheresse - alors même qu’il est en proie à des inondations exceptionnelles à l’automne 2010. Cette généralisation est mauvaise pour l’image globale. Les famines de 1985 en Ethiopie ont été médiatisées, de même que « Le riz pour la Somalie » peu après. Des images fortes focalisées sur ces zones fragiles. On parle un peu de la renaissance de l’Afrique du Sud et de la grande figure de Mandela mais trop souvent encore, prédominent les aspects négatifs.
Ce n’est pas un continent maudit car il a retrouvé des couleurs depuis 2000-2001. Selon le PNUD, on enregistre une croissance de 5% en Afrique, un résultat bien meilleur que l’Europe, quoique moins bon que l’Asie et surtout une tendance constante depuis 7 à 8 ans. L’Afrique reste cependant le continent du sous développement. L’IDH montre que les pays africains sont en bas de l’échelle : 23 parmi les 25 derniers du classement. Ce fait s’explique par des raisons historiques, l’Afrique part de très bas et a du mal à rattraper les PDEM car au début de la colonisation, certaines régions étaient proches de « l’âge du fer » voire du néolithique Il faut rester prudent sur les analyses des grandes organisations internationales et les critères retenus, souvent choisis par des Occidentaux. Ainsi le problème de la malnutrition : le PNUD compte 200 à 300 millions de malnutris mais les observations sont mal conduites. On ne tient pas compte des ressources annexes, comme la cueillette qui ne sont jamais comptabilisées. Il n’y a plus de famines en Afrique sauf pour des raisons politiques (insécurité et guerre) et quelques disettes provoquées par des spéculations. Les Etats ont développé des systèmes pour surmonter les conséquences des aléas climatiques. On peut faire circuler plus facilement les denrées, partout s’est développée une libre circulation des grains ainsi qu’une meilleure articulation entre villes-campagnes. C’est le développement du vivrier marchand qui en alimentant les marchés urbains, permet les progrès agricoles comme ce fut le cas en Europe autrefois. Si on fait le bilan sur 50 ans, on a largement compensé en Afrique la croissance démographique grâce à une agriculture vivrière majoritaire qui a fait indiscutablement des progrès importants.
Points noirs
Ce qui manque à l’Afrique, ce sont les services sociaux de base. Il y existe de graves lacunes en matière d’éducation, de santé. La mortalité infantile africaine est la plus forte du monde, de même que la mortalité infanto-juvénile 0 à 5 ans et le sida sévit plus que partout ailleurs, surtout en Afrique australe sans que l’on sache pourquoi. Au Botswana, au Swaziland, on estime à 30% la prévalence du VIH chez les adultes ce qui élimine tous les progrès faits en matière d’espérance de vie. Un autre point noir est celui des guerres incessantes en Afrique sub-saharienne, qui ont fait d’après moi un nombre de victimes équivalent à ceux de la 2ème guerre mondiale. Les statistiques sont toutefois médiocres. D’après une ONG américaine (International Rescue Committee), il y aurait eu 4 à 5 millions de morts au Congo des suites des guerres déclenchées en 1996, mais ces chiffres ne sont pas confirmés, loin de là. Presque toutes les guerres africaines sont des guerres civiles.
Mutations depuis 50 ans La démographie est la question de fond de tous les défis en Afrique En 1900, il y avait environ 100 millions d’habitants en Afrique sub saharienne En 2010 : 850 millions En 2050 : ils seront 1, 7 ou 1,8 milliards selon les projections des Nations unies Il existe quelques rares pays présentant un même comportement démographique, notamment au Moyen-Orient mais l’Afrique subsaharienne est la seule région du monde où ce phénomène est continental. L’Afrique est le continent de la maternité et de la jeunesse. On compte 7 enfants par femme en moyenne au Niger ; 5,5 à l’échelle continentale. 45% des Africains ont moins de 15 ans et 3% plus de 60 ans.
