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samedi 22 septembre 2012

___ Diversité culturelle.. Un monde de diversités… «Dorénavant la rue ne pardonne plus Nous n’avons rien à perdre, car nous n’avons jamais eu…

Un monde de diversités…

Archives de catégorie : Diversité culturelle

27 août 2052 États-Unis : quand l’antiracisme rejoint l’antisexisme… dans un dessin animé

Si les jeux vidéo et les dessins animés font l’objet de nombreuses critiques pour leur diffusion de stéréotypes sexistes et homophobes, certains programmes, aux États-Unis, choisissent de mettre en scène davantage de personnages afro-américains, a fortiori dans des rôles et des situations non stéréotypés. Le phénomène est loin de se généraliser mais les quelques exemples existants méritent d’être mentionnés...

Ainsi d’un nouveau dessin animé diffusé à la télévision et intitulé « Doc McStuffins », que l’on doit aux studios Disney (également à l'origine du récent long-métrage « Rebelle »). Il raconte l’histoire d’une petite fille noire, dont la mère est médecin et le père est au foyer (il fait la cuisine, s’occupe du jardin, etc.), et qui, dans ses jeux, ouvre une clinique pour ses poupées et ses peluches. Très apprécié par les enfants, ce programme est salué par des associations familiales et les militants anti-racistes.

Autre point intéressant : on notera que le dessin animé participe aussi de la cause féministe (plus, à mon sens, que le personnage de Merida dans « Rebelle ») . Je l’ai dit plusieurs fois : loin d’être concurrents, les combats contre les différentes formes de discriminations et stéréotypes peuvent et doivent s’enrichir mutuellement. C’est un gage de progrès démocratique. Et il n’est pas trop tôt pour commencer ce travail éducatif !

...............*********

Sociologie politique du rap français : nouvelle approche du mouvement rap

SOCIOLOGIE POLITIQUE DU RAP FRANçAIS






La problématique : tout l’intérêt de notre réflexion sera de décrire et d’expliquer l’évolution qu’a subi le rap ; autrement dit, il s’agira de montrer les logiques à l’œuvre dans l’intégration d’un mouvement originellement contestataire, et les enjeux liés à ce phénomène. L’objectif de notre réflexion sera d’apporter un regard nouveau sur le rap français, de mettre en évidence le chemin parcouru depuis 10 ans , depuis le rap revendicatif jusqu’au rap « festif » actuel. Tout l’intérêt de notre étude sera de montrer que les études encore récentes qui conçoivent le rap comme un danger pour l’ordre social sont aveuglées par les préjugés ; au contraire, le rap actuel agit comme un renfort au système social et à sa hiérarchie.




Ü émergence d’un nouveau mouvement culturel contestataire issu des banlieues

Ü consensus socio-médiatico-politique pour le stigmatiser, le décrédibiliser et nier le sens de son message. La stigmatisation nie et décrédibilise le message

Ü ces stigmates sont repris par les acteurs du mouvement, (du fait de la pauvreté du capital culturel et symbolique) et ont dénaturé le mouvement, l’ont rendu inoffensif, déplaçant le message politique vers un message divertissant.

Ü C’est ce qui a rendu possible l’intégration du mouvement et d’une grande partie de ses acteurs. Il convient de préciser que les acteurs n’ont été intégré dans leur nature originelle, mais ont subi une dénaturation qui a rendu possible cette intégration

Ü Le système se trouve donc consolidé, comme le constatait Bakounine avec l’intégration des « en dehors »




La démarche méthodologique :

1) Partir du sens commun, pour mettre à jour les préjugés et les stigmates qui « collent à la peau » du mouvement rap.

2) Déconstruire l’objet à travers l’analyse de la logique du champ, afin d’acquérir une connaissance objective du champ rapologique.

3) Reconstruire l’objet et retranscrire les logiques politiques, sociales et économiques à l’œuvre, afin de faire apparaître clairement l’enjeu que représente le contrôle de la définition du rap : imposer une définition inoffensive du rap pour intégrer des groupes sociaux potentiellement dangereux, et conserver un ordre social établi.






I) Le Sens commun du rap, ou un rap qui fait peur




→ Il s’agira ici de montrer les a priori portés sur le rap français, à travers une revue de presse qui mettra en lumières les lieux communs et les idées préconçues que traîne le rap.

→ L’analyse des textes-mêmes des rappeurs nous permettra d’identifier tous les stigmates que véhicule ce mouvement que nous qualifierons ici très simplement d’abord de musical, avant de s’attarder sur ses qualités sociales, politiques et économiques par la suite.

→ Cette étude des paroles s’accompagnera d’une tentative d’analyse linguistique des textes, ou lyrics, qui n’aura pas pour but d’expliquer la technique propre à cet art musical, mais rendra compte d’un rapport spécifique à la société.

- Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, 1995

- Louis Jean Calvet, L’Argot, Que sais-je ?, 1994

- Pierre Adolphe Bacquet, Rap ta France, 1996












II) Histoire du champ rapologique dans la conception bourdieusienne




→ Notre réflexion visera à montrer à travers l’historique du rap comment le message originellement positif du rap a été détourné. Ce phénomène de détournement sera analysé à travers les prismes que constituent les logiques commerciales et de concurrence au sein du champ, pour finalement constater et expliquer les nouveaux enjeux du rap, et la nouvelle norme rapologique.

→ Comme tous les champs, le champ rapologique vit les luttes pour le contrôle du nomos , terme que nous définirons dans la vision bourdieusienne. Cette lutte oppose non seulement les nouveaux entrants dans le champ aux dominants, mais aussi les rappeurs politiquement conscients et engagés ( qui voient dans le rap un moyen d’action collective ) aux rappeurs édulcorés et récréatifs qui ne voient dans le rap que l’expression artistique d’un mouvement culturel ( le hip-hop ) non engagé. Nous mettrons ici un terme aux clichés sur le succès des rappeurs, et de critiquer la vision du rap en tant que « moteur de trajectoire sociale » propre à Anne Marie Green.

→ Il s’agira aussi de définir le capital symbolique spécifique au champ rapologique : tout capital symbolique implique un monopole arbitraire ; dans le cas du rap, le nomos définit les thèmes à aborder dans les textes, et ceux qui n’ont pas leur place dans le mouvement, d’après la norme ( ou tendance ) actuelle.

→ L’analyse de la logique du champ ne pourra se passer d’expliquer les influences nouvelles d’un gros média, la radio Skyrock, qui joue pleinement sa part quant à l’établissement et à la valorisation du nomos rapologique. Nous verrons les rétributions que tirent les agents de leur participation au champ.

III) Imposition du stigmate et effet de consécration




→ Cette partie s’efforcera de mettre en évidence les enjeux de la double stigmatisation des rappeurs, dénaturant leur message originellement politique pour le transformer en expression violente et dépourvue de sens, et enclavant le rap dans des thèmes récréatifs et festifs.

→ Il s’agira ensuite de déchiffrer les mécanismes de reprise de ces labels par les rappeurs, pour mettre en évidence l’importance des capitaux culturels et symboliques. Nous montrerons que c’est précisément cette labelisation de violence et de non sens subie par les rappeurs qui a paradoxalement rendu possible leur intégration totale dans le système d’abord économique, puis social. La suite de notre réflexion se portera sur les intérêts liés à l’intégration du rap.

→ La récupération du rap par les pouvoirs publics présente plusieurs intérêts : capacité de toucher une jeunesse à « fort potentiel de dangerosité », médiatisation des élus… Néanmoins, le développement des actions culturelles masque l’absence de projets structurels de grande ampleur.

→ Considérant ainsi le rap comme un médium pour atteindre une jeunesse difficilement accessible, l’intérêt de notre réflexion apparaîtra évident quand nous nous appuierons sur les analyses de Bourdieu, de Boltanski, pour mettre en avant l’effet de consécration que produit la nouvelle définition du rap. Nous verrons donc l’importance qu’ont les thèmes abordés par le rap et découlant de la nouvelle définition du rap, qui tendent à éviter toute remise en cause de l’état de fait social. Ce sera aussi l’occasion de voir quel est le degré d’intentionnalité des acteurs du mouvement quant à leur participation dans ce mécanisme de consolidation sociale, et quelle rente ils en tirent. L’idée forte du mémoire résidera donc dans la conception novatrice du rap que nous tenterons de développer, la définition imposée au rap produit un effet de consécration de l’ordre établi, en dénaturant le mouvement, et en limitant les thèmes abordés.

→ On arrive à un constat dans les différentes mouvances du champ, qui peut s’analyser comme suit : on a d’un côté les rappeurs ayant eu le capital culturel et symbolique de repousser le stigmate et de se forger une identité collective fidèle à l’essence du hip-hop ; de l’autre côté sont présents les rappeurs n’ayant eu d’autres solutions que de reprendre le stigmate imposé, par manque de capital culturel et symbolique. L’opposition entre rappeurs conscients et récréatifs sera donc à analyser en gardant toujours en tête ce décalage de capital.

INTRODUCTION







Serait-il nécessaire de justifier notre ambition d’appliquer au mouvement musical qu’est le rap une analyse sociologique ? Qu’est-ce que la sociologie peut apporter à la compréhension d’un mouvement artistique ? C’est justement par la rigueur scientifique qu’apporte la méthode sociologique que, tout en respectant les travaux précédents faits sur le même thème, nous prétendons apporter des perspectives nouvelles, et ainsi élargir le champ de compréhension concernant le rap. C’est en faisant preuve de la plus grande « neutralité axiologique » possible que nous tenterons d’apporter modestement un regard nouveau sur le rap, un sujet qui se libère difficilement des préjugés et dont on saisit rarement toute la portée.




Le recours aux travaux d’A.M. Green ( Les Adolescents et la musique, 1986 ) va nous permettre de montrer plus clairement en quoi la méthode sociologique rend possible une analyse politique du mouvement rap.




Dans son ouvrage, A.M.Green nous explique qu’une conception idéaliste affirme que la musique se réduit à un phénomène purement artistique, c’est-à-dire qu’elle est un univers clos et fermé, isolé dans sa nature ( voir travaux de Marcel Belviannes, Sociologie de la musique, 1951 ).

En opposition, une autre conception, en réduisant la musique aux seuls faits sociaux, élimine toute spécificité de la musique ( voir travaux d’Alphons Silbermann, introduction à une sociologie de la musique, P.U.F, 1955 )

Plus récemment, les travaux d’Adorno et de Supicic ont essayé de « mettre en valeur à la fois les fonctions sociales et les fonctions purement artistiques » de la musique. Pour atteindre cet objectif, Supicic met en évidence que la sociologie de la musique, bien que spécifique, peut utiliser l’Histoire Sociale de la musique ( en tant qu’elle décrit l’histoire de la musique en liaison avec l’histoire des sociétés ), la Musicologie ( parce qu’ elle prend en considération tous les aspects de la musique, y compris sociaux), la Philosophie sociale.

L’une des parties de la sociologie de la musique serait l‘étude de la musique dans les rapports avec et dans la société ( classes, strates, groupes sociaux ) ; et l’autre partie, l’étude de la musique comme phénomène social. Il s’agit donc d’étudier la musique à l’intérieur d’une réalité sociale, en d’autres termes d’étudier « la portée et l’importance de la pression ou de l’influence exercée par chacun des conditionnements sociaux concrets par la société sur la musique, ou inversement » ( Supicic, Musique et Société, Perspectives pour une sociologie de la musique, 1971).

Au premier abord la méthode d’Adorno semble être identique à celle de Supicic puisqu’il considère que la « Sociologie de la musique entretient une relation double avec son objet : interne et externe » ; il insiste sur le fait que la sociologie de la musique doit mettre en évidence « ce qui est inhérent à la musique en soi en tant que sens social, et les positions et la fonction qu’elle occupe dans la société » (Adorno, « Réflexions en vue d’une Sociologie de la musique », Musique en jeu, 1972). Son propos n’est toutefois pas de proposer une synthèse entièrement développée qui définirait des méthodes et délimiterait le champ de la sociologie de la musique. Il lui semble beaucoup plus fécond de « proposer des modèles de recherche en Sociologie de la musique » afin de ne pas séparer « la méthode et le fait ». Pour Adorno, « la méthode ne traite pas le fait comme quelque chose de défini et d’invariant mais se modèle toujours en fonction de celui-ci, et se légitime par ce qu’elle en fait apparaître ». Plus précisément, le problème de la sociologie de la musique réside dans sa spécificité, c’est-à-dire sa non conceptualité. En effet, cet « art sans paroles ni concept » nécessite un déchiffrage de contenu social. Un sociologie de la musique est donc conditionnée par « la compréhension du langage musical ».

Ainsi, constate-t-on qu’Adorno est le seul auteur, pour définir la Sociologie musicale, qui tienne compte de la spécificité de la musique, en tant que fait social et c’est précisément cette volonté de ne pas perdre de vue les deux aspects interne-externe de la musique qui l’amène à ne pas définir de méthode propre à la sociologie de la musique, cette dernière pouvant se situer dans différents domaines qui peuvent être chacun traités scientifiquement.







Nous avons admis avec Supicic et Adorno qu’en tant que fait social, la musique a sa spécificité et que la sociologie de la musique doit étudier quel est le sens que la musique prend par rapport à la société. Toutefois l’affirmation de cette spécificité de la musique a-t-elle pour autant une unité et comment se situe-t-elle par rapport à un passage d’un ordre naturel au culturel ? La réponse à ces deux questions conduit à mettre en évidence quels sont les référents du concept de « musique » que nous utiliserons dans notre analyse.




Nous avons abordé plus haut les deux positions sociologiques de la musique qui ont dominé ce terrain durant une certaine période. L’une de ces positions considérait que la musique est une abstraction, qui a une réalité et qui est isolée dans sa nature. Il s’agit d’une conception idéaliste de la fonction de la musique. L’autre position, comme nous l’avons constaté, tend à mettre en évidence le rapport dialectique qui s’établit entre les « forces de production musicale » et les « rapports de production ». La musique se définit alors comme un élément lié dialectiquement à un ordre social donné. Cette approche montre la difficulté à définir la musique , car il s’agit à la fois d’un objet qui est produit, et d’un objet qui est perçu. C’est pour cette raison que Jean Molino pense « qu’il n’y a pas une musique, mais des musiques, pas la musique, mais un fait musical total » (Molino Jean, « Fait musical et sémiologie de la musique, Musique en jeu, Janvier 1975). Comment comprendre ce fait musical total ?

Comme l’a montré Claude Levi-Strauss dans ses diverses études, la musique est socio-culturelle, « la nature produit des bruits, non des sons musicaux dont la culture possède le monopole en tant que créatrice des instruments et du chant » ( Levi-strauss, Le Cru et le Cuit, 1964 ).

Jacques Attali dans « Bruits » ( P.U.F, 1977 ) a analysé le fait musical en relation avec la société. Il considère en effet la musique comme une sorte de guide qui permet de déchiffrer l’organisation économique et idéologique à la fois du passé, du présent, et de l’avenir.

Pour établir sa grille théorique d’études du fait musical, il montre comme F.Escal ( in Musique, Langage, Sémiotique Musicale, 1976 ) que si la musique ne peut pas permettre de définir une sémiologie parce qu’elle n’a pas un sens linguistique, elle est néanmoins porteuse de sens et « instrument de connaissance ». C’est pour cette raison qu’il n’étudie pas le fait musical en tant que tel, mais qu’il utilise le fait musical comme moyen d’analyse de la société globale. En effet, pour J.Attali, ce qui caractérise la musique, c’est qu’elle « reflète la fabrication de la société, elle est la bande audible des vibrations et des signes qui font la société… ». C’est précisément cette manière de considérer la musique qui est tout à fait nouvelle en comparaison des théories que nous avons abordés plus haut. Il prolonge cette nouvelle approche du fait musical par la définition qu’il donne à la musique ; la musique « mode de communication entre l’homme et son environnement, mode d’expression sociale et durée », est une communication dont les rapports se situent essentiellement avec le pouvoir. En effet, la musique pour J.Attali, est issue du Bruit, qui, « lorsqu’il est façonné par l’homme avec des outils spécifiques, lorsqu’il est son, devient source de projet, de puissance, de rêve : Musique ». Et c’est pour ne pas être dérangé par ce bruit ( « qui n’existe que par rapport au système où il s’inscrit : émetteur, transmetteur, récepteur » ), que le pouvoir le canalise. La musique devient du fait de cette « organisation du bruit » instrument du pouvoir pour lequel elle est créatrice d’ordre » puisqu’elle signifie symboliquement la canalisation de la violence et de l’imaginaire » mais également instrument de subversion car elle évolue sans cesse et englobe les nouveaux bruits d’une société.

C’est cette spécificité de la musique, créatrice d’ordre et de subversion, qui doit permettre de faire une analyse sociale car « il faut apprendre à juger une société sur ses bruits, sur son art, sur sa fête plus que sur ses statiques ». Nous constatons une fois de plus que la musique ne peut pas être abordée comme une entité abstraite, mais comme un fait inscrit dans le social. C’est dans cette perspective d’une sociologie politique que nous mènerons notre étude, prenant ainsi le contre-courant de diverses études qui ont bien souvent abordé le rap avec des outils trop proches de la psychologie à notre goût.




Une fois la démonstration faite de l’utilité d’une analyse traitant le rap comme un fait social à part entière, il convient maintenant de détailler plus précisément notre projet. Cette étude visera à rendre compte de l’évolution du rap, que nous exposerons brièvement lors d’un historique du mouvement musical, pour en arriver à un constat : à l’origine très engagé politiquement, voire bien souvent subversif, le rap et le message qu’il véhicule ont aujourd’hui bien changé. Le rap des débuts et le rap d’aujourd’hui n’ont plus rien en commun ; à l’origine, les têtes d’affiches du mouvement rapologique, à l’image du groupe bien connu NTM, tenaient des propos et faisaient passer des messages politiques :







SUPREME NTM, 1995, « Qu’est-ce qu’on attend ?» tiré de l’album « Paris sous les bombes » :









«Dorénavant la rue ne pardonne plus

Nous n’avons rien à perdre, car nous n’avons jamais eu…

A votre place je ne dormirais pas tranquille

La bourgeoisie peut trembler, les cailleras sont dans la ville

Pas pour faire la fête, qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu

Allons à L’Elysée, brûler les vieux

Et les vieilles, faut bien qu’un jour ils paient

Le psychopathe qui sommeille en moi se réveille

Où sont nos repères ? Qui sont nos modèles ?

De toute une jeunesse, vous avez brisé les ailes

Brisé les rêves, tari la sève de l’espérance ;Oh ! Quand j’y pense

Il est temps qu’on y pense, il est temps que la France

Daigne prendre conscience de toutes ces offenses

Fasse de ses hontes des leçons à bon compte

Mais quand bien même, la coupe est pleine

L’histoire l’enseigne, nos chances sont vaines

Alors arrêtons tout plutôt que cela traîne

Ou ne draine, même, encore plus de haine

Unissons-nous pour incinérer ce système »

http://mariececilenaves.blog.lemonde.fr/category/diversite-culturelle/

http://heimann.antoine.free.fr/

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____L'homme? Qui suis-je? Ce qu'en pensent les hommes : L'homme, un être exceptionnel L'homme, un être limité. La chute et la conscience du mal. Le péché Conséquences de la chute. Homme et perfection

L'homme?

http://www.info-bible.org/cinq/homme.htm

Ce qu'en pensent les hommes

  • L'homme, un être exceptionnel L'homme, un être limité La chute et la conscience du mal Essai de définition de l'homme Homme et perfection
  • Homme et Dieu
  • Une triste histoire
  • La création à l'image de Dieu La chute Le péché Conséquences de la chute

Le secret de Dieu pour l'homme d'aujourd'hui Dieu fait toute chose nouvel



afin que le ciel puisse s'ouvrir L'éternel ouvrira son bon trésorle ciel Pour envoyer à ton pays la pluie en son temps Et pour bénir le travail de tes mains Deu. 28 v 12

Qui suis-je ?

Question des questions!

Venant du fond des temps elle se transmet, intacte, de génération en génération. Cette lancinante question est en elle-même un aveu: l'homme vit, l'homme pense, l'homme cherche, l'homme meurt, l'homme ne connaît ni son origine, ni sa destinée, ni sa raison d'être. Au delà de ses indéniables exploits techniques, l'homme transmet ainsi son incertitude, son angoisse et son désespoir: face à cette question importante la seule chose qu'il sache c'est qu'il ne sait pas.

Quelqu'un a défini par une boutade la croyance athée: "L'homme a pour père le singe, pour guide le hasard et pour fin le néant".

Un journal scientifique récent confirme: "Malgré les efforts des scientifiques de toutes disciplines - physico-chimistes, microbiologistes, généticiens, cosmologistes, océanographes -, nous ne pouvons toujours pas affirmer où, quand et comment est apparue la vie sur Terre."

Qui suis-je ? Un simple agglomérat de 30 milliards de milliards de particules inanimées qui se sont judicieusement regroupées par hasard en dépit des lois fondamentales de la thermodynamique et en faisant exploser les calculs de probabilité? Un lointain descendant de protozoaire et un arrière petit fils de singe? ou... Une créature de Dieu, conçue d'une étrange et merveilleuse manière, faisant partie d'un plan précis, et ayant devant elle un choix capital pouvant déboucher sur une relation avec son Créateur, sur la découverte de la joie, de la paix et du bonheur?

Il vaut la peine de s'y arrêter un moment!

Ce qu'en pensent les hommes Au travers des siècles les érudits ont toujours essayé de cerner l'être extraordinaire qu'est l'homme. Les pensées suivantes ont retenu notre attention:

L'homme, un être exceptionnel Il est bien des merveilles en ce monde, il n'en est pas de plus grande que l'homme. Sophocle v. 495-406 av. J.-C.

L'homme est Dieu par la pensée. Alphonse de Lamartine, 1790-1869

L'homme étouffe dans l'homme. Jean Rostand, 1894-1977

L'homme, un être limité Chacun de nous a un jour, plus ou moins triste, plus ou moins lointain, où il doit enfin accepter d'être un homme. Jean Anouilh, 1910-1987

La chute et la conscience du mal Chute: Borné dans sa nature, infini dans ses voeux, l'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. Alphonse de Lamartine, 1790-1869

Méchanceté: L'homme est un loup pour l'homme. Plaute 254-184 av. J.-C

Egoïsme: Homme! Il est d'autres hommes. Robert Desnos, 1900-1945

Orgueil: L'Homme non plus seulement "un être qui sait" mais un être "qui sait qu'il sait" Teilhard de Chardin, 1881-1955

Perte de la liberté: Ils ne sont pas tous libres ceux qui se moquent de leurs chaînes. G.E. Lessing, 1729-1781

Conscience du mal: Je ne sais pas ce que peut être la conscience d'une canaille, mais je sais ce qu'est la conscience d'un honnête homme: c'est effrayant. Hermant, 1862-1950

Essai de définition de l'homme L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser: une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. Blaise Pascal,1623-1662

Dire que l'homme est un composé de force et de faiblesse, de lumière et d'aveuglement, de petitesse et de grandeur, ce n'est pas lui faire son procès, c'est le définir. Denis Diderot, 1713-1784 Homme et perfection On raconte que Socrate (470-399)se promenait en plein jour une lanterne à la main. "Que cherchez-vous?" lui demanda-t-on. Un homme! répondit-il.

Il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Russes; je sais même, grâce à Montesquieu, qu'on peut être Persan; mais quant à l'homme je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie; s'il existe c'est bien à mon insu. Joseph de Maistre, 1753-1821 Homme et Dieu Si l'homme était parfait, il serait Dieu. Voltaire 1694-1778

Voici l'Homme! (Jésus Christ). Ponce Pilate, Gouverneur romain de 26 à 36

Une triste histoire Dans un sens la Bible, c'est l'histoire de l'homme. C'est là que nous trouvons et notre origine et notre destinée. A travers l'histoire d'autres hommes, il nous est possible de découvrir notre propre histoire.

La création à l'image de Dieu (Genèse chapitres 1 et 2 ) Dieu a créé l'homme "à son image", d'une façon souveraine. Il souffla en lui une "respiration de vie" et l'homme devint ainsi une "âme vivante". Cette particularité distingue l'homme de toutes les autres créatures. L'homme possède une intelligence incomparable, une volonté individuelle, une capacité d'apprécier, de choisir, d'inventer, de communiquer, d'aimer...

Créé parfait, moralement et physiquement, Dieu a voulu pour l'homme ce qui était "très bon". Il le plaça dans un environnement agréable, lui confia des responsabilités importantes, et la possibilité de vivre dans sa communion ou de se détourner de lui. Ainsi nanti et instruit des conséquences de ses choix, l'homme était devenu une créature responsable.

La chute (Genèse 2 et 3 ) Pourquoi l'être humain, ayant tout à satiété, a-t-il voulu la seule chose que Dieu ne lui avait pas permise, et dont il n'avait pas besoin?

La tactique de la tentation peut se résumer en 3 points: Satan (l'Adversaire) jette le doute sur ce que Dieu a dit, Il ment en ce qui concerne les conséquences de la désobéissance, Il laisse entendre que Dieu le prive de quelque chose de bon. Contre toute attente Adam et Eve firent confiance à Satan plutôt qu'à Dieu.

Ils se détournèrent ainsi de leur Créateur pour écouter une créature et eurent à supporter, ainsi que leur descendance, les lourdes conséquences de leur désobéissance.

Le péché Le péché c'est la transgression de la loi de Dieu. C'est ne pas faire ce que Dieu commande et faire ce que Dieu interdit.

La Bible fait une différence entre le péché et "les péchés". On a parfois comparé le péché à un arbre et les péchés aux fruits que porte cet arbre. Le péché est entré dans le monde par la désobéissance d'Adam et d'Eve, il est universel et héréditaire: la nature pécheresse des parents est transmise aux enfants et, dans ce domaine, tous les hommes sont égaux. Les péchés sont liés à la responsabilité personnelle et là, tous les hommes sont différents. Néanmoins tout être humain manifeste son penchant au mal en violant le commandement d'amour envers Dieu et envers son prochain, et en cédant de diverses manières aux convoitises et tentations.

Conséquences de la chute Sur le plan physique: fatigue, souffrance, maladie et mort corporelle.

Sur le plan spirituel: relation de l'homme avec Dieu coupée (mort spirituelle). L'homme devient esclave de Satan à qui il a obéi. Juste condamnation de Dieu.

Sur le plan moral: Connaissance du bien, sans pouvoir l'accomplir; connaissance du mal, sans pouvoir s'en libérer .

Malgré la chute l'homme garde sa liberté et sa capacité de choix si bien qu'il peut toujours, de façon responsable, écouter la voix de Dieu (par le moyen du message biblique) ou s'en détourner. (Hébreux 4:7 ; Apocalypse 22:17 )

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vous chercherez l'Éternel votre Dieu, et vous le trouverez, si vous vous tournez vers lui de tout votre coeur et de tout votre être. La Bible, Deutéronome 4.29

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____Un monde à l'envers... Vingt ans après la chute du mur de Berlin, sept ans et demi après les attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington, une crise financière et économique

En détail

http://boutique.monde-diplomatique.fr/l-atlas-2009-2747.html

Vingt ans après la chute du mur de Berlin, sept ans et demi après les attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington, une crise financière et économique sans précédent vient à nouveau bousculer la géopolitique internationale.

Chaque jour nous apporte son lot de nouvelles d’un monde en plein bouleversement : déclin de l’empire américain, poussée de la Chine et de l’Inde, retour de la Russie. Vivons-nous la transition de l’« hyperpuissance » au polycentrisme ?

Comment s’y retrouver, comprendre les mutations en cours, dégager de nouvelles grilles de lecture ? A ces questions, le nouvel Atlas du Monde diplomatique apporte des réponses, grâce à son approche à la fois globale et précise d’un monde en mutation.

Ouvrage de référence, il présente sur chacune de ses 87 doubles pages un texte synthétique émanant d’un spécialiste (économiste, politologue, environnementaliste...) accompagné de cartes et graphiques inédits auxquels s’ajoute une sélection de sites Internet.

Au sommaire, cinq grands chapitres :

• Les nouveaux rapports de forces internationaux

• Le monde vu depuis douze grands Etats, du Nord comme du Sud

• Les vrais défis énergétiques de la planète

• Les conflits qui persistent

• Les handicaps et promesses du continent africain

Dirigés par Alain Gresh, Jean Radvanyi, Philippe Rekacewicz, Catherine Samary et Dominique Vidal, soixante-dix collaborateurs ainsi que sept géographes-cartographes ont uni leurs talents pour réaliser cette nouvelle édition entièrement inédite.

• Plus de 300 cartes, schémas et graphiques ;

• Des textes courts et synthétiques hiérarchisant les informations essentielles ;

• Des spécialistes : économistes, sociologues, politologues, démographes, historiens, environnementalistes...

• Une large bibliographie (sites Internet, livres et rapports) pour approfondir vos recherches.

200 pages, 300 cartes et graphiques, 2009.

Lire, dans Le Monde diplomatique de mars 2009, « L’œil, la Terre et le cartographe », par Philippe Rekacewicz, et « Par-delà les modes », par Dominique Vidal.

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______Dieu a fait de son âme une âme enflammée.... Evangilisation en Afrique, et il était évident que les peuples de la côte ne se tournaient pas vers la lumière du Christ.

Wadé Harris, William d'environ 1860 jusqu'en 1929 Eglise harriste Libéria/Ghana/Côte d'Ivoire

Dieu a fait de son âme une âme enflammée

En 1911, le monsignor Jules Moury, vicaire apostolique chargé de la mission catholique en Côte d'Ivoire était franchement désespéré par rapport à l'avenir de l'église dans cette colonie française négligée.

