______L'argent, La drogue, Le sexe, Les hommes politiques : Quand le sexe prit le pouvoir, Les femmes ne sont que sexe, Les hommes ont un sexe, mais s’en servent bien mal. Légalisation des Drogues: Pourquoi l'Alcool est il en vente libre ?
Par http://www.777-mafia.com/us/home, jeudi 29 mars 6666 à 17:00 :: ******VIE ESTUDIANTINE*****Betou mé yamb’ ngue na Congo ! (munukutuba) :: #3315 :: rss
- Légalisation des drogues: sortir des impasses de la prohibition en France , c'est sortir de l'impasse du mensonge et de la prostitution psychique dans l'espoir hypothétique de limiter l'usage de ces substances..
- [Pourquoi l'alcool est-il en vente dans ce cas ?
Autrefois, il y avait des êtres humains. Il y avait des hommes et des femmes.
Les hommes et les femmes étaient à la fois pareils et différents. Ils avaient de pareils la tête, le cerveau, le cœur, le buste, les jambes, les bras, les mains, les pieds. Ce qu’ils avaient de différents, c’étaient les seins, l’intérieur du ventre et les sexes. On oublia ce qui était pareil, et puis les seins aussi. Il ne resta bientôt plus que les sexes female, male.
Les femmes n’ont pas de sexe, les femmes ne sont que sexe. Les hommes ont un sexe, mais s’en servent bien mal. Les hommes ne sont que sexe, et il est temps que ça cesse.
On discutait du sexe faible qui n’était pas si faible que ça et qui même avait pris le pouvoir, du sexe fort qui n’était pas si fort que ça et qui même en prenait plein la gueule. On discutait du premier, du deuxième, troisième sexe, du sexe opposé - mais, alors, on ne savait plus lequel - sans oublier le petit dernier : le sexe du fœtus. On avait oublié depuis longtemps le sexe des anges, remisé au magasin des Antiquités. Le sexe des âmes en revanche fit son apparition.
« Vous êtes très sexe » était devenu le dernier compliment, les « sexy » n’avaient plus qu’à aller se rhabiller. Quant au « sex-appeal », il relevait de la préhistoire.
Suprême avancée conceptuelle, le mot progressivement devint valable pour les hommes - sur ce terrain, historiquement, ils avaient une avance certaine - et pour les femmes, mais aussi pour les homosexuel-les, les bisexuel-les, les transexuel-les, les genré-es, les dégenré-es... et même les hétérosexuel-les.
En outre, ce qui était bien avec le sexe, c’était qu’on pouvait l’employer à toutes les sauces : il pouvait être déjanté et déprimé, orienté, circoncis et anal, chrétien et rapide, criminel, allègre et rétréci, prostitué et fatigué, amateur, esclave et d’avant-garde, gratuit et militant, extrême, sinistre et fétichiste, gay, surdimensionné et prisonnier, solitaire, post-moderne et aux armées, torride, traditionaliste et tantrique, en hausse et handicapé, ignorant, mou et en trio, dangereux et vendeur, hard, laid et biologique, sans risque et dissolu, piquant, social et pudique, pervers et en plein air exotique, harcelé et fétichiste, machiste et consumériste, péché, répudié et coûteux, lesbien et noir, dissolu, libérateur, légal....
Pour éviter les répétitions et l’ennui, pour pimenter un peu tout ça, de temps en temps, on ressortait de la naphtaline des tas de mots : plaisir, désir, coït, libido, éros, orgasme... Plein de gens ne voyaient toujours pas en quoi cela pouvait concerner leur vie et/ou n’y comprenaient toujours rien, mais personne n’osait le dire, au risque de passer pour un-e attardé-e mentale, un-e minable, un-e frustré-e.
Malgré - ou plutôt, du fait - de cette omniprésence, les débats ne cessaient de se complexifier : on discutait du sexe qui ne fait plus partie de la sphère privée ; de la justice qui perdait la tête dès qu’elle abordait le sexe ; du tabou du sexe dans la bourgeoisie - quant à la classe ouvrière, même les Trotskystes ne savaient pas quoi en dire - ; des négociations pétrole contre sexe ; des relations complexes du sexe, de la faucille et du marteau ; des préjugés moraux qui se cachent sous les discours du sexe ; de la dédramatisation du sexe qui persistait à ne pas se dresser fier comme Artaban ; de la vérité de l’être révélé par le sexe mais aussi de la nécessité de libérer le sexe pour se libérer du sexe ; de l’importance du facteur sexe dans la course à la Présidence ; de l’injustice du commerce du sexe à deux vitesses ; de l’ouverture probable de l’Église au sexe ; de la place complexe du corps entre le sexe et ’le genre’ ; de l’interface sexuelle du colonialisme, etc., etc.
Personne ne s’y retrouvait plus vraiment, mais dans cette confusion, certain-es espéraient vivement qu’on réglerait la question du féminisme qui, à l’exception des femmes, emmerdait tout le monde. Néanmoins, le problème était qu’il y avait toujours le risque que quelqu’un-e dise que les hommes et les femmes avaient un sexe différent. Il y avait toujours un homme qui disait que son sexe, aussi, était aimable, épanoui, doux, attentif, vulnérable ; il y avait toujours une femme pour dire que son sexe était, lui aussi, exigeant, égoïste, sauvage, tellurique. Et il y en avait de plus en plus qui ne s’y retrouvaient vraiment plus du tout, ni dans ces comparaisons, ni dans ce galimatias. Plus grave, le sexe était censé - libéralisme oblige - être choisi ou contraint, et, en prime, avec ou sans désir : il fallait réfléchir et surtout répondre et ça devenait très compliqué.