Par rapport à la population mondiale, la population africaine représente : 17% au XVIIème 7 % en 1960 12 % en 2010 19% en 2050 L’Afrique retrouve sa place après différents accidents comme la traite des esclaves qui a ponctionné l’Afrique de ses forces vives pendant plus de 3 siècles, et le choc démographique des premiers temps de la colonisation L‘explosion démographique de l’Afrique pose le problème de l’adéquation entre population et ressources : Pour René Dumont (L’Afrique noire est mal partie) c’est négatif Pour Esther Bosserup, c’est positif car cela stimule l’agriculture On a cependant quelques raisons d’inquiétude. L’Afrique a réussi, globalement, à accroitre sa production agricole essentiellement par une extension des superficies cultivées car il y avait de la place. L’intensification a aussi joué un rôle, notamment grâce à l’introduction de la culture attelée et l’utilisation d’engrais Mais aujourd’hui, dans un nombre croissant de pays, « la terre est finie », comme on dit au Burkina Faso. Il faut alors trouver des solutions. Migrer vers la ville ? C’est ce qui se fait : pendant que la population africaine était multipliée par 4, celle des villes l’était par 10. Près de 4 Africains sur 10 vivent aujourd’hui en ville Dans les régions de forte densité, la compétition pour la terre, les « tensions foncières » sont devenues cause de conflit. Au Rwanda, on s’est entretué, entre autres raisons, pour prendre la terre de l’autre En Côte d’Ivoire en 2000, c’est la pression des migrants qui représentaient 25% de la population ivoirienne en 1998, (jusqu’à 50% dans certaines circonscriptions du sud-ouest) qui a donné lieu à des affrontements, des violences, des expulsions.
Les populations africaines connaissent une forte mobilité. C’est un phénomène ancestral et l’essentiel des migrations se font à l’intérieur de l’Afrique. Selon l’OCDE, entre 20 millions, (selon d’autres estimations 40 millions) d’Africains vivent en Afrique dans un autre pays que leur pays de naissance alors qu’ils ne sont que 4 millions dans les pays de l’OCDE. Les migrants internationaux sont les plus jeunes, les plus vigoureux. Ils veulent l’aventure, ils veulent passer de l’autre côté, ils veulent avoir une vie meilleure.
Beaucoup d’ hommes partent pour accumuler du capital en s’affranchissant du contraignant système familial qui oblige à répartir ses gains entre tous. La possibilité de se constituer une épargne leur permet d’investir ou de se marier une fois l’argent de la dote accumulée.
La mobilité, c’est aussi l’exode rural qui agrandit les villes
A l’international En France, on accueille des Sénégalais, des « Zaïrois », des Maliens. Au RU, on reçoit des Nigérians, des Ghanéens. Les migrants sont de plus en plus nombreux à se diriger vers le Canada et les Etats-Unis encouragés par le phénomène du brain drain mais on compte aussi près de 100 000 Africains en Chine à Canton ! Les transferts sont devenus des ressources essentielles car l’argent de la diaspora permet aux familles restées sur place, de mieux vivre dans des conditions locales qui restent difficiles.
Quels sont les facteurs de transformation des activités ?
L’urbanisation est un élément essentiel de transformation de la société, même si les mégapoles inquiètent par leur démesure et par leur insécurité au point qu’on a pu parler de « bombe urbaine ». Les villes africaines sont en majorité récentes sauf en Afrique de l’Ouest ou il existait des villes dans les empires ou les anciens royaumes. Cette urbanisation était limitée à quelques régions. Il n’y avait pas de villes dans l’Afrique centrale forestière. Les villes sont les lieux d’entrée dans la modernité., les jeunes sont attirés par la ville. Le désir de ville représente un attrait extraordinaire. La ville africaine est le lieu de redistribution de la rente.. La particularité de l’Afrique, à l’exception de l’Afrique du sud, est qu’on est en présence d’une urbanisation sans industrialisation. On compte une trentaine de villes millionnaires en Afrique mais ce sont des villes sans industrie, contrairement à l’Europe et l’Asie. En Afrique, on vit de l’informel, et des multiples canaux de redistribution de la rente. Cela permet de survivre mais pas de sortir du sous-.développement. Se pose le problème de débouchés pour les jeunes, qui par manque de perspectives, se tournent souvent vers l’illicite faute de mieux. C’est ainsi que l’Afrique participe désormais au trafic international de drogue, qui transite via le Sahara vers l’Europe.