Les prêtres des missions africaines de Lyon étaient arrivés au Golfe de la Guinée en 1895, et après plus de quinze ans, avec l'aide des frères et des soeurs de deux ordres, beaucoup de vies et beaucoup de charité avaient été consacrées à l'établissement d'une chaîne de huit stations importantes le long de la côte est de la Côte d'Ivoire. Cependant, cette oeuvre n'avait produit qu'une récolte de 2000 âmes baptisées, et il était évident que les peuples de la côte ne se tournaient pas vers la lumière du Christ.

Par contre, seulement trois ans plus tard, dans son rapport annuel de 1914, Moury était presque lyrique :

Je serais incapable, ici, d'exposer les moyens externes que la Providence Divine a utilisée pour accomplir ses desseins grâcieux, et je serais obligé de me limiter à la description des effets. Ces effets -- en fait, c'est un peuple entier qui, ayant détruit ses fétiches, envahit nos églises en masse, et demande le saint baptême.1

Le moyen de la Divine Providence, c'était le prophète grebo William Wadé Harris, qui avait quitté Cap Palmas au Libéria le 27 juillet 1913, pour traverser la rivière Cavally vers l'est, (un fleuve qui sépare le Libéria et la Côte d'Ivoire), par obéissance selon lui au commandement du Christ qui se trouve en Matthieu 28 v.19. Accompagné de deux adhérentes qui chantaient très bien, et qui jouaient des calebasses il est passé dans un village après l'autre, appelant les peuples de la côte à abandonner et à détruire leur "fétiches," à se tourner vers le seul vrai Dieu vivant, et à être baptisés et pardonnés par le Seigneur. Après, il leur a enseigné à suivre les commandements de Dieu, et à vivre en paix. Aussi, il les a organisés en groupes pour la prière et la louange de Dieu, une louange qui était propre à leur langue, leur musique et leurs danses, et il leur a dit d'attendre "l'homme blanc avec le livre" et les temps nouveaux qui allaient venir.

En 1926, lors d'une discussion sur les méthodes missionnaires et leur efficacité, au congrès international au Zoute, en Belgique, Edwin W. Smith, ancien missionnaire en Rhodésie, remarqua avec ironie:

L'homme qui aurait du parler au Zoute sur la prédication aux Africains, c'est le prophète Harris, l'homme qui est passé comme une comète à travers une partie de l'Afrique occidentale il y a quelques ans. C'est l'évangéliste qui a eu le plus grand succès en Afrique. En quelques mois seulement, il a regroupé plus de croyants que le chiffre total des croyants de toutes les missions au Nyasaland après cinquante ans de travail ! Quelle était sa méthode ? 2

A cette époque, l'héritage de ce prophète était encore un fait récent et presque incroyable dans la littérature et l'expérience missionnaire occidentale : plus de 100000 africains membres de tribus baptisés en dix-huit mois, et en grand nombre prêts à recevoir l'enseignement de "l'homme blanc avec le Livre" encore dix ans après. Il est grand temps de regarder sous un jour nouveau ce prophète et sa mission, qui ont été décrits récemment par un historien catholique ainsi : "...c'était la plus extraordinaire croisade évangélique d'un seul homme connue en Afrique, et la plus couronnée de succès."3 Quelques années auparavant, C. P. Groves 4 avait souligné "trois personnages missionnaires remarquables" à l'époque de la première guerre mondiale en Afrique : Charles de Foucauld au Sahara, Albert Schweitzer dans les forêts tropicales du Gabon, et le prophète Harris, qui avait évangélisé les tribus païennes de la Côte d'Ivoire. Les deux premiers sont connus à cause de leurs écrits et de leur oeuvre, et par tout ce qui a été dit à leur égard par leurs interprètes, mais de l'africain Harris, qui n'a laissé aucun écrit si ce n'est qu'une demi-douzaine de brefs messages dictés, l'héritage n'est connu qu'à travers les conséquences historiques de son travail et de son ministère. La perspective qui est possible soixante-dix ans après nous aidera à mieux le comprendre.

Qui était William Wadé Harris?

Dans le sillage immédiat de son ministère de 1913-1914, l'oeuvre de Harris avait été vite dénoncée par les missionnaires catholiques comme celui d'un charlatan sans scrupules qui exécutait un "complot protestant" contre la mission. A la Côte d'Or, les missionnaires méthodistes et les pasteurs africains étaient divisés dans leur appréciation de l'homme dont ils ne savaient pratiquement rien, à part le fait qu'il avait eu des rapports avec l'église méthodiste au Libéria auparavant. Les missionnaires méthodistes anglais sont arrivés en Côte d'Ivoire en 1924, et leur appropriation de la succession de Harris à fait d'eux une source principale de connaissances sur l'homme en question. Grâce aux recherches faites récemment, de nombreuses lacunes d'information et de compréhension n'existent plus, et nous pouvons mieux comprendre l'homme derrière le prophète.

Jusqu'à l'âge de douze ans, Wadé (qui est né vers 1860) a vécu dans un village traditionnel Grebo au littoral est de Cap Palmas, au Libéria. Fils d'un "père païen," il déclarait qu'il été "né méthodiste." Cela indique que c'était à l'époque où les convertis étaient obligés de quitter le "village païen" pour aller au village chrétien de l'autre côté du lagon, à Half-Graway. La mère de Wadé, de manière exceptionnelle, a pu vivre sa vie de foi au sein d'une vie de famille traditionelle, avec tous les sacrifices, la divination, la sorcellerie, et les influences du "médecin de campagne." L'autre exposition importante au christianisme, à cette époque traditionnelle, était la campagne évangélique inefficace lancée de temps à autre dans le village par les missionnaires épiscopaliens.

Une deuxième période, qui a eu lieu dans son adolescence, a vu son exposition intense à la "civilisation." Il a passé six ans chez son oncle maternel, le rév. John C. Lowrie, qui l'a pris comme apprenti et écolier dans sa maison de pasteur-maître d'école méthodiste à Sinoe, parmi les libériens immigrés, en dehors du territoire grebo et loin des influences de la vie traditionnelle. Lowrie était un ancien esclave, converti et éduqué à Freetown, et était un prédicateur et un enseignant remarquable. Il a baptisé Wadé, et lui a sans doute donné le nom William Harris. Il lui a aussi appris à lire et à écrire en anglais et en grebo. Même s'il n'était pas converti à cette époque, Harris a été marqué définitivement par la foi, la piété, la discipline, et la culture biblique de Lowrie, ainsi que par son rôle d'homme de la Bible dans la société. Cette période s'est terminée par quatre voyages que Harris a fait en qualité de Kroo-boy garçon-Kroo (membre de l'équipage, souvent de descendance éthnique Kroo) à bord de vaisseaux anglais et allemands qui allaient à Lagos et au Gabon, et une autre période en qualité de chef des Kroo-boys qui travaillaient dans les mines d'or à l'intérieur du pays près d'Axim, sur la Côte d'Or.

Lors d'une période de renouveau spirituel à Harper et à Cap Palmas, quand il avait à peu près vingt-et-un ans, Harris a été converti dans l'église méthodiste par l'appel du texte dans Apocalypse 2 :5 ("Souviens-toi donc d'où tu es tombé : repens-toi et accomplis les oeuvres d'autrefois."TOB) préché par le pasteur libérien, le rév. Thompson. Bien des années plus tard, il a dit : "Le Saint-Esprit est venu sur moi. J'ai commencé à précher dans la première année de ma conversion." Cette nouvelle période chrétienne a été marquée par son mariage chrétien en 1885. Il a épousé Rose Farr, la fille d'un enseignant du catéchisme épiscopalien John Farr, qui venait du village chrétien de Half-Graway. Harris, qui était maçon, a bâti leur maison dans le village, une maison qui avait tous les traits d'un "chrétien civilisé" : toit en tôle d'acier, deux étages, fenêtres avec volets, cheminée, etc. En 1888, il a été confirmé dans l'église épiscopalienne par le premier évêque libérien, Samuel D. Ferguson. A l'époque, l'église méthodiste devenait de plus en plus faible, et elle était surtout libérienne, tandis que l'église épiscopalienne était en bonne forme financièrement, et travaillait surtout parmi les Grebo. En effet, Harris a condamné son action par la suite, qui avait été faite "pour l'argent." Mais, avec plus d'éducation, et grâce à une réussite en 1892, quand la tribu a accepté d'observer le sabbat (l'évêque avait appelé le sabbat "la lame aigüe de la cale de notre évangile"), Harris a été nommé enseignant adjoint et catéchiste pour son village natal.

Dans le contexte d'une ascension sociale associée "à la civilisation et au christianisme," Harris a été un agent payé dans la structure épiscopalienne pendant plus de quinze ans, jusqu'à la fin de l'année 1908. D'abord simplement catéchiste, ensuite chargé de l'école du dimanche d'un village, il est devenu lecteur laïc et ensuite directeur adjoint dans son église ; dans l'école, il est passé d'enseignant adjoint à enseignant, et ensuite à la direction du petit pensionnat où il avait été précédé par son beau-père et son beau-frère. En dehors des domaines de l'église et de la mission, il est devenu interprète officiel du gouvernement en 1899, et a profité du prestige accordé à l'agent de liaison entre les fonctionnaires locaux libériens et les populations grebo indigènes.

Cette période, dans l'ensemble, a été tragiquement marquée par un conflit intense entre les noirs indigènes et les noirs américanisés. Si au début Harris était du côté des pressions "civilisantes" de l'église épiscopalienne et des formes étrangères de la république libérienne, il est clair qu'à mi-chemin de cette période, sa loyauté commençait à se déplacer de manière importante. En 1903 il a été provisoirement relevé de ses fonctions de directeur de l'école, et rétabli en 1905, mais il était clair que ses sympathies étaient du côté du peuple grebo plutôt que du côté du régime libérien. Ce régime était soutenu sans réserve par les évêques, malgré le fait qu'il n'était pas du tout prêt à assimiler "les chiens grebo."

Au cours de cette évolution, deux modèles de pensée importants étaient en jeu pour Harris. La très grande influence d'Edward Blyden, né aux îles Vierges et proéminent au Libéria le noir le plus éduqué et le plus capable de s'exprimer clairement à l'époque parlait sans cesse du manque d'efficacité et de l'impérialisme culturel des missions occidentales et était fermement du côté d'une église autonome et panafricaine ; en même temps, il était convaincu que le salut politique du Libéria ne pouvait venir que d'un protectorat britannique. Mais aussi, à Cap Palmas, l'ami de Blyden, le prêtre sécessioniste Samuel Seton, avait déjà créé en 1887 l'église séparatiste de "l'Eglise du Christ" sous l'influence du leader religieux américain Charles T. Russell, qui avait fondé le groupe qui deviendrait par la suite les Témoins de Jéhovah, et dont les écrits apocalyptiques arrivaient en masse dans la région malgré l'opposition de l'évêque Samuel Ferguson.

Pendant la deuxième moitié de 1908, et s'appelant "le secrétaire du peuple de Graway," Harris a employé les menaces, la violence, et les pratiques occultes pour manipuler les chefs grebo locaux, les amenant à être du côté des britanniques et contre la république. En février 1909, lorsqu'un coup d'état auquel Blyden a participé a échoué, le co-conspirateur Harris au risque de sa vie faisait flotter le drapeau britannique le Union Jack à Cap Palmas dans l'attente de la prise de pouvoir des anglais, à laquelle il avait beaucoup donné. Son arrestation et son emprisonnement à Harper (Cap Palmas), au Libéria, ainsi que son tribunal et sa condamnation pour raison de trahison lui ont valu une amende de $500 et une peine de prison de deux ans. Après avoir versé le montant de l'amende, il a été mis en liberté conditionnelle, mais il avait perdu son travail avec l'église épiscopalienne et avec les autorités libériennes, pour qui il avait travaillé pendant neuf ans.

Il a défié les termes de sa mise en liberté conditionnelle, et il s'est mis à précher avec vigueur contre le régime libérien, et à soutenir la désaffection et l'armement de la population locale. Quand la guerre a éclaté en janvier 1910, il s'est retrouvé en prison, sans doute à cause du fait qu'il n'avait pas respecté les conditions de sa mise en liberté. La guerre, que les troupes du Libéria soutenus par un vaisseau de guerre américain ont gagnée, était un débâcle total pour les grebo : la population en fuite, les villages pillés, des amendes, une relocalisation forcée -- et la guerre la plus chère de toute l'histoire de la jeune république. Harris était en prison, déprimé par le cours des événements, et c'est là, vers juin 1910, que son avenir prophétique a été déterminé.

La vocation du prophète Harris

William Wadé Harris a vécu une sorte de deuxième conversion lors d'une visitation-trance de l'ange Gabriel, dans une vague de lumière. Au cours de trois apparitions, l'ange lui a dit qu'il devait être prophète des temps derniers ; il aurait besoin de porter une robe blanche et d'abandonner ses vêtements civilisés, y compris ses chaussures en cuir verni ; il aurait besoin de détruire les fétiches, y compris les siens d'abord ; il devait prêcher le baptême chrétien. Sa femme mourrait après lui avoir donné six shillings qui lui permettraient de voyager partout ; aussi, bien qu'il ne doive plus par la suite être marié dans l'église, il croyait que Dieu lui donnerait d'autres personnes pour l'aider avec sa mission. Il a ensuite reçu dans une grande vague de lumière une onction de Dieu quand l'Esprit est descendu sur sa tête comme de l'eau, trois fois. Plus tard, il a dit, "C'était comme de la glace sur ma tête et partout sur ma peau."

L'avocat de la Côte d'Or, Casely Hayford, a eu une très longue discussion avec le prophète à Axim, en juillet 1914, et a été très impressionné.

Il parle avec le plus grand respect de son appel. C'est comme si Dieu avait fait de l'âme de Harris une âme en feu... Il a appris la leçon de ceux qui ont eu les lèvres touchées par un charbon ardent de l'autel, de se laisser couler en Dieu... Quand, dans la vie ordinaire, quelqu'un commet un péché contre nous, nous ne pardonnons jamais. Quand Dieu croise notre chemin et rend nos desseins conformes aux siens, il peut transformer une simple croix de bambou en une puissance qui peut racheter les âmes. Dieu a croisé le chemin de cet humble homme grebo et il a eu le bon sens de céder. Il a accepté d'avoir la volonté transformée hors mesure, et il porte partout le symbole de la croix.6

Il est dit que l'homme qui, en 1908 avait utilisé tous les moyens violents ou occultes à sa disposition pour obtenir la liberté politique de son peuple, a dit, six ans et demi plus tard:

Je suis un prophète au dessus de toutes religions et je suis libre du contrôle des hommes. Je ne dépends que de Dieu par l'intermède de l'ange Gabriel qui m'a introduit à ma mission des temps derniers modernes -- de l'ère de paix dont parle St. Jean au vingtième chapitre de l'Apocalypse, la paix de mille ans dont l'arrivée est très proche.7

Le jeune homme qui avait commencé son ministère et sa foi chrétienne civilisés à l'âge de vingt-et-un ans avait tout compromis "pour de l'argent," et pour un avenir qui l'a amené finalement à s'empêtrer dans un marécage de duplicités politiques et de manipulations, ainsi que dans la voie de la violence occulte, pour obtenir la libération de son peuple. Arrêté soudainement par des événements qu'il avait aidé à précipiter, il a été retourné, pour ainsi dire, à sa tâche de la prédication, mais aussi tourné vers l'avant dans une confiance absolue du règne avenant paisible du royaume de Dieu. "Le Christ doit régner," disait-il. "Je suis son prophète." Mais cette fois, c'était aussi en qualité d'Africain libre envers d'autres Africains plutôt qu'en qualité de personne "civilisée" envers les barbares.

L'influence de Russell et de ses adhérents l'ont convaincu que le Christ devait bientôt inaugurer le règne de la paix, et Harris a prédit que la première guerre mondiale servirait de jugement sur le monde civilisé. Il a ensuite annoncé une période difficile qui durerait sept ans, avant que tout ne soit transformé par le règne du Christ. Il pensait être comme l'Elie de Malachi 4, et sentait qu'il était apparu avant que n'advienne le grand et terrible jour du Seigneur pour pouvoir préparer le peuple pour le règne de paix avenant, au cours duquel il serait le juge responsable de l'Afrique occidentale. Sa mission était de préparer les siens par la prédication de la repentance, du baptême, et de la paix, pour que le Seigneur connaisse les siens. Il avait renoncé à la machination politique et à la violence, mais non pas à la vision politique ; il en avait plutôt changé le caractère et les moyens, et il s'était engagé à avancer par la prédication ce qui arriverait par la main du Seigneur. Sa feuille de route, c'était le grand mandat du Christ, trouvé dans Matthieu 28 v.19-20.

A part son identification à Elie, sa prophécie de l'arrivée du royaume en sept ans, et son propre rôle comme juge lors de celui-ci (il n'imposa rien de tout cela aux autres), Harris avait été pris dans la dynamique eschatologique très non-africaine du messianisme du Nouveau Testament et de cet esprit, et il en avait eu les pleins pouvoirs. Le politicien Casely Hayford a insisté:

On arrive chez lui le cœur plein d'amertume, et quand il a fini de vous parler, il n'y a plus d'amertume dans votre âme... Il fait appel au Dieu vivant. Sous l'influence de Dieu, il calme l'âme troublée. Il chasse les conflits. Il apaise l'amertume. Il amène la joie et la légèreté d'âme à ceux qui sont dans le désespoir. Il faut bien que cela vienne de Dieu. Il n'attache aucune importance à lui-même... Il est l'image même de l'humilité.8

Il y a vingt ans, quand l'historien Gordon Haliburton passait dans tous les villages de la Côte d'Ivoire pour s'entretenir avec les vieillards qui pouvaient lui parler de leurs souvenirs du prophète Harris, on lui a souvent dit, "Il nous a appris à vivre en paix."

La Mission de Harris

Après avoir été relâché de prison en juin 1910, Harris a immédiatement entamé son ministère prophétique. Remis en prison brièvement, et ensuite relâché, il a parcouru la côte du Libéria en prêchant la repentance et le baptême, apparemment sans grand succès avant ses aventures en Côte d'Ivoire et en Côte d'Or. Là, vêtu d'une soutane blanche et d'un turban, avec une crosse surmontée d'une croix dans une main et une Bible et un bol pour les baptêmes dans l'autre, il avait une allure frappante et originale. Il s'est attaqué aux forces spirituelles locales et a désarmé les sorciers, souvent dans un concours où il s'averait le plus puissant. En réponse, tous les villageois amenaient leurs fétiches religieux pour les brûler, et ils s'agenouillaient pour le baptême en s'agrippant à la croix, pour recevoir ensuite un petit coup de confirmation sur la tête avec la Bible du prophète. Ensuite, Harris leur enseignait les dix commandements, le Notre-Père, et parfois le Credo. Des employés de bureau méthodistes itinérants, en provenance de la Sierra Leone ou de la Côte d'Or, qui travaillaient pour des sociétés commerciales le long de la côte ont été incités à prendre en main la suite du ministère. Ailleurs, le prophète disait à chaque village de se bâtir un lieu de louange simple, et il nommait douze apôtres pour le gouvernement de la nouvelle communauté religieuse. Là où il y avait une mission catholique ou une très rare assemblée de méthodistes étrangers, il encourageait les gens à y aller pour recevoir l'enseignement des hommes de Dieu. Son ministère était accompagné de guérisons remarquables et de prodiges étranges : un bateau qui a brûlé quand les travailleurs kroo-boys n'ont pas reçu de congé du dimanche ; les morts rapides et successives d'un administrateur qui l'avait chassé de la colonie française à la Côte d'Or, et d'un sergent qui avait battu le prophète ; la chute d'une tour d'église après avoir été rejeté avec arrogance par un prêtre catholique ; les morts subites de ceux qui avaient seulement caché, et non pas détruit, leurs fétiches. De plus en plus, les rumeurs de sa puissance et de ses prodiges le précédaient, et les foules étaient non seulement prêtes à le recevoir, mais on venait à sa recherché. En Côte d'Or occidentale, l'administrateur britannique avait du mal à croire à la transformation morale et sanitaire qui avait eu lieu dans les villages qu'il connaissaient si bien.

Malgré le fait qu'il avait été arrêté et emprisonné trois fois en Côte d'Ivoire, le prophète y est retourné à partir de la Côte d'Or parce qu'il pensait que Dieu le lui avait commandé. De grandes foules sont venues à lui à Grand Bassam et à Bingerville où, une fois de plus, ses baptêmes étaient souvent accompagnés d'exorcismes impressionnants et de guérisons. La première guerre mondiale avait été déclarée début août 1914, et dans la colonie française, les prêtres missionnaires et les administrateurs coloniaux ont répondu à l'appel aux armes. Un mouvement religieux et politique qui n'était contrôlé ni par la mission catholique, ni par l'administration française, avait commencé. Harris et les trois femmes qui l'accompagnaient ont été arrêtés, mis en prison, battus très sévèrement, et un mois plus tard (en janvier 1915), expulsés par les mêmes autorités, qui avaient auparavant reconnus leur utilité publique. En fait, le prophète avait prêché la soumission aux autorités sous la loi de Dieu, avait dénoncé l'abus de l'alcool, et avait visiblement changé le climat moral des populations en dénonçant l'adultère. Vers le début de 1915, au Libéria, une de ses chanteuses, la jeune veuve Hélène Valentine est morte suite aux corrections qu'elle avait reçue pendant sa mission avec le prophète.

Harris a essayé huit fois de rentrer en Côte d'Ivoire, mais il a toujours été empêché par les autorités coloniales. Néanmoins, il parcourait la côte du Libéria avec sa mission, et pénétrait souvent vers l'intérieur, où les missionnaires n'avaient jamais été. Il est allé à la Sierra Leone trois fois à pied : en 1917, 1n 1919 et en 1921. Même si son ministère au Libéria a causé des problèmes pour le missionnaire méthodiste Walter B. Williams, à cause de leur différend sur le mariage polygame, il a néanmoins provoqué un "mouvement de renouveau" massif en 1915 et pendant les années suivantes. Harris n'a pas dénoncé la polygamie, et il l'acceptait comme une réalité de la vie africaine. Par conséquent, il a sans cesse eu des problèmes avec les groupes méthodistes et d'autres groupes.

En 1925, le prophète a eu une attaque d'apoplexie, et il ne s'en est remis qu'en partie; cependant, il a continué son ministère de pèlerin vers l'intérieur. En 1926, lors d'une visite par le missionnaire Pierre Benoît, il revenait juste d'une mission où il avait baptisé plus de cinq cent personnes. Le contact avec Benoît venait du fait que les méthodistes anglais avaient découvert les fruits de l'œuvre de Harris en 1924 en Côte d'Ivoire. C'était un nouveau chapitre dans l'histoire missionnaire : reconnaître les faits, accepter la responsabilité de l'héritage des "protestants de Harris," recréer les structures pour les absorber, leur donner un enseignement et une discipline. Les baptisés n'ont pas tous accepté le nouveau gouvernement méthodiste de leur vie d'église, et Benoît a ramené de la part du prophète âgé un "testament" inspiré "à la méthodiste" pour conclure l'affaire de la succession et pour recommander vivement à ceux qui hésitaient encore de rentrer au bercail méthodiste.

En 1927, le prophète a reçu chez lui à Spring Hill une délégation de dirigeants adjukrou de la Côte d'Ivoire, pour leur donner conseil sur la question du contrôle méthodiste. Harris était en faveur de ce contrôle, et s'opposait à celui du "prophète" traditionnaliste aké. Cependant, en décembre 1928, Harris a reçu une autre délégation de la Côte d'Ivoire qui se plaignait des disciplines méthodistes par rapport à la famille et aux finances. Lors de cette réunion finale, le prophète a clairement indiqué qu'il était déçu par les contrôles méthodistes, et il a chargé un jeune choriste ebrié, Jonas Ahui, en provenance de l'assemblée du village de Petit Bassam, de "recommencer." Harris a envoyé un message au chef du village, le père d'Ahui, qui se demandait comment il devait répondre à la présence missionnaire. Pour le chef du village, le prophète confirmait la validité de la polygamie si la loi de Dieu était respectée, et dénonçait les paiements reçus pour les services religieux. Harris avait le vif désir de rentrer en Côte d'Ivoire, mais il ne pouvait pas parce qu'il allait bientôt "rentrer chez lui." Mais il a prédit une nouvelle guerre pour la France, et déconseillait le voyage en Europe, se référant encore à Malachi 4. "Si vous dites que vous êtes de Dieu, il vous faudra souffrir bien des malheurs. N'abandonnez jamais votre Dieu... Il faut toujours avoir Dieu devant soi. C'est lui qui sera votre guide en toutes tentations : n'abandonnez jamais, ne quittez jamais votre Dieu pour sauvegarder votre vie... Je suis à vous en Christ."

Au mois d'avril 1929, âgé d'à peu près soixante-dix ans, le prophète est mort, épuisé et sans un sou. L'on dit que les funérailles chrétiennes simples au village de Spring Hill ont été conduites par le pasteur épiscopalien local. Cinq de ses six enfants, et de nombreux petits-enfants, l'ont survécu. Aujourd'hui, au cimetière du village de Spring Hill, une "pierre tombale" improvisée en ciment, peinte en blanc, porte l'épitaphe rudimentaire suivant, gravé à la main : "Avec affection, et en mémoire de Propha Wadé Harris né-- mort le 15 juin de l'an 1928. Erigé par Abraham Kwang en 1968. "On dit localement que là où il n'y avait eu qu'une simple pierre tombale, un homme qui venait du Ghana a créé cette dalle tombale en ciment par respect et par hommage au prophète qui, bien des années auparavant, avait fait revivre sa mère trois jours après sa mort.

L'héritage En guise de préface au résumé de l'héritage de Harris, il faut remarquer que par rapport aux autres prophètes africains et leurs mouvements, son impact était exceptionnel : dans son caractère inter-tribal et inter-colonial ; dans sa précédence à, ou dans sa contibution importante au christianisme missionnaire ; dans l'attitude initialement positive de Harris vis-à-vis des régimes colonialistes anglais et français, malgré son approche négative "pré-prophétique" au régime noir du Libéria. Ces éléments uniques créent certaines conditions pour l'héritage de plusieurs manières inhabituelles.

L'œuvre de Harris a provoqué une cassure massive avec les pratiques externes des religions africaines traditionnelles le long de la côte : la disparition d'un ensemble de "tabous" sur les jours et les lieux ; la disparition de la danse luxurieuse ; "l'apprivoisement" des festivals traditionnels ; la disparition des huttes qui servaient à isoler les femmes pendant leur menstruation ; la transformation des pratiques funèbres et des enterrements. Dix ans après le passage de Harris, les missionnaires anglais ont observé les grandes différences qui existaient entre la Côte d'Ivoire et le Dahomey ou le Togo, qu'ils connaissaient si bien. La description suivante, qui vient de l'administrateur colonial, le capitaine Paul Marty, parle d'un

fait religieux, presque incroyable, qui a bouleversé toutes les idées que nous avions sur les sociétés noires de la Côte tellement primitives, tellement rustiques et qui, de par notre occupation, et en conséquence de celle-ci, sera l'événement social et politique le plus important dans dix siècles d'histoire, qu'il s'agisse du passé, du présent ou de l'avenir de la Côte d'Ivoire maritime.9

Un nouveau mouvement laïc indigène religieux a été créé, un mouvement comprenant une douzaine de groupes ethniques et créant ainsi de nouvelles formes d'unité dans la diversité : un Dieu, une loi théocentrique (les Dix Commandements), un jour (le dimanche), un livre (la Bible), un symbole (la croix), un baptême (cassure avec les "fétiches"), un lieu de culte, une institution (direction de l'église faite par "douze apôtres"). C'est ici que la prière, y compris le "Notre Père," et la chanson et la danse traditionnelles transformées ont remplacé les sacrifices et la louange des fétiches. Quoique différent d'un protestantisme et d'un catholicisme européens, le mouvement était nourri par des laïcs chrétiens africains étrangers, et formait une réalité tellement substantive, que pour des missionnaires catholiques en 1921, il "menaçait" de transformer la Côte d'Ivoire en une "nation protestante."

Le long de la côte de Guinée, la mission catholique a connu une genèse accélerée. En 1923, l'église de la Côte d'Ivoire comptait 13000 membres et plus de 10000 catéchumènes. Le rapport officiel de 1925 reconnaît que Harris était l'instrument par lequel "le salut de la Côte d'Ivoire arriverait -- ou du moins, par lequel il aura commencé." Le père Bedal, de Korhugo, dans le nord, regrettait le fait que Harris n'était pas arrivé jusque-là pour faciliter l'évangélisation des Senufo. Au Ghana, où il n'y avait pas eu de baptisés catholiques en 1914 à Apollonia, il y avait en 1920 vingt-six stations principales et trente-six stations secondaires, avec 5200 membres et 15400 catéchumènes. Le missionnaire catholique George Fischer a parlé du "feu divin allumé par la grâce du maître divin," mais n'a pas mentionné Harris. Au Libéria, où la mission catholique n'avait recommencé qu'en 1906, le préfet, le père Jean Ogé, a écrit en 1920 que "les missions avancent à grands sauts...grâce à l'ancien enseignement du fameux prophète Harris. Les païens, privés de leurs vieux dieux, viennent en masse à nos églises pour demander l'instruction religieuse."10

Il y a eu une grande percée pour les missions protestantes. Au Ghana, l'église méthodiste a vu plus de 8000 personnes de la région d'Axim demander à devenir membres de l'église, et un village après l'autre demandait des catéchistes et des écoles. En Côte d'Ivoire, l'arrivée des méthodistes anglais en 1924 a amené dans l'espace de seize mois, à la réorganisation de plus de 160 chapelles, avec plus de 32000 noms à compter dans les registres des églises. Le "testament" de Harris ramené en 1926 a davantage aggrandi cette assemblée de croyants. En 1927, en réponse à l'impact de Harris, la mission biblique baptiste française a commencé son travail dans le sud-ouest. En 1929, la Christian Missionary Alliance Alliance Missionnaire Chrétienne est arrivée des Etats-Unis, prête à travailler avec le fruit des labeurs de Harris, et c'est ainsi qu'ils se sont mis à l'œuvre au centre de la Côte d'Ivoire. Ce sont là les trois églises protestantes les plus importantes aujourd'hui.

