samedi 10 juillet 2010
______La Banlieue S'exprime, Le nègre fondamental n'est pas mort : actualités du droit. La place de la Justice, Police Responsabilité, loi, Prison, Démocratie dans la civilisation africaine
samedi 10 juillet 2010 à 15:26 :: __La Transmutation Alchimique, "la transmutation de lesprit".. Chroniques de L'enfant divisées
18.04.2008 Le nègre fondamental n'est pas mort
Le nègre fondamental n’est pas mort.
Aimé Césaire, toi qui t’était qualifié de nègre fondamental, tu nous salues depuis Fort-de-France. Episode dans une histoire d’amour. Car il faut être bien crédule pour gober ces dépêches nous annonçant que tu serais mort à Fort-de-France à l’âge de 94 ans.
Parce que le propre d’un nègre fondamental est de ne pas mourir. Et nous devons être d’autant plus méfiant qu’en voici plus d’un qui s’approche déjà pour t’embaumer. J’ai même vu la grande prêtresse du chabichou qui avait déjà déclenché sa machine à communiqués pour demander un transfert au Panthéon. Des communiqués pour un poète ! Où allons nous mes enfant !… J’ai aussi vu le roi des Ray-Ban et de la Rolex réunies qui lisait lui aussi un communiqué, en faisant des grands gestes avec les bras. Mais qui les calmera ? La prochaine fois, je vote pour celui qui a une bibliothèque chez lui. Je crois que c’est le seul critère pertinent.
Il peuvent tout faire, mais il ne savent rien faire puisqu’ils ne savent pas lire et parler. Aimé Césaire, tu es un nègre fondamental. Gamin martiniquais, tu ridiculisais dans ta tête les colons de l’entre deux guerres en comparant leur pratiques de voyous blanchis aux méthodes de la pensée grecque. Projeté du lycée Victor Schœlcher de Fort-de-France à Louis-le-Grand de Paris, en passant par l’Ecole Normale, tu reviens prof’ au lycée Victor Schœlcher. Fondamentalement nègre et alors gravement communiste, et tu écris dans Cahier d’un retour au pays natal, en 1939 : « Je serais un homme-juif, un homme-cafre, un homme-hindou-de-Calcutta, un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas, l’homme-famine, l’homme-insulte, l’homme-torture, on pouvait à n’importe quel moment le saisir le rouer de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir de compte à rendre à personne sans avoir d’excuses à présenter à personne… ».
Mais dans le même poème, tu ajoutes: « ô lumière amicale « ô fraîche source de la lumière « ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole « ceux qui n'ont jamais su dompter la vapeur ni l'électricité « ceux qui n'ont exploré ni les mers ni le ciel « mais ceux sans qui la terre ne serait pas la terre « gibbosité d'autant plus bienfaisante que la terre déserte « davantage la terre « silo où se préserve et mûrit ce que la terre a de plus terre « ma négritude n'est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour « ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'œil mort de la terre « ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale
« elle plonge dans la chair rouge du sol « elle plonge dans la chair ardente du ciel « elle troue l'accablement opaque de sa droite patience. »
Voilà, cher Aimé, on se retrouve avec cette négritude. Et bien, vois tu, je ne suis pas convaincu. Le débat n’est pas d’aujourd’hui, et tu as très bien défendu le mot. Moi, je ne suis qu’un apprenti, qu’un visiteur des mots. Mais négritude, c’est quoi aujourd’hui ? Culture noire ? Culture africaine ? Qu’en est-il aujourd’hui de cette fierté triste ? Méfie-toi, Aimé, car ils vont te la blanchir, te la polir, cette négritude. 2008 et 1949, ce sont deux mondes, et l’emballement à utiliser négritude quand les Noirs et l’Afrique restent si sous- estimés, rend le mot désormais suspect.
Tu n’as jamais dit « fondamentalement nègre » : terriblement réducteur. Non. Mais « nègre fondamental », ça a de l’allure. C’est dire qu’il y a des racines indestructibles, une part en toi, de l’histoire nègre, de ceux que « l’on peut tuer - parfaitement le tuer - sans avoir de compte à rendre à personne sans avoir d’excuses à présenter à personne ». Du fondamental, ce sur quoi tu fondes. Une part commune d’identité,… et que tu dépasses.
Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est qu’il n’y a pas besoin d’être noir pour être « nègre fondamental ». J’aimerais bien que tu me dises ce que tu en penses. Amitiés, Cher Aimé.
http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2008/04/18/le-negre-fondamental-n-est-pas-mort.html