Les infrastructures On observe un extraordinaire progrès des conditions de circulation car à part quelques cas particuliers comme la RDC, il y a partout des améliorations des infrastructures, principalement routières.. Il existe en Afrique des voies ferrées mais pas de véritables réseaux sauf en Afrique du Sud. La plupart du temps il s’agit de simples pénétrantes qui vont des ports maritimes vers les zones de production agricole ou minière,. Depuis les années 50, la route polarise les investissements. On peut désormais aller de Mulhouse à Dakar sans quitter le goudron. Il y a un très bon réseau en Afrique du Sud. La voie ferrée reste un exutoire de la mine, typique de l’extraversion économique, comme dans le cas des mines de fer de Maurétanie (fer de Zouerate transporté par convois minéraliers jusqu’au port de Nouadhibou). On est certes encore très loin du réseau européen mais il y a de rapides mutations., Dans le domaine du transport aérien, quelques compagnies nationales sont fiables et marchent bien (Ethiopie, Afrique du Sud) Pour le transport maritime, la gestion dépend encore largement des Européens - mais le groupe Bolloré a perdu la gestion du port de Dakar au profit de Dubaï. Au total, la qualité des réseaux s’est beaucoup améliorée et la densité des réseaux est une des meilleures mesures du développement.
Reste un problème : l’entretien des infrastructures. Les interventions préventives ou « juste à temps » et d’une manière générale la maintenance font souvent défaut... C’est un fait culturel, mais aussi politique car les autorités responsables de l’attribution de marchés bénéficient de dessous de table plus importants quand il s’agit de gros travaux plutôt que de petits chantiers quotidiens. Cela a pour conséquence un gaspillage considérable, la reconstruction d’une infrastructure routière coûtant quatre fois plus cher que son entretien régulier.
La révolution des NTIC est fondamentale. La diffusion du téléphone portable s’est réalisée à une vitesse qui a surpris les observateurs. Les professionnels tablent sur 500 millions d’abonnés d’ici 2012. L’Afrique est sur le point d’être entièrement desservie par des câbles maritimes. 8 millions de Nigérians ont Internet sur leur Smartphone. L’engouement pour le portable est tel qu’on se prive parfois de manger pour acheter une carte.
L‘Afrique noire reste dans un contexte de pauvreté, surtout quand elle est analysée du point de vue occidental. Mais il faut s’interroger sur les valeurs et pas seulement sur les variables économiques. Ne peut-on vivre en se passant du superflu ? Les solidarités familiales ne sont-elles pas plus importantes que la consommation ? « Si ta sœur va à l’école, tu mangeras ton porte plume » disait René Dumont. Certaines façons de scolariser ne sont en effet pas toujours bénéfiques notamment quand manquent compétence et matériel pédagogique, sans parler de l’adéquation entre formation et emploi. Se greffe sur cette question la fuite des cerveaux au niveau des formations supérieures. Sans les infirmières ghanéennes, comment seraient soignés les Anglais ? Il y a plus de médecins béninois en France qu’au Bénin.
La persistance des conflits armés reste un vrai problème. Pourtant, ceux-ci, sont de moins en moins nombreux. Les conflits territoriaux sont rares et liés à des incertitudes de délimitation de frontière. Depuis quelques décennies, les contentieux se règlent à la Cour internationale de justice de la Haye. Créée en 1963, l’Organisation de l’unité africaine (OUA, aujourd’hui Union africaine, UA) s’est prononcée pour l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, un « dogme » qui a épargné l’Afrique de guerres inter-Etats. (La guerre de libération de l’Erythrée, qui a accédé à l’indépendance en 1993, lui a permis de retrouver son entité territoriale, confisquée par l’Ethiopie). Les guerres civiles sont plus graves. Elles éclatent pour des motifs économiques, ethniques, politiques et n’ont jamais de réponse simple. On survalorise souvent la dimension ethnique dans les médias, mais celle-ci est instrumentalisée par des politiques ou des seigneurs de guerre. Depuis les indépendances, l’Afrique n’a pas connu une période de paix généralisée. Toutefois, depuis une dizaine d’années, les tensions se sont apaisées dans le golfe de Guinée, les anciennes colonies portugaises et l’Afrique australe. Restent des points noirs au Kivu, à l’Est du Congo, au Darfour et au Soudan, et en Côte d’Ivoire. Le Soudan est inquiétant car le référendum sur l’indépendance du Sud qui remet en cause le dogme de l’OUA sur l’intangibilité des frontières, pourrait provoquer un effet domino.