Les discussions, de plus en plus confuses, finissaient de plus en plus mal. Et c’était d’autant plus embêtant que personne n’était satisfait - de toute façon, il n’y avait plus aucune norme à laquelle se référer - , que tout le monde savait que tout le monde mentait et que tout le monde commençait à en avoir vraiment marre de cette overdose.
La libido, déjà bien malmenée, baissait de manière alarmante. Certains, même, pensaient que tout ça, à part faire les enfants, ça gâchait la vie de tout le monde et qu’on vivait, sinon bien mieux, sans, mais assurément, plus tranquille. Certains osaient affirmer que, tous comptes faits, l’abandon du sexe, n’était somme toute pas tellement plus difficile que celui du tabac. Ça commençait à devenir dangereux car c’étaient les bébés dont on avait besoin pour aller acheter chez Carrefour et payer les retraites qui risquaient eux aussi de diminuer.
Le sexe alors prit les choses en main. À force de parler de lui, de lui sans cesse - d’autant qu’il y était pour quelque chose - il se dit qu’il était temps qu’il ait un projet et une stratégie. Il lut Machiavel, Marx, Clausewitz et les féministes. Il devint beaucoup plus sûr de lui. Il décida donc de faire du profit, un maximum de profit, sur son nom. Mais il cachait mal qu’il aspirait à bien d’autres ambitions.
Il se trouvait qu’il y avait déjà pas mal de temps, des gens avaient pensé à gagner pas mal d’argent en faisant payer la seule chose qui était gratuite et - dans la meilleure des hypothèses - gratifiante : l’amour. Il se mit alors efficacement au turbin et pensa de suite global : il décida de faire du business à grande échelle, sous toutes ses formes : familiales, artisanales, petites entreprises, moyens commerces, grandes industries, multinationales cotées en bourse, tout était bon. 2.000 mètres carrés de sexe par ville devint vite le norme ; les sex-shops avaient du mal à soutenir la concurrence. L’État vint à leur aide, notamment pour maintenir des lieux de convivialité. Il devint tout à la fois une fonction, un service et un produit d’intérêt économique général. Son succès fut tel que même des écolos se mirent au commerce équitable. La Grameen Bank adapta ses formulaires.
Cependant, malgré ses succès indéniables, il y avait encore des gens qui disaient que, derrière tout ça, se cachaient de biens vilains projets. Il prit alors le taureau par les cornes pour faire cesser les déplorables tabous le concernant.
Dans un premier temps, le sexe utilisa assez efficacement - il faut lui rendre cet hommage - les arguments d’autorité, l’intimidation, les provocations. Rien de plus classique. Il commença petit : pour éviter d’avoir à répondre aux critiques auxquelles il était confronté, un qualificatif fut, un temps, systématiquement employé qui d’emblée était censé clouer le bec à tous ses opposants : « puritain-e ». Il le testa sur les agrégé-es de philo et ça marcha. « Imbécile », passe encore, on pouvait tenter de se défendre, mais « puritain-e », c’était censé être impossible. Ça voulait dire qu’on n’était pas libéré-e, pas moderne, pas tendance, pas aux normes, pas formaté-e, pas dans l’air du temps. Et donc que non seulement on n’avait rien compris à rien, mais en outre, qu’on était conformiste, traditionaliste, réactionnaire. Lorsque cela ne suffisait pas, à « puritain-e », il ajoutait : « moraliste ». Ça c’était l’injure suprême, l’anathème qui devait terrasser l’adversaire. Quant à ceux et celles - qu’il avait repéré-es depuis longtemps - qui disaient que récuser « le moralisme », quand on n’en avait pas une autre morale à mettre à la place, n’était ni plus ni moins que la barbarie en marche, ils/elles n’avaient même pas le temps de commencer à expliquer pourquoi, qu’il les avaient déjà mis-es hors-jeu.
Ces arguments s’étant un peu, à la longue, usés, il décida de choisir quelques boucs émissaires. Classique encore. Plus ses cibles étaient importantes, plus il était content. Mais ce qu’il avait en tête, à terme, c’était, en temps utile, de pouvoir diriger contre elles, la colère, la haine de tous ceux surtout des hommes, les statistiques étaient sans appel qui, tout en souhaitant s’identifier à lui, n’y parvenaient pas. Il pensait même être assez vite en mesure de diriger contre ses ennemi-es toutes les frustrations du monde. Sur les mécanismes à mettre en place, il y avait tant d’exemples dans l’histoire qu’il n’avait qu’à piocher là où il les pensait, pour lui, le mieux opérationnels. La lecture d’Hannah Arendt l’aida beaucoup.
Quant à la défense de son propre honneur - auquel il affirmait avec force avoir droit comme tout le monde - il en était d’autant plus sourcilleux qu’il avait, au cours des siècles, pris l’habitude d’en avoir une conception toute particulière. Aux menaces, aux attaques, aux injures, succédèrent les procès, accompagnés - lorsque c’était vraiment nécessaire à l’affirmation de sa crédibilité - de quelques réalisations de ses menaces. L’argent, ce n’était pas vraiment le problème, pas plus que de trouver des bon-nes avocat-es - quelques tueurs n’étaient pas superflus - sans trop de scrupule.
Malgré tout, il y avait encore des lieux où il était encore persona non grata. Il n’eut de cesse de les pénétrer ; et, à ça, il était très fort. Alors, il s’immisça partout sans vergogne ; on le sortait par la porte, il rentrait par la fenêtre. De sa plus petite avancée, il faisait un Austerlitz.
Dès lors, de plus en plus nombreuses étaient les personnes qui avaient de moins en moins la parole. Elles se rajoutaient à tous ceux et celles qui, depuis si longtemps, n’osaient, ne savaient pas, ne voulaient parler, ni de sexe, ni de sexualité. Et surtout, à toutes celles qui ne comprenaient pas bien le rapport entre elles et leur sexe. Dès lors, il avait le champ libre quasiment pour lui tout seul.