Un mouvement de masse a aussi été stimulé au sein des églises protestantes établies au Libéria. L'église méthodiste épiscopalienne, en 1916, a parlé de manière officielle,

d'un grand mouvement de renouveau parmi les indigènes par lequel Dieu nous a bénis. Nous n'aurions jamais pu avoir autant de membres sans ce mouvement. Nous ne pouvions même pas faire rentrer dans l'église tous ceux qui ont fait profession de foi, parce que nous n'avions pas assez de missionnaires pour les instruire et les former. Néanmoins, de nombreux autres sont allés dans d'autres églises et le christianisme ne les a pas perdus. Des milliers, littéralement, et surtout des jeunes, sont rentrés au royaume de Dieu.11

Frederick A. Price a parlé d'un "vrai raz-de-marée d'enthousiasme religieux qui a poussé des centaines de gens à rentrer dans l'église chrétienne... ce nétait rien de moins que la Pentecôte en Afrique." Mais, il a aussi remarqué que le fait de refuser d'abandonner la polygamie a amené à ce que l'église refuse d'accepter un très grand nombre de personnes, malgré la contradiction évidente par rapport à l'enseignement et à la prédication de Harris sur ce point.

Beaucoup de ces gens sont peut-être membres de l'église invisible du Christ, même si nous ne pouvons les accepter pleinement comme membres des assemblées locales... Un point saillant de ce grand mouvement, c'était le fait que les tribus qui semblaient être les plus difficiles à aborder sont devenues les plus ouvertes à la prédication de l'évangile... Le feu du renouveau s'est vite répandu d'une extrémité de la côte à l'autre, et certaines parties de l'intérieur ont partagé la merveilleuse expérience de prise de contact avec le Christ.12

Il y a eu aussi la création de l'église Harriste en Côte d'Ivoire en 1931 par suite à la visite en 1928 du leader Ebrié Jonas Ahui, qui avait été consacré par le prophète, avait reçu sa Bible et sa croix, et le dernier message écrit de Harris. Aujourd'hui, l'église est une réalité importante multi-ethnique, qui compte autour de 200 000 adhérents, y compris des communautés au Ghana et au Libéria. Les sept cultes chaque semaine (dont trois le dimanche) sont dans les langues locales et font preuve de la marque distincte de Harris : un accent très fort anti-fétiche et monothéiste ; la prière comme remplacement du sacrifice ; la musique et la danse traditionnelles ; l'utilisation de la croix, de la Bible, de la calebasse et du bol du baptême comme instruments liturgiques ; des vêtements liturgiques suivant le modèle de Harris ; des pratiques de mariage traditionnelles, où les prédicateurs n'ont qu'une femme ; un gouvernement de "douze apôtres" ; des prédicateurs autonomes, choisis parmi les membres de l'assemblée locale. Ahui a continué à être le chef spirituel de l'église jusqu'à sa mort en 1992.

Il y a eu une croissance de "prophétisme" -- une sorte de troisième voie entre la religion traditionnelle et les églises commencées par les missions. Le phénomène n'a pas cessé depuis le temps où Harris est passé dans les endroits qui ont été marqués par son influence : au pays Dida avec Makwi, presque parallèlement à Harris ; par Aké parmi les Adjukru et par Abbey dans les années 1920 ; par la prophétesse Marie Lalou et le mouvement Déïma après les années 1940, le long de la bordure nord des régions influencées par Harris ; par Adaï parmi les Dida dans les années 1940 ; par Papa Nouveau auprès des Alladiens dans les années 1950 ; par Josué Edjro auprès des Adjukru dans les années 1960, et par Albert Atcho, de l'intérieur de la tradition harriste, au service de tous les peuples des lagons. Même si Harris est l'inspiration partielle du phénomène, aucun de ces leaders ont eu le Christocentrisme authentique du prototype. Et bien que les mouvements maintiennent une certaine continuité, il y a aussi un mouvement constant qui va de leur milieu vers les communautés Christocentriques. Au Ghana, l'accent "prophécie-guérison" de l'Eglise des Douze Apôtres la met plus ou moins dans la même lignée, qui remonte à deux disciples qui étaient avec Harris, Grace Thanni de la Côte d'Or, qui l'accompagnait, et John Nackabah.

Un autre résultat du déplacement religieux populaire accompagné de l'échec, de la part des missions et des églises, de donner suite à l'élan de Harris (manque de personnel, piété et disciplines occidentales, refus de reconnaître la polygamie) se trouve parmi les nombreuses églises "spirituelles" autonomes de l'après-Harris, qui se trouvent au Ghana et au Libéria, et qui prennent la forme d'un christianisme populaire africain en évolution.

L'ouverture à la modernité est frappante. Les peuples côtiers étaient opposés à l'éducation de leurs enfants dans les écoles occidentales coloniales, mais Harris a changé tout cela en leur disant : "Envoyez vos enfants à l'école." En septembre 1915, moins d'un après l'arrestation de Harris à l'initiative du lieutenant-gouverneur Angoulvant, ce dernier a écrit :

Une fois de plus, j'ai été frappé par le bel aspect du village de Jacqueville sur la côte Alladienne, où Harris a eu un ministère. Mais ce que j'ai remarqué le plus, c'était l'enthousiasme avec lequel les enfants sont venus à l'école que je venais d'ouvrir, ainsi que le grand désir évident qu'ils ont pour l'instruction, dès qu'ils ont un maître formé et plein de zèle, comme celui que je viens de leur envoyer. Aucune école, jusque là, n'a eu autant de succès. En plus, c'est le chef de Jacqueville lui-même qui a gratuitement fourni le bâtiment jusqu'à ce que l'administration puisse leur en fournir un.13

Ces enfants, ainsi que les nombreux autres, en provenance de bien d'autres endroits, ont été parmi les premiers cadres de la Côte d'Ivoire indépendante en 1960 : secrétaires d'état, ambassadeurs, députés législatifs, directeurs de sociétés, et ainsi de suite.

Il y avait un climat général de paix et de soumission coopérative, accompagnée d'un rejet intérieur profond du colonialisme et de sa "pacification" avant Harris, ainsi que de la conscription et des travaux forcés de celle-ci après Harris. Le climat, nourri par le nouveau mouvement populaire religieux important, était en fait un nationalisme particulier qui a amené à "l'indépendance avec la France" sous le président Félix Houphouet-Boigny, et qui a contribué de manière importante à la base du présent soi-disant miracle moderne de la Côte d'Ivoire.14 Plusieurs observateurs bien informés ont noté le rapport entre l'impact de Harris et l'état présent des choses en Côte d'Ivoire, qui sont caractérisés par les accents africains de l'hospitalité et du dialogue, et par l'absence de la violence sociale et politique. Le président lui-même, dans un des premiers discours à l'assemblée nationale, a indiqué qu'il était conscient de l'héritage de Harris qui avait précédé son propre travail.

Observations sur la stratégie missionnaire de Harris

Dans la mesure où Harris avait un message très simple, où il insistait sur une église africaine, où il exploitait les structures et les valeurs indigènes, et où il respectait les structures familiales traditionnelles, on pourrait dire que sa stratégie d'évangélisation et de création d'églises africaines était très semblable à celle de Blyden, le pasteur presbytérien d'autrefois qui avait abandonné son ministère et son espoir pour les missions occidentales, tout en retenant sa foi en Christ et au "Dieu d'Afrique." A un certain point dans sa réflexion, Blyden avait senti que le christianisme, dans son premier impact sur le paganisme, devrait être assez semblable à l'Islam dans la simplicité de son message, de ses symboles et de ses rituels, ainsi que dans son adaptabilité à l'Afrique. Même après une première implantation, la foi pourrait s'approfondir en Christ jusqu'à ce qu'elle arrive à une meilleure compréhension du dieu africain ; même l'Islam pourrait être une étape en avant vers la plénitude de l'évangile. C'était une stratégie qui n'est pas très différente de celle de l'école de la croissance de l'église d'aujourd'hui, avec sa terminologie de "formation de disciples" et de "perfectionnement." 15 Cependant, au-delà de Blyden le sophistiqué, Harris comprenait que la question n'était pas simplement celle de la simplicité, mais plutôt du pouvoir. Beaucoup, en fait, ont insisté sur la cassure avec les anciennes forces comme facteur capital dans l'évangélisation de l'Afrique. L'Islam a souvent effectué cette cassure, mais n'a toujours pas satisfait de manière massive à l'espoir que Blyden avait pour cela en Afrique. De manière semblable, Harris a satisfait à cette stratégie avec son espoir Christocentrique, son symbolisme, et ses assemblées, sur deux plans. D'abord, le christianisme dans la partie inférieure de la Côte d'Ivoire est très bien enracinée en terre africaine, et c'est un christianisme africain malgré les grands revêtements méthodistes et catholiques. Ensuite, comme le capitaine Paul Marty avait remarqué en 1922, là où Harris avait laissé son empreinte, l'Islam n'aurait probablement eu aucun attrait. L'importante présence de l'Islam en Côte d'Ivoire inférieure vient non pas de son influence parmi les peuples côtiers, mais des immigrations massives vers la prospérité du sud qui sont venues de la Côte d'Ivoire supérieure et des pays au nord, surtout sous l'effet du colonialisme français.

La nouvelle dimension dans la stratégie de Harris, c'était l'administration immédiate du baptême, qui avait donc lieu lors de ce mouvement qui vient juste après la confrontation des pouvoirs. C'était une mesure préventive, qui servait à empêcher le retour des gens aux anciennes puissances. C'était un baptême chrétien trinitaire, même si les gens n'en saisissaient pas le sens. Le père Joseph Hartz à Grand Bassam a écrit : "Un jour, je lui ai demandé de ne pas baptiser. Il m'a donc amené des centaines de personnes que je devais baptiser moi-même. Je lui ai demandé d'attendre que l'instruction rende les âmes de ceux-ci capables de saisir la nature du baptême, mais il m'a répondu, 'Dieu le fera.'" 16 S'il fallait faire la critique de la stratégie, soit de manière positive, soit de manière négative, c'est sur ce point là qu'il faudrait la faire.

Dans la mesure où Harris mettait l'accent sur le repos dominical comme signe continu d'une cassure avec le passé, qu'il faisait de la prière un remplacement pour les sacrifices, qu'il se servait de la Bible dans la chapelle pour remplacer le fétiche collectif du village, et qu'il présentait de nouveaux festivals pour remplacer les anciens, il mettait tout simplement en pratique une norme épiscopalienne bien connue qu'il avait vue et même pratiquée parmi les siens dans la région de Cap Palmas.17 La nouvelle dimension dans la stratégie, c'était le fait de garder la musique traditionnelle, mais d'en changer les paroles, plutôt que de présenter une nouvelle hymnologie étrangère -- et ça, il l'a fait malgré le fait que ses cantiques préférés comprenaient "Regardez, il descend sur les nuages," "Guide moi, O grand Jéhovah," et "Quel ami fidèle et tendre." L'emploi de la calebasse et de la danse faisait aussi partie de cette stratégie, en dépit de leurs ambiguïtés implicites, car elles étaient essentielles pour un peuple aux traditions orales, et pour Harris, l'alphabétisation n'était pas une condition préalable à la foi.

Harris était très conscient de l'expression du pouvoir du Saint-Esprit et des dons de l'Esprit (la prévoyance, la prophétie, la guérison, l'exorcisme, les langues, les visitations/trances, le pouvoir qui vient de la parole, les prodiges) et il les a appropriées à sa manière. Cette conscience d'une réalité biblique et apostolique importante avait été nourrie par une culture biblique profonde, qui avait eu ses débuts sous l'influence du méthodiste John C. Lowrie. Mais chez Harris, ces pouvoirs ont été exprimés d'une manière entièrement africaine, et il avait seulement eu comme prototypes visuels les "médecins de campagne" traditionnels.

Dans la mesure où il avait été poussé par une insistance eschatologique, confirmée par "l'Armageddon" de la première guerre mondiale, et était lui-même devenu la pointe d'une confrontation des pouvoirs d'une grande percée messianique orientée vers un royaume de paix, Harris était impliqué dans une stratégie qui n'était pas très africaine, influencée par les écrits de Russell sur le royaume de Dieu et le besoin d'un "peuple-Elie" pour proclamer et vivre ce royaume fidèlement jusqu'à la fin, face à l'opposition des pouvoirs politiques ou ecclésiastiques. Les milieux missionnaires protestants qu'il avait connus l'ont gardé de ce virus du Nouveau Testament, qu'il avait attrapé chez les sectaires.

En effet, la stratégie de Harris, comme l'héritage, était une synthèse de plusieurs influences. L'héritage, cependant, n'a pas gardé la dynamique centrale de la stratégie.

David A. Shank

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samedi 15 septembre 2012

_____Hosties noires :: Chants d’ombre - L. Sédar Senghor La réhabilitation du village africain par Nadia Bouziane ..qui cherchent à faire ancrer dans l’esprit du noir qu’il n’a pas de civilisation, pas de patrimoine et qu’il n’a rien écrit.

Hosties noires

http://livre.fnac.com/a1794001/Leopold-Sedar-Senghor-Oeuvre-poetique

Chants d’ombre - L. Sédar Senghor

La réhabilitation du village africain mardi 20 mai 2008, par Nadia Bouziane


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Dans la pensée philosophique, politique et littéraire de Senghor, la négritude et la civilisation de l’Universel sont étroitement liées. Si la négritude fut à l’origine une révolte que Sartre a assimilé à un « racisme anti-raciste », Senghor au lendemain de la deuxième guerre mondiale, après y avoir réfléchi, établit entre les deux concepts une double relation d’enracinement et d’ouverture. Enraciner pour se construire sur l’héritage négro-africain, mais aussi s’ouvrir aux autres cultures et civilisations du monde Devenu Président de la République du Sénégal, il s’attacha à réaliser le rêve de tous ceux qui, depuis 1930, s’étaient consacrés à la Défense et à l’illustration de la Négritude. Ce fut « la fonction et la signification » qu’il donna en 1966 au premier Festival mondial des Arts nègres : « Après la Première puis la Deuxième guerre mondiale, voilà que, partout – d’Afrique, d’Amérique, du coeur même de l’Europe - des jeunes hommes noirs et des jeunes filles se sont levés……pour remplir leur fonction, qui est en exprimant la vie, en la signifiant, d’aider les hommes, tous les hommes à mieux vivre……. Et avant tous les autres, leurs frères noirs qui, s’ils ne se sont pas laissés agir…, c’est qu’ils avaient emporté, en eux, de la terre natale, avec la rage de vivre, cette puissance de création qui est la marque originale de l’art. Car l’art n’est rien d’autre que ce geste primordial de l’Homo sapiens qui, en signifiant la vie, l’intensifie par le rythme, pour, la magnifiant ainsi, lui donner valeur d’éternité ……». Ainsi, Senghor explique-t-il par la négritude sa vision d’un Sénégal nouveau, celle d’un continent africain aux valeurs de civilisation reconnues et aptes à participer à la civilisation de l’Universel

http://www.dissertationsgratuites.com/dissertations/Chants-d%27Ombre/123587.html

Léopold Sédar Senghor s’est insurgé contre les occidentaux colonialistes qui cherchent à faire ancrer dans l’esprit du noir qu’il n’a pas de civilisation, pas de patrimoine et qu’il n’a rien écrit.

Dans Chants d’ombre, Hosties noires, il s’ingénie à montrer que l’Afrique est « civilisée jusqu’aux os ». Il réfute l’idée du Nègre sauvage ou bon enfant. Tout ceci pour lui relève de la fabulation et du mythe.

Les croyances, les traditions et les maximes montrent que l’Afrique est un continent de sagesse mais aussi de malice et d’humour. Quoiqu’en disent les historiens malintentionnés, la civilisation africaine est aussi vieille que le monde. Les recherches anthropologiques et archéologiques ont démontré que la civilisation égyptienne est une civilisation noire.

Cependant, Senghor construit sa théorie autour du village africain qui apparaît comme mythique.

D’après Sunday Ogbonna Anozi dans Sociologie du roman africain, le village est « le point de cristallisation de la conscience communautaire ».

C’est dans le village que le noir exprime son authenticité, ses valeurs culturelles et la manière de vivre africaine. C’est également dans le village que le jeune africain commence son initiation aux rites, aux traditions et qu’il apprend à s’intégrer dans sa communauté.

Le village est le lieu privilégié pour s’imprégner de la culture africaine. Les écrivains et poètes ont une conception et une vision presque élégiaque de la campagne et du village.

En Afrique, la vie villageoise est organisée selon des rites précis et déterminés basés sur la solidarité et l’entraide. Chaque individu est lié au groupe et des liens de fraternité et de respect lient les jeunes aux vieux qui sont considérés comme des sages.

Dans le village tout le monde est respecté, les vivants autant que les morts. Une vieille croyance africaine rapportée par Léopold Sédar Senghor révèle que « les morts qui ne sont pas morts » attendent que les vivants les approvisionnent. C’est ce qui donne leur sens aux fêtes africaines où l’on danse et on distribue de la nourriture abondamment.

La vie est organisée ainsi que la mort, « la communion familiale se projette dans le temps et l’espace, en avant et en arrière, jusqu’aux ancêtres, jusqu’à tous les parents défunts, jusqu’aux esprits et jusqu’à Dieu ». (Iyay Kimoni, Destin de la littérature négro-africaine ou problématique d’une culture)

Le village est le lieu de la conservation des lois et de la sagesse. En Afrique, la civilisation est surtout orale. Ce sont les griots, les devins et les femmes qui perpétuent la culture orale en transmettant de génération en génération un certain nombre de chants, d’énigmes et de devinettes.

Senghor, l’un des apôtres de la négritude avec Aimé Césaire, est le précurseur de la réhabilitation du village. Face aux allégations des occidentaux qui prétendent que l’Afrique, avant l’arrivée des blancs, n’était qu’une terre de sauvages sans civilisation et sans culture, les écrivains africains, imprégnés par la philosophie et l’idée de négritude, défendent l’homme africain et son espace de prédilection : le village. Le village n’est pas seulement un espace mais aussi un contexte et un lieu qui permet de perpétuer la tradition. Dans Cahier d’un retour au pays natal, Aimé Césaire donne cette définition de la négritude :

« La négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture. »

Le concept de négritude s’est développé et par extension il signifie chez plusieurs auteurs négro-africains la manière dont le noir en Afrique ou aux Antilles comprend l’univers et explique les choses qui l’entourent : la nature, les gens et les événements. On peut dire que c’est une façon de vivre et de créer. Il serait erroné de prétendre que l’africain noir n’a pas de civilisation ni de culture. D’ailleurs Lévi-Strauss n’a pas cessé de répéter qu’ « il n’y a pas de peuple sans culture. ».

Léon Frobenius, anthropologue allemand, a étudié le mode de vie des sociétés africaines et il a montré explicitement qu’il existe une civilisation africaine millénaire et un « style africain ».

« Quiconque s’approche de lui (le style africain) reconnaît bientôt qu’il domine toute l’Afrique, comme l’expression même de son être. Il se manifeste dans les gestes de tous les peuples nègres autant que dans leur plastique. Il parle dans leurs danses comme dans leurs masques, dans leur sens religieux comme dans leurs modes d’existence, leurs formes d’Etats et leurs destins de peuples. Il vit dans leurs fables, leurs contes, leurs légendes, leurs mythes… » (Léon Frobenius, Histoire de la civilisation africaine)

Il ajoute que l’idée du nègre barbare est une invention européenne. Senghor, pour étayer d’avantage cette idée de Frobenius, écrit : « La négritude est le patrimoine culturel, les valeurs et surtout l’esprit de la civilisation négro-africaine. » En effet, les peuples d’Afrique noire ont apporté leur contribution au patrimoine universel, leur empreinte est reconnaissable et leur cachet peut être facilement distingué de celui des autres peuples. C’est dans les campagnes et les villages qu’apparaissent cette manière de vivre et ce « style africain ».

L’africain est différent des autres peuples puisqu’il est l’héritier d’une civilisation différente. Cette civilisation africaine, encore vivante dans les campagnes, est différente mais pas inférieure. Elle n’est pas technique mais elle est très avancée dans les domaines littéraires, artistiques, religieux et même juridiques.

Nombre d’écrivains négro-africains dans leurs romans s’attèlent à démontrer que l’africain est l’héritier d’une civilisation très ancienne. Ainsi, Robert Delavignette cite l’ethnologue Monod dans la préface de Karim, roman du sénégalais Ousmane Socé :

« Le Noir n’est pas un homme sans passé, il n’est pas tombé d’un arbre avant-hier. L’Afrique est littéralement pourrie de vestiges préhistoriques et certains se demandent même depuis peu si elle n’aurait pas, contrairement à l’opinion courante, vu naître l’homme proprement dit… »

En défendant la civilisation africaine, les créateurs africains sont fatalement amenés à privilégier le village et à le considérer comme un espace d’authenticité.

http://www.e-litterature.net/publier2/spip/spip.php?page=article5&id_article=613

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____Cahier d'un retour au pays natal Aimé Césaire Voir tout son univers Poésie (poche). Paru en N/A

" Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n'est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l'audience comme la pénétrance d'une guêpe apocalyptique. Et la voix prononce que l'Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences, car il n'est point vrai que l'œuvre de l'homme est finie, que nous n'avons rien à faire au monde, que nous parasitons le monde mais l'œuvre de l'homme vient seulement de commencer et il reste à l'homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l'intelligence, de la force et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu'a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite ". La réédition du Cahier d'un retour au pays natal, la première œuvre d'Aimé Césaire, saluée depuis l'origine comme le texte fondamental de la génération de la Négritude.

http://livre.fnac.com/a133091/Aime-Cesaire-Cahier-d-un-retour-au-pays-natal

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____Histoire des tirailleurs Eric Deroo, Sandrine Lemaire Etude (broché). Paru en 08/2010

A l’heure du Cinquantième Anniversaire des Indépendances, il nous a semblé tout à fait légitime de mettre à l’honneur les Tirailleurs dont l’histoire est si peu connue en France. Cet ouvrage didactique retrace l’histoire et les faits d’armes des Tirailleurs tout au long du XXème siècle jusqu’aux commémorations actuelles. L’apport de cette troupe fut essentiel lors des deux conflits mondiaux et nombres d’anciens Tirailleurs ont joué un rôle important dans ces états nouvellement indépendants. Le Conseil Constitutionnel a demandé à l’état français de mettre fin au gel des pensions des anciens combattants africains. Le 14 juillet 2010, seront honorés sur les Champs Elysées, les troupes africaines et les derniers Tirailleurs survivants.

Les auteurs : Sandrine Lemaire est professeur agrégée d’histoire et a écrit de nombreux livres sur l’histoire coloniale (Zoo humain, Culture coloniale).

Eric Deroo est cinéaste et écrivain chercheur associé au CNRS (L’Illusion Coloniale, La Force Noire, Carnets de déroute aux éditions Tallandier).

http://livre.fnac.com/a2983849/Eric-Deroo-Histoire-des-tirailleurs

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____Précédée par "Et les chiens se taisaient" (1946, " arrangé " pour le théâtre en 1956) et suivie de "Une saison au Cong"o (1967), "La tragédie du roi Christophe" constitue la pièce maîtresse de ces " tragédi

Précédée par "Et les chiens se taisaient" (1946, " arrangé " pour le théâtre en 1956) et suivie de "Une saison au Cong"o (1967), "La tragédie du roi Christophe" constitue la pièce maîtresse de ces " tragédies de la décolonisation " écrites par Aimé Césaire pour témoigner - remarquablement - d'un acte politique majeur de notre temps. "La tragédie du roi Christophe", est une œuvre barbare (au sens noble du terme) lyrique et nécessaire. Affirmant que la politique est la force moderne du destin et l'histoire la politique vécue, Aimé Césaire donne à voir l'invention du futur, d'un futur enraciné. L'aventure haïtienne de Christophe évoque le destin collectif du peuple africain d'aujourd'hui. A la phase de la révolte aiguë a succédé celle de la re-connaissance, de la constitution d'un patrimoine authentique et librement assumé. Cette entreprise doit être celle d'un bâtisseur, d'un architecte : Aimé Césaire a su créer un personnage d'une grande et haute stature avec une vigueur et une invention poétique exceptionnelles. Christophe (qu'habita, si puissamment, le comédien Douta Seck) est un homme d'Afrique. Il est le Muntu, l'homme qui participe à la force vitale (le n'golo) et l'homme du verbe (le nommo). Le texte initial de la pièce a fait l'objet de révisions multiples. La dernière version, que présente aujourd'hui Présence Africaine (après avoir publié le texte initial) révèle la qualité de la collaboration qui a réuni, à tous les instants, l'auteur Aimé Césaire et le metteur en scène Jean-Marc Serreau.

http://livre.fnac.com/a133097/Aime-Cesaire-La-tragedie-du-roi-Christophe

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____Le temps de l'indépendances du Congo est arrivé. Patrice Lumumba, homme politique et poète visionnaire... Une saison au Congo Aimé Césaire Voir tout son univers Théâtre (poche). Paru en 02/2001

Le temps de l'indépendances du Congo est arrivé. Patrice Lumumba, homme politique et poète visionnaire, va tenter de rendre à son peuple une liberté depuis longtemps perdue. Mais la jalousie, la corruption et la quête du pouvoir sont des murailles difficiles à franchir. A travers le destin d'un homme, c'est toute l'histoire d'un continent qui se joue de manière exemplaire et symbolique dans cette pièce de théâtre.

« Aimé Césaire est ... tout l'homme, il en exprime toutes les interrogations, toutes les angoisses, tous les espoirs et toutes les extases. »

André Breton

http://livre.fnac.com/a1157081/Aime-Cesaire-Une-saison-au-Co

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____Nègre, je resterai [par Aimé Césaire].. «Le père de la négritude», qui vient d'être symboliquement accueilli au Panthéon, avait publié fin 2005 un livre où il revenait sur la colonisation, le racisme, l'identité, les droits et les devoirs de chacun.

Essai (broché). Paru en 11/2005

Père de la « négritude », concept qu'il a créé dans les années 1930 avec Senghor, Aimé Césaire est l'une des figures majeures des lettres francophones. Recueils de poésie, pièces de théâtre, essais innombrables, son œuvre demeure toujours d'une grande actualité. Dans ces entretiens, Césaire évoque sa jeunesse, son arrivée à Paris, son entrée à l'École normale supérieure, sa rencontre avec Senghor, son engagement politique. À partir de 1945, date de son élection à la mairie de Fort-de-France puis à la députation, il mène une double carrière : homme politique et écrivain. Les questions du colonialisme, de la place des Antillais dans leur propre pays, de la culture africaine sont abordées avec humour et détachement ; c'est la voix d'un homme immense qu'il nous est donné d'entendre, dans sa force et sa modestie.

«Le père de la négritude», qui vient d'être symboliquement accueilli au Panthéon, avait publié fin 2005 un livre où il revenait sur la colonisation, le racisme, l'identité, les droits et les devoirs de chacun.

Extraits.

Mots-clés : racisme, colonialisme, Martinique, panthéon, Aimé Césaire, Négritude, Nègre je suis nègre je resterai, Françoise Vergès

Après de nombreux débats, Aimé Césaire (1913-2008) a finalement fait une entrée symbolique au Panthéon ce 6 avril 2011, en présence du chef de l'Etat et de nombreuses personnalités du gouvernement. Il y rejoint notamment plusieurs figures de la lutte contre l'esclavagisme et le colonialisme comme Toussaint Louverture, Louis Delgrès, Victor Schoelcher et Félix Eboué. (AFP)

Lycéen.

Je trouvais les hommes martiniquais légers, superficiels, un peu snobs, porteurs de tous les préjugés qu'avaient les hommes de couleur autrefois. Tout cela ne me plaisait pas du tout, et je dois dire que je suis parti pour la France avec délectation. En mon for intérieur, je me disais: «Ils me foutront la paix. Là-bas, je serai libre, je lirai ce que je voudrai.» Me rendre en France avant-guerre était pour moi la promesse d'une libération, une possibilité, un espoir d'épanouissement. Autrement dit, contrairement à beaucoup de camarades de ma génération, j'avais constamment le sentiment que je vivais dans un monde fermé, étroit, un monde colonial. C'était mon sentiment premier. Je n'aimais pas cette Martinique. Et quand j'ai pu partir, ce fut avec plaisir. «Adieu!», pensais-je.

Senghor.

Au lycée Louis-le-Grand, Senghor et moi, nous discutions éperdument de l'Afrique, des Antilles, du colonialisme, des civilisations. Il adorait parler des civilisations latine et grecque. Il était fort bon helléniste. Autrement dit, on s'est formé ensemble, au fur à mesure, jusqu'au jour où nous nous sommes posé une première question essentielle: «Qui suis-je? Qui sommes-nous? Que sommes-nous dans ce monde blanc?» Sacré problème. Deuxième question, plus morale: «Que dois-je faire?» La troisième question était d'ordre métaphysique: «Qu'est-il permis d'espérer?» Ces trois questions-là nous ont beaucoup occupés.