Un des éléments essentiels en Afrique est la persistance de l’économie rentière. Les pays vivent de l’exploitation des matières premières qui sont des enjeux géopolitiques mondiaux. Les nouveaux acteurs émergents font la même chose que les anciens colonisateurs. La Chine ponctionne l’Afrique en instrumentalisant le troc : des contrats miniers contre des infrastructures. Les pays émergents tout comme les anciennes puissances coloniales ou les Etats-Unis ne considérèrent l’Afrique que comme un fournisseur de matières premières alors qu’elle aurait besoin d’une diversification de son économie, condition d’un développement durable de stabilité et d’indépendance. La variation des cours des matières premières pénalise ces économies fragiles, L’économie rentière est peu propice à la création d’emplois. La mentalité d’entrepreneur n’émerge que lentement. Car jusqu’à présent parmi les élites la consommation l’a emporté sur l’investissement, Les comportements rentiers favorisent davantage la corruption que la bonne gouvernance. En outre, l’argent accumulé par la classe politique est souvent stérilisé, notamment dans l’immobilier, les dépenses ostentatoires et les placements à l’étranger - à la différence des pays asiatiques où l’argent de la corruption est en grande partie investi dans les secteurs productifs. La « malédiction des matières premières » n’est toutefois pas une fatalité : l’ Afrique du Sud, riche de ressources minières, a construit une économie équilibrée. Les choses sont en train d’évoluer. Tony Blair a lancé en 2002 une initiative pour prôner la transparence des industries extractives afin de savoir où va l’argent de la rente. Des ONG regroupées dans la plateforme « Publish what you pay » militent dans le même sens. Bien que le modèle économique rentier reste dominant, on assiste à l’émergence d’une classe d’entrepreneurs, par exemple au Kenya, au Sénégal, au Mali, au Burkina, au Cameroun. Elle est constituée de jeunes qui ne sont pas dans les réseaux d’une classe politique usée. C’est sur eux que repose l’avenir de l’Afrique, une fois dépassé le défi démographique fondamental. Roland Pourtier Mulhouse 18.11.2010
Questions D’après Paul Bairoch, le niveau de vie de l’Afrique en 1700 était comparable à celui de l’Europe. Selon Moussa Konaté qui vient d’écrire « L’Afrique noire est-elle maudite » ?, c’est la structure familiale qui inhibe l’esprit d’entreprise. Qu’en est-il ?
Les solidarités familiales, au sens d’une famille étendue, d’un lignage, restent fortes bien qu’elles s’affaiblissent en ville où on dénonce le « parasitisme » de parents plus ou moins éloignés et sans ressources. Quant à l’esprit d’entreprise, il fait appel à l’anthropologie économique. De ce point de vue l’Afrique est très diverse. Pour ne prendre qu’un exemple, en Afrique de l’Ouest la céréaliculture dominante impose la conservation des grains dans des greniers. Qui dit réserves, dit accumulation et gestion prévisionnelle, une qualité favorable à l’entreprise. Par ailleurs les réserves rendent aussi possible le prélèvement d’un tribut (ancêtre de l’impôt) condition nécessaire à l’apparition d’un pouvoir d’Etat.. Ce n’est pas un hasard si l’Afrique de l’Ouest a connu une succession de royaumes et d’empires,, et une classe dynamique de citadins commerçants. En Afrique centrale forestière rien de tout cela. Les plantes cultivées (banane, manioc) ne font pas l’objet d’une conservation. Dans cette Afrique sans grenier, c’est le panier des femmes qui est emblématique, panier utilisé pour transporter presque quotidiennement les vivres depuis le champ ou la forêt jusqu’au village. L’absence de réserve de nourriture ne favorise pas la prévoyance, la gestion du futur, un des fondements du capitalisme, pas plus que la formation de grandes entités politiques. Dans ces sociétés « acéphales » les Etats sont des créations de la colonisation. Dans les sociétés forestières, l’agriculture sur brûlis est peu exigeante en travail, du moins celui des hommes qui se limite à l’abattage des arbres tout le reste de la production incombant aux femmes. Là réside le fondement des discours coloniaux sur la « paresse des indigènes », le peu de valorisation culturelle du travail, et la faible propension à se projeter dans le futur. Cela se traduit de nos jours encore par les déficiences de la maintenance, en particulier des infrastructures Au Congo belge, un « cantonage » obligatoire assurait l’entretien des routes. Avec l’indépendance la contrainte a disparu mais n’a pas été remplacée par d’autres systèmes si bien que les infrastructures se sont dégradées au point de menacer l’existence même de l’Etat Les cultures africaines du temps ne favorisent pas l’investissement, celui-ci reposant sur un e projection dans le futur, Avec l’urbanisation, l’école, la mondialisation, les mentalités et les comportements sont toutefois en train de changer.