Il eut une très bonne idée et décida de laisser la parole à ses travailleuses. Pas les ouvrières, nuance ! Quand elles s’affirmaient, écrivaient, manifestaient, étaient à la télé, lui était aux abonnés absents. Mais comme elles faisaient son boulot, ce n’était vraiment pas la peine qu’il se dérange. Grâce à elles, en outre, il avait réussi, faute de combattants, à supprimer la lutte des classes.
Elles eurent beaucoup de succès. Les travailleuses du sexe, ça faisait plaisir à la gauche qui s’était fait piquer les travailleurs - lesquels, donc, de moins en moins votaient pour elle - et qui, en féminisant le mot, espérait faire oublier les millions de travailleuses que le socialisme avait allègrement sacrifiées. Ça faisait plaisir à la droite qui avait toujours considéré qu’il ne pouvait y avoir d’ordre sans famille et bordel. La religion, ça se négociait. Ça faisait surtout plaisir à tous ceux, à droite comme à gauche et au centre, qui, même en fouillant dans les fonds de tiroirs, ne savait plus comment trouver à faire de l’argent. Ça faisait surtout plaisir à ceux et celles d’entre elles qui s’affirmaient urbi et orbi libres, épanouies et heureuses, belles et désirées et - cerise sur le gâteau - payées ! Quant aux ’autres’ - celles qui ne rentraient pas dans lesdits qualificatifs - elles étaient entrées depuis longtemps dans la colonne : « pertes et profits ». Seules quelques-unes, triées sur le volet, que l’on avait fait entrer dans la catégorie : « esclave moderne » pouvaient avoir droit à un peu de profit - en solde de tous comptes - pour toutes les pertes qu’elles avaient subies. Pour les autres « esclaves », on ne pouvait donc pas faire grand chose, depuis le temps que ça durait. En racheter quelques-unes peut être ? Quant à toutes les autres, qui, non contentes d’être moches, aigries, flouées, secrètement jalouses des prostituées sans oser depuis des siècles le reconnaître, étaient, en outre, baisées gratos, elles étaient vraiment de pauvres connes.
Très vite, le sexe décida de porter un intérêt tout particulier aux féministes. Pour cela, il ne s’encombra pas de difficultés : plus c’est gros, mieux ça passe, c’est bien connu : il s’autodéclara féministe. Crédible ou pas, il s’en foutait. Et, le pire, c’est que ça marcha. Là, il avait fait très fort. Il sut se faire modeste, mais il cachait mal le fait que se déclarer féministe était sa plus grande jouissance. Il faisait, en outre, d’une pierre trois coups : il se conférait une image d’intello et de militant respectable et respecté ; il vidait le féminisme de toute doctrine et de toute légitimité ; une fois dans la place qu’il assiégeait littéralement, il en vidait toutes celles qui le récusaient.
Ce qu’il voulait avant tout, c’était que tout soupçon de criminalité qui, depuis des siècles, lui collait à la peau, disparaisse. Pour cela, il fallait qu’on le reconnaisse comme un interlocuteur valable : il était prêt dès lors à discuter avec tout le monde, de tout, de rien, pourvu qu’il ne s’agisse pas de l’essentiel. Pour cela, il voulait sans cesse - c’en était devenu une obsession - qu’on lui parle, qu’on discute avec lui, qu’on le lise, qu’on l’invite. On lui parla, on discuta avec lui, on le lut, on l’invita. Il sut attendre le respect. Mais il avait une fragilité intime : tant qu’il restait une seule personne qui se refusait à lui, il était frustré, en manque, furieux.
Comme le fait qu’il soit devenu féministe n’était pas évident à faire avaler - la pilule était un peu grosse, il le reconnaissait lui-même - il décida d’investir la culture. Il demanda aux intellectuel-les, aux chercheur-euses d’écrire plein de livres sur lui. Ce qui fut fait. Il demanda aux cinéastes, aux romanciers, de faire plein de films et de romans sur lui. Ce qui fut fait. Il demanda aux journaux d’écrire plein d’articles sur lui. Ce qui fut fait. Des festivals, des concerts, des quinzaines, des spectacles, des expositions, des musées qui lui étaient - exclusivement ou non - consacrés voyaient le jour un peu partout. La carte de l’implantation de Coca-Cola dans le monde devient progressivement la sienne ; il la supplanta vite en amplitude.
Comme il risquait d’y avoir overdose de baise/porno - après le Kama-Sutra, c’est difficile de faire nettement mieux et beaucoup plus neuf - il inventa un truc très efficace : quand le sexe, à lui tout seul, s’épuisait, on en saupoudrait un peu ou beaucoup partout ailleurs : un petit ajout de sado-masochisme par-ci ; une réhabilitation de Sade, par-là. Une réécriture de l’histoire féministe, par-ci, une scène de bordel par-là. Pas mal de Hugh Hefner comme parangon de la liberté de la presse, par-ci ; plein de reportages sur les ’trafiqué-es’ du sexe par-là. Et beaucoup de messages, beaucoup d’analyses et de projets sur le sida....
Tout ça - et bien d’autres choses encore - finirent par obtenir leurs effets. Au terme de toutes ces productions, il devenait de plus en plus acquis - si l’on en croyait ce que l’on lisait, voyait, entendait tous les jours - que « la liberté sexuelle » l’expression, il est vrai, n’était vraiment pas claire et c’était donc bien fait pour sa gueule était synonyme de femmes nues « l’art » et Courbet plus particulièrement, fut pas mal sollicité, de partouzes, d’échangisme, de pornographie, de sado-masochisme.