Nous commentions l'actualité. C'était à l'époque de la guerre d'Ethiopie; nous évoquions l'impérialisme européen et, un peu plus tard, la montée du fascisme et du racisme. Nous avons très vite pris position, ce qui a contribué à forger nos personnalités. Puis la guerre est survenue. Je suis rentré à Fort-de-France; j'ai été nommé au lycée Schoelcher, et Senghor, lui, dans un lycée en France. Revenu à Paris après la guerre, qu'est-ce que je découvre? Un petit homme vêtu d'une sorte de toge: Senghor était devenu député du Sénégal et moi de la Martinique. Nous sommes tombés dans les bras l'un de l'autre. Notre amitié était intacte en dépit de nos différences de caractère. Il était africain et moi antillais; il était catholique, et politiquement proche du MRP; à l'époque, j'étais plutôt communiste ou «communisant». Nous ne nous disputions jamais, parce que nous nous aimions profondément et que nous nous sommes vraiment formés l'un l'autre.

Nègre.

Nous suivions le programme, mais nous avions chacun des sujets de prédilection propres. Rimbaud a énormément compté pour nous, parce qu'il a écrit: «Je suis un nègre.» Langston Hugues et Claude McKay, les nègres américains ont été pour nous une révélation. Il ne suffisait pas de lire Homère, Virgile, Corneille, Racine... Ce qui comptait le plus pour nous, c'était de rencontrer une autre civilisation moderne, les Noirs et leur fierté, leur conscience d'appartenir à une culture. Ils furent les premiers à affirmer leur identité, alors que la tendance française était à l'assimilation, à l'assimilationnisme. Nous nous sommes donc constitués un monde à nous.

Le surréalisme nous intéressait, parce qu'il nous permettait de rompre avec la raison, avec la civilisation artificielle, et de faire appel aux forces profondes de l'homme. «Tu vois Léopold, le monde est ce qu'il est, tu t'habilles, tu mets ton costume, tu vas au salon, etc. «Mes hommages, Madame.» Mais où est le nègre dans tout ça? Le nègre n'y est pas. Tu l'as en toi, pourtant. Creuse encore plus profond, et tu te trouveras au fond de toi, par-delà toutes les couches de la civilisation, le nègre fondamental. Tu m'entends, fondamental.» C'est exactement ce que j'ai fait, et toute cette littérature en alexandrins, nous pensions qu'elle était dépassée. «Ils» avaient fait leur littérature, mais nous, nous ferions autre chose, car nous étions des nègres. C'est le nègre qu'il fallait chercher en nous.

Nous nous sommes intéressés aux littératures indigènes, aux contes populaires. Notre doctrine, notre idée secrète, c'était: «Nègre, je suis et, nègre, je resterai.» Il y avait dans cette idée celle d'une spécificité africaine, d'une spécificité noire. Mais Senghor et moi nous sommes toujours gardés de tomber dans le racisme noir. J'ai ma personnalité et, avec le Blanc, je suis dans le respect, un respect mutuel.

Civilisations.

Chaque peuple européen a son histoire, et c'est l'histoire qui a construit la mentalité française telle qu'elle est. Regardez les Anglais, ils ont également une mentalité propre. Allez demander à un Dominicain, un habitant des Bahamas, de Trinidad: «Qu'est-ce que tu es? - Je suis trinidadien. Je suis dominicain.» Demandez à un Antillais: «Qu'est-ce que tu es? - Je suis français.» Les Antillais anglophones ne peuvent pas dire qu'ils sont anglais, «because nobody can be an Englishman». Personne ne peut être anglais, sauf si vous êtes né in England. Chez l'Anglais, le racisme coexiste avec une conception de l'homme et le respect de la personnalité de l'autre, ce qui fait qu'il y a eu beaucoup moins d'assimilation dans les colonies anglophones que dans les colonies françaises. Les Français ont cru à l'universel et, pour eux, il n'y a qu'une seule civilisation: la leur. Nous y avons cru avec eux; mais, dans cette civilisation, on trouve aussi la sauvagerie, la barbarie. Ce clivage est commun à tout le XIXe siècle français. Les Allemands, les Anglais ont compris bien avant les Français que la civilisation, ça n'existe pas. Ce qui existe ce sont les civilisations.

Victimisation.

Nous ne pouvons pas passer notre temps à dire: «C'est la France qui est responsable.» Nous devons d'abord nous prendre en mains; nous devons travailler, nous devons nous organiser, nous avons des devoirs envers notre pays, envers nous-mêmes.

Sortir de la victimisation est fondamental. C'est une tâche peu aisée. L'éducation que nous avons reçue et la conception du monde qui en découle sont responsables de notre irresponsabilité. Avons-nous jamais été responsables de nous-mêmes ? Nous avons toujours été sujets, colonisés. Il en reste des traces. Vous avez été à l'école, vous avez appris le français, vous avez oublié votre langue natale, etc. Lorsqu'on a commencé à écrire le créole, lorsqu'on a décidé de l'enseigner, le peuple n'a pas été transporté de joie. Récemment, j'ai rencontré une femme à qui j'ai demandé: «Madame, vous avez déposé vos enfants à l'école. Vous savez qu'une mesure extrêmement intéressante vient d'être prise: on va enseigner le créole à l'école. Etes-vous contente?» Elle m'a répondu: «Moi contente ? Non, parce que si ma ka voyé i ékol («si j'envoie mon enfant à l'école»), ce n'est pas pour lui apprendre le créole, mais le français. Le créole, c'est moi qui le lui enseigne, et chez moi.» Son bon sens m'a frappé. Il y avait une part de vérité. Nous sommes des gens complexes. Il ne s'agit pas de nous couper d'une part de nous-mêmes.

J'ai toujours été connu comme un rouspéteur. Je n'ai jamais rien accepté purement et simplement. En classe, je n'ai cessé d'être rebelle. Je me souviens d'une scène, à l'école primaire. J'étais assis à côté d'un petit bonhomme, à qui je demandai: «Que lis-tu?» C'était un livre: «Nos ancêtres, les Gaulois, avaient les cheveux blonds et les yeux bleus...» «Petit crétin, lui dis-je, va te voir dans une glace!» Ce n'était pas forcément formulé en termes philosophiques, mais il y a certaines choses que je n'ai jamais acceptées, et je ne les ai subies qu'à contrecoeur.

Afrique.

C'est une question très importante, angoissante. Le sort du Liberia, celui de la Côte d'Ivoire sont effrayants. Nous protestons contre le colonialisme, nous réclamons l'indépendance, et cela débouche sur un conflit entre nous-mêmes. Il faut vraiment travailler à l'unité africaine. Elle n'existe pas. C'est effroyable, insupportable. La colonisation a une très grande responsabilité: c'est la cause originelle. Mais ce n'est pas la seule, parce que s'il y a eu colonisation, cela signifie que des faiblesses africaines ont permis l'arrivée des Européens, leur établissement.

A l'époque de la colonisation, on trouvait des «tribus». Mais nous, les Noirs, avons créé une unité pour gagner l'indépendance. Et maintenant que nous sommes indépendants, une guerre s'est enclenchée; une guerre de classes dégénérant en une guerre de races. Je crois qu'il nous faut fournir des efforts considérables pour éviter de tomber dans ce travers. L'unité reste à inventer.

Racisme.

Malheureusement l'éducation, telle qu'elle a été donnée, telle qu'elle est donnée encore, est souvent responsable. Où Hitler a-t-il appris le racisme? Et le fanatisme musulman n'est-il pas dangereux? Je pense que si. Une partie de l'Islam est quand même très dure à l'égard de l'Afrique. J'ai bien connu un Kabyle; il fallait voir quel regard il jetait sur les gens d'Alger, qu'il considérait comme des colonisateurs. Les Arabes ont été des colonisateurs, des dominateurs et des marchands d'esclaves. Il ne faut pas croire qu'il suffit d'être antillais pour qu'un autre Antillais vous aime.

Il s'agit de savoir si nous croyons à l'homme et si nous croyons à ce qu'on appelle les droits de l'homme. A liberté, égalité, fraternité, j'ajoute toujours identité. Car, oui, nous y avons droit. C'est notre doctrine à nous, hommes de gauche. Dans les régions d'outre-mer, des situations spéciales ont été imposées. Je crois que l'homme où qu'il se trouve a des droits en tant qu'homme. Peu m'importe qui a écrit le texte de la «Déclaration des droits de l'homme»; je m'en fiche, elle existe. Les critiques contre son origine «occidentale» sont simplistes. En quoi cela me gênerait-il? Il faut s'approprier ce texte et savoir l'interpréter correctement. La France n'a pas colonisé au nom des droits de l'homme. On peut toujours raconter n'importe quoi sur ce qui s'est passé: «Regardez dans quel état sont ces malheureux. Ce serait un bienfait de leur apporter la civilisation.» D'ailleurs, les Européens croient à la civilisation, tandis que nous, nous croyons aux civilisations, au pluriel, et aux cultures. Le progrès, avec cette Déclaration, c'est que tous les hommes ont les mêmes droits, simplement parce qu'ils sont des hommes. Et ces droits-là, tu les réclames pour toi et pour l'autre.

© Albin Michel.

Né en 1913, Aimé Césaire, jusqu'en 1993 député-maire de Fort-de-France, était à sa mort, en 2008, l'un des plus grands poètes contemporains et l'auteur de «Cahiers d'un retour au pays natal» et «Discours sur le colonialisme». «Nègre je suis, nègre je resterai» est un livre d'entretiens avec Françoise Vergès, dont elle fait une passionnante postface.

Source: «le Nouvel Observateur» du 17/11/2005.

http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20080417.BIB1141/negre-je-resterai-par-aime-cesaire.html

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_____Dans l’Amérique ségrégationniste des années 1920, la ségrégation dans un bus, aux Etats-Unis, en 1956. (SIPA).... Ces Noirs qui voulaient être blancs.. «The Invisible Line» cette frange privilégiée de la société noire de la fin du XIXe-XXe


***Ces Noirs qui voulaient être blancs...

«The Invisible Line» cette frange privilégiée de la société noire de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.

Un invité de BibliObs Par Un invité de BibliObs

Dans l’Amérique ségrégationniste des années 1920, des mulâtres à la peau très claire choisirent de se faire passer pour Blancs. A lire dans «BoOks», en kiosque tout ce mois de septembre.

S’ils avaient le choix entre passer plusieurs nuits assis dans un wagon crasseux et enfumé et se reposer confortablement dans le wagon-lit Pullman «réservé aux Blancs», bien des membres de l’élite de couleur préféraient naturellement la seconde option. Mary Church Terrell, journaliste, militante des droits des Afro-Américains et épouse de Robert Terrell, un juge et diplômé de Harvard, fut l’une des premières à en parler ouvertement. À une connaissance qui lui reprochait son habitude de voyager dans la voiture réservée aux Blancs, elle répondit qu’elle n’avait pas d’autre choix si elle voulait arriver fraîche et dispose à ses conférences.

En ce printemps 1922, on s’arracha les billets d’entrée pour l’inauguration du Lincoln Memorial. Des dizaines de milliers de personnes convergèrent vers le National Mall pour une grande journée de festivités; au programme, parades, musique et discours. Parmi les plus célèbres Washingtoniens noirs présents en ce Memorial Day ensoleillé (1) figurait Whitefield McKinlay, ancien receveur des douanes à Georgetown et administrateur de biens pour l’élite mulâtre de la ville.

À presque 70 ans, McKinlay avait vécu le pire et le meilleur de ce que l’après-guerre de Sécession devait réserver aux personnes de couleur. Il avait été admis à l’université de Caroline du Sud pendant la période faste de la Reconstruction, puis en avait été exclu après l’arrivée au pouvoir des démocrates, qui soumirent l’État à une forme extrême de ségrégation. Il avait vu des hommes politiques noirs portés au pouvoir par les électeurs noirs quand on leur accorda le droit de vote, puis balayés quand on le leur retira.

Le même processus avait présidé à l’évolution de Washington. Autrefois décrite comme le «paradis de l’homme de couleur» (c’est-à-dire un lieu de liberté et de perspectives d’avenir) par les agents immobiliers clients de McKinlay, la capitale était devenue un «purgatoire» – pour reprendre l’historien David Levering Lewis (2) – où les Noirs étaient bannis des hôtels et des restaurants, exclus des emplois fédéraux et régulièrement persécutés par les sudistes du Congrès, visiblement déterminés à éliminer toute présence métisse à Washington. Sans s’étendre sur le cas de McKinlay, Daniel Sharfstein, ressuscite véritablement dans «The Invisible Line» cette frange privilégiée de la société noire de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.

Une élite «quasi blanche»

McKinlay s’était réjoui de recevoir un élégant carton d’invitation à la manifestation du Lincoln Memorial, y voyant un signe de la volonté de Harding et des républicains revenus au pouvoir d’assouplir les contraintes de la ségrégation. Lui et son épouse constatèrent leur méprise en présentant leurs billets à l’entrée de la tribune: alors qu’ils pensaient s’asseoir dans de confortables chaises pliantes, on les conduisit vers un terrain vague où étaient disposés de simples bancs mal équarris, à presque un pâté de maisons des tribunes.

Les McKinlay y retrouvèrent d’autres notables de couleur – médecins, avocats, juges, professeurs, et hommes d’affaires –, séparés de la zone réservée aux Blancs par un cordon et placés sous la surveillance de marines en uniforme. Alors qu’ils s’apprêtaient à s’installer à l’extrémité d’une rangée, un soldat ordonna aux McKinlay de se déplacer vers le centre pour laisser de la place aux futurs arrivants. Comme le couple hésitait, il leur demanda, en aboyant, de «se grouiller». L’incident déclencha un tollé à travers toute la «section Jim Crow (3)» et les McKinlay vidèrent les lieux, entraînant derrière eux bien des représentants de la bourgeoisie noire de Washington et de Baltimore.

Le «New York Times» consacra plusieurs colonnes au récit des événements de la journée, sans faire mention ni du placement ségrégatif ni de la quasi-émeute qui s’était produite. La nouvelle fit en revanche l’objet de manchettes furieuses dans des journaux noirs comme le Baltimore Afro-American, le Chicago Defender et le Washington Tribune. Ce dernier rapporta que les notables afro-américains avaient reçu des billets estampillés de manière à les signaler comme personnes de couleur. L’origine de ce dispositif est incertaine, mais il était particulièrement utile dans une ville où les classes supérieures noires se composaient majoritairement de familles dont l’ascendance africaine était souvent invisible à l’œil non averti.

L’élite «quasi blanche», comme l’écrit Sharfstein, était issue de liaisons remontant à l’époque de l’esclavage, entre un père ou un grand-père blanc propriétaire et l’une des femmes noires ou mulâtres qu’il possédait. À Washington – comme à Charleston ou à La Nouvelle-Orléans – ces familles perpétuaient leur couleur «pâle, claire et bougrement proche du blanc (4)» en écartant les prétendants à la peau plus foncée et en se mariant entre eux. Ils pouvaient à tout moment franchir la frontière et vivre comme des Blancs. Le fait de continuer à afficher sa couleur relevait souvent d’un choix. Dans ces conditions, il était difficile, et plus encore dans la capitale fédérale que partout ailleurs, d’identifier la race d’un détenteur de billet à son teint.

Les pasteurs jugèrent d’ailleurs nécessaire de mettre en garde leurs ouailles contre le péché consistant à se faire passer pour Blanc ou, dans le langage du révérend washingtonien à la peau claire Francis J. Grimké, de céder à la tentation de «naviguer sous de fausses couleurs». Mais même les fidèles fiers de leur race et se revendiquant comme Noirs cherchaient parfois à passer pour Blancs afin d’échapper temporairement aux tracas. Ils se prétendaient «portugais» ou «espagnols» pour louer des chambres dans les hôtels «réservés aux Blancs», ou manger au restaurant sans subir l’humiliation de voir dresser des paravents autour de leur table. Ils fraudaient pour assister aux comédies musicales du National Theater, dont la direction était connue pour son extrémisme.

Parvenue à Union Station, la principale gare de Washington, Mary reprenait sa vie de femme de couleur. Mais elle comprenait ceux qui choisissaient définitivement la blancheur pour améliorer leur sort et celui de leurs enfants. Au cours d’un voyage qu’elle fit quelques années avant l’inauguration du Lincoln Memorial, elle rencontra un ami qui fit mine de l’ignorer parce qu’il était devenu Blanc. Elle l’obligea à la saluer, mais écrivit à Robert: «Depuis qu’il est devenu Blanc, la vie de Jack Durham est meilleure qu’elle ne l’aurait jamais été s’il était resté Noir! Élever son fils comme un Noir, avec tous les préjugés honteux qu’il lui faudrait endurer, serait de sa part un crime!»

Partout, les Afro-Américains comprenaient qu’il leur fallait couper les ponts avec ceux de leurs amis et parents qui avaient abandonné leur identité pour devenir Blancs. La presse noire protégeait ceux qu’on appelait les «transfuges» (passers) en les citant anonymement; dans ses articles, elle tournait en dérision les Blancs incapables de reconnaître les métis infiltrés dans le personnel de banques, de cabinets d’avocats et de grands magasins réservés aux Blancs. Mais cela ne suffisait pas à réconforter ceux que leurs frères et sœurs, leurs enfants, voire leurs parents avaient quittés pour le monde des Blancs sans plus jamais donner de nouvelles. Ils pleuraient leurs disparus comme ils l’auraient fait pour leurs morts.

« The Invisible Line » retrace une histoire nuancée du passage de frontière raciale, du XVIIIe siècle à nos jours, à travers trois familles. Les Gibson commencèrent à se faire passer pour Blancs dans la campagne profonde de Caroline du Sud dans les années 1760, puis gravirent les échelons de l’aristocratie jusqu’au Sénat. Les Spencer, des fermiers pauvres, gagnèrent dans les années 1840 un village de montagne isolé du Kentucky (où les Noirs étaient rares) et devinrent officiellement Blancs au bout de presque un siècle d’ambiguïté raciale. Le cadre historique du destin des Gibson et des Spencer est bien restitué, mais le livre se concentre avant tout sur l’histoire de M. et Mme Orindatus Simon Bolivar Wall, un couple aisé de Noirs affranchis ayant quitté Oberlin, dans l’Ohio, pour Washington durant la période prometteuse de la Reconstruction. Le couple et ses cinq enfants souffrirent considérablement de l’attitude de plus en plus hostile des Blancs.

Au prix fort

Sharfstein raconte l’histoire des Wall principalement à partir de celle de Stephen, le deuxième de la fratrie, qui tenta en 1910 d’être traité comme un Blanc à Washington, sans succès, mais y parvint dix ans plus tard en payant le prix fort. Stephen n’entreprit pas cette transformation en se volatilisant et en déménageant à New York, comme certains de ses frères et sœurs ou de ses voisins, mais en continuant de vivre dans la ville où sa famille était bien connue. Il fut démasqué le jour où il déménagea dans un quartier blanc et chercha à faire admettre sa fille blonde aux yeux bleus, Isabel, dans une école blanche qui la rejeta au motif que du «sang de couleur» coulait dans ses veines.

À ce stade, il aurait pu se contenter de se faire oublier et de recommencer ailleurs. Mais il préféra faire appel de cette décision, d’abord auprès du conseil d’établissement puis devant la justice. L’affaire donna lieu à des procès-verbaux du conseil d’établissement, à des comptes rendus d’audience et à des articles de presse qui ont permis à Sharf­stein d’accéder à une histoire riche et fascinante qui se serait probablement perdue sans cela.

03 09 12 BoOks "Les états drogués", c'est le dossier du nouveau "BoOks" (n°35, en kiosque tout ce mois de septembre 2012).

Comme de nombreux éminents citoyens de couleur de la capitale, O. S. B. Wall était le fruit de la liaison d’un père esclavagiste et d’une des femmes dont il était propriétaire. Et comme les plus fortunés de ces enfants métis, il fut affranchi par son père, qui lui légua un héritage et l’envoya loin du Sud pour être élevé en terre libre. À la fin de l’été 1838, le propriétaire de plantation Stephen Wall chargea en effet un ami d’acheminer cinq de ses enfants métis depuis le domaine des Wall à Rockingham, en Caroline du Nord, jusqu’à Harveysburg, dans l’Ohio, un bastion abolitionniste près de Cincinnati.

Wall père aurait pu choisir n’importe quelle destination pour ses rejetons, mais il choisit de les envoyer dans une région peuplée de quakers farouchement antiesclavagistes. Stephen Wall légua en outre à ses enfants l’argent nécessaire pour faire partie des citoyens les plus riches de Harveysburg. Plus tard, O. S. B. et sa petite sœur Caroline émigrèrent plus au nord, à Oberlin, un autre foyer abolitionniste. Caroline épousa bientôt un futur pilier de l’élite noire de Washington, John Mercer Langston, affranchi et doté lui aussi par son père. O. S. B. épousa la «très pâle» Amanda Thomas, une camarade de classe de sa sœur. «En 1858, écrit Sharfstein, O. S. B. et Amanda Wall avaient deux fils et une fille, tous suffisamment clairs pour être sujets aux coups de soleil.»

Brent STAPLES

=> Lire l'intégralité de cet article sur booksmag.fr

=> Revenir à la Une de BibliObs Source : «New York Review of Books», article traduit par Hélène Quiniou, et paru dans «BoOks» en septembre 2012.

1| Célébré tous les ans le dernier lundi de mai, le Memorial Day est un jour de congé officiel en l’honneur des Américains morts au combat.

2| David Levering Lewis, "District of Columbia: A Bicentennial History", Norton, 1976, p. 71.

3| On appelle lois «Jim Crow» l’ensemble des lois, arrêtés et règlements qui encadraient la ségrégation raciale dans le sud des États-Unis à partir de 1876. Jim Crow était un personnage de Noir caricatural interprété par l’acteur blanc Thomas D. Rice vers 1830; le nom devint par la suite une expression péjorative servant à désigner la population noire.

4|«Light, bright and damn near white»: une expression répandue dans la communauté noire américaine quand j’étais enfant dans les années 1960, et encore en usage aujourd’hui (NdA).

http://bibliobs.nouvelobs.com/en-partenariat-avec-books/20120830.OBS0838/ces-noirs-qui-voulaient-etre-blancs.html

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mardi 11 septembre 2012

____Inscription ou réinscription en doctorat de droit - Université ... /ecoles-doctorales /droit-public-et-droit-fiscal... Le doctorat en droit dans les milieux professionnels

Inscription ou réinscription en doctorat de droit - Université Paris 1 ...

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Histoire

Le doctorat en droit dans les milieux professionnels Le Doctorat en droit dans les milieux professionnels






Par Stéphane Valory Docteur en droit, Directeur du département Droit des affaires et droit fiscal des Editions Lamy, Chargé d'enseignement à la Faculté de droit d'Aix-en-Provence.

Rubrique : Vie des docteurs ; débouchés Abstract : Doctorat ; docteurs en droit ; professions juridiques ; opportunités English Abstract : although the French title of Docteur en Droit appears to some people very traditional and academic, that story explains how the French system give a large range of opportunities to our Doctors in Law and how it is more and more appreciated by professionals, in any sectors, thanks to their high level of skills their degree guarantees. Date : janvier 2012 NDLR : les indications bibliographiques ci-dessus sont établies sous le contrôle de la rédaction de La RDD et n’engagent pas l’auteur.

Du rat de bibliothèque au juriste d’excellence, l’image du docteur en droit varie selon les professions et les personnes concernées. Ses contrastes, voire ses paradoxes, révèlent les atouts d’une formation moderne aux fortes potentialités de développement.

L’évaluation de la place du doctorat en droit au sein des différentes professions juridiques - des avocats aux juristes d’entreprise en passant par le notariat et la magistrature -, témoigne de la modernité et du dynamisme du diplôme. Certes, la première impression, assez communément partagée, suggère son inadaptation à la pratique du droit (I). Mais elle laisse rapidement la place à la reconnaissance de ses multiples atouts, qui dessine alors, en contrepoint, les contours d’une formation garantissant des compétences valorisées aussi bien dans les entreprises que dans les professions juridiques et judiciaires (II). Il en ressort que l’image supposée du doctorat en droit dans les milieux professionnels ne correspond ni à certains préjugés ni aux potentialités du diplôme, ce qui permet d’amorcer des pistes de réflexion en vue de procéder à une rénovation du doctorat davantage tournée vers la pratique (III).



I – L’image d’un diplôme inadapté à la pratique du droit

L’inadaptation du doctorat à la pratique du droit repose sur trois éléments. Le premier est la finalité a priori universitaire du diplôme (A). Le second tient à l’inadéquation supposée entre la formation doctorale et les exigences de la pratique (B). Le troisième réside dans la faible attractivité du doctorat en termes d’accès aux professions, du moins au regard de l’investissement exigé par la rédaction d’une thèse (C). A. La finalité universitaire du doctorat

Le doctorat en droit est indéniablement le diplôme universitaire par excellence. On en connaît les raisons : l’obtention du diplôme est la principale clé d’entrée aux postes d’enseignants-chercheurs titulaires de l’université1. De fait, les statistiques établies par le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq) montrent que les docteurs en droit, sciences économiques et gestion ayant soutenu leurs thèses en 2004 se destinaient à 81 % à l’enseignement supérieur ou la recherche publique, ce qui est largement supérieur à la moyenne, de 72 %2.

Ce débouché naturel induit donc au sein des praticiens l’image d’une formation n’ayant aucunement pour objectif de répondre à leurs besoins, à la différence des anciens diplômes de 3e cycle, en particulier les DESS. Conformément d’ailleurs à son étymologie – « docteur » a pour origine le verbe latin « docere », « enseigner » –, le doctorat en droit est ainsi perçu comme ayant pour principale vocation de former des enseignants. Cette finalité apparaît au demeurant bien plus conforme à la tradition que l’usage moderne et répandu du mot « docteur », devenu synonyme courant de médecin. Une perception confortée par la pratique des facultés

Le caractère universitaire du doctorat en droit, pour partie inhérent au diplôme, est en outre conforté par la pratique des facultés. D’abord – mais ce phénomène n’est pas propre au domaine juridique –, la grande majorité des directeurs de thèse forment leurs étudiants avec pour objectif l’intégration dans le corps enseignant3. Du coup, les orientations possibles vers les autres professions du droit sont peu explorées, ce qui explique que la majorité des directeurs de thèse ne se sentent pas concernés par d’éventuels partenariats avec les entreprises, en particulier à travers les conventions Cifre. Ce phénomène participe probablement aussi à la relative faiblesse du taux de satisfaction des docteurs intégrant le secteur privé4.

Ensuite, même si cela n’est que rarement exprimé explicitement, il existe, aussi bien d’ailleurs au sein de l’université qu’aux yeux des praticiens, une hiérarchie entre les « bons » docteurs en droit, dont les travaux doivent permettre l’obtention d’un poste dans l’enseignement supérieur, et les moins bons, dont le seul recours sera de se tourner vers les différentes professions juridiques. Si cette vision des choses relève d’une certaine logique eu égard à la finalité du diplôme, elle est peu valorisante pour les praticiens docteurs en droit et de nature à renforcer le sentiment que le doctorat n’a pas grand-chose à apporter aux milieux professionnels.

Enfin, la réorganisation des études rendue nécessaire par la réforme LMD (licence, master, doctorat) témoigne à l’occasion de l’absence de prise en compte d’éventuels débouchés extra universitaires. Ainsi, dans certaines facultés, la mise en place des masters recherche en lieu et place des anciens DEA a été pensée en vue de diminuer le nombre de docteurs en droit. La volonté des dirigeants est alors de mettre fin à la situation d’échec que connaissent actuellement les diplômés en attente de postes d’enseignants, dont on sait que le renouvellement est faible. Il n’est donc pas envisagé, dans ces cas-là, de développer les débouchés dans les professions du droit. De manière cohérente, ces nouveaux masters sont résolument axés sur la recherche théorique, les masters professionnels (ex-DESS) seuls ayant vocation à former les futurs praticiens. B. L’inadéquation de la formation doctorale

Outre son caractère universitaire, les milieux professionnels, en particulier les entreprises et les cabinets d’avocats, se rejoignent parfois pour juger le doctorat déconnecté des besoins de la pratique.

Tout d’abord, les sujets de thèse sont estimés trop théoriques, de sorte que la recherche effectuée par le docteur est ressentie comme étant sans grande utilité pour l’entreprise ou le cabinet d’avocats. L’observation n’a rien d’étonnant puisque, comme on l’a vu précédemment, les sujets sont souvent choisis dans une perspective universitaire. D’où le sentiment pour les praticiens d’être en présence de juristes aptes à prendre du recul par rapport à un problème donné mais éloigné du concret.

D’autres critiques sont liées à la nature même de la formation doctorale. Elles conduisent à s’interroger, en premier lieu, sur l’utilité d’une recherche pointue pour la pratique juridique. Les juristes d’entreprise y voient volontiers un élément dissuasif, le mode de fonctionnement des entreprises conduisant à privilégier la polyvalence par apport à l’extrême spécialisation. Le réflexe, lorsqu’une expertise très pointue est requise, est plutôt de recourir aux services d’avocats ou de professeurs d’université.

En deuxième lieu, une recherche de qualité suppose de disposer de temps pour réfléchir. Or, dans les entreprises et les cabinets d’avocats – mais c’est valable pour toutes les professions –, le travail s’effectue souvent dans l’urgence et dans un souci de pragmatisme. D’où la crainte d’un décalage source de frustrations avec les aspirations prêtées aux docteurs.

En troisième lieu, la solitude qui entoure la rédaction de la thèse apparaît comme un handicap, surtout pour les entreprises. En effet, « l’anachorète du droit », selon l’expression de Bernard Cerveau, avocat au barreau de Paris, ancien directeur juridique des assurances dommages chez AXA France, effraie les recruteurs qui tendent à le considérer comme individualiste et peu porté à l’organisation collective et au travail en équipe.