L‘Europe a récemment tenté d’imposer des accords de partenariat économique pour supprimer les taxes douanières pour les produits européens rentrant en Afrique. Faut-il y voir un signe d’intégration au marché mondial ou n’est ce pas la mort de l’économie africaine ? Ces accords auxquels je suis personnellement opposé, n’ont été signés que par quelques pays (dont la Côte d’Ivoire et le Cameroun). Ils ont été conçus dans une vision libérale imposée par l’Europe après la remise en cause des accords de Lomé et de Cotonou.Ces accords protégeaient les exportations africaines en Europe mais ils ont été rejetés par l’OMC, au nom du libéralisme. C’est une aberration, car les économies africaines ont besoin, au moins durant un certain temps d’un minimum de protection.,
L’offshore agricole est-il une nouvelle menace pour l’Afrique ? Les réserves foncières d’Afrique centrale sont sous la surveillance des ONG internationales qui veulent protéger la forêt des appétits des étrangers. Certains pays du Moyen-Orient, la Libye qui vient d’obtenir une concession au Mali, la Chine sont très demandeurs. Certains excès ont été un échec. A Madagascar la décision du gouvernement d’accorder au coréen Daewoo, une concession d’un million d’hectares pour faire du maïs n’est pas étrangère au renversement du Président Ravalomanana. L’Ethiopie est sous la pression du Moyen-Orient ; le Sénégal, des émirats. Mais en réalité cela ne représente pas de grandes surfaces, c’est nouveau et je pense voué à l’échec car cela serait de la néo colonisation.
On parle beaucoup de l’influence des Chinois qui se précipitent en Afrique pour chercher des matières premières minières et agricoles, est-ce un détail ou un réel danger de destruction dans les 10 ans qui viennent pour l’Afrique ? Il n’y a pas de risques de ce point de vue. Les Chinois sont présents en Afrique depuis les indépendances. Ils ont été discrets au départ, qu’il s’agisse de Taïwan, encore présente dans 4 pays africains (dont le Burkina Faso et le Cap Vert) ou de la Chine populaire. Ils ont implanté des rizières mais sans transfert de compétences. Au Gabon, par exemple, ils avaient peu de contacts avec les populations qu’ils impressionnaient par leur travail. Depuis une dizaine d’année la présence chinoise a pris une tout autre ampleur. Les Chinois seraient 500000 en Afrique aujourd’hui, présents dans tous les secteurs. Le comble est que l’aide au développement, notamment française, finance des entreprises chinoises fonctionnant avec de la main-d’œuvre chinoise importée. La présence chinoise reste marginale dans le domaine agricole. Elle pèse d’un poids croissant dans le secteur minier et pétrolier, mais aussi forestier. Pour satisfaire ses énormes besoins en matière première la Chine ne cesse de renforcer ses positions économiques mais est peu regardante quant aux questions de gouvernance et de protection de l’environnement
Pour en savoir plus
- Afriques Noires. Roland Pourtier. Carré Hachette 2010
- L’Afrique noire est-elle maudite ? Moussa Konaté Fayard 2010
- L’Afrique un continent pluriel ? François Bart (dir.) Sedes 2003
- Géopolitique de l’Afrique et du Moyen-Orient sous la direction de Roland Pourtier Nathan 2009.
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http://www.echoscommunication.org/index.php?option=com_content&view=article&id=95:l-de-cette-afrique-la-on-ne-parle-presque-jamais-r&catid=43:un-autre-regard
http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=2037
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