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lundi 22 mars 2010

_______Il faut « marabouter », toujours « marabouter »... encore « marabouter » ! Que faut-il penser d’un pays où la majorité de la population se regarde en riant, se donnant tapes amicales et franches accolades alors qu’ils vivent dans une jungle morale.

  • Que faut-il penser d’un pays où la majorité de la population se regarde en riant, se donnant tapes amicales et franches accolades alors qu’ils vivent dans une jungle morale ?

Le ministre-conseiller du président de la République, Issa Mbaye Samb, aurait été « marabouté ». Quelqu’un a même avoué être l’auteur des faits qui ont conduit à son rappel à Dieu. Dieu ? Les sénégalais doivent (re) lire Ahmadou Kourouma : « Allah n’est pas obligé ! »

  • Le modèle Sénégalais musulman est-il toujours opératoire ? Quelle est la part de mysticisme qui nous habite ? Et, surtout, comment font les gens pour défier les lois de la physique ? Notre cosmogonie Africaine ne règle pas les problèmes. Ainsi, il y a des gens qui ont la possibilité de « faire du mal à distance » en envoyant de mauvais sorts à des adversaires. Soi-disant adversaires. Pourtant, si cette science infuse devait avoir droit de cité au Sénégal, ses habitants devraient arrêter de revendiquer à tout bout de champ et du haut de leurs minarets leur islamité ; leur islamisme étant minoré par le caractère confrérique de leur religiosité.

Rationnel ? Un ministre-conseiller du président de la République, Issa Mbaye Samb, ancien ministre des Sports, vient de décéder et tout le pays est convaincu qu’il a été « marabouté ». En clair, un de ses ennemis s’est attaché les services d’un charlatan pour lui jeter un mauvais sort qui a eu raison de sa santé. Un homme a parlé à la presse pour dire qu’il était l’auteur des faits et a demandé pardon à la famille du défunt. Vivement que l’on maraboute nos pensées dans le bon sens ! L’info, c’est qu’un quidam, installé quelque part, peut vous trucider, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes.

Le débat tient aujourd’hui dans le fait qu’il ne faut plus parler du Sénégal comme « ce pays peuplé de 95% de musulmans ! » Un ancien homme politique rend l’âme ; toute la presse évoque sa mort comme surnaturelle et cela agrée toutes les pensées. On donne la « Une » à un mec qui reconnaît qu’il est l’auteur des « faits ». Intérieurement, par hypocrisie, beaucoup de Sénégalais refusent de reconnaître cette dimension de notre société. De peur qu’on les voit sur les chemins qui mènent aux masures des marabouts.

Notre société ne peut pas avancer si on s’en s’en tient à des considérations qui ne relèvent pas de l’ordre. Ils sont vraisemblablement capables de tuer un homme à distance mais ne peuvent créer le chais d’une aiguille, ou, mieux, honorer une facture par un travail qui aura une incidence sur notre contribution au développement de l’Humanité. Le mal, toujours le mal ! Si on est capable de jeter un sort, on doit, normalement, pouvoir guérir. Or, l’Afrique ploie sous toutes sortes de maladies. C’est le seul continent où rien ne s’invente !

L’autre terme du débat tient à des considérations plus que métaphysique mais que l’entretien d’un simple commerce des hommes peut ramener à un dualisme simple qui est le fondement même de la société : le bien contre le mal. Dans ce pays, c’est maintenant le deuxième concept qui est maintenant célébré. Nombreux sont aujourd’hui les huiles qui cherchent à entrer en contact avec ce fameux charlatan qui a eu raison des ambitions de Issa Mbaye Samb.

Il ne faut pas se tromper ; c’est un élément fondateur de notre société. Il ne fait, par contre, que renseigner sur le renversement moral qui nous habite. Le « maraboutage » est lâche par essence. On y va incognito car à court d’arguments cognitifs. On sourit aujourd’hui à la même personne à qui on a demandé la veille la perte. Dans les milieux professionnels où l’expertise est la plus demandée, des acteurs en arrivent à se demander s’ils ne rêvent pas ! Comment quelqu’un qui vient de travailler sur des systèmes de sécurité informatique, sur des mutations bactériennes, sur l’implication militaire du tir d’un missile de nouvelle génération par l’Iran, comment cet homme peut-il être réduit à penser qu’il est dans la fenêtre de tir d’un homme qui peut lui jeter un « mauvais sort », tout simplement parce qu’il écrase les convenances par sa compétences ? Comment ?