Et comme tout ceci nécessitait des lieux pour toutes les bourses, il en créa de très fonctionnels, bien propres et pleins de personnes consentantes. On discuta, un temps, dans quelques pays, du consentement des enfants, cela ne dura pas longtemps. Une fois que le sexe était bien entré dans la tête, il n’était plus contesté par personne que le vendre était la seule solution. Il n’y avait en effet pas d’autre alternative ni au chômage - d’autant qu’il n’était plus nulle part indemnisé - ni à la mort par inanition faute d’avoir à manger. Beaucoup de monde était donc concerné.
Le sexe avait fait de grands pas, mais ça ne lui suffisait pas. Il continua à penser et, à force de réfléchir - comme il avait beaucoup d’argent, ça aidait - il décida de s’attaquer à l’enseignement. Il avait certes déjà pas mal investi la place dans le primaire et le secondaire grâce à la porno, mais il décida de faire plus noble. Il créa des écoles, des universités, des centres de recherches. On enseignait, on travaillait, on cherchait sur le sexe qui travaille, celui qui allaite, celui qui donne naissance, celui qui a le sida, celui qui se masturbe, celui de Louis XVI et celui de la tarentule. On n’oubliait pas non plus le sexe francophone, le sexe colonial, le sexe anal, le sexe des sciences, le sexe des plantes, le sexe au travail...C’était infini.
En philosophie, on étudiait - expurgé de tout l’inutile - Nietzsche, Schopenhauer auquel il adjoint Sade, Sacher-Masoch, Krafft-Ebing, Lombroso, Darwin, Bataille, Gyotat... En littérature, on étudiait tous ceux qui, un jour - là, on n’avait que l’embarras du choix - avaient vanté les plaisirs qu’il était censé procurer à ceux qui étaient du bon côté du manche. Dès lors, le nombre des femmes qui n’étaient déjà pas très nombreuses dans le domaine diminua de façon sensible ; mais, comme d’autres, lancées peu ou prou par lui et ses copains, et donc très médiatisées, finirent par occuper l’essentiel de l’espace éditorial, cela tendait à revenir au même, ou presque.
Dans les cours, on reprenait à zéro l’histoire de l’humanité : ceux sur la liberté, le choix, le libre-arbitre, le consentement, enseignés en première année, en étaient les fondements. Le libertinage se fit éthique ; le patriarcat, supercherie ; le désir, raison ; la confusion intellectuelle, critère d’excellence. Certes, tout cela n’avait aucun rapport ni avec les faits, ni avec le réel, ni avec l’histoire, ni avec la pensée, mais, comme c’est justement de tout cela dont il ne voulait plus, ça fonctionnait très bien. Il rendit un hommage appuyé à la publicité - à laquelle il conféra une place de choix - qui avait amplement labouré le terrain sur lequel il n’avait plus qu’à semer. La critique - qui se devait sévère - de l’affirmation : « L’homme a un pénis, mais le vagin possède la femme » d’Otto Weininger était donné comme sujet de réflexion/critère de sélection à l’entrée. Tout le monde se pressait dans les amphis. C’était très intéressant et il y avait beaucoup de débouchés : il y en avait pour les intellos, les commerciaux, les gestionnaires, les DRH, les juristes, mais, il faut le reconnaître, nettement plus pour les femmes et les hommes à tout faire...
Il investit même le champ religieux mêlé au païen et aux sectes : il créa des icônes, des saintes, des idoles, des prêtresses pour célébrer son culte. Le sexe cependant ne perdait jamais le Nord ; l’idéologie, l’argent, la religion, c’était très bien, mais c’était aléatoire. Il devait s’enraciner plus profondément pour que plus personne ne puisse le déboulonner. La politique lui fut une nécessité. Et comme il avait des copains dans l’armement, la drogue, le jeu et toutes les mafias déjà bien installées, ça alla plus vite et ce fut plus facile.
Il découvrit qu’il y avait des textes internationaux qui disaient des trucs qui le gênaient aux entournures parce qu’il était écrit que faire de l’argent en vendant le sexe des autres était interdit. Il décida donc - en douce, sans que personne ne le sache et sans jamais en parler en public et ça, c’était vraiment malin - de payer très cher des gens très intelligents pour qu’ils le débarrassent de ces vieux machins. Et pour qu’ils inventent de nouveaux mots qui lui iraient comme un gant. Ce qu’ils firent.
Un grand pas en avant était accompli. Le terrain était déblayé. Il pouvait agir au plan national et faire voter ses lois. Pour ce faire, il pénétra dans les lieux où les choses étaient censées - peu ou prou - se décider. Il lui fallut juste au début se travestir un peu, mais le prestige qu’il avait progressivement acquis l’aida beaucoup. Il convainquit beaucoup de monde de lui donner raison. À leur décharge, si, souvent, tous ces gens ne se rendaient pas trop compte de ce qu’on leur demandait, de toute façon, ils avaient tellement besoin d’argent qu’ils n’étaient pas trop regardants. Plus encore, chez certains, son passé de cruauté, d’indifférence à la douleur d’autrui et de cynisme absolu fut sa meilleure propagande.
- Il obtint ainsi, en article 1, que « Le droit au sexe », et, en article 2, « Le droit de s’exploiter soi-même pour le compte d’un tiers » soient inscrits dans la nouvelle Déclaration universelle des droits humains. Avec celui qui était devenu son compère, l’État, ils imaginèrent - pour se protéger de toute dénonciation indue - un article 3 qui créait un délit d’« aide non intentionnelle à la criminalité transnationale organisée ». Celui-ci - une seule fois utilisé contre un clampin - remplaça tous les autres textes inscrits depuis des lustres dans des codes que personne ne lisait ni n’utilisait plus.
La loi du sexe - c’est à dire sa liberté sans limite - avait eu raison de la loi.