En quatrième lieu, alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que les qualités rédactionnelles de docteurs ayant passé plusieurs années à écrire une thèse soient incontestées, ce n’est pas toujours le cas. Les avocats notamment dénoncent un style universitaire, voire ampoulé, inadapté à leur pratique. La vitesse d’écriture, jugée trop lente, est également mise en cause. Cette critique rejoint la difficulté supposée des docteurs à se plier à des contraintes de temps. C. La faible attractivité du doctorat pour accéder aux professions du droit

Sur le marché du travail, n’étant que rarement ressenti comme susceptible de répondre aux besoins des praticiens, il est logique que le doctorat ne paraisse pas constituer pas un élément déterminant pour décrocher un poste ou négocier un meilleur salaire, sauf dans certains cas précis5. Le diplôme pourra cependant être davantage valorisé dans les entreprises ou cabinets de pays étrangers, notamment anglo-saxons, où il bénéficie d’un prestige supérieur à celui dont il jouit en France.

Au plan réglementaire, il avait été envisagé il y a quelques années de subordonner l’accès à la profession d’avocats aux conseils à la détention d’un doctorat, compte tenu de la bonne adéquation entre la formation doctorale et l’activité de ces avocats6. Mais la Chancellerie s’y est opposée.

Au sein de la magistrature, le doctorat en droit ne procure pas non plus d’avantages particuliers, sauf pour devenir auditeur de justice7. En dehors de ce cas, il n’existe pas d’équivalence permettant l’accès à l’École nationale de la magistrature, contrairement à ce qui est prévu pour les avocats. Cette différence de régime est curieuse car, au regard de la spécificité du doctorat, on ne voit pas pour quelles raisons les modalités d’accès aux écoles de formation devraient être différentes. Au final, résume Thierry Fossier, président de la chambre de la famille au tribunal de grande instance de Grenoble, « le doctorat n’ajoute rien ni ne retire quoi que ce soit pour l’accès aux fonctions judiciaires, quelles qu’elles soient ». Le cas particulier des avocats

La seule exception notable réside dans la dispense, au profit des docteurs en droit, de l’examen d’entrée dans les écoles de formation des avocats (École de formation des barreaux (EFB) à Paris, centres régionaux de formation professionnelle des avocats (CRFPA) ailleurs). L’avantage est indéniable, cet examen étant jugé plus difficile et sélectif que l’examen de sortie (qui délivre le certificat d’aptitude à la profession d’avocat). Les conditions de cette équivalence ont été modifiées en 2004.



· Situation avant 2004 – Jusqu’à la loi du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires et juridiques8, les docteurs en droit étaient dispensés, non seulement de l’examen d’entrée à l’EFB et aux CRFPA, mais également de la formation donnée dans ces écoles et des préstages à effectuer dans les cabinets d’avocats.

Cette équivalence était critiquée à un double titre. D’une part, il était fait observer qu’eu égard à la spécificité de la formation doctorale (recherche poussée sur un sujet souvent théorique), la dispense des cours et des préstages ne se justifiait guère. D’autre part, l’accent était mis sur le risque de contournement des modalités d’entrée aux écoles de formation par le biais d’inscriptions en doctorat : des étudiants recalés aux examens d’entrée pouvaient être tentés de s’inscrire en doctorat dans le seul but de bénéficier de l’équivalence, quitte à rédiger une thèse de qualité médiocre.



· Situation depuis 2004 – La loi du 11 février 2004 a pris en compte ces critiques et diminué les avantages reconnus jusque-là aux docteurs en droit9. Ces derniers, s’ils restent dispensés de l’examen d’entrée, ont désormais l’obligation de suivre les cours et d’effectuer les préstages.



· Appréciation – Cette réforme est satisfaisante car elle paraît avoir trouvé un juste point d’équilibre entre, d’une part, les exigences de la formation à la profession d’avocat et, d’autre part, la reconnaissance de l’expertise juridique des docteurs.

En effet, nul ne peut sérieusement contester que le docteur en droit qui s’est consacré exclusivement à ses travaux de recherche ne dispose pas de toutes les compétences nécessaires à l’exercice de la profession d’avocat. Il est, de ce point de vue, sur un pied d’égalité avec les autres étudiants et doit être traité comme eux. On remarquera qu’avant la réforme, certaines écoles demandaient déjà aux docteurs de suivre le cursus général, ce qui était généralement accepté.

Quant au maintien de la dispense de l’examen d’entrée, il se justifie par la solide expertise juridique acquise par le docteur au cours de ses années de recherche. L’examen d’entrée a pour principal objet de vérifier le niveau juridique des candidats ; il paraît logique, s’agissant du grade universitaire le plus élevé, de le réputer acquis pour leurs titulaires. Une réforme positive pour l’image du doctorat

Cette réforme paraît également positive pour l’image du doctorat au sein de la profession d’avocat. D’abord, le fait que l’équivalence soit désormais moins avantageuse devrait réduire le nombre d’étudiants s’inscrivant en doctorat à seule fin de devenir avocat. Cette motivation, si elle n’est pas condamnable en tant que telle (ce n’est pas parce qu’un étudiant s’inscrit en doctorat avec cet objectif qu’il rédigera nécessairement une mauvaise thèse), est cependant dangereuse car, s’appliquant à un travail long, ingrat et exigeant au plan intellectuel, elle est de nature à tirer la qualité des thèses vers le bas, en dépit de la vigilance de plus en plus forte des directeurs d’écoles doctorales.

Ensuite, l’existence d’un passe-droit injustifié, de surcroît susceptible de donner naissance à un grief de thèse de complaisance lorsque le docteur s’est trouvé auparavant en situation d’échec lors de l’examen d’entrée à l’école de formation, porte indiscutablement préjudice au prestige du diplôme. L’adoption de conditions d’équivalence plus équilibrées devrait corriger ce déficit d’image.

Enfin, la réforme du 11 février 2004 améliore la situation des docteurs en droit au moment où ils passent l’examen de sortie. D’une part, ils seront mieux préparés. D’autre part, mieux intégrés, ils auront la certitude d’être traités comme les autres candidats. II – La réalité d’une formation valorisée

Outre son prestige qui, lié à celui de l’université, reste intact, la formation doctorale ne manque pas d’atouts pour séduire les milieux professionnels (A). En témoigne l’accès de nombreux docteurs en droit au marché du travail (B). Mais l’utilité du titre ne s’arrête pas là : il peut aussi servir son titulaire de différentes manières en cours de carrière (C). A. Les atouts de la formation doctorale

Les critiques portées par les milieux professionnels ne les empêchent pas de reconnaître les qualités acquises par les docteurs en droit, qui sont autant d’arguments à mettre en avant dans le cadre d’une recherche d’emploi. Quant aux faiblesses supposées des docteurs, elles apparaissent en définitive peu pertinentes.



· Les qualités reconnues aux docteurs en droit - Avant tout, le docteur en droit est considéré comme un juriste de haut niveau, ce qui implique non seulement une culture juridique supérieure à la moyenne mais également une méthode de travail parfaitement maîtrisée. Son aptitude à l’analyse et à la synthèse, sa capacité de prendre du recul et de trouver une solution à un problème donné, peuvent en faire un élément précieux dans n’importe quelle profession.

Du fait de la longueur et de la difficulté de la rédaction de la thèse, le docteur est également crédité d’une force de caractère et d’une ténacité appréciées. La solitude de la recherche, elle, atteste de son autonomie.

Enfin, les qualités rédactionnelles du docteur sont très largement admises. Dans un domaine - le droit - où l’écrit revêt une grande importance, qu’il s’agisse de l’entreprise (rédaction de contrats, de rapports), de la magistrature (rédaction des décisions de justice), du notariat (rédaction d’actes) ou des avocats (rédaction de conclusions et de consultations), l’atout est de taille. De manière plus générale, au-delà des qualités de style, l’énonciation claire des idées et des concepts est un besoin que l’on retrouve partout.



· Le défaut de pertinence des faiblesses imputées aux docteurs en droit - Pour être dignes d’attention, les faiblesses imputées aux docteurs en droit n’en sont pas moins assez relatives. Reprenons-en quelques-unes.

L’inutilité de la recherche pour la pratique juridique ? Elle dépend essentiellement du sujet de thèse. Comme on le verra plus loin, des recherches pointues peuvent intéresser les entreprises ou les cabinets d’avocats sous certaines conditions. La critique porte donc davantage sur des travaux en particulier que sur le doctorat en général. De manière plus large, la tendance actuelle à la spécialisation des juristes constitue un environnement favorable au développement du doctorat.

On ajoutera que travailler sur un sujet très pointu n’implique pas que les connaissances acquises se limitent à ce sujet. Une recherche sérieuse oblige aussi à en maîtriser les aspects périphériques, d’autant que des approches transversales sont très souvent nécessaires. Ainsi, un doctorant qui aurait travaillé pendant quelques années sur un thème de droit des contrats peut être considéré comme un spécialiste de la matière en général, et il aura vraisemblablement développé des connaissances dans des domaines voisins (par exemple en droit des sociétés, en droit de la vente, en droit public, etc.).

L’incapacité de travailler dans l’urgence ? Ce reproche n’apparaît pas décisif. Certes, la rédaction d’une thèse exige un temps de réflexion peu disponible dans l’exercice d’une activité professionnelle. Mais affirmer que plusieurs années de recherche rendent les docteurs ipso facto incapables de travailler sous la pression paraît franchement excessif. On pourrait au contraire soutenir que les capacités d’analyse et de synthèse développées au cours de la thèse constituent des atouts pour affronter les situations d’urgence. En dernière analyse, il s’agit là surtout d’une question de personnalité, et on ne voit pas pour quelles raisons un étudiant de master serait mieux préparé qu’un docteur à travailler sous la contrainte. Pas d’incompatibilité avec le travail collectif !

L’objection est la même s’agissant de l’aptitude à travailler en commun : ce n’est pas parce qu’un chercheur est parvenu à mener à bien une entreprise solitaire qu’il faut en déduire qu’il est réfractaire au travail collectif ! Si l’on considère les formations dispensées, on s’aperçoit que l’étudiant en master recherche n’est pas mieux loti sur ce plan-là et que l’étudiant en master professionnel ne peut faire valoir en plus qu’un stage de quelques mois en milieu professionnel, ce qui ne constitue pas un avantage décisif.

La solitude du docteur en droit ne doit d’ailleurs pas être exagérée. En premier lieu, il y a des docteurs qui connaissent le monde extra-universitaire pour y avoir travaillé durant leur doctorat ou y avoir rédigé leur thèse, notamment dans le cadre d’une convention Cifre. En second lieu, beaucoup de doctorants sont chargés de travaux dirigés (monitorat, poste d’Ater, vacations). Ils y apprennent le travail en groupe mais également des techniques de management (gestion du rapport d’autorité, organisation de réunions, prise de parole en public, etc.), qui sont des compétences primordiales dans le monde professionnel. On ajoutera que le rôle croissant des écoles doctorales tend à atténuer l’isolement des étudiants.

Des qualités rédactionnelles peu douteuses...

Quant aux critiques portant sur les qualités rédactionnelles des docteurs, elles reviennent à contester la qualité des thèses. L’art de rédiger étant au cœur du doctorat en droit, il n’est pas concevable qu’un étudiant puisse soutenir ses travaux avec succès sans une excellente maîtrise de l’écrit. Et il n’est pas concevable non plus que cette maîrise ne lui donne pas les moyens de faire évoluer sa technique vers d’autres formes d’écrit (conclusions d’avocats, consultations, actes notariés, etc.). Et si un temps d’adaptation peut être nécessaire, il ne devrait pas être supérieur à la moyenne, bien au contraire.

Si ce n’est pas le cas, cela signifie que la thèse est mauvaise. Nul doute que, dans le passé, des travaux de qualité médiocre ont pu aboutir à la délivrance du grade de docteur. Et que cela peut encore arriver. Mais la hausse contemporaine du niveau des thèses est un fait établi. En outre, les écoles doctorales contribuent largement à lutter contre les thèses de mauvaise qualité, ce qui est d’ailleurs l’une de leurs principales missions. En effet, dans un tel cas, les directeurs s’opposent à la soutenance. Les soupçons d’une minorité ne doivent donc pas occulter la réalité : les thèses médiocres ou de complaisance sont en voie de disparition




B. L’accès au marché du travail

Dans les milieux professionnels, la thèse est d’autant plus valorisée qu’elle porte sur un sujet pratique susceptible de répondre à un besoin. Le constat est logique : l’investissement qu’un recruteur sera prêt à réaliser sur un docteur sera proportionnel à l’apport que celui-ci pourra effectuer pour son activité.

L’expérience prouve l’efficacité de cette démarche. En particulier, le taux de docteurs en droit financés par les conventions Cifre qui intègrent une entreprise est de 80 %10. Quant aux directeurs juridiques d’entreprise ou aux cabinet d’avocats, ils regrettent souvent l’absence de thèses pratiques, ce qui atteste a contrario leur intérêt pour ce type de travaux.

Les structures pouvant être intéressées par des thèses pratiques sont très variées. Les principales sont les entreprises (55 % des conventions Cifre sont signées avec des PME et 30 % avec des grandes entreprises) et les cabinets d’avocats de taille importante. Mais on trouve aussi des organismes de droit public, en particulier des collectivités locales. Les thèses techniques appréciées des praticiens

Les sujets qui se prêtent le mieux à ces recherches sont ceux qui portent sur des matières très techniques, comme le droit des nouvelles technologies, le droit de l’environnement, le droit fiscal, le droit financier et boursier, certains pans du droit public. Mais il n’y a pas de règle absolue : une étude de notaires peut être intéressée par une thèse en droit des aliments, une coopérative par une recherche sur les spécificités de certains contrats conclus par ce type de structure, un organisme international par des travaux en droit international public réalisés par un historien du droit...

Lorque la thèse est ainsi valorisée, le docteur en droit peut prétendre à un salaire d’entrée supérieur environ de 10 % à celui offert à un étudiant de master. Cette évaluation est corroborée par une étude du Céreq établissant, pour les docteurs en droit, sciences économiques et gestion intégrant le secteur privé, que « le diplôme de docteur engrange des salaires plus élevés que les masters mais également que les jeunes n’ayant pas achevé la thèse »11. Certes, ce « retour sur investissement » pour le docteur doit être relativisé compte tenu des années consacrées à sa thèse12. Il n’en reste pas moins réel.

Dans une perspective détachée de la problématique du sujet de thèse, le faible taux de chômage incline aussi à l’optimisme quant à l’insertion professionnelle globale des docteurs (y compris dans l’enseignement supérieur). Évalué à 5,1 % pour 2001 en droit, sciences économiques et gestion (taux de chômage à trois ans)13, ce bon résultat est corroboré par les observations faites sur le terrain. Ainsi, le professeur Jean-Marie Pontier, ancien directeur de l’école doctorale de la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille, constate une « intégration réussie avec des débouchés très divers ». Les avocats aux conseils, terre d’accueil pour les docteurs en droit

La profession d’avocat aux conseils constitue un cas particulier car c’est actuellement la seule activité professionnelle dans laquelle la formation doctorale est valorisée en tant que telle. C’est logique puisque l’activité de ces avocats, qui consiste notamment à rédiger les pourvois formés devant le Conseil d’État et la Cour de cassation, requiert à la fois des qualités rédactionnelles et une haute expertise juridique. Les docteurs en droit représentent environ 30 % des effectifs des associés et collaborateurs dans cette profession.

L’édition juridique au sens large (comprenant la presse) peut aussi être intéressée par les compétences des docteurs puisque, là aussi, les deux principales qualités requises des journalistes-rédacteurs dans ce secteur sont de savoir écrire et d’être de solides juristes. Plus précisément, explique Guillaume Deroubaix, directeur éditorial des éditions LexisNexis JurisClasseur, le travail de l’éditeur consiste, dans une première phase, à « livrer l’information juridique », puis, dans une deuxième phase, à « donner du sens » à cette information, notamment en la reliant à d’autres sources. Or, le docteur en droit étant un « expert en recherche documentaire », il est la personne idoine pour accomplir cette mission, d’où la décision d’orienter le recrutement vers cette population.




C. Les bénéfices en cours de carrière




Quelle que soit l’activité exercée, le doctorat en droit peut utilement servir les intérêts de son titulaire. D’une part, le titre est de nature à rassurer la clientèle des professionnels libéraux, ce qui en fait un instrument de captation non négligeable. D’autre part, muni d’une haute expertise juridique et doté d’une bonne image au sein de la profession - ce que Pascal Madrelle, huissier à Châteauroux, appelle un « aspect positif de référencement » -, le docteur en droit est un candidat désigné pour participer aux groupes de réflexion ou intégrer des instances représentatives. Les docteurs en droit sont clairement surreprésentés dans ces organes. Cette implication ne procure généralement pas de revenus supplémentaires directs, mais peut avoir des retombées positives sur l’image du professionnel libéral ou la réputation du juriste d’entreprise, donc indirectement sur ses revenus.

Par ailleurs, et ce quelle que soit la profession, le doctorat en droit, du fait de son caractère universitaire, apparaît comme un élément facilitant une collaboration entre le praticien et la faculté de droit. Le docteur sera alors amené à effectuer des interventions ponctuelles dans un cursus d’enseignement, éventuellement en tant qu’enseignant associé14. Là aussi, le prestige attaché à l’université fait de cette activité accessoire un élément valorisant pour le professionnel.

Si ces différents atouts peuvent se concrétiser au plan professionnel, ils apportent aussi une gratification personnelle au docteur en droit. Ils soulignent ainsi une dimension essentielle du doctorat, qui, en plus d’être un projet professionnel, est une belle aventure humaine. La rédaction de la thèse s’apparente en effet à un parcours initiatique où l’apprentissage sur soi se combine à la fierté d’être allé au bout d’un défi, où la leçon d’humilité donnée par les difficultés de la recherche voisine avec le plaisir intellectuel. Se dessine ainsi une véritable « éthique de la thèse », remarque Jacques Charlin, notaire et ancien professeur associé à l’Université Jean Moulin (Lyon III), qui constitue une source d’enrichissement tout au long de la vie.



III – Éléments de réflexion en vue d’une rénovation du doctorat en droit

Le décalage entre l’image du doctorat en droit dans le monde professionnel et les atouts de la formation doctorale suscitent naturellement des interrogations : quelle est la source du malentendu ? Est-il encore possible de le dissiper ? Comment procéder pour y parvenir ? Avant de dégager quelques pistes de réflexion, il faut surtout bien cerner les raisons pour lesquelles une rénovation du doctorat paraît nécessaire. Les enjeux d’une rénovation

La première raison qui vient à l’esprit est la volonté de sauvegarder le prestige du diplôme. Certes, on l’a constaté, le doctorat, qui reste le grade le plus élevé de l’université, conserve globalement l’image d’une formation d’excellence, y compris dans les milieux professionnels. Mais, pour n’avoir pas su évoluer au cours des dernières décennies, sa valorisation insuffisante en termes d’accès au marché du travail, combinée à l’arrivée dans les milieux professionnels d’un nombre croissant de docteurs connaissant des difficultés pour « rentabiliser » leurs années de recherche, tendent à le discréditer.

Quant à l’université, le doctorat n’y constitue pas un élément de distinction particulier puisque la presque totalité du corps enseignant est titulaire du diplôme. C’est plutôt la réussite au concours d’agrégation qui est ressentie comme prestigieuse. Pourtant, doctorat et agrégation ne se situent pas sur un même plan : le premier récompense un travail de recherche alors que le second sanctionne la réussite à un concours de recrutement dans le corps enseignant, ce qui suppose le choix préalable d’un métier. L’agrégation ne concerne donc pas les docteurs choisissant d’exercer une autre profession. Les deux distinctions n’ont pas la même finalité et ne devraient pas être comparées. Reste que le prestige de l’agrégation fait incontestablement de l’ombre au doctorat.

La modernisation du doctorat paraît ensuite s’imposer pour favoriser l’insertion des docteurs qui n’intègrent pas l’université, soit parce qu’ils ne parviennent pas à obtenir un poste, soit parce qu’ils n’aspirent pas au métier d’enseignant. Or, cette population tend à croître dès lors qu’il est actuellement délivré bien plus de doctorats qu’il n’y a de postes à pourvoir dans l’enseignement supérieur. Et la situation de ceux qui se destinaient à l’université et qui n’y trouvent pas de débouchés est particulièrement préoccupante car ils se retrouvent en situation d’échec ou de précarité. Or, pour de nombreux universitaires, dont Jacques Mestre, doyen honoraire de la Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille, « il est moralement impossible de se désintéresser du sort de doctorants qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des universités ».

Ce constat établi, deux voies pourraient être explorées. La première consisterait à décider une fois pour toutes que le doctorat a une finalité exclusivement universitaire. La résolution du problème des débouchés passerait alors par la mise en place d’un système permettant de délivrer autant de doctorats que de recrutements prévisibles dans l’enseignement supérieur. C’est la démarche implicitement adoptée par les facultés profitant de la réforme LMD pour diminuer le nombre d’étudiants en master recherche.

Cette option serait tout à fait dommageable. D’abord, elle aboutirait à priver les milieux professionnels de la formation la plus élevée de l’université et donc d’une force de travail de qualité. Ensuite, l’université opèrerait un repli sur elle en rupture avec sa vocation (servir le dynamisme de l’économie) et contraire aux politiques d’ouverture au monde professionnel qu’on constate un peu partout ailleurs ; son prestige (et celui du doctorat) en sortirait passablement écorné. Enfin, isoler la recherche de la pratique serait peu constructif, les liens unissant les deux étant sources d’enrichissement mutuel. Ouvrir le doctorat au monde professionnel

La seconde voie, la seule qui paraisse envisageable, est donc d’assurer la promotion du doctorat hors de l’université et de renforcer les débouchés dans les différentes professions du droit. Elle implique un important travail sur l’image du diplôme et une réflexion aboutie sur les réformes à lui apporter, qu’il s’agisse de la pratique universitaire ou de son statut juridique.

Cette orientation postule naturellement que ces débouchés extra universitaires puissent être développés. Plusieurs éléments le laissent supposer. En premier lieu, le fait que les réels atouts de la formation doctorale soient peu mis en avant suggère une marge de progression. Il en va de même, en deuxième lieu, de la comparaison avec la place du doctorat dans différents pays étrangers, en particulier anglo-saxons, où le diplôme est bien mieux perçu qu’en France dans les milieux professionnels. En troisième lieu, le succès rencontré par les écoles doctorales ayant adopté une démarche volontariste de recherche de collaboration avec les entreprises constitue également un motif d’encouragement.

Dans cette perspective, l’évolution du doctorat pourrait être rapprochée de celle qu’ont connue les diplômes universitaires de 3e cycle il y a quelques années. Pour répondre à la concurrence des diplômes délivrés notamment par les écoles de commerce en sciences économiques et en gestion, l’université avait su ouvrir ses formations aux entreprises, notamment avec les anciens DESS devenus des masters professionnels. Tabler sur une recherche doctorale orientée vers la pratique relèverait d’une même logique et pourrait faire face à l’offensive probable des écoles de commerce ou des facultés privés sur ce terrain. Pour le moment, la Chancellerie a confirmé que la délivrance des doctorats demeurait un monopole des universités, mais rien ne dit que cela ne changera pas à l’avenir. Mettre en place une politique du choix des sujets de thèse

L’amélioration des débouchés pour les docteurs repose, en premier lieu, sur la mise en place d’une « politique volontariste » dans le choix des sujets de thèse, estime le professeur Jean Hauser, ancien directeur de l’école doctorale de l’Université Montesquieu-Bordeaux IV. Celle-ci doit être menée sous la responsabilité des directeurs d’écoles doctorales, en collaboration avec les directeurs de thèse. Elle suppose que soit identifiée, pour chaque doctorant, la finalité de la recherche, ce qui permettra de définir le sujet en conséquence.

Pour l’étudiant désireux d’intégrer le monde professionnel, la démarche est avantageuse à un double titre. D’une part, elle peut lui permettre de mettre en place une convention Cifre, ce qui lui garantit le financement de ses travaux, son intégration dans l’entreprise dès le début de son doctorat et son embauche probable après la soutenance. D’autre part, indépendamment de ces conventions, elle renforce ses chances de trouver un emploi en mettant son sujet de recherche en adéquation avec les besoins de la pratique. Il convient alors, pour le directeur de thèse, d’avoir une bonne perception des thèmes « monnayables » sur le marché du travail. Développer les conventions Cifre

La conclusion de conventions Cifre constitue, en deuxième lieu, une voie privilégiée pour rapprocher la formation doctorale des différentes professions du droit. En effet, ce mode de financement des thèses associe étroitement l’université (où se trouve le laboratoire de recherche), l’entreprise et le doctorant, qui déterminent en commun le thème de la recherche. L’étudiant est intégré dans l’entreprise dès le début de ses travaux, où il les mènera à bien sous le contrôle et avec l’aide du laboratoire de recherche.

L’efficacité de ce type de convention est avérée : 69 % des thèses sont soutenues à l’issue de la convention (contre 54 % pour l’ensemble des thèses de droit selon les statistiques du Céreq15), 44 % des doctorants restent dans l’entreprise Cifre, 36 % d’entre eux sont recrutés dans une autre entreprise16.

De 1993 à 2003, 231 conventions ont été signées, ce qui représente 4 % du total des Cifre et 22 % des Cifre en sciences humaines et sociales. C’est relativement peu en proportion, et il est clair que ce mode de financement a davantage vocation à financer les thèses en sciences exactes que les thèses de droit. Reste qu’il semble bien disposer d’un réel potentiel de développement dans le domaine juridique si l’on en croit l’Association nationale de la recherche technique, en charge de ces conventions, qui estime que la France a du retard en la matière par rapport aux pays étrangers. Mieux valoriser la formation doctorale

L’ouverture vers les milieux professionnels suppose également de valoriser la formation doctorale en tant que telle, indépendamment du sujet. L’idée est que, même si ce dernier ne répond pas totalement aux besoins du recruteur, le docteur aura en tout état de cause acquis des compétences qui pourront être utilement exploitées. Cette mise en valeur doit être assurée en amont par les écoles doctorales, ce que beaucoup font déjà, notamment sur les sites Internet des universités. Quant aux docteurs en droit, ils doivent savoir « vendre » leur formation lorsqu’ils passent un entretien d’embauche.

Dégagées précédemment, ces compétences paraissent être les suivantes :

- expertise juridique sur un sujet pointu ;

- culture juridique supérieure à la moyenne ;

- qualités rédactionnelles ;

- capacités d’analyse et de synthèse ;

- autonomie dans le travail ;

- force de caractère et ténacité ;

- aptitude au management en cas d’expérience dans l’enseignement.

La mise en avant de ces atouts, à moduler selon les circonstances, sera d’autant plus efficace que le sujet de thèse sera en relation avec l’activité du recruteur. Une recherche d’emploi bien ciblée suppose donc l’identification au préalable des besoins des entreprises. Continuer la lutte contre les thèses médiocres et de complaisance

Il est avéré que le développement des écoles doctorales et la hausse du niveau général des études rendent les soutenances de thèses médiocres ou de complaisance de plus en plus rares. Il faut le faire savoir et continuer à œuvrer dans ce sens. Il est en effet évident que l’arrivée sur le marché du travail de docteurs de faible niveau nuit considérablement au prestige du diplôme, même s’ils ne représentent qu’une minorité.

Il convient aussi de signaler que, dans l’objectif de donner plus de lisibilité au doctorat, certains enseignants sont favorables à ce que les thèses pratiques soient distinguées des thèses théoriques au plan juridique. Cette option consacrerait l’opposition qui existe, dans les faits, entre les thèses dites « agrégatives » et les autres, les premières étant seules susceptibles d’ouvrir les portes de l’enseignement supérieur (qualification au Conseil national des universités (CNU) et préparation au concours d’agrégation). Cela reviendrait en quelque sorte à réintroduire l’ancienne thèse de 3e cycle.

Une telle initiative, qui relève des pouvoirs publics, présente cependant des inconvénients. Le principal est de créer une hiérarchisation au profit du doctorat sanctionnant la thèse agrégative, à l’image de ce qui existait auparavant, le doctorat d’État étant mieux considéré que le doctorat de 3e cycle. Il n’est pas sûr que la création d’un doctorat à deux vitesses soit de nature à clarifier l’image du diplôme, d’autant que la frontière entre les différents types de thèse est difficile à délimiter et source d’arbitraire. Le gain en termes de lisibilité n’apparaît donc pas évident, d’autant que le niveau et la nature des thèses peuvent se déduire en partie par les mentions obtenues lors des soutenances et par la qualification délivrée par le Conseil national des universités. On observera pour finir qu’une réforme en ce sens serait probablement peu compatible avec la politique d’homogénéisation européenne des diplômes actuellement en cours. Renforcer les échanges d’informations

D’une manière générale, une meilleure circulation de l’information autour du doctorat paraît souhaitable à tous les niveaux : les doctorants doivent connaître la réalité des débouchés professionnels ; les écoles doctorales doivent entretenir des liens avec les milieux professionnels pour déterminer leurs besoins ; les doctorants doivent se rencontrer pour partager leurs expériences et rompre leur isolement.

Sur ce plan-là aussi, la création des écoles doctorales est salutaire. Celles-ci constituent en effet un lieu privilégié d’échanges, à travers l’organisation de conférences, la mise à disposition de documents d’information, ou encore la tenue de réunions avec ses différentes équipes. On osera ajouter qu’il entre également dans l’objet de l’AFDD, par le biais notamment de ses délégations régionales et de la présente revue, de participer à ces échanges.




1 Certes, des concours de recrutement spécifiques permettent à des non-docteurs d’accéder à des postes de maître de conférences ou de professeur, mais cette population ne représente qu’une faible part des effectifs.

2 L’insertion des docteurs – Enquête Génération 2004 – Interrogation 2007, juill. 2010, p. 6. Des études portant sur l’insertion professionnelle des docteurs sont régulièrement mises en ligne sur le site www.cereq.fr

3 Le Céreq dresse le constat suivant, toutes disciplines confondues : « La réalisation de la thèse est davantage un projet étudiant qu’un projet professionnel. C’est en général le bon déroulement des études qui décide les individus à effectuer une thèse, sans que leur insertion professionnelle ultérieure ait été clairement envisagée. Aux dires des docteurs interrogés, les discours et les pratiques des enseignants se focalisent sur le doctorat tout au long du parcours étudiant, cette voie étant considérée comme la filière d’excellence » (D. Martinelli, J.-J. Paul et C. Perret, Emploi public, emploi privé, la difficile conversion des titulaires de thèse, Céreq Bref n° 146, oct. 1998, p. 2).

4 Ce taux serait de 54 % en 2001 pour l’ensemble des docteurs en sciences humaines, contre 78 % pour les docteurs en sciences exactes (Études sur la mobilité des jeunes docteurs, Cereq, nov. 2002, p. 14).

5 V. infra.

6 V. infra.

7 Aux termes de l'article 18-1 du statut de la magistrature (Ord. n° 58-1270, 22 déc 1958), peuvent être nommés directement auditeurs de justice « les docteurs en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d'études supérieures ».

8 L. n° 2004-130, 11 févr. 2004, JO 12 févr. 2004, p. 2847.

9 V. L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 12-1, al. 2 nouv.

10 Les statistiques relatives aux conventions Cifre citées dans le présent article ont été communiquées par l’Association nationale de la recherche technique (ANRT), qui gère ces conventions pour le compte du ministère chargé de la Recherche.

11 Études sur la mobilité des jeunes docteurs, préc., p. 26 et 27. Selon ces travaux, en 2001, tous secteurs confondus, le salaire médian du premier emploi du docteur en droit, sciences économiques ou gestion était de 1 720 euros et celui occupé trois ans plus tard de 1 970 euros.

12 Encore que la réalisation d’une recherche pratique bien amorcée en master peut considérablement réduire la durée des travaux.

13 Études sur la mobilité des jeunes docteurs, préc., p. 10.

14 Les postes d’enseignant associé (professeur ou maître de conférences associé) sont destinés à des praticiens qui, en sus de leur activité professionnelle, donnent des cours sur des thèmes liés à leur domaine de compétence.

15 Études sur la mobilité des jeunes docteurs, préc., p. 25. Cette estimation, faite en 2001, concerne les thèses en droit, sciences économiques et gestion. Les estimations faites sur le terrain laissent cependant entrevoir un pourcentage moindre pour les thèses de droit.

Dans les pays de tradition universitaire anglo-saxonne

Dans le pays de tradition universitaire anglo-saxonne on parle du doctorat ès droits (au pluriel). Il peut s'agir d'un doctorat de recherche ou bien d'un « haut » doctorat honorifique.

Aux États-Unis il existe deux autres doctorats. Il existe également des PhD en droit.

Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande

Au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, le doctorat ès droits est un doctorat décerné après avoir produit de nombreuses publications apportant une importante et originale contribution à la science ou à l'étude du droit.

Au Canada

Au Canada le doctorat en droit Legum Doctor (abrégé LL.D.) est un grade honorifique conféré à des personnalités politiques. Le doctorat en droit Juris Doctor (abrégé J.D.) est un doctorat d'exercise, qui permet de travailler comme avocat.

Au Québec, le doctorat en droit Legum Doctor(abrégé LL.D.) est un grade décerné après des études de troisième cycle en droit. Il ne permet pas de travailler comme avocat sans avoir à suivre par ailleurs la formation du barreau.

Aux États-Unis

On trouve aux États-Unis le diplôme de juris doctor (en abrégé : J.D.) qui est un doctorat d'exercice (doctorat professionnel comme le doctorat en médecine - MD) préparé typiquement en trois ans après un diplôme de premier cycle (undergraduate degree) de quatre ans et un examen de sélection, le Law School Admission Test, dans une école de droit d'une université. Il permet de travailler comme avocat.

Il existe également le grade de doctor of juridical science (J.S.D.) (docteur en sciences juridiques) qui est un doctorat de recherche et qui est relativement rare (diplôme de troisième cycle obtenu après une maitrise). La plupart des professeurs en droit, en particulier dans les meilleures écoles, ne détiennent que le doctorat d'exercice.

Enfin le doctorate of laws (doctorat ès droits) (LL.D) est maintenant un grade purement honorifique.

Pour obtenir le titre d'avocat, il faut avoir obtenu un diplôme reconnu par l'American Bar Association et être admis au barreau d'un État.

Dans les pays de tradition universitaire romano-germaniste En Allemagne

En tant que grade universitaire, une double déclinaison existe en Allemagne pour les docteurs en droit, à savoir:



Dr. iur. (iuris): Doktor der Rechtswissenschaften ou docteur en sciences juridiques



Dr. iur. utr. (iuris utriusque): Doktor „beiderlei Rechte“, ou docteur en droit séculier et canon.

En Belgique

Grade universitaire reconnu, le régime académique des docteurs en droit belge peut être classé par communauté linguistique (Synthèse 2005 pour les universités de droit francophones)

En Espagne

En France

En France, avant la réforme LMD, la première étape du doctorat en droit était l'entrée en DEA, d'emblée scindé entre la recherche en droit privé (section CNU 01), en droit public (section CNU 02) et en histoire du droit (section CNU 03).

Il existait à l'origine deux sortes de doctorat : le doctorat de troisième cycle et le doctorat d'Etat. Ces deux titres ont été fusionnés pour former le doctorat, qui constitue l'actuel doctorat en droit.

L'obtention d'un doctorat en droit dispense de certaines épreuves à l'École nationale de la magistrature et de l'examen d'entrée aux centres régionaux de formation professionnelle des avocats, le docteur devant cependant suivre les enseignements du centre, puis accomplir un stage de 18 mois avant de passer le certificat d'aptitude à la profession d'avocat. Ce grade est indispensable aux candidats à la maîtrise de conférences et aux agrégations de droit privé, de droit public, de science politique et d'histoire du droit et des institutions. Préparation de la thèse

Sujet.

La thèse de doctorat doit porter sur un sujet neuf, sujet à controverse ou de synthèse, apportant sa contribution à la doctrine juridique. Sa finalité n'est pas forcément de combler une lacune dans la pensée juridique mais d'user de rhétorique initiatique.

Durée. La préparation d'une thèse de doctorat en droit (recherches, rédaction) dure en principe trois ans. Selon l'avancement des travaux du doctorant, le directeur de thèse peut autoriser la soutenance de la thèse avant l'expiration de ce délai ; il peut aussi exiger une durée de préparation plus longue : le doctorant doit alors solliciter du Président de l'Université (sur justifications d'un avis de son directeur de recherches) l'autorisation d'accomplir une année supplémentaire.

Présentation. Au cours de la préparation de la thèse, le directeur de recherche et le doctorant tendent à l'élaboration d'un plan cartésien compréhensible par tout juriste, en trouvant les intitulés idoines. Lors de la rédaction de la thèse, l'actualité législative, jurisprudentielle et doctrinale est mise en avant et les aspects de technique rédactionnelle et de synthèse sont évoqués. Afin de respecter la structure binaire traditionnelle du droit français, la thèse de doctorat comprend deux parties. L'archétype d'une telle thèse est un équilibre entre deux parties, divisées en deux titres, eux-mêmes scindés en chapitres.

La thèse en droit elle-même, sans qu'il existe de règle préétablie, avoisine voire dépasse les 500 pages en format A4, écrites en police de caractère 12 sur double interligne. Ces règles informelles de présentation facilitent la lecture des membres du jury. Désignation des rapporteurs et du jury

Lorsqu'il juge que la thèse peut être soutenue, le directeur de recherches désigne deux rapporteurs (professeurs des universités ou maîtres de conférences habilités à diriger des recherches) auxquels le doctorant envoie un exemplaire de sa thèse.

Le chef d'établissement (souvent en accord avec le directeur de thèse et le doctorant) désigne ensuite les membres du jury.

La composition traditionnelle du jury a longtemps été de 5 membres mais avec la réforme de 2006 et la règle paritaire qu'elle instaure le jury tend à revenir à 4 membres sauf pour les thèses co-dirigées ou en co-tutelle.

Le jury comporte désormais :



deux membres « extérieurs » remplissant les fonctions de rapporteur,



deux membres « intérieurs » dont le directeur de recherches remplissant les fonctions de suffragant.

Les membres « extérieurs » ne doivent pas appartenir à l'Université au sein de laquelle l'impétrant est inscrit ou au sein de la même école doctorale (certaines école doctorales peuvent comprendre plusieurs Universités).

Le président du jury est désigné juste avant la soutenance par les membres du jury parmi ses membres hormis le directeur de recherche. Soutenance

Le jour de la soutenance, l'impétrant expose en cinq à dix minutes les raisons qui l'ont conduit à choisir le sujet et de le traiter. Il met en avant les points-clés juridiques de sa thèse. Le directeur de la recherche retrace le déroulement de l'élaboration des travaux, exprime éventuellement des regrets si des points ont été passés sous silence.

La parole est passée au président du jury, qui donne son opinion sur la pertinence juridique de thèse puis interroge le futur docteur.

Il passe la parole aux rapporteurs et au(x) dernier(s) membres du jury qui approfondissent des questions de droit leur tenant à cœur ; les critiques s'expriment tant sur le fond de la thèse (sujet traité, opinions développées, etc.) que sur la forme (grammaire, qualité de l'expression, etc.). Chaque membre du jury peut engager un dialogue avec l'impétrant.

Le jury se retire pour délibérer ou demande au public de se retirer suivant la configuration de lieux.

Le jury revient annonce ensuite sa délibération, qui porte sur l'admission au grade de docteur en droit et la mention accordée : « mention passable », « mention honorable », « mention très honorable » sauf si l'Université a décidé de ne plus délivrer de mentions.

Il peut y adjoindre les félicitation de jury (qui sont désormais toujours délivrées à l'unanimité). Il peut proposer la thèse pour un prix de thèse sauf si l'Université a décidé de ne plus accorder cette distinction. Il peut autoriser la diffusion en l'état (donc la publication) avec éventuellement des corrections. Ces trois éléments sont désormais indépendants les uns des autres.

Une fois docteur, l'impétrant peut porter une simarre noire portant l'épitoge correspondant à son grade mais cet usage, dont plusieurs tableaux témoignent (par exemple, La soutenance) ne persiste de nos jours que pour des collations de doctorat particulièrement solennelles telles que les collations de doctorats honoris causa (voir plus bas).

Une fois la proclamation des résultats faite, et le grade de docteur décerné verbalement, le président du jury peut alors accrocher l'épitoge à trois rangs (bac, licence et doctorat) sur l'épaule gauche de la simarre du candidat. De manière symbolique, certaines universités attribuent au nouveau doctorant une épitoge miniature, portée à la boutonnière durant la réception suivant la soutenance.

Publication des thèses

Les thèses publiées le sont généralement dans des collections spécialisées qu'offrent les principaux éditeurs juridiques.

Il n'y a pas encore en France de politique qui dépasse la dichotomie entre thèses en droit privé ou en droit public. Or à l'évidence, au même titre que la veille juridique doctrinale, une politique de promotion de la recherche juridique qui systématise pour l'ensemble des facultés la publication ou du moins la mise en ligne en base de données (outre celle des sujets de thèses), serait un saut qualitatif évident. Un même raisonnement pourrait valoir pour les travaux de qualité des masters juridiques en cours d'émergence avec la réforme LMD lancée à Bologne.

Or cette réflexion de haut niveau et validée par le corps universitaire, dont la mise en valeur est encore insuffisante, contribue directement à l'expression de la réflexion juridique française trop souvent absente à l'échelle internationale comme le constate l'association Capitant qui s'attache à promouvoir la culture juridique française.

En ce début de XXIe siècle pour l'ensemble des branches du droit dont les interactions tentent à s'accroître avec la complexification endémique du droit, cette base de données intégrant l'ensemble des branches de droit, Masters et écoles doctorales, symbole concret des décloisonnements universitaires, pourrait trouver rapidement sa place au sein des autres disciplines des sciences humaines et sociales françaises, francophones et européennes.

En Italie

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En Pologne

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En Suisse

Le grade de docteur en droit est un grade universitaire qui marque l'aboutissement de l'apprentissage en droit. Voir aussi



Diplôme d'études universitaires générales de droit



Diplôme universitaire de technologie - Carrières juridiques



Licence en droit

Liens externes



Europe Association européenne des docteurs en droit



Belgique Écoles doctorales belges - Communauté française



France Association française des docteurs en droit

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jeudi 6 septembre 2012

____Tombouctou, Centre intellectuel de l'Afrique Noire médiévale.. Soundjata Kéita, Les Créatures de l'esprit -fondateur de l’empire du Mali // 2-Destruction des mausolées de Tombouctou : un "crime de guerre" CPI



Soundjata Kéita, fondateur de l’empire du Mali

© http://perso.wanadoo.fr/laurent.berte

Il est admis que la ville de Tombouctou, qui se trouve actuellement dans la République du Mali, fut fondée approximativement au 12e siècle. Cette cité eut dès sa création un extraordinaire potentiel stratégique, étant donné qu'en plus de se trouver au bord du fleuve Niger, elle avait Gao à l'est, c'est-à-dire le centre névralgique des affaire avec l'Orient; et à l'ouest Walata, la porte menant aux mines de sel qui à cette époque pouvait valoir jusqu'à deux fois son pesant d'or. Au Nord, se trouvaient le Maghreb et la mer Méditerranée, et au sud des royaumes qui s'étendaient jusqu'à l'océan atlantique. Profitant de la protection offerte par l'Empire du Mali, puis ensuite celui des Songhaï, Tombouctou se convertit rapidement en un centre commercial, culturel et scientifique d'envergure exceptionnelle.

Dès la fondation de l'Empire du Mali par Soundjata Keita circa 1230, Tombouctou commence à avoir une importance de plus en plus grande. Mais la cité entre par la grande porte de l'Histoire universelle durant le règne de l'Empereur Kankan Moussa (qui régna de 1312 à 1337), frère et successeur de l'Empereur explorateur Aboubakar II. En 1324, Kankan Moussa entreprend son pèlerinage à la Mecque, avec une fastueuse escorte de plus de 60000 hommes-soldats. A cette époque, son Empire, plus grand que toute l'Europe occidentale, produisait la moitié de tout l'or du monde: Kankan Moussa avait donc avec lui, le partageant gracieusement sur son chemin, plus de 11 tonnes d'or qui perturberont la côte de l'or à la bourse du Caire pendant 12 ans. Il rentrera de ce pèlerinage en 1325, ramenant avec lui un grand nombre de docteurs, d'érudits, d'intellectuels et de lettrés de tous types, principalement attirés par sa richesse. Parmi eux se trouve l'architecte arabe d'origine andalouse Abu Ishaq es-Saheli, qui sera chargé de construire la fameuse cité de Djingareyber. La réputation de Tombouctou comme cité de l'or, de la science et de la culture trouve son origine à cette époque.

Représentation de Kankan Moussa avec l’une de ses légendaires pépites d’or

© itinerariafricani.net

Mais sans doute Tombouctou atteint son âge d'or sous la bannière de l'Empire Songhaï, et plus precisement sous la dynastie des Askias. Effectivement, l'Askia Mohammed (Mamadou) Touré arrive au pouvoir en 1493, après avoir detrôné le fils de Sonni Ali Ber. Cet officier militaire d'origine soninké impose une organisation economique, administrative et militaire dont l'efficacité ne put que difficilement être atteinte par les autres empires de son temps. Il fait son pélérinage à la Mecque en 1495, revient avec le titre de Calife, et decide d'intensifier la politique de développement intellectuel et scientifique de Tombouctou. Ainsi, au début du 16e siècle, la cité de Tombouctou a plus de 100 000 habitants, dont 25000 étudiants, tous scolarisés dès l'âge de 7 ans dans l'une des 180 écoles coraniques de la cité. Tombouctou avait donc l'un des taux d'alphabétisation les plus élevés du monde à cette époque.

Le joyau de ce système éducatif était l'Université de Sankoré, une Université ou s'étudiaient la théologie, le droit coranique, la grammaire, les mathématiques, la géographie et la médecine (les médecins de Tombouctou étant particulièrement réputés pour leurs techniques de chirurgie occulaire dont le traitement de la cataracte par exemple). La splendeur de cette Université se manifestait alors par des échanges avec les Universités de Fès, de Cordoue, et surtout avec l'Université Al-Azhar du Caire.

C'est aussi ce qui explique pourquoi l'Empereur Kankan Moussa et son vaste empire figuraient sur les meilleures cartes géographiques du 14e siècle. Sur la plus fameuse d'entre elles, il tient une pépite d'or à la main.

Tombouctou aujourd’hui

© africamaat.com

De tous les érudits de Tombouctou, le plus fameux fut sans aucun doute Ahmed Baba (1556-1627), un scientifique, théologien, philosophe et humaniste prolifique, auteur de plus de 50 livres traitant tous de sujets différents, et qui fut recteur de l'Université de Sankoré. Pour rencontrer cet ancien disciple du savant Mohammed Bagayoko, les erudits de toutes les pays musulmans venaient régulièrement à Tombouctou.

L'attraction que Tombouctou exerçait sur les intellectuels du monde musulman se révèle dans les "Tariks", chroniques écrites par des lettrés musulmans (arabes ou non) décrivant les évènements et l'actualité de leur temps. Le Tarik le plus célèbre à propos de Tombouctou et du Soudan Occidental est le "Tarik es-Soudan", écrit par Abdelrahman es-Saadi (1596-1656) Soudan signifie "Pays des Noirs" en arabe, et le Soudan occidental désigne l'Afrique occidentale actuelle. Cet érudit de Tombouctou décrivait sa cité natale comme étant "exquise, pure, délicieuse, illustre cité bénite, généreuse et animée, ma patrie, ce que j'ai de plus cher au monde". Tout aussi célèbre est le "Tarik es-Fettah" écrit par Mahmoud al-Kati, le neveu, trésorier et conseiller de l'Askia Mohammed Touré. Selon cet auteur, Tombouctou était caractérisée par "la solidité des institutions, les libertés politiques, la pureté morale, la sécurité des personnes et des biens, la clémence et la compassion envers les pauvres et les étrangers, la courtoisie à l'égard des étudiants et des Hommes de Science". Il peut être intéressant de mentionner la particulière ascendance de Mahmud al-Kati ("al-Kati" est une déformation de l'arabe "al-Quti", le Goth): il était le fils d'une nièce de l'Askia, et de Ali Ben Ziyad, un Wisigoth islamisé qui décida de fuir les persécutions religieuses du sud de l'Espagne, traversant tout le Maghreb pour s'établir définitivement au "Pays des Noirs".

Livre de Kati Dalail (1485)

Livre de Kati Dalail (1485)

Une autre fameuse description de Tombouctou trouve son origine dans la visite faite en 1512 par Léon l'Africain, un musulman de Grenade (né comme Al Hassan ibn Muhamad al-Wazzan) qui dût aussi fuir l'Andalousie avec toute sa famille en 1494, devant l'intégrisme chrétien des Castillans. Après avoir vécu au Maghreb, puis à Rome où il se mit sous la protection du pape Léon X (qui le baptisa en lui donnant son nom), il écrivit sa fameuse "Description de l'Afrique" où il affirma à propos de Tombouctou: "On y vend beaucoup de livres venant de Berberie, et on tire plus de bénéfice de ce commerce que de toutes les autres marchandises" (rappelons que Tombouctou se trouvait au centre d'un Empire qui produisait la moitié de tout l'or du monde). Car effectivement, la cité comptait plus de 80 bibliothèques privées, la bibliothèque personnelle de Ahmed Baba par exemple était riche de plus de 1700 livres, sans être selon ses propres dires la plus grande de la ville: c'est que malgré ses immenses richesses et sa puissance économique, Tombouctou se voulait plus une cité de Savoir et de Science qu'une cité de commerce.

Représentation de la ville au 19è siècle © herodote.net

L'âge d'or de l'Empire Songhaï et de Tombouctou se termine à la fin du 16e siècle. En 1591, le Sultan marocain Ahmed el-Mansur y envoie une expédition militaire de mercenaires dirigés par un renégat espagnol, le pacha Youder. Ils vaincront les armées songhaï lors de la décisive bataille de Tindibi, puis entrent par la suite à Tombouctou. En 1593, le Sultan marocain décide de prendre le plus précieux de Tombouctou: il ordonne l'arrestation de tous les intellectuels, docteurs et lettrés de Tombouctou, et leur déportation à Marrakech (ainsi fut exilé Ahmed Baba, qui fut ensuite contraint par la force à enseigner à l'Université de Marrakech).

Abderahman es-Saadi relatera les circonstances de cette invasion: "Les gens du Pacha pillèrent tout ce qu'ils purent trouver, faisant mettre à nu hommes et femmes pour les fouiller. Ils abusèrent ensuite des femmes.(...) Parmi les victimes de ce massacre on comptait neuf personnes appartenant aux grandes familles de Sankoré: le très docte jurisconsulte Ahmed-Moyâ; le pieux jurisconsulte Mohammed-el-Amin, (etc...). Mais surtout, comme le dira Mahmoud al-Kati dans son Tarik el-Fettah, orpheline de ses érudits, docteurs et lettrés, "Tombouctou devint un corpssans âme".

Plaque en mémoire de René Callié © .tombouctou.net

Tombouctou ne réussira plus à regagner son prestige d'antan. Pourtant, lorsque René Caillé arriva à Tombouctou en 1828, il ne pourra s'empêcher de s'extasier: "Les habitants sont doux et affables envers les étrangers, ils sont industrieux et intelligents dans le commerce qui est leur seule ressource... Tous les Nègres de Tombouctou sont en état de lire le Coran et même le savent par cœur". Même 140 ans après avoir perdu son indépendance, Tombouctou pouvait encore s'enorgueillir d'avoir une population à 100% alphabétisée, ce dont presque aucune autre ville au monde ne pouvait se prévaloir.

Tombouctou est aujourd'hui classée comme patrimoine de l'Humanité par l'UNESCO. Un programme a été mis sur pied pour protéger et restaurer les quelques 15.000 manuscrits qui sont aujourd'hui accessibles et qui datent de l'époque médiévale. On estime à quelques 100 000 le nombre de documents en circulation qui datent de la même époque et dorment dans des bibliothèques privées.

Autant de témoignages précieux sur ce que fut, et sera à jamais, Tombouctou.

Mise à jour 2/9/2012 : Fin juin et début juillet 2012, les islamistes radicaux d'Ançar Eddine ayant pris le contrôle de la ville de Tombouctou ont détruit sept mausolées de saints musulmans de la ville qui tourne actuellement au ralenti, désertée par une partie de ses habitants.(1)

Destruction des mausolées de Tombouctou : un "crime de guerre" selon la CPI

Le Monde.fr avec AFP | 01.07.2012 à 11h43 • Mis à jour le 01.07.2012 à 19h57

La ville de Tombouctou, inscrite jeudi sur la liste du patrimoine mondial en péril par l'Unesco à la demande du gouvernement malien, va-t-elle subir le même sort que les majestueux Bouddhas de Bamyan, en Afghanistan, qui n'ont pas survécu aux talibans et à leurs alliés d'Al-Qaida ? Située à environ 1 000 km au nord de Bamako, Tombouctou est contrôlée depuis le 1er avril par des groupes armés, dont des djihadistes.

Surnommée "la cité des 333 saints" ou plus banalement "la perle du désert", inscrite au patrimoine mondial par l'Unesco depuis 1988, elle a été un haut-lieu du tourisme mais était déjà très affectée par la présence dans le nord malien d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).

  • SEPT MAUSOLÉES DÉTRUITS

Samedi, les combattants d'Ansar Eddine ont détruit au moins trois mausolées de saints musulmans de la ville. Tôt samedi matin, "une équipe d'une trentaine de combattants se sont dirigés vers le mausolée de Sidi Mahmoud, dans le nord de la ville, qu'ils ont encerclé", a expliqué un témoin, travaillant pour un média local, qui a assisté à l'opération. "Certains avaient des armes. Ils n'ont pas tiré. Alors, ils ont commencé par crier : "Allah akbar !, Allah akbar !" ("Dieu est grand ! Dieu est grand !") et avec des pioches et des houes, ils ont commencé par casser le mausolée. Quand un grand bloc du mausolée est tombé sur la tombe, ils ont commencé par crier encore "Allah Akbar !" et après, ils sont allés vers un autre mausolée", a ajouté cet homme

Selon plusieur témoins, les islamistes d'Ansar Eddine ont détruit les mausolées de Sidi Mahmoud, Sidi Moctar et Alpha Moya, en quelques heures. Le groupe armé qui a menacé de s'en prendre à tous les mausolées de Tombouctou a poursuivi ses destructions dimanche. Les combattants se sont attaqués à coups de houes et burins aux quatre mausolées, dont celui de Cheikh el-Kébir, situés dans l'enceinte du cimetière de Djingareyber (sud), selon un témoin présent sur les lieux.

Lire : A Tombouctou, les islamistes détruisent les mausolées musulmans

Lire : Tombouctou, épicentre du nouvel obscurantisme islamiste africain

"UN CRIME DE GUERRE"

Le Mali a appelé dimanche les Nations unies à prendre des mesures après ces destructions "criminelles". "Le Mali exhorte l'ONU à prendre des mesures concrètes pour mettre fin à ces crimes contre l'héritage culturel de la population", a déclaré la ministre malienne des arts, du tourisme et de la culture, Diallo Fadima, lors d'une réunion de l'Unesco à Saint-Pétersbourg.

La procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a déclaré dimanche que la destruction en cours de mausolées était "un crime de guerre" passible de poursuites de la CPI. "Mon message à ceux qui sont impliqués dans cet acte criminel est clair : arrêtez la destruction de biens religieux maintenant. C'est un crime de guerre pour lequel mes services sont pleinement autorisés à enquêter", a déclaré Mme Bensouda à Dakar.

Elle a précisé que l'article 8 du statut de Rome portant création de la CPI stipulait que "les attaques délibérées contre des bâtiments civils non protégés qui ne sont pas des objectifs militaires constituent un crime de guerre. Cela inclut les attaques contre les monuments historiques, tout comme la destruction de bâtiments dédiés à la religion".



Tombouctou, ville du nord du Mali contrôlée depuis fin mars par les islamistes, a été inscrite jeudi 28 juin sur la liste du patrimoine mondial en péril par l'Unesco à la demande du gouvernement malien.

Tombouctou, ville du nord du Mali contrôlée depuis fin mars par les islamistes, a été inscrite jeudi 28 juin sur la liste du patrimoine mondial en péril par l'Unesco, à la demande du gouvernement malien.

Crédits : REUTERS/LUC GNAGO

LES 333 SAINTS DE LA VILLE

La cité a été fondée entre le XIe et le XIIe siècle, selon les documents, par des tribus touareg. Les mausolées de saints musulmans sont considérés comme des protecteurs dans la ville. "Il y a 333 saints à Tombouctou, on sait exactement où ils sont enterrés, entre les cimetières, les mausolées ou de simples tombeaux. Il y a 16 mausolées, bien construits", généralement en terre crue, "les sépultures sont là, on peut les visiter", explique, sous couvert d'anonymat, un expert malien de ces questions, originaire de la ville.

Selon lui, ces personnages vénérés, qui valent à Tombouctou son surnom de "cité des 333 saints", "représentent ceux que, dans la culture occidentale, on appelle saints patrons". Il y en a qui sont sollicités "pour les mariages, pour implorer la pluie, contre la disette..." Les mausolées des saints ont une grande importance à Tombouctou et sont "des composantes essentielles du système religieux dans la mesure où, selon la croyance populaire, ils étaient le rempart qui protégeait la ville de tous les dangers", affirme l'Unesco sur son site.

Ces sites, importants lieux de recueillement, sont situés en ville ou dans des cimetières en périphérie de la cité avec des tombes portant des stèles et autres insignes funéraires. Les cimetières de Sidi Mahmoud, dans le nord de la ville, et d'Alpha Moya (ou Alpha Moya Idjé Tjina Sare), dans l'est de la cité, sont parmi les mausolées les plus visités par les pèlerins. Ces deux mausolées et celui de Sidi Moctar (ou Sidi el Moctar), dans le nord-est de la ville, sont les trois qui ont été détruits samedi par les islamistes dAnçar Eddine, prônant l'application de la charia (loi islamique) à travers tout le Mali. Ançar Eddine va continuer la démolition de tous les sites similaires, "sans exception", selon un de ses porte-parole, Sanda Ould Boumama. Tombouctou compte également trois grandes mosquées historiques (Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia).

MILLIERS DE MANUSCRITS

La ville est également célèbre pour ses dizaines de milliers de manuscrits, dont certains remontent au XIIe siècle, et d'autres de l'ère pré-islamique. Ils sont pour la plupart détenus comme des trésors par les grandes familles de la ville.

Avant la chute de Tombouctou aux mains des groupes armés, environ 30 000 de ces manuscrits étaient conservés à l'Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba (Ihediab, ex-Centre de documentation et de recherches Ahmed Baba), fondé en 1973 par le gouvernement malien. Possession des grandes lignées de la ville, ces manuscrits, les plus anciens remontant au XIIe siècle, sont conservés comme des trésors de famille dans le secret des maisons, des bibliothèques privées, sous la surveillance des anciens et d'érudits religieux. Ils sont pour la plupart écrits en arabe ou en peul, par des savants originaires de l'ancien empire du Mali.

Des manuscrits dans une bibliothèque de Tombouctou, le 1er juillet 2012.

Ces textes parlent d'islam, mais aussi d'histoire, d'astronomie, de musique, de botanique, de généalogie, d'anatomie... Autant de domaines généralement méprisés, voire considérés comme "impies" par Al-Qaida et ses affidés djihadistes.

Des bureaux de l'Ihediab ont été saccagés plusieurs fois en avril par des hommes en armes, mais les manuscrits n'ont pas été affectés. Par mesure de sécurité, ils ont été transférés vers un lieu "plus sécurisé", selon des défenseurs maliens de ce patrimoine. Dans une déclaration commune diffusée le 18 juin, les bibliothèques de Tombouctou affirment qu'aucun détenteur de manuscrit n'a été menacé, mais soulignent que la présence des groupes armés les "met en danger".

En plus de la ville de Tombouctou, l'Unesco a aussi inscrit jeudi sur la liste du patrimoine mondial en péril le Tombeau des Askia, un site édifié en 1495 dans la région de Gao, autre zone sous contrôle de groupes armés depuis fin mars. Des combats, qui ont fait au moins 20 morts, ont opposé mercredi à Gao des combattants touareg et des islamistes. Ces derniers en ont pris le contrôle total, selon de nombreux témoins.

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/07/01/la-destruction-des-remparts-protecteurs-de-tombouctou_1727539_3212.html

http://www.grioo.com/info5511.html

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__Matrix.. Analyse de la Substance Pensante ! **Évolution des consciences, New-Age, Philosophie, Critique politique, Critique sociale, Révolutions, Spiritualité. “Qu’est-ce vraiment que Matrix?" : Matérialiser son monde à travers le corps: Réflexion

Face à l’absurdité de la Non-Conscience, (Obscurité, dualité, Violence, ténèbre…), c’est la CONSCIENCE en mouvement (Fusion des opposés – Yin/Yang) qui triomphe toujours au final pour maintenir la Vie dans un Juste équilibre. (D’une façon ou d’une autre !)

"Ce qu'il faut que tu comprenne, c'est que pour la plupart ils ne sont pas prêt à se laisser débrancher, bon nombre d'entre eux sont tellement inconscient et désespérément dépendant du système, qu'ils vont jusqu'à se battre pour le protéger !"

Matrix – Analyse de la Substance Pensante ! *



La Trilogie Matrix a été adapté au cinéma à Partir d’écrits, de livres. Ces écrits, ont été conçus à la base, pour diffuser au plus grand Nombre un message. Ce message est de l’ordre de l’initiation. Or comme toute quête du bonheur est initiatique : Avec un début et une Fin (Alpha et Oméga) agissant sur les Trois Plans (Corps, Âme, Esprit), d’où la trilogie. Et si possible, avec une fin la meilleure possible. :-)

MATRIX

1) Introduction

Pour moi, Matrix c’est :

  • Un film qui pose une question politique (au sens large du terme)

et qui renforce ce questionnement en faisant appel à de nombreux concepts philosophiques en illustrant ces concepts de façon extrêmement ludique le tout dans un cadre de science-fiction qui est une métaphore très acide de notre société.

Qu’est-ce vraiment que Matrix ? InterObjectif | Catégorie(s): Évolution des consciences, New-Age, Philosophie, Politique, Révolutions, Spiritualité

par Vincent Clavien

http://interobjectif.net/qu-est-ce-vraiment-que-matrix/

Le texte qui suit est une sorte de synthèse personnelle au sujet de la trilogie Matrix.

réalisé par les "frères" Andy et Larry (Laurence) Wachowski : Matrix Synthèse entre des idées personnelles et des idées glanées ici et là, au fil de discussions ou de lectures. Je ne veux donc pas donner l’impression de revendiquer l’originalité tout ce que vous allez lire dans les pages qui suivent, mais j’ai essayé de rassembler un maximum d’idées (qui me semblaient pertinentes) en un tout cohérent, afin de donner un certain éclairage sur cette œuvre très riche.

MATRIX

1) Introduction

Pour moi, Matrix c’est :

un film qui pose une question politique (au sens large du terme) et qui renforce ce questionnement en faisant appel à de nombreux concepts philosophiques en illustrant ces concepts de façon extrêmement ludique le tout dans un cadre de science-fiction qui est une métaphore très acide de notre société.

Avec plein d’explosions.

Non mais je suis sérieux. Le film est politique dans le sens où il pose au spectateur la question :

Q: Quelle attitude choisissez-vous d’adopter face au monde dans lequel vous vivez ?

En définitive, Matrix propose au spectateur deux alternatives, que Morpheus présente à Néo sous la forme de deux pilules "Choisis la pilule bleue et tout s'arrête : après tu pourras faire de beaux rêves et penser ce que tu veux. Choisis la pilule rouge, tu restes au pays des merveilles, et on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre. N'oublie pas : je ne t'offre que la vérité rien de plus." : dans la Matrice ou contre la Matrice.

Ce choix binaire, dualiste, rencontre naturellement un écho très fort dans de nombreux domaines et de nombreuses doctrines : passif ou actif, réaliste ou idéaliste, collabo ou résistant, matériel ou spirituel, rationnel ou émotionnel, conservateur ou progressiste, Nord ou Sud, etc. En tant que choix de vie, on peut le formaliser le plus généralement possible en utilisant la terminologie de l’analyse institutionnelle : d’un côté, l’individu institué (qui vit au sein d’une institution déjà existante en essayant de la préserver de tout changement), et de l’autre, l’individu instituant (qui crée, modifie ou renverse une institution). Précisons que dans cette optique, le mot « institution » doit se comprendre au sens large, pouvant désigner aussi bien une civilisation qu’une association de pétanque, une école, une entreprise, une famille ou une prison ; autrement dit : tout groupe lié à un certain lieu par un certain nombre de règles et une certaine hiérarchie.

La grande question de Matrix porte donc sur la relation entre l’individu et le système dans lequel il vit : L’individu au service du système ou le système au service de l’individu ?

Nous allons cependant voir que le pouvoir évocateur de Matrix est loin de rester aussi vague ou général.

2) Critique sociale

Passons en revue les caractéristiques de cet élément central, qui donne son titre à l’œuvre : la Matrice.

"Ce qu'il faut que tu comprenne, c'est que pour la plupart ils ne sont pas prêt à se laisser débrancher, bon nombre d'entre eux sont tellement inconscient et désespérément dépendant du système, qu'ils vont jusqu'à se battre pour le protéger !"

La Matrice est un système inhumain (créé et géré par des machines) qui exploite l’individu comme une pile jetable, dans le seul but de continuer à fonctionner. Ce système utilise une réalité factice pour maintenir les individus sous contrôle en leur imposant un univers virtuel et des règles artificielles qui leur sont donnés comme des réalités impossibles à remettre en question. Ajoutons que ces individus sont complètement séparés les uns des autres (car « stockés » chacun dans une capsule distincte) et endormis dans une position et un milieu qui évoquent celui du fœtus humain. L’individu est totalement passif et ses besoins vitaux sont entièrement pris en charge de façon mécanique (par le biais de multiples cordons « ombilicaux » qui renvoient également à l’image du fœtus) et en introduisant une certaine forme de cannibalisme : ce sont les cadavres des individus ayant terminé leur vie dans la Matrice qui, liquéfiés, servent de nourriture aux individus « actifs ».

On peut facilement voir dans cette description une critique acide de notre société. Le contexte de Matrix est fondamentalement subversif dans la mesure où il incite le spectateur à remettre en question le système dans lequel il vit, la culture qu’on lui impose, l’ordre établi, le système politique qui ne se soucie pas de lui, la société d’information qui le fait vivre dans un rêve, la société de consommation qui le fait régresser à l’état de fœtus, le système économique qui le traite comme du simple carburant et l’utilise comme un élément parfaitement remplaçable (voir la façon dont Néo est évacué de la Matrice lorsque la « machine-surveillante » s’aperçoit qu’il n’est plus à sa place), etc…

Dans « Kid’s Story » (l’un des neuf épisodes qui constituent Animatrix), c’est d’abord le système scolaire qui est montré comme étant du côté de la Matrice, puis les théories des psychologues qui tentent d’expliquer l’acte désespéré (et pourtant plein d’espoirs) de l’enfant : « Refus de la réalité », entendra-t-on notamment. C’est ainsi le concept même de « réalité » qui est mis en évidence comme une construction culturelle, artificielle.

Mais plus précisément — pour en revenir aux caractéristiques de la Matrice —, ce tableau est une description assez pertinente d’une société soumise au dogme du néo-libéralisme : les individus ne sont là que pour servir le « système » (les grandes entreprises ou même, plus simplement, l’économie en place), ils sont écartés autant que possible de toute vie politique, découragés et déresponsabilisés (notamment grâce aux médias), séparés les uns des autres et transformés en consommateurs passifs (consommateurs de biens autant que d’informations — information par ailleurs largement orientée, voire fabriquée) en lieu et place de citoyens. Et le mot d’ordre « liberté de marché — concurrence — chacun pour soi » débouche (symboliquement en tout cas) sur le cannibalisme déjà évoqué. Pas d’états d’âme, l’homme doit être un loup pour l’homme et pour son environnement.

3) Critique politique

Une scène en particulier vient corroborer cette dernière comparaison. Le personnage-traître du premier film, Cypher, regrette d’avoir été réveillé de son rêve et souhaite retrouver définitivement la passivité confortable de la Matrice — en grappillant quelques avantages au passage. Lors d’un dîner incognito dans un grand restaurant (à l’intérieur de la Matrice), il en discute avec l’agent Smith et pose les conditions de sa collaboration contre la résistance humaine : « Je veux retourner dans la Matrice. Je ne veux me souvenir de rien. Et je veux y être quelqu’un de riche et célèbre… un acteur par exemple. » Ce à quoi l’agent répond : « Comme vous voudrez, M. Reagan. »

L’allusion à Ronald Reagan (qui fut acteur avant de devenir président) est bien trop appuyée pour être le fruit d’un simple hasard. Elle fait d’ailleurs généralement rire le spectateur. Il n’en demeure pas moins que, historiquement, Reagan est généralement considéré comme l’icône du conservatisme et du néo-libéralisme. Ce n’est donc pas un hasard si c’est lui, entre tous, qui souhaite la victoire de la Matrice. Une victoire dont il profiterait d’ailleurs grandement, quoique de façon illusoire (car virtuelle) et purement égoïste (car au détriment de l’espèce humaine, en entravant sa libération).

Dans Matrix Reloaded, un autre détail vient une fois encore consolider cette thèse. Lorsque Néo rencontre l’Architecte de la Matrice, celui-ci lui explique qu‘en mettant au point la Matrice, les machines se sont rendues compte que les humains ne parvenaient pas à vivre dans une simulation de monde parfait. Les machines (et l’Architecte) durent donc concevoir une nouvelle Matrice en tenant compte de toutes les « anomalies » de l’Histoire humaine et en les intégrant au monde virtuel de la Matrice, ceci afin que les humains s’y sentent à l’aise et acceptent d’y vivre. Accompagnant les propos de l’Architecte, une myriade d’écrans de télévision diffusent à ce moment des images historiques (documents d’actualité, etc.) illustrant les « anomalies » de l’Histoire humaine. Parmi ces images, on n’est pas surpris de voir surgir celle d’Adolf Hitler. Mais aussi celle de… Georges W. Bush (également ultra-conservateur et artisan zélé du néo-libéralisme).

4) Contestation

Matrix s’oppose à cette « réalité » et se charge de replacer l’humain au centre du monde, tandis que Matrix Reloaded le place face à ses responsabilités, par le biais de la thématique du choix et de la motivation.

Matrix propose donc une autre voie et nous dit en substance : « Ce monde n’est pas une fatalité ; vous avez le pouvoir de le changer, et vous en avez le devoir. Les règles qu’on vous a inculquées comme étant naturelles sont totalement artificielles. Vous pouvez les contourner et les retourner contre ce système. » Un propos subversif qui rejoint donc totalement la contestation grandissante des mouvements dits alter-mondialistes, opposés à une société soumise aux intérêts financiers d’une infime minorité.

La description de Zion (dernier bastion de l’humanité face aux machines, que l’on découvre dans Matrix Reloaded après en avoir entendu parler dans Matrix), est donc loin d’être anodine et évoque fortement ce fameux « village mondial » alternatif, communautaire et festif, fortement métissé (reflétant les proportions des populations de la planète), et par là-même égalitaire (dans la mesure où il évacue l’idée qu’une minorité occidentale domine et exploite le reste du monde).

Il est d’ailleurs intéressant de recenser les innombrables emprunts de Matrix (et plus encore de Matrix Reloaded) aux différentes cultures du monde. Toutes les grandes cultures semblent représentées d’une manière ou d’une autre dans ces films, mais une — et une seule — d’entre elles est indissociablement liée à la Matrice : la culture américaine. Principale illustration de cette idée : les « agents », forces de l’ordre de la Matrice, sont dépeints comme une sorte d’archétype de l’agent du FBI. Comment ne pas faire de parallèle avec les USA, gardiens auto-proclamés du « monde libre » et surtout de l’ordre capitaliste ? Et pourtant ce sont les « méchants » du film ! C’est sur eux qu’il faut tirer, c’est leur camp qu’il faut combattre !

La lutte contre l’agent Smith a une signification plus particulière. Dans Matrix, Smith est principalement perçu comme un agent parmi d’autres, rien de plus qu’un programme de contrôle de la Matrice. Cependant, bien qu’il ne dévie pas fondamentalement de ce rôle durant le film, il va progressivement se distinguer des autres agents. D’abord par son nom (les autres agents n’en ont pas, ou en tout cas nous l’ignorons), bien qu’on puisse supposer que ce nom soit avant tout une forme de plaisanterie de sa part (« Smith » étant l’exemple-type du nom de famille ordinaire dans le monde anglophone) en même temps qu’un symbole du caractère anonyme et impersonnel des agents, et par extension un symbole du caractère insaisissable du système de contrôle de la société, qui imprègne et peut s’exprimer par chaque individu relié à elle.

Mais aussi (et surtout), Smith se distingue de ses « collègues de travail » par sa grande implication émotionnelle dans la traque qu’il mène contre Morpheus et son groupe (tandis que les autres agents conservent une attitude neutre et impersonnelle quels que soient les événements auxquels ils font face). Cette caractéristique atteint probablement son sommet lors de l’interrogatoire de Morpheus, lorsque Smith demande à rester seul avec le prisonnier, coupe la communication qui le relie aux autres agents et à la Matrice (son oreillette), et s’adresse de façon très informelle à Morpheus.

Smith exprime alors une gamme d’émotions très primaires (colère, dégoût) et avoue ne plus supporter l’odeur des humains, qui imprègne selon lui la Matrice. Si l’on considère que l’odorat est, en terme d’évolution du règne animal, l’un des sens qui est apparu le plus tôt, autrement dit l’un des sens les plus primitifs et les plus intimement liés aux émotions, on comprend vite qu’il y a une grosse contradiction avec la nature sophistiquée qui est censée être celle de Smith, programme informatique perfectionné qui devrait être totalement indépendant des « caprices de la chair ». « Infecté » (son propre terme) par cette odeur, Smith ressent des émotions qu’il n’est pas censé ressentir et qu’il ne veut pas ressentir. Il veut « sortir de là » et c’est cette motivation qui le guide durant tout le film.

Smith est donc, pourrait-on dire, un bug du système, un important dysfonctionnement : un programme qui agit pour des motivations personnelles. À savoir : son propre confort.

Après avoir été détruit par Néo (à la fin de Matrix), Smith réapparaît, « libéré de la Matrice » nous dit-il (encore le symbole de l’oreillette, dont il est cette fois-ci définitivement débarrassé) et doté de la capacité de « parasiter » les éléments de celle-ci pour se dupliquer. Néo se retrouve donc confronté à un nombre toujours croissant d’agents identiques qui menacent de le submerger par le nombre, et la bande-annonce de Matrix Revolution laisse entrevoir une escalade dans ce sens. Il n’est pas difficile de voir là un combat contre l’uniformisation des individus de notre société, un combat contre le conformisme, ou encore contre la globalisation économique mondiale. Le fait que Smith ne soit plus inféodé à la Matrice évoque l’idée d’un marché dérèglementé, dans lequel le plus fort « phagocyte » les plus faibles sans autre forme de procès, sans contrôle. La diversité disparaît tandis que s’étend la domination du plus puissant (« Je veux tout » déclare Smith à Néo), qui ne vise qu’à assurer… son propre confort.

Cette lutte de Néo contre Smith n’est donc pas qu’un épisode distrayant mais joue bel et bien un rôle important dans la métaphore du film. Elle est d’ailleurs présentée (dans la bande-annonce de Matrix Revolutions) comme un élément crucial du scénario et de la victoire des humains sur les machines. Tout ceci vient renforcer la vision de Zion comme symbole des mouvements alter-mondialistes. 5) Philosophie

Non content de délivrer un message politique virulent et contestataire, Matrix va plus loin et renforce ce message, ou plutôt le fonde, en faisant appel à de nombreux concepts et réflexions philosophiques. Le plus évident et le plus cité est le Mythe de la Caverne, de Platon, qui raconte en somme l’histoire d’un homme qui « se réveille », prend conscience de la nature illusoire du monde, contemple la Vérité et décide néanmoins de « redescendre » dans la caverne pour essayer de réveiller à leur tour ses compatriotes toujours « endormis ». Cette métaphore célèbre, qui incite au questionnement philosophique de façon générale (et donc, potentiellement du moins, à la contestation), structure Matrix de bout en bout. On peut établir un parallèle avec d’autres philosophies, par exemple celle de Bouddha qui, élevé dans un milieu privilégié mais coupé de la réalité, décide de le quitter pour aller à la rencontre du monde afin d’œuvrer à son amélioration.

Mais ce n’est pas là le seul aspect philosophique du film : de nombreux autres courants sont représentés, que ce soit du côté des machines ou du côté des humains. On peut citer par exemple l’agent Smith qui formule de façon à peine détournée l’argument de Leibniz concernant le « meilleur des mondes possibles » : l’univers de la Matrice semble imparfait car des gens y souffrent, et pourtant — nous dit-il — il s’agit là d’un équilibre aussi parfait que délicat, et l’on ne pourrait pas introduire d’amélioration dans ce monde sans causer encore plus de souffrances. (Cette idée n’est pas sans évoquer l’approche néo-libérale — encore, oui ! — de la démocratie, suivant laquelle le peuple n’est pas à même de juger ce qui est bon pour lui et doit être écarté du pouvoir, faute de quoi ce « grand animal désorienté » risque de causer plus de mal que de bien.)

On peut également citer Descartes, son doute méthodique et son malin génie (qui rejoint la remise en question du monde), le théorie solipsiste, Kant et sa réflexion sur la perception du monde (avec notamment l’amusante question « Comment les machines peuvent-elles savoir quel goût a le poulet ? »), Marx pour le côté politique et révolutionnaire, ou même Nietzsche et son « Übermensch » (Néo étant l’archétype de l’homme qui prend son destin en main, fait face au monde et s’élève en une figure emblématique, quasi-messianique).

Les allusions philosophiques de Matrix ne procèdent donc pas simplement d’une récréation intellectuelle abstraite et gratuite, mais elles servent réellement le propos du film. Et Matrix Reloaded poursuit selon ce principe en droite ligne. Si Matrix se préoccupait principalement de remettre le monde en question (et d’inciter à le faire), Matrix Reloaded remet Matrix lui-même en question ! Autrement dit, on passe de considérations ontologiques (le monde peut être remis en question) à des considérations éthiques (pourquoi faut-il remettre le monde en question ? Pour quelle raison et dans quel but ?). Ces interrogations sont sous-tendues et dramatisées par la thématique philosophique de l’inter-dépendance, de la liberté et du déterminisme (discussion avec le Conseiller de Zion, l’Oracle, le Mérovingien et l’Architecte). Encore le choix. 6) Yin et Yang

Le diptyque Matrix Reloaded / Revolutions (un film coupé en deux, plutôt que deux films qui se suivent) développe considérablement le contenu thématique de toute la trilogie, principalement par le biais d’une construction récurrente, binaire et symétrique. Un peu à la façon de la figure du Yin et du Yang, qui fait cohabiter les contraires, ces deux films se répondent, présentant des scènes qui s’éclairent mutuellement et des personnages qui sont autant de binômes semblant aborder chacun une thématique différente.

Le « couple » d’opposition le plus évident est constitué par l’Architecte et l’Oracle. Ces deux personnages sont opposés sur presque tous les points, à commencer par leur apparence (sexe, couleur de peau, habillement, façon de parler, environnement), mais aussi, et c’est plus important, par leur rôle et leur intention. On sait depuis le début (le premier film) que l’Oracle est du côté des humains ; Matrix Reloaded semble bouleverser cette donne en nous apprenant qu’elle n’est pas une humaine, mais un programme au même titre que les Agents. La présentation de l’Architecte (également de nature informatique), plus tard dans le film, vient rééquilibrer notre jugement : on devine vite une certaine « incompatibilité », en même temps qu’une certaine complémentarité, entre les deux personnages. Matrix Revolutions nous en apporte la confirmation : malgré son assurance, l’Architecte n’est ni omniscient, ni omnipotent, et son rôle consiste simplement à « rééquilibrer l’équation » de la Matrice. Le rôle de l’Oracle est de la « déséquilibrer ». La thématique abordée par ce « couple » apparaît alors clairement : changement, évolution contre immobilisme, préservation.

Un autre couple relativement explicite est constitué par Néo et Smith. On a vu que Smith, après sa « mort » à la fin de Matrix, revient avec la faculté de parasiter les éléments de la Matrice et d’en faire ses propres doubles, en un processus d’uniformisation exponentielle. Dans Matrix Revolutions, la tendance atteint son apogée, et à la fin du film, Smith a contaminé toute la Matrice et totalement échappé au contrôle des machines. Il se révèle le seul véritable ennemi, à la fois de Néo, des humains et des machines, le seul avec qui la négociation ne soit pas possible. Son obsession est de vaincre Néo, symbole de la résistance humaine, et de le parasiter à son tour pour le transformer en autre lui-même. A ce stade, on peut déjà avancer une signification de cette opposition de personnages : Smith refuse la différence et rêve d’une uniformisation absolue des individus, allant jusqu’à détruire l’autre dans son identité même, pour le remplacer par lui-même ; Néo, à la fois en tant que défenseur de Zion et en tant qu’adversaire de Smith, se pose donc naturellement comme défenseur de la diversité et du respect de l’autre (l’autre, en tant que personne différente de moi-même). En bref, diversité contre uniformité, cohabitation contre intolérance.

Cette thématique trouve naturellement son prolongement en impliquant plusieurs autres personnages : par exemple dans la relation amoureuse qui unit Néo et Trinity, tandis que de son côté, Smith reste seul avec lui-même. Ou encore, on peut relever qu’il est parfaitement logique que Smith en vienne à « absorber » l’Oracle, dans la mesure où l’uniformisation est totalement contradictoire avec le changement, l’évolution. On peut même ajouter que c’est lorsqu’il atteint finalement son but (l’uniformisation absolue) que Smith se condamne lui-même : l’uniformité, c’est la stérilité, la mort. Et il n’est pas étonnant qu’en disparaissant, Smith laisse derrière lui la dépouille de l’Oracle.

Mais on peut également se référer au dialogue de Néo et Smith (qui est presque un monologue de ce dernier) à la fin du combat qui les oppose. Il est alors question de motivation : Smith ne comprend pas les raisons que Néo a de se battre, énumérant toutes les réponses possibles et les démontant aussitôt en exposant leur absurdité. Ce faisant il révèle sa nature de programme informatique, donc déterministe et déterminé, rationaliste à l’extrême et incapable de créativité. La simple réponse de Néo (« parce que j’ai choisi »), prend le contre-pied de cette approche : si l’univers est absurde, il appartient à l’homme (et à lui seul) de donner un sens à sa propre existence, en se dégageant d’une approche mécaniste et déterministe qui vide toute action de son sens. On peut donc synthétiser le combat de Néo et Smith en : liberté contre déterminisme, ou encore intuition contre raison.

C’est d’ailleurs ce même axe qui est développé par le couple « Morpheus/Mérovingien ». Le discours de ce dernier, se référant constamment à la notion de causalité (cause et effet), se place implicitement d’un point de vue déterminé, soit en aval de la cause, du côté de l’effet. Toutes nos actions sont le fruit de quelque chose qui les a précédées, nous dit le Mérovingien, et il n’est pas possible de se soustraire à ce mécanisme implacable. La connaissance des causes permet donc de prédire les effets, le futur est la conséquence du présent qui est la conséquence du passé. Autrement dit, le futur est déjà écrit, et le présent est impuissant. La vision de Morpheus se situe à l’exact opposé de cette approche, soit en amont du processus. Guidé par l’Oracle et par la Prophétie, Morpheus se révèle finalement bien moins naïf qu’on pourrait le penser au début. Ainsi déclare-t-il à Néo que les propos de l’Oracle ne sont pas forcément « vrais », mais plutôt « utiles », dans la mesure où ils guident l’humanité vers un futur qui n’est pas encore connu, et qui s’écrit dans le présent. Le futur est à créer. « L’Oracle t’a dit uniquement ce que tu avais besoin d’entendre ». Ce sont donc les croyances présentes qui permettent de changer le futur. Ainsi la pensée du Mérovingien, soumise à la tyrannie du culte aveugle de la « vérité », est-elle bloquée par l’approche de Morpheus, qui fait passer le sens avant la vérité, les effets de nos croyances avant leur causes. L’aval avant l’amont.

L’instant présent existe-t-il ? Obsédé par le vrai, le Mérovingien a fini par prendre un tel recul qu’il a quitté le monde du présent et de l’action, le réduisant à un maillon dérisoire et impuissant dans la chaîne de la causalité, condamné à contempler un passé hors de portée qui détermine un futur déjà irréversible. Morpheus, obsédé par le bien plus que par le vrai, règle ses actions en fonction de leurs conséquences (et non de leur causes) et demeure bien ancré au présent ; un présent qui écrit le futur dans un mouvement en renouveau perpétuel.

Autre couple d’opposition, le sénateur Hamman et le général Locke, tous deux au cœur des processus de décision de Zion, défendent chacun une façon de résoudre un conflit. Lorsque le sénateur autorise Morpheus à repartir, à bord d’un vaisseau, pour retrouver l’Oracle, le général s’oppose (en vain) à cette décision en faisant valoir qu’il a besoin du plus grand nombre de vaisseaux possibles pour défendre la cité, face à l’attaque imminente des machines. Ce à quoi le sénateur répond : « Je crois que notre survie dépend de plus que du nombre de nos vaisseaux ». Cet échange, qui peut passer inaperçu dans le contexte de Reloaded, prend tout son sens lorsqu’on sait comment se termine Revolutions. Il est alors clair que ce vaisseau a quitté la ville en tant que négociateur au lieu d’y rester en tant que guerrier (approche dénuée de chance de succès, face à des machines supérieures en nombre et en force).

Trinity, quant à elle, s’oppose à Perséphone sur la question amoureuse. Perséphone, la sensualité à fleur de peau, exige un baiser de la part de Néo en échange d’une information qu’elle possède. Elle espère ainsi retrouve les sensations qu’elle a perdu, et qu’elle éprouvait longtemps auparavant pour son mari, le Mérovingien. On voit donc deux aspects par lesquels elle s’oppose à Trinity (et à la relation de cette dernière avec Néo) : l’amour limité à son aspect sensuel, et l’amour comme monnaie d’échange, l’amour intéressé, égoïste. D’une certaine manière, on peut rapprocher Perséphone du Mérovingien, dans la mesure où elle semble également entièrement tournée vers le passé, qu’elle chercher à préserver ou à faire revivre. Trinity, de son côté, est entièrement tournée vers l’avenir et toutes les potentialités de sa relation avec Néo.

Cette opposition « passé/avenir » est peut-être, du reste, le point commun à tous les couples que je viens d’évoquer. 7) Contre-culture

On ne peut pas terminer sans évoquer un autre aspect essentiel de Matrix/Reloaded : ses innombrables emprunts à la culture populaire, qu’il digère et intègre en un ensemble riche et cohérent. Les allusions, clins d’œil ou emprunts aux films de science-fiction et à l’animation japonaise sont pléthore, mais Matrix/Reloaded lorgne également du côté du film noir, des super-héros, du film d’action (façon Hong-Kong) et même du western ! La musique n’est pas oubliée, et le choix de la bande son se révèle tout aussi contestataire que le reste (avec notamment la participation du groupe « Rage Against The Machine », dont le nom prend une dimension particulière dans le contexte de Matrix).

Ces influences, parfaitement assimilées et revendiquées, ne sont pas gratuites et établissent clairement que la culture populaire (culture de masse, contre-culture, sous-culture… quelle que soit l’appellation qu’on lui donne) possède aujourd’hui une assise solide et un réel pouvoir contestataire capable de toucher une très large partie de la population. Ce n’est pas nouveau mais cela mérite d’être répété.

Le terme de « contre-culture » revêt donc pleinement son sens de culture contestataire (« culture contre »). N’est-ce vraiment qu’un hasard si dans « le monde réel » de Matrix, les humains survivent en se cachant dans les égouts (qui sont tout ce qui reste de la civilisation humaine, apprend-on), tandis que Zion est situé dans les profondeurs de la Terre ? Ces caractéristiques systématiquement souterraines de la résistance humaine semblent nous renvoyer constamment à la notion d’ »underground », terme fréquemment employé pour évoquer la culture alternative… Un « underground » que les machines doivent conquérir pour vaincre définitivement l’humanité. Et un « underground » que Matrix Reloaded nous fait découvrir notamment au travers d’une énorme fête mêlant musique, danse et plaisir charnel, autrement dit : pures sensations — par opposition à la « pure raison » (le monde mécanique, rationnel, virtuel et policé) de la Matrice.

Dans notre monde, à sa manière, Matrix joue donc précisément le rôle des héros qu’il met en scène : il essaye de nous réveiller. Et le fait que Matrix Reloaded, malgré son budget colossal et malgré son immense popularité, persiste dans une voie aussi « politiquement incorrecte » mérite d’être relevé. À une échelle pareille, le fait est trop rare pour être ignoré.

(source: s427.ch)

MATRIX (spirale)

Cet article a été publié Samedi 05 février 2011 à 23:20 dans : Évolution des consciences, New-Age, Philosophie, Politique, Révolutions, Spiritualité. Vous pouvez suivre les commentaires de cet article avec le flux RSS 2.0. Vous pouvez faire un commentaire ou un trackback depuis votre propre site.

“Qu’est-ce vraiment que Matrix ?”






Matrix – Analyse de la Substance Pensante ! *



La Trilogie Matrix a été adapté au cinéma à Partir d’écrits, de livres. Ces écrits, ont été conçus à la base, pour diffuser au plus grand Nombre un message. Ce message est de l’ordre de l’initiation. Or comme toute quête du bonheur est initiatique : Avec un début et une Fin (Alpha et Oméga) agissant sur les Trois Plans (Corps, Âme, Esprit), d’où la trilogie. Et si possible, avec une fin la meilleure possible. :-)



Ce qui nous intéresse ici dans ce Film c’est le Premier « Matrix » et le dernier de la série : « Matrix Révolution » ! Le second « Matrix Reloead » étant le pont, la transition, faisant la jonction « Compréhension » entre le premier et le dernier.



La Véritable Initiation, quelques soit la Tradition, passe inévitablement par l’Oral dans une relation de Maître à Disciple (Relation Mr Anderson/Néo, l’élève et de Morphéus le Maître). La quête est toujours parsemée d’épreuves avec inévitablement une prise de risque découlant d’un premier choix entraînant d’autres choix ! La Recherche de la Vérité passe donc obligatoirement par le choix de : continuer à dormir ou devenir Conscient de la Vérité ? (Pilule bleue ou pilule Rouge ?)



Mr Anderson (pas encore Néo), dans la Matrice représente Madame et Monsieur tout le monde confronté à la réalité de notre Système actuel. Être ou Avoir, dormir ou devenir Conscient, Vivre Libre ou Vivre enchaîné, ne pas avoir la foi ou avoir la foi… ? Être un individu à part entière ou un esclave ? C’est ce choix primordial qui est proposé à Néo tout au long de sa quête. Continuer à subir sans comprendre, ou mettre fin au mensonge par la prise de conscience de la Vérité. (Que tu es un esclave néo !)



La Liberté découlant du Choix et des prises de Risques face à une injustice Globale qui est la Matrice. Un monde artificiel ou chacun est responsable. Sauf que personne ne sait qu’il est lui-même responsable. À moins de l’expérimenter par soi-même (Objectif de l’initiation), la descente dans ses profondeurs, la caverne. (Symbolisé dans le premier film par le processus de renaissance dans la ville des machines !)



Une fois que Mr Anderson est devenu Néo (L’initié), il est confronté à l’extérieur par son double, son miroir, l’agent Smith qui cherche par tous les moyens à le convertir, l’annihiler en lui-même. Bug du programme (De la Vie) afin de lui permettre de comprendre par ce duel, opposition. Que face à la Matrice l’objectif final, le dénouement dépend de lui, sauf qu’il ne le sait pas encore. Puisque toujours confronté à d’autres choix… Confrontations diverses dont rencontres avec l’architecte (Esprit pensant Mental de la Matrice), mais aidé par l’Oracle… (Esprit pensant Vivant de la Matrice), Le menant tout doucement au choix Ultime… Celui de demander la paix (équilibre) au Responsable des Machines, dans la ville des machines… Et quel est l’accord qui est conclu entre eux deux ? Empêcher « le Bug » Smith, de continuer à se dupliquer risquant de mettre en péril la Matrice elle-même. C’est en luttant et en combattant pour la liberté, pour la paix qu’au final ; même si l’agent Smith a presque réussi à convertir Néo. La matrice envoi une impulsion de Lumière à travers Néo afin de remédier définitivement au « Bug Smith ». Ce Bug n’est rien d’autre que la partie de nous-même qui refuse l’évidence de la Vie (Pensée Mentale/artificielle contre Pensée Vivante Universelle). En cherchant à contrôler ce qu’il croit être la Vie. La Vie n’est pas du domaine du Mental, mais du domaine de l’Essence. C’est pour ça que durant le combat final l’agent Smith se surprend à dire des paroles qu’il ne comprend pas. Il parle spontanément par évidence, mais son « mental/âme » ne peut pas le comprendre (Puisque toujours Duelle). La Matrice n’a donc pas d’autre choix que de reconnaître « par intérêt » sa Partie de lumière (En Néo) afin de transmettre l’impulsion lumineuse d’elle-même nécessaire à sa propre auto-libération. (Du fait du Danger que représente l’agent Smith pour sa propre survie !)



Face à l’absurdité de la Non-Conscience, (Obscurité, dualité, Violence, ténèbre…), c’est la CONSCIENCE en mouvement (Fusion des opposés – Yin/Yang) qui triomphe toujours au final pour maintenir la Vie dans un Juste équilibre. (D’une façon ou d’une autre !)



La Vie ne peut pas lutter contre elle-même puisqu’elle est ! C’est nous-mêmes qui luttons pour devenir quelqu’un dans la Vie (En attendant… Nous ne sommes pas !). C’est en sachant cela, que malgré tous les sacrifices et toutes les injustices endurés, l’humanité un jour Triomphera.



Il faut donc PLUS de Néo… :-)


  • Ce Texte est une Reproduction du Billet sur le Site lespacearcenciel.com ;-)


Plus de Matrix…



Restons calme… (comme Néo)…



J’ai visualisé (c’est le terme) visionné serait plus juste ces trois films de science-fiction ; ce sont des bons films du genre… sauf qu’il y a répétition à plus soif de thèmes récurrents. En fait ce n’est que du cinéma…



[Alors je ne comprends pas pourquoi il est réservé une telle place à un pseudo-message… sur l’avenir de l’humanité ; il ne faut pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! Ce qui me désole le plus c’est la pauvreté de la critique de ce genre de texte]…

Matérialiser son monde à travers le corps: Réflexions ...

1 /L'idéologie matérialiséen (synthèse)

« Vos proches ne sont jamais loin. La distance entre deux villes compte moins que la distance entre deux êtres. Parce que chaque destination a le visage de quelqu’un qui vous est cher. Parce que la liberté n’a pas d’horaires, nos liens sont faits d’autoroute. Pour être avec ceux qu’on aime, partout où on le veut et à n’importe quelle heure. Que ferions-nous sans autoroute. L’autoroute. Un trait d’union entre nous »

Si l’homme se meut dans l’espace, c’est qu’il est en capacité d’en matérialiser l’idée, notamment à travers son corps, soit par la projection physique (corporalité) soit par la projection mentale (corporéité) qu’il opère à travers ce corps auprès de l’espace, d’une portion de celui-ci ou à travers les objets, individus qui s’y trouvent. Espace non pas forcément présent mais aussi présentifié, imaginé, fantasmé (Husserl), artefactualisé. Ce texte tente ainsi d’analyser les phases opératoires qu’instruit l’être avec l’espace dans sa construction du monde au sein et avec lequel il vit et se meut. En cela, l’idée exposée ici est que l’individu ne se meut pas seulement dans un espace objectif, voire même, ne se déplace pas dans un espace représenté, dans une sorte de paysage, un horizon qui défilerait face à lui, et qu’il pourrait mettre à distance pour pouvoir mieux l’appréhender, et s’y diriger. Non, l’idée est que sa chair –corps et âme- habite l’espace de par sa coprésence à celui-ci. Cette coprésence génère ainsi le monde réellement appréhendé par l’individu et auquel il se conforme alors dans ses actes et ses pensées. Cela veut dire qu’il ne réagit pas aux instances matériels « objectives » auxquels ils seraient confrontés, mais qu’il se conforme aux construits matérialisés, aux artefacts mentaux, qu’ils génèrent et qui le génèrent alors. L’individu ne vit pas dans un champ des contraintes mais dans le champ des possibles qu’offriraient ces instances qu’il matérialiserait, et au sein desquelles, il sélectionnerait ainsi les éléments composant son champ d’expression et d’action.

Cette confrontation n’est pas seulement une matérialisation effectuée à partir des matériaux « en présence » mais aussi une matérialisation construite à partir d’un ensemble d’éléments non-présents dans l’espace objectif, que l’individu va puiser dans sa réserve d’artefacts spatiaux, sociaux, temporels qu’il se met en coprésence. Ce déplacement de soi auprès d’objets, de lieux, d’individus, de souvenirs, n’est que la résultante d’un placement de l’individu au sein d’un monde, celui qu’il se constitue au plein sens du terme. Sa réalité quotidienne n’est plus celle que nous croyons tous voir (chercheurs et autres habitants) mais bien irrémédiablement celle liée à son placement et à l’assignation qu’il se donne au sein du monde qui l’entoure. Ce placement ne résulte pas seulement d’un positionnement spatial, sorte de localisation de l’individu dans l’espace objectivé, mais aussi d’un ensemble de statuts et de rôles qu’il se donne (et non plus seulement qu’on lui donne) à jouer dans, avec et à travers cet espace, qui lui fournit autant que faire se peut, les éléments de la réalité de sens qu’il entend se donner (Petit E., 2009)

Les sciences de l’espace, même modernes, c’est-à-dire se prévalant d’une forme de constructivisme, se sont toujours données comme rôle de montrer qu’un milieu, qu’un espace, qu’un environnement, déterminait peu ou prou la façon d’être, de faire et de penser des populations qui y vivaient. Soit de par la dimension physique, naturelle (géographie classique des années 1870 à 1950), économique (géographie économique des années 1950 à 1970) ou sociale (comme c’est le cas depuis les années 1960). Mais aussi de par l’espace lui-même en tant qu’intégrateur d’éléments naturels ou artificiels. L’aménagement et l’urbanisme se positionnent ainsi sur cette stratégie utilitaire de leur discipline. Changeons l’aspect de l’environnement, du paysage, et les choses iront mieux. Quelque soit l’évolution du monde et des conceptions idéologiques que les spécialistes des sciences de l’espace en ont, ce déterminisme demeure encore aujourd’hui omnipotent. S’il faut conserver l’idée d’une forme de détermination ou de causalité entre un milieu, un espace, environnement et la façon d’être, de faire et de penser des personnes qui l’habitent, encore faut-il préciser ce que ces spécialistes appellent milieu, espace, environnement. En effet, ces termes ne peuvent être abordés uniquement dans leur conception matérielle au sens objectivé du terme : les montagnes, les bâtiments, et l’ensemble du dispositif morphologique du contexte dans lequel l’individu vit et se déplace.

L’utilisation catégorielle des « coquilles de l’homme » qui partiraient des limites du corps et iraient jusqu’au vaste monde en passant successivement par « le geste immédiat », « la pièce », « l’appartement », « le quartier », etc. est à revisiter. Le point de départ de notre mise en relation graduée du monde doit donc être ré-interprété ou interprété de manière complémentaire par d’autres dispositifs épistémologiques, qui vont éclairer la sortie de l’ombre d’êtres, d’objets, de pensées qui sont mis à proximité, alors même que ces derniers ne sont pas présents dans l’environnement immédiat. Le monde constitutif de nos actions ne recouvre donc pas un umwelt (monde environnant) nous offrant ces possibles. Au contraire, l’umwelt est également fait de toutes ces choses, ces phénomènes « déloignés » même si ceux-ci se trouveraient dans une lecture structurale dans un aussenwelt (monde extérieur).

Pour exprimer cela, ce travail va utiliser quelques exemples de discours collectés auprès d’habitants à travers des entretiens, des supports graphiques, des cartes mentales. Ces supports permettront de poser l’hypothèse que nous vivons moins dans le monde « extensif » que dans un artefact de monde, c’est-à-dire dans une configuration d’un monde que l’on se rend visible et qui conditionne in fine nos pratiques et nos représentations. Ces matérialisations sont un ensemble d’artefactualisation, de configuration de la réalité, c’est-àdire le résultat d’un ensemble d’arts de faire, d’être et de penser l’espace, le temps, l’autre. Ces matérialisations fonctionnelles et symboliques que l’être fait de son monde, avec, sur et à travers l’espace, se visibilisent à travers les différents discours qu’il tient en et pour lui et les autres : paroles, dessins, gestes, oeuvres d’arts, etc. Cet univers de signes nous est alors pour partie accessible, pour partie inaccessible car l’interprétation du visible est le plus souvent insondable, de même qu’un autre univers, quant à lui invisible, est lui aussi à l’oeuvre. « Je serais capable d’avoir des émotions quand on va parler de Lorraine et j’aurais des émotions si je suis en France et qu’on parle de Grenoble. Y’a un territoire de naissance qui par magie est devenu, s’est transporté à l’endroit où j’habite » (V64)1.

++__La matérialisation d’un monde, parfois évoquée en termes de paysage ou de territoire, est donc nécessaire à la subsistance de l’être car elle lui apporte les cadres minimaux qui lui assurent l’effectuation d’un certain bien-être construit pour partie sur l’idée d’une répétition des actions qu’il entreprend.++__ Cette répétition ou l’impression de répétition relevant de ses capacités à la représentation, c’est-à-dire à la mise à distance de lui-même par rapport à ces cadres qu’il projette face à lui. Cette capacité permet justement de faire naître la proximité des cadres par la visibilité même qui naît de leur mise à distance. L’enjeu lie donc le perceptuel et l’artefactuel, ces capacités à la fois de mise à distance par la représentation et de mise à proximité par récurrence active de cadres mentaux qu’il construit et qui structurent « artificiellement » la réalité dans laquelle il croit vivre en la redoublant, la figurant, la racontant à travers images, mots, cartes, ou objets façonnés.

Synopsis et détails :

  • http://www.allocine.fr/film/fichefilm-49543/secrets-tournage/
  • http://www.gameblog.fr/blogs/haorou/p_45699_qu-est-ce-qui-t-animes-2-animatrix

Qu'est ce qui t'animes ? #2 (Animatrix)

Qu'est ce qui t'animes ? -

C'est en fouillant mes fonds de tiroirs que je suis tombé sur Animatrix. J'ai un peu hésité à le regarder une nouvelle fois, surtout parce qu’il n'y a pas que du bon. Mais je l'ai quand même fait, pour vous ! Il est aussi probable que je ne savais pas quoi faire de mon « aprèm ». ^^'' Alors c'est quoi ce bidule ? Ce bidule c'est 9 courts-métrages d'animation sorti en 2003 sur l'univers Matrix. Vous voyez, le film des amoureux de cuir crée par les frères Wachowski, Lana et Andy. Pour rappel, il n'existe qu'un vrai Matrix, la suite n'est que prostitution de licence.

De gauche à droite : Laurence et Andrew Wachowski

Bref, je reprend. La particularité de ce DVD c'est que les 9 « épisodes » sont des expériences uniques. Comprenez par là qu'ils peuvent être visionnés dans n'importe quel ordre car ils ont chacun une empreinte visuelle, une histoire, des musiques (parfois) et des personnages différents. Ce qui est assez surprenant c'est de constater la vision de chaque réalisateur, qu'il soit américain, japonnai ou coréen. En particulier, il est rafraîchissant de voir de l'animé pour une production cinématographique étasunienne.

Trailler d'Animatrix avec la grosse voix qui spoil

Pour bien faire mon travail d'analyse, je vais exprimer mon ressentie sur l'ensemble des œuvres. Après, ce n'est que mon avis, je fais mon possible pour être objectif mais j'ai des limites. =)


Dernier vol de l'Osiris

  • Critique graphique.

C'est avec ce court métrage en image de synthèse que l'on nous fait débuter l'aventure Animatrix. Visuellement, c'est de la CG qui tache, faut dire que c'est Square USA qui bosse derrière. Quant à la réalisation, Andy Jones met les mains dans le cambouie, un illustre inconnu qui ne bosse plus que sur des effets spéciaux. Il est à l'œuvre sur Titanic, Godzilla, Final Fantasy, les créatures de l'esprit, I-Robot, Superman The Returns ou Avatar. Autant dire qu'il réalise par défaut.

Andy Jones et son pote Oscar pour Avatar.

  • Critique scénaristique.

Rien d'exceptionnel, c'est basique, sans originalité. On commence par nous montrer un combat totalement nanardeux dans une salle d'entraînement virtuel entre Jue, une jolie asiatique et Thadeus, un noir musclé. En réalité, ils sont train de patrouiller à bord de l'hovercraft Osiris jusqu’au moment où ils tombent sur les Sentinelles, les gros trucs mécaniques avec pleins de tentacules. Grosso modo, c'est très ressemblant à Matrix, même trop. Pas inspiré, pas terrible.




La seconde renaissance (2 parties)

  • Critique graphique.

Cette fois, il s'agit d'un anime classique, une production japonaise du Studio 4°C. On retrouve Mahiro Maeda, il a travaillé sur le design de certains anges pour Evangelion ainsi que pour Hayao Miyazaki en tant qu'animateur. Je trouve le dessin assez classique, vraiment soigné, les couleurs bien choisies et l'animation fluide. C'est le plus gore des « mini-films » d'Animatrix mais ce n'est pas non plus du déluge d'hémoglobine.

  • Critique scénaristique.

C'est le prologue, expliquant comment les machines se sont révoltées face aux humains. On ne se concentre pas sur la vie d'un citoyen lambda mais bien sur la société humaine et son anéantissement. Vous saurez aussi pourquoi les humains sont transformés en pille et pourquoi il fait constamment nuit noire. Pour ma part, je suis un peu déçu par le scénario. Sans vouloir trop « spoiler » je trouve la réactions de nos sembables particulièrement idiote. 'Fin, vous allez me dire que c'est une fiction et vous avez complètement raison. Au final, sympa mais sans plus.




L'Histoire de Kid

  • Critique graphique.

Aux manettes on retrouve le Studio 4°C sauf que c'est Shinishiro Watanabe (voir Cowboy Bebop) qui réalise. La pâte artistique est particulière, le dessin est extrêmement crayonné, on croirait voir une BD qui prend vie. Les corps sont intentionnellement déstructurés quand ils bougent, donnant une impression de vitesse grisante. Pour résumé, c'est agréable à l'œil.

Shinishiro Watanabe

  • Critique scénaristique.

C'est une référence au premier film Matrix. On retrouve un gamin, Karl Popper, seul dans sa chambre qui tape sur un clavier. En se « baladant » sur le net, « l'extérieur » le contact avec un message dans le genre « il y a de la réalité dans tes rêves, et des rêves dans ta réalité ». Le lendemain à son école, les agents débarquent, il se met à courir. Je ne vais pas divulguer la fin, sachez juste que même si l'histoire ne casse pas 8 pâtes à un canard unijambiste, c'est plaisant.

Programme

  • Critique graphique.

Réellement plus rigide que les précédents court-métrages, il est aussi moins coloré. Les artistes du studio Madhouse ont joué sur le minimalisme du décor pour incorporer des personnages qui semblent imposants. A la réalisation c'est Yoshiaki Kawajiri, le mec qui a fait Vampire Hunter D : Bloodlust. Je suis assez déçu de voir un boulot "aussi moyen" pour un gars comme lui.

  • Critique scénaristique.

La majorité du court-métrage se passe dans une reconstitution numérique du japon féodale. Dans ce monde, un combat s'engage entre un gus qui a trahi les siens pour s'allier aux machines et sa copine. Sa copine, pas contente, veut lui péter la gueule. Je n'ai pas franchement de problème avec le scénario, c'est surtout l'aspect graphique que je ne supporte pas. Les goûts et les couleurs, bla bla bla...

Record du monde

  • /Critique graphique.

Il s'agit aussi d'une œuvre de Madhouse. Encore plus hardcore que le précédent au niveau des décors et des couleurs, on se contente vraiment du minimum. C'est loin d'être un mal car le niveau de détail est parfois affolant, ce manque de couleur et de décor permet alors de faire ressortir les protagonistes. D'ailleurs, les personnages sont méga volumineux, on voit leurs muscles en mouvement se tendre à travers leur peau. Bluffant ! En le revoyant, je me suis dit que ça ressemblait pas mal à Afro Samuraï. C'est logique, c'est Takeshi Koike le réalisateur. Ce dernier avait déjà officié pour le petit passage animé dans le premier Kill Bill.

Takeshi Koike

  • Critique scénaristique.

Un coureur de fond accusé de dopage veut prouver au monde qu'il est le meilleur. Sur une course, il se donne à fond et va alors se réveiller de la matrice tant son corps s'affranchit des limites de la pesanteur. C'est un scénario simple accompagné d'une mise en scène parfaite. Un de mes coups de cœur.

Au-delà

  • Critique graphique.

Je ne sais pas trop quoi dire sur ce « segment ». C'est le Studio 4°C avec Koji Morimoto à la réalisation. C'est très propre, de la jolie animation pour certains effets en particulier mais à part ça, rien qui permet à cette production de se démarquer des autres.

  • Critique scénaristique.

Une jeune fille perd sa chatte (pas de blague salace les gars) et part à sa recherche dans une maison hantée. Parlons plutôt d'une maison « bugée » car l'on se trouve dans la matrice. Le début est très calme, tellement que j''avoue que ça ne m'a pas intéressé. A dire vrai je me suis presque ennuyé.

  • Une histoire de détective
  • Critique graphique.

En temps normal je ne suis pas un putain de fanboy, mais comment j'ai kiffé cette « épisode ». Pour pas changer, c'est encore le Studio 4°C avec Shinishiro Watanabe. Graphiquement, on est en plein dans un polar en noir et blanc. L'image granuleuse fourmille de détails et gagne des couleurs chaudes sur quelques éléments. Le rendu est juste classe !

  • Critique scénaristique.

Les agents ne sont pas foutus de retrouver une hackeuse du nom de Trinity, par conséquent il demande l'aide d'un détective pour la rechercher. Tout se passe dans la matrice sauf que l'univers est totalement différent des films des Wachowski. En effet, ce n'est pas contemporain à notre époque, c'est l’Amérique des années 30/40 mais avec l'ajout des ordinateurs. C'est une bonne surprise.

Matriculé

  • Critique graphique.

Alors là, ça a le mérite d'être peu commun. C'est la studio coréen DNA qui s'y colle avec Peter Chung à la réalisation. Faut préciser que je n'aime pas l'univers, ni la gueule des personnages. Puis un moment t'as un tripe sous LSD avec une explosion d'effets lumineux qui te donne envie de vomir. Précisions que ce n'est que mon avis, ce n'est pas horrible mais je déteste l'esthétisme.

  • Critique scénaristique.

Un groupe de résistants aux machines reprogramment des robots en passant par un monde virtuel complètement déjanté. Je n'accroche pas à l'idée de modifier le software de créatures cybernétiques par une interface délurée, je trouve ça vraiment louche. C'est le dernier « segment » et je finis pas sur une bonne impression.


Appréciation : Inhabituel et rafraîchissant.

Au final, Animatrix, c'était de la bonne came. Je vous recommande de l'acheter, direction Amazon. Il n'y a qu'1h30 d'animation et certaines parties ne vont pas vous plaire mais on prend du plaisirs à voyager dans la Matrice, surtout qu'on profite de la vision d'importants acteurs en matière d'anime (Watanabe et Koike <3). Notons qu'il y a des bonus sympathiques : un documentaire sur l'apparition de l'animé (Todd McFarlane inside) et sur la conception des courts-métrages. Il y a aussi une sorte de journal de bord sur le jeu Enter the Matrix, ça m'a fait rire.

Si il ne fallait retenir que 2 de ces courts-métrages : Record du monde et Une histoire de détective.

P.S : Au niveau des musiques, je n'ai rien à préciser car ce sont c'est les mêmes thèmes de Matrix qui reviennent. A part pour Une histoire de détective, c'est du blues/jazz en adéquation parfaite avec l'univers. Il manque des photos pour représenter la totalité des réalisateurs, je n'ai pas réussi à les trouver. Désolé. >.<"



Date de sortie



inconnue (1h 42min)



Réalisé par



Mahiro Maeda, Yoshiaki Kawajiri, Shinichirô Watanabe



Avec



Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Kevin Michael Richardson plus



Genre



Animation, Science fiction



Nationalité



Américain, japonais

Ce programme de neuf courts métrages faisant appel à diverses techniques d'animation (animation classique, manga, images de synthèse...), raconte plusieurs histoires au sein du monde de la Matrice autour de la guerre hommes/machines, et se situe chronologiquement entre Matrix et / . Il comprend :

The Second renaissance - Première et deuxième parties - Réalisé par Mahiro Maeda, écrit par Larry et Andy Wachowski - La guerre entre hommes et machines, la genèse de la Matrice, et la chute de l'Humanité.

Program - Ecrit et réalisé par Yoshiaki Kawajiri - Au coeur d'un programme de simulation, un soldat de Zion doit choisir entre l'amour et ses camarades du monde réel.

Kid's story - Réalisé par Shinichiro Watanabe, écrit par Larry et Andy Wachowski - Un jeune lycéen est invité par Neo à tenter d'échapper à la Matrice. Il doit trouver une sortie...

World record - Réalisé par Takeshi Koike, écrit par Yoshiaki Kawajiri - Utilisant sa puissance et son endurance, un sprinter parvient à sortir de la Matrice, et à entrevoir le monde réel qu'elle dissimule.

Beyond - Ecrit et réalisé par Koji Morimoto - Dans une petite ville tranquille, Yoko découvre un bug de la Matrice, représenté par un manoir abandonné où tout semble possible. Mais les exterminateurs débarquent, pour débuger le système.

Matriculated - Ecrit et réalisé par Peter Chung - Un petit groupe de rebelles parvient à capturer une "sentinelle" et à reprogrammer le robot afin qu'il oeuvre pour la cause humaine...

Detective story - Ecrit et réalisé par Shinichiro Watanabe - Un détective privé est engagé pour traquer la cyber-criminelle Trinity.

The Final flight of the Osiris - Réalisé par Andy Jones (Square USA), écrit par Larry et Andy Wachowski - L'équipage de l'Osiris doit ramener un message vital vers la cité rebelle de Zion. Les sentinelles sont sur leur trace...

  • La saga "Matrix"

Matrix est le premier épisode de la saga cyber-futuriste des frères Larry et Andy Wachowski. Il est suivi par la compilation de courts métrages animés The Animatrix (neuf au total, disponibles en DVD à partir du mois de juin 2003), et Matrix reloaded / Matrix revolutions, respectivement sortis en mai et novembre 2003. L'univers est également décliné en jeu vidéo, dans Enter the Matrix qui propose une heure de scène sinédites, et un jeu multijoueur dans la Matrice attendu dans les bacs en 2004.


**Qu'est-ce que la Matrice?

"Nous avons commencé à écrire Matrix en partant de l'idée que toutes les choses que nous croyons réelles, que tous les objets qui nous entourent, sont en fait élaborés par un univers électronique : la Matrice", expliquent les frères Larry et Andy Wachowski. "Tout au long de leur histoire, les hommes ont cherché à approfondir le sens de la vie, à aller au-delà des apparences, ce qui les conduits à d'étonnantes révélations. Dans ce film, nous avons voulu raconter l'aventure d'un petit groupe de rebelles qui passe de l'autre côté du miroir et prend conscience du pouvoir de la Matrice. Cette découverte amorce le récit au lieu d'en constituer le terme, comme il est de règle dans les contes initiatiques".

  • Des chiffres et des noms

Les noms des principaux personnages de Matrix n'ont pas été choisis au hasard, et ont chacun une réelle signification : Neo est ainsi l'anagramme de One (L'Elu) et vit dans l'appartement 101, Morpheus renvoie au Dieu des songes Morphée, Trinity représente la Trinité Mère/Femme/Guerrière et vit au N° 303, alors que Cypher rappelle indubitablement Lucifer. Quant à l'agent Smith, qui est à la fois partout et nulle part, il est tout simplement affublé du patronyme le plus usité aux Etats-Unis...

  • Les références de "Matrix"

Oeuvre dense, Matrix fait bien évidemment appel à de nombreuses références et cultures diverses. On y retrouve ainsi des éléments littéraires (le conte initiatique, Alice au Pays des merveilles), philosophiques (La Caverne de Platon, l'oeuvre de Baudrillard) et mythologiques (la thématique de l'Elu, l'Oracle...), mais également tirés des comic-books, de l'animation japonaise (Akira, Ghost in the Shell) et du jeu vidéo (le film est construit sur une série de choix : se faire arrêter ou fuir, prendre la pilule bleue ou la rouge, partir sauver Morpheus ou le laisser)... Autant d'éléments qui font de Matrix une oeuvre hybride, à la frontière du cinéma, de la bande dessinée, du conte et du jeu vidéo. Qu'est-ce que Animatrix ?

Afin d'explorer plus loin encore l'univers de la Matrice, un programme regroupant neuf courts métrages animés faisant appel à tous les styles d'animation (traditionnelle, manga, images de synthèses...) a été élaboré par les studios Warner. Réalisé par les plus grands noms de l'animation japonaise et écrit notamment par Larry et Andy Wachowski, The Animatrix est édité en DVD à partir de juin 2003, entre les sorties en salles de Matrix reloaded / Matrix revolutions.

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