Regardez, on tous en mémoire cette image des seaux pleins d’une eau saumâtre que l’on verse sur nos pauvres footballeurs les heures qui suivent les matches. On est out pour les prochaines Can et Coupe du monde. Tout le Sénégal est convaincu que si on a battu la France en 2002, c’est à cause de pratiques occultes. Des entraîneurs « locaux » ont été nommés pour coacher l’équipe nationale A de football. Aussitôt, des prières sont montées des chaumières pour qu’on ne les « maraboute pas. » Roulez ballon ! On a des problèmes d’électricité, de bouffe, de scolarisation de nos enfants ; il y a plusieurs localités proches de notre capitale qui sont sous nos eaux. Les paysans bradent leur production arachidière, nos routes se dégradent à un rythme soutenu, nos politiques ne proposent que leurs personnes, pas de programmes ; où sont nos « charlatans-tueurs » ?

En écrivant son brulôt, « Et si l’Afrique refusait le développement ? », Axelle Kabou, a avoué qu’elle s’attendait à recevoir une volée de bois vert. Ce qui fut fait. Lors de son fameux discours tenu à l’Ucad II, à Dakar, le président Français, Nicolas Sarkozy, soutenait que « les Africains n’étaient pas assez rentrés dans l’Histoire ». Nouvelle volée de bois vert. Tout le pays est convaincu que l’ancien ministre a été victime d’un mauvais sort ; tout le monde s’en accommode. Si, comme tout le monde le dit, « c’est une réalité Africaine », c’est qu’on est mal barrés. Musulmans et Chrétiens, très pratiquants mais pas du tout croyants.

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vendredi 5 mars 2010

_____On oppose souvent le modèle d'intégration américain au système français ? La candidature d'Obama, c'est un levier incroyable dans la tête des gens et des minorités? intégration américain au système français.

On oppose souvent le modèle d'intégration américain au système français?

Il s'agit de deux systèmes basés sur des mythes différents. En France, c'est le mythe d'une nation une et indivisible, un modèle très centralisateur, bref jacobin. Avec une sorte de méfiance et de suspicion par rapport à l'altérité et à l'hétérogénéité. On a toujours ce besoin de vouloir faire entrer dans le même moule des choses complètement différentes, quitte à les éradiquer, les nier. Aux Etats-Unis, il n'y a pas cette dimension d'une intégration par l'individu. L'intégration se fait à partir de sa communauté. Et surtout à partir du fric. Ce qui a changé pour les Noirs, c'est qu'en trente ans, il y a eu une formidable diversification sociale et une infime frange de la communauté noire a pu accomplir une ascension sociale fulgurante. A tel point qu'aujourd'hui, parmi les plus grandes fortunes américaines, on trouve des Noirs américains. Une partie de la communauté noire a prouvé qu'elle pouvait aux affaires être plus efficace que ses congénères noirs.

Et en France ?

En France, démographiquement, ça n'existe pas. Aux Etats-Unis, le poids économique que ces Noirs représentent se traduit ensuite dans la visibilité politique et la présence d'un candidat noir à la présidence. C'est une répercussion normale. En France, ce n'est pas le cas, le fameux "plafond de verre" n'a pas encore explosé. Je ne sais pas si ça va avoir lieu, je ne sais pas s'il faut lutter dans ce sens, se livrer à l'exercice du lobbying. Je n'en sais rien. Certains semblent le penser, il existe des tentatives en ce sens? Mais c'est un aveu cuisant d'échec et d'hypocrisie révélée de ce système d'intégration au mérite, comme on le conçoit en France? Ce système a échoué. Mais la condition globale des Noirs américains, elle est juste abominable. J'ai pu le constater à Brooklyn, Staten Island, il existe une sous-humanité où les Noirs sont sur-représentés. Il suffit de se référer à la réalité du système pénitentiaire américain où les afro-américains représentent 80% de la population carcérale.

Un candidat noir aux USA, cela ne risque-t-il pas d'aiguiser les revendications communautaires en France?

C'est déjà le cas, sur le thème: "pourquoi ce qui se passe là-bas ne pourra jamais se produire ici ?" Une question qui n'aurait pas pu être posée il y a deux ans. Par ricochet, on en revient à nous et le problème de la surreprésentation des minorités au bas de l'échelle, aux étages inférieurs. Du coup, ça interroge notre système de manière structurelle, vu qu'appartenance raciale et sociale bien souvent se superposent. Est-ce qu'on n'a pas loupé un train ? Y-aurait-il en France une question raciale qu'il s'agirait d'appréhender avec la même crudité qu'aux Etats-Unis ? D'autant que le système US a toujours servi de repoussoir pour justifier et vanter les mérites du système à la française, ou la conception que l'on se fait de l'altérité et de l'égalité. Ce vernis, il est en train de se craqueler. Donc oui, la candidature d'Obama, c'est un levier incroyable dans la tête des gens et des minorités? Donc est-ce que les "Beurgeoisies" et les "Blackgeoisies" locales vont être cooptées par les mêmes qui il y a quelques années fermaient les portes? Je n'en sais franchement rien.

Et les nominations de Rachida Dati, Fadela Amara, Rama Yade?

C'est une manière assez habile de déplacer le débat, on leur souffle leurs textes. Ce sont des figures qu'on monte en exemple mais pour mieux refermer et verrouiller les portes. Je ne trouve pas ça très ambitieux comme politique d'ouverture. Les problèmes sont collectifs et sociaux, y répondre par des promotions individuelles, c'est déplacer le problème. Il ne s'agit pas de nommer un arabe ou un noir à des postes régaliens pour avoir dans le même temps une politique à destination des populations dont ils sont issus extrêmement rétrogrades, mener une politique complètement infamante en matière d'immigration, avec un renforcement toujours croissant du maillage répressif au sein des quartiers? On donne le change en faisant la promotion de quelques figures qui vont allègrement relayer un discours qu'ils n'ont pas produit, mais le problème est entier et il s'est même aggravé depuis les émeutes de 2005.

Je n'ai pas une vision monolithique des Etats-Unis. C'est le pays par excellence du contraste et de l'anachronisme où une chose et son contraire peuvent se côtoyer. Ce qui est fascinant dans la vie américaine, c'est la multiplicité des niches? Dans le domaine de la création, des choses sublimes se font à partir de capitaux, de structures de production privées? L'Amérique, c'est un système fédéral, complètement décentralisé, multipolaire. Le culte de l'initiative individuelle qui produit beaucoup de désastres mais offre aussi de belles opportunités. Il y a des angles morts, ce que j'appelle des niches, et dans ces niches se créent des expériences artistiques d'une audace et d'une inventivité incroyables. Je suis très curieux de tout ça. J'ai encore le sentiment que les Etats-Unis restent un eldorado pour les gens qui se voient refuser des opportunités là où ils se trouvent. Un pays de tous les possibles, conformément à son mythe fondateur.

Il ne serait pas autant porteur d'un renouveau dans la vie politique américaine?

Il représente, incarne, cristallise une évolution dans les lignes de fractures au sein de la société américaine. Mais il ne fera pas de miracle, il ne va pas bouleverser la vie des Américains au point où on semble vouloir l'entendre, une sorte de mise à plat de toutes les violences internes à la société US. En tout cas, l'engouement autour de sa personne marque la cristallisation d'un besoin réel de rompre avec la précédente administration, cette politique "fascisante" à l'intérieur et à l'extérieur, ce sont des mots que j'entendais de la part d'étudiants et de professeurs. Donc oui, il y a ce besoin de changer de vision, de politique, d'attitude. Et la figure d'Obama est le réceptacle de tout ça.

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