- Il obtint que les abolitionnistes soient poursuivi-es pour complicité de crimes. Un temps, il hésita à demander symboliquement à Versailles l’abolition des privilèges que les abolitionnistes avaient, disait-il, indûment obtenus sur lui. Il passa outre à ses scrupules et il l’emporta, sans trop de difficultés.
- Il obtint qu’en France, la devise de la République devienne : « Liberté, marché, sexualités ». Certain-es défendirent le maintien de la référence à l’égalité ; la lutte fut brève.
- Il obtint que chaque ville soit contrainte - en sus des logements sociaux - de construire des lieux (cabanes, garages, zones de sexe, drive-in, lieux de rencontre pourvus de toutes les étoiles du Michelin : les appels d’offre furent lancés) où l’on pouvait le caresser, le regarder, le pratiquer, le consommer, l’échanger, le commander, le télécharger, le donner, le louer, le prêter, le vendre, le torturer... matin, midi et soir. Et même le tuer.
- Il obtient que fut considéré comme un motif automatique de séparation le fait pour quiconque d’être privé indûment de sexe.
- La devise inscrite aux frontons des lieux publics fut : « Sois ce que ton sexe fera de toi ».
Il avait toujours plein de projets et de nouvelles idées dans sa besace.
Grâce à la culture, à l’enseignement, au droit, à la politique, il élargit encore un peu plus son pouvoir, son assise, ses ambitions. Il créa des Coupes du monde, des Olympiades, des parcs à thèmes, des espaces publics ’sexe-attitude’, des Centers parks, des festivals, des salons, des temples, des comptoirs, des foires, des Académies du sexe. Dans ces lieux, il décida que les pulsions et les capacités sexuelles et marchandes seraient concomitamment excitées, améliorées, enrichies, rendues plus efficaces, plus performantes, plus rentables. L’entrée était gratuite pour les filles, jusqu’au jour où l’offre dépassa la demande ; alors ce fut payant pour tout le monde, mais déductible d’impôts.
Mais comme il y avait toujours quelqu’un-e pour dire qu’il faisait de l’argent de manière pas très catholique ; comme, de très irrésistible et incontrôlable qu’il était dans sa jeunesse, il devenait de plus en plus malin, il entendit un jour une phrase : « Sexe sans conscience n’est que ruine de l’âme » qui fit tilt. Alors, il décida d’investir dans les valeurs : il se fit alors esthète, prophète de l’échange, du partage, de la solidarité, de la jouissance, de l’émotion, de la joie, du bonheur. Le sexe se déclara en mal d’amour. Il apprit même à déclarer ses sentiments. Cette décision, qui ne lui avait financièrement que peu coûté, lui rapporta beaucoup.
Mais ça ne lui suffisait toujours pas. Tant qu’il avait encore quelqu’un-e à combattre, et même à convaincre, cela signifiait qu’il avait quelque chose à prouver, ce dont il ne voulait en aucun cas. Il se dit alors que le meilleur moyen d’éviter tout retour à une quelconque justification - preuve de faiblesse par excellence - était de se refaire une virginité politique ex nihilo ou quasi. Il se paya alors le luxe de se dire pas assez payé, exploité, dominé, violenté. Il rencontra une personne qui lui avait dit qu’il avait été violé : il déclara qu’il était vraiment contre et que c’était très mal. Il créa des associations d’aide aux victimes, ouvrit des lieux de parole et des cliniques où se côtoyaient masseurs/euses, médecins, chirurgien-nes, psy, sexologues, sexopathes, sexophiles, pédophiles réhabilités du fait de leur amour incontestable pour les enfants. Après pas mal de conflits de préséance, la cohabitation se fit sereine.
Mais il y avait, malgré tout ça, toujours quelqu’un-e pour dire qu’il était du côté des salauds. Il décida alors d’investir la critique du système : comme il y avait pas mal de monde déjà sur la place, il se fit vite des amis. Il déclara contester l’ordre établi. Il affirma qu’il était le défenseur des pauvres, des exploité-es, des exclu-es, qu’il était le porte-parole des veuves et des opprimé-es. Pour être celui des féministes, il dut attendre un peu. Il écrivit qu’il était multiculturel et même qu’il défendait tous les sans-papiers ; au plan mondial, ça faisait beaucoup. Il se fit l’apôtre de la lutte contre tous les tabous et tous les stigmates, contre toutes les transgressions et toutes les discriminations. Il n’avait pas le temps de faire dans la dentelle ; il faisait feu de tout bois.
Il fit florès chez les anars, les libertaires, les gauchistes, les écolos. Ils étaient tous très contents d’eux. Enfin, leur mauvaise conscience - pour ceux qui en avaient - pouvait aller se rhabiller sans plus trop les encombrer. Tous les autres riaient ou ricanaient, c’était selon dès lors qu’on parlait de lui ; l’habitude en était devenue une seconde nature.
Ce qu’il voyait c’était que ça marchait. Plus il était polymorphe, plus son profit, mais, plus encore, son emprise augmentait en relation avec la capacité qu’il avait de s’affirmer envers et contre tout. La fascination du pouvoir fonctionnait en sa faveur. Aussi, progressivement, il commença à se foutre royalement des gens qui continuaient à lui répéter que c’était vraiment pas bien de faire ce qu’il faisait. Sa philosophie - la vraie, pas celle qu’il vendait - était que, comme de toute façon, la vie ne valait rien, ou pas grand-chose, autant qu’elle rapporte. Et comme il n’était pas le seul à vivre de ce credo, il trouva pas mal d’allié-es.
Il avait le monde à sa portée : il était dorénavant libre, abondant, facile d’accès. Majeur, mineur et vacciné. Il continua sa marche en avant et géra efficacement tous les problèmes qu’il rencontra.
- Il s’inquiéta un temps de la raréfaction du désir, des baiseurs, des hardeurs, des trackeurs, des hommes virils. En effet - et c’était pour lui vital - il fallait sans cesse augmenter la demande qui ne pouvait ni stagner, ni encore moinsrégresser.
Les pannes de sexes, après le Viagra, remboursées, creusaient tant le trou de la Sécu qu’il fallut sévir. La répression n’était pas suffisante pour régler le problème : il était confronté à des contraintes physiologiques difficilement dépassables.
Qu’à cela ne tienne. Il fit appel à la technologie qui vint à son secours. Des êtres-sexes-machines - de toutes les tailles, de toutes les couleurs, de tous les âges - furent inventé-es ; ils/elles inondèrent le marché. Pour mieux en faire comprendre l’utilité, la fonction, les avantages et la manière de s’en servir, on les diffusa gratuitement dans toutes les écoles. Et il organisa - pour fêter cette immense innovation culturelle - de gigantesques fêtes au cours desquelles on brûla tous les gods d’un profit ridicule dans d’immenses et salvateurs autodafés.
- Il s’inquiéta un temps du coût grandissant des pots-de-vin et de la corruption qui, même à la petite semaine, finissait par alourdir les ardoises.
Qu’à cela ne tienne. Il décida d’arrêter de perdre son temps en palabres épuisantes, séductions aléatoires, mensonges minables. Il acheta tous les gouvernements, les parlementaires et autres fioritures. Comme, de toute façon, ils ne servaient plus à rien et, qu’en plus, ils se faisaient injurier toute la journée, ils se dirent qu’au moins, avec lui, ils pouvaient maintenir - et, pour certains, nettement augmenter - leur niveau de vie. Ils n’étaient pas exigeants : un ou deux seulement pinaillèrent sur les termes du contrat ; on n’entendit plus parler d’eux. Dès lors, tout devint plus simple. Il posséda l’État, tous les États - d’autant plus aisément que, lui, avait un projet planétaire - et il en fit sa propriété privée : il n’avait qu’à dire ce qu’il voulait et c’était fait dans l’heure.
- Il s’inquiéta un temps des difficultés persistantes à trouver la matière première afin d’alimenter le marché. Car les plus riches ne voulaient pas des êtres-sexes- machines qu’il avait inventés et continuaient à réclamer des êtres humains en chair, en os, en sexe ; et, pour les très, très riches - c’était prévu sur la carte - avec l’âme en plus.
En outre, les discounts du sexe, même rachetées par les multinationales, même après avoir piqué tout l’argent des actionnaires, même après avoir licencié tous ceux et celles qui n’étaient pas corvéables à merci - et qui en plus devaient dire merci - faisaient tellement baisser les prix que plus personne n’y retrouvait sa mise.
Qu’à cela ne tienne. Il supprima les arrestations continuelles, les décisions d’éloignements répétés, les mises en centre de rétention, les rapts, les razzias coûteuses, ponctuelles, éternellement à recommencer. Il décida l’instauration de l’état de guerre permanente. La démocratie ne résista pas longtemps : il y avait tant de temps qu’elle avait avalé tant de couleuvres, dit et fait n’importe quoi, que personne, pas même ceux qui étaient payés pour la rendre un tant soit peu encore crédible, n’y croyaient plus. Tout ce qui avait été mis sur place pour la lutte contre le terrorisme - à laquelle quelques gogos continuaient à croire - fut très utile : la logistique nécessaire pour alimenter le marché était opérationnelle. Il commanda à ses copains déjà dans la place des avions renifleurs sans pilote qui encerclaient une région après en avoir fait préalablement sortir les animaux nécessaires à la rentabilité des parcs nationaux et l’inondaient de gaz asphyxiant. Et puis, après, les bulls entraient en action, ramassaient ceux qui étaient par terre dans des bennes et remplissaient les gigantesques camps dans lesquels les sélections les plus rationnelles étaient effectuées. Des lebensborn pourvus de toutes les nouvelles techniques scientifiques y étaient adjoints.
- Il s’inquiétait enfin de ce que certain-es, ça et là, rechignaient encore à croire à l’avenir et aux slogans qu’il proposait, imposait, exigeait : « Le sexe comme raison d’être », « Le sexe pour horizon de vie », « Le sexe est le moteur de la vie », et enfin, le meilleur, : « Fais de ton sexe une œuvre ».
Qu’à cela ne tienne. Il décida qu’on n’avait plus le temps de traiter individuellement les récalcitrant-es. Aisément retrouvés par des tests de sélection qu’aucun détecteur de mensonge ne pouvait contourner, ils et elles rejoignaient dans les camps ceux et celles qui ne voulaient plus de lui, à aucun prix, qui ne rêvaient que chasteté, intégrité, repli sur soi, respect de soi, individu-e. Et qu’on y avait enfermé-es depuis longtemps.
Tout ce beau monde - pour pas un rond - travaillait le jour par roulement, en trois/huit, pour fournir en produits inutiles les milliards de personnes que l’on avait persuadées de leur absolue nécessité, tandis que, la nuit, tout le monde, après les sélections qui décidaient des affectations, devait baiser et être baisé. Indifféremment et obligatoirement. Aucune excuse n’était admise ; plus encore, à la moindre résistance, la dose était doublée.
Il savait en effet depuis longtemps qu’il n’y avait pas que la guerre, ni la famine dont la fonction était de contraindre les peuples à exécuter la volonté faite loi des plus forts. Le viol généralisé/rationalisé contribuait, plus efficacement que tout, à briser ceux et celles qui persistaient à tenter de continuer à penser qu’il pouvait y avoir une vie où le sexe trouverait la juste place que chacun-e pouvait, voudrait bien lui accorder. Dès lors, bien sûr, le viol en ce qu’il portait en lui la permanence d’un lien avec l’idée, la notion, l’hypothèse d’une contrainte, disparut du vocabulaire, de la pensée.
Les moyens qu’il employait dans ces camps étaient un mixte de ceux venus des plantations, des tranchées, des prisons, des gangs, des ANPE, des bagnes, des chaînes de montage, des stades. À grande échelle. Mais, ceux des bordels - ceux qui avaient si bien fait leurs preuves dans l’histoire qu’ils avaient réussi à faire disparaître de la mémoire du monde les dizaines de millions de femmes qui y avaient été enfermées - en furent les modèles de base : ils étaient les mieux rôdées, et surtout les seuls justifiés.
Car il fit tant et si bien, qu’à la fin, il avait amassé toute la fortune du monde - même après les paiements des mercenaires, des dealers, des politiques, des journalistes, des gardiens - il en restait encore pas mal, mais il n’y avait plus personne. Sur les ruines fumantes de toutes les guerres qu’il avait menées pour alimenter le marché, sur les ruines de toutes les personnes violées, usées, détruites, broyées, il avait fini par tout bouffer, fait table rase de tout. Il ne restait plus que les parcs nationaux pleins d’animaux sauvages, mais il n’y avait plus personne pour les nourrir et être au guichet à l’entrée.
Le monde n’était plus qu’un gigantesque et monstrueux phallus, à côté duquel les twin towers faisaient figure de cabanes à lapins.
Le sexe - tout seul - avait gagné.
L’ennui, c’est que tout le monde était mort. Sauf deux - un homme, une femme - qui, par miracle, restaient encore vivants.
Et il fallut tout recommencer.
Affirmer qu’il y a des êtres humains. Des hommes et des femmes, juste un peu plus compliqués qu’avant. Mais toujours pas égaux. Car les pouvoirs du sexe mâle, ceux du phallus, n’avaient toujours pas été abolis.
- De : psychisme negrier (children of the street, children soldier)
Le lundi 29 mars 2010 à 17:11
Légalisation des drogues: sortir des impasses de la prohibition en France
La plupart des nations occidentales, confrontées à la question de la consommation de drogues, et notamment de drogues dures, ont choisi une voie répressive, fondée sur la prohibition, dans l'espoir hypothétique de limiter l'usage de ces substances.
En France, notamment, N. Sarkozy, ministre de l'intérieur, a confirmé devant le Sénat Français (lien vers son discours((http://www.interieur.gouv.fr/rubriques/c/c1_le_ministre/c13_discours/2003_04_23_drogues)http://fahayek.org/index.php?option=com_content&task=view&id=67&Itemid=40) la ligne répressive qui continuera de prévaloir dans le traitement du problème lié à la consommation des drogues en France.
Face à cette approche répressive, que bien des libéraux estiment vouée à l'échec perpétuel, il existe une autre voie, peut-être difficile à promouvoir auprès du grand public, mais prometteuse en terme de résultats, c'est celle de la légalisation de la consommation, de la production et du commerce de toutes les drogues.
Voyons en quelques questions et leurs réponses, sous l'angle d'une analyse pragmatique d'inspiration libérale, pourquoi la légalisation de la consommation et du commerce (sous certaines conditions) des drogues pourrait constituer une bien meilleure réponse que la prohibition au problème de santé publique posé par la consommation de drogues.
Dans cette interview, sont abordées la dangerosité intrinsèque des drogues légales ou illégales, les effets pervers de la prohibition sur la sécurité publique, les différentes réponses libérales à ces problèmes, les effets bénéfiques que l'on peut en attendre, leurs dangers éventuels (il faut rester lucides), et quelques pistes pour mettre en oeuvre une réforme politique d'inspiration libérale dans un domaine qui déchaîne facilement les passions.
Q. Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il maintenait une ligne répressive vis à vis des consommateurs de toutes les drogues. Peut-il de cette façon résoudre les problèmes posés par la consommation de ces substances ?
R. Il faudrait d'abord que la nature du problème soit clairement définie. La consommation de drogues, licites ou illicites, est indubitablement un problème de santé publique, du fait des dégradations que ces substances font subir à l'organisme des consommateurs et du nombre de personnes concernées (il y aurait 180.000 héroïnomanes en France, source centre d'accueil et d'aide aux toxicomanes, CAAT ). Mais est-elle un problème de sécurité pour elle même, ou du fait qu'il s'agisse d'une substance prohibée ? L'analyse libérale penche clairement pour la seconde réponse. De surcroît, Nicolas Sarkozy, en refusant de faire une différence entre les drogues telles que le cannabis et la Marijuana d'une part, et l'héroïne ou la cocaïne et ses dérivés (crack) d'autre part, commet une grave erreur d'appréciation qui décrédibilise son discours.
Q. Vous voulez dire que N.Sarkozy a tort de considérer que les drogues "à fumer roulées" ne sont pas des drogues douces ?
R. Non, de ce point de vue, son discours est recevable. Ce sont des substances psychotropes dont le principe actif (le delta 9 THC on Tétra Hydro Cannabinol), régulièrement consommé, provoque une accoutumance certaine, et des dégâts sur le fonctionnement cérébral pouvant aller jusqu'à des troubles graves du comportement, troubles qui peuvent être durables au delà d'un certaine durée de consommation élevée, et peuvent parfois entraîner des pulsions violentes ou suicidaires. De surcroît, on trouve désormais sur le grand marché noir de la drogue des variétés de cannabis enrichies artificiellement en THC* (quand elles ne sont pas purement dopées à l'héroïne...), qui peuvent provoquer des dégradations rapides de certaines facultés intellectuelles. (sources: ofdt, et drogues.gouv.fr )
- nb. La concentration "normale" de résine de cannabis en THC est de 8 à 9%, à partir de 13 à 14%, des troubles de comportement très graves peuvent apparaître. (source : "violence, la démocratie en danger", F. Montillot et C. Pernès, editions Prat.)
De ce point de vue, ceux qui disent qu'ils faut légaliser le cannabis parce qu'il ne s'agit pas d'une substance si dangereuse ne rendent pas service à leur cause, tant cette argumentation simpliste est facilement démontable. Mais malgré tout, mettre sur un même plan les drogues "végétales à fumer" et les dérivés du raffinage de l'opium ou de la coca n'est pas crédible.
Q. Pourquoi ? comment distinguer les dangers constitués par les différentes drogues ?
R. On peut classer ces dangers en 5 catégories:
- 3. La probabilité d'atteindre l'accoutumance pour un "primo-consommateur"], et la rapidité avec laquelle cette accoutumance survient.
Si on compare les drogues légales et illégales dans chacun de ces domaines, on se rend compte que le cannabis, dans ses variantes "normales" (non gonflées artificiellement à l'héroïne ou en THC...), n'est pas plus dangereux que l'alcool (voire parfois moins), qui lui, est légal, et nettement moins dangereux que les opiacées.
Reprenons ces 5 points un par un:
1 > Risque létal lié à l'absorption: le risque d'overdose est parfaitement réel en ce qui concerne l'héroïne, le crack, la cocaïne. Les statistiques officielles de l'OCRTIS, dûment sous estimées par ailleurs (voir cette étude), font état de 120 décès liés à l'absorption de ces substances en 2000 , auquel il faut ajouter 148 décès par SIDA liés à l'utilisation de seringues infectées (lien pdf). En revanche, les statistique officielles ne recensent aucun décès pouvant être imputé aux effets physiologiques directs de l'absorption du cannabis. De même que si les commas éthyliques sont nombreux, les morts directes par overdose d'alcool sont, heureusement, fort rares. Bien entendu, cela ne rend pas compte des morts liées aux "effets collatéraux" de ces substances, que nous verrons plus loin.
2 > Dégradations physiques liées à un usage répété: le cannabis est réputé pour son action à long terme sur le cerveau: baisse de la volonté, troubles des capacités intellectuelles, troubles de la personnalité. Les sites officiels sont assez discrets sur les effets physiologiques du THC sur l'appareil respiratoire ou cardio-vasculaire, alors qu'ils sont intarissables sur les dangers (graves et identifiés au demeurant), du tabac. Cela ne signifie pas forcément que ces effets soient inexistants, mais ils sont apparemment d'ordre secondaire.
Il en va tout autrement des dégradations causées par la prise régulière d'héroïne ou de crack (nb. Le crack est un dérivé de la cocaïne qui se présente sous forme de cristaux à fumer) . Les reportages parfois diffusés à ce sujet montrent que les consommateurs réguliers sont réduits à l'état de véritables épaves, physiquement et intellectuellement. D'ailleurs, un grand nombre de décès liés aux effets secondaires de la drogue ne sont pas comptabilisés comme tels. Une avocate me disait (sous le sceau de l'anonymat) qu'une minorité respectable de décès par embolie, accident coronaire, ou autres lésions d'organes vitaux, chez des personnes jeunes, étaient dus à l'absorption de drogue mais que cette cause ne figurait pas sur les actes de décès "pour épargner les familles".
De même, une personne alcoolique est très gravement atteinte dans ses fonctions vitales. Il n'est pas de ma compétence de discuter si ces atteintes sont égales (ce que semble affirmer le rapport Rocques) ou inférieures (ce qui est le point de vue de ses détracteurs...) à celles liées à l'usage d'héroïne ou de crack. Mais il semblerait qu'il y ait un consensus scientifique pour dire que les dégradations liées à la consommation des formes normales de Cannabis sont moins importantes.
3 > Probabilité d'accoutumance: Nous avons tous connu des soirées bien arrosées, voire trop, parfois en séquences rapprochées - ah, les folles beuveries de notre jeunesse estudiantine...- Mais quel pourcentage d'entre nous sont ils devenus réellement alcooliques, au point de subir de graves troubles du comportement social ?
De même, de nombreux jeunes ont été amenés à goûter occasionnellement des joints, voire à connaître des soirées "bien enfumées", par analogie avec les soirées arrosées évoquées précédemment. Combien sont effectivement devenus "accros" au cannabis ? mystère, cela est difficile à quantifier, mais l'expérience des gens de ma génération, qui ont connu de nombreux fumeurs occasionnels, montre que très peu d'entre eux sont devenus dépendants aux joints.
La encore, la comparaison avec l'héroïne ou le Crack (la cocaïne est entre les deux) est saisissante: l'addiction à l'héroïne surviendrait après un très faible nombre de prises variable selon les sujets et serait encore plus rapide avec le crack (avec le crack, le passage du principe actif de la cocaïne dans le sang du consommateur se produit par toute la surface des alvéoles pulmonaires, ce qui produit une attaque d'une violence inégalée sur son cerveau. D'où l'accoutumance quasi immédiate). De surcroît, l'intensité du plaisir "instantané" délivré par ces produits est bien plus forte que pour l'alcool et le cannabis et rendent donc extrêmement probable la récidive (et donc l'addiction) après une première prise.
C'est à l'évidence là que ce situe la principale différence de dangerosité entre les différentes drogues: Le risque de dépendance, et la vitesse à laquelle celle ci survient, sont beaucoup plus élevés pour les dérivés de la transformation chimique de la coca ou de l'opium, que pour les drogues "cigarettes", ou l'alcool. Voila pourquoi le premier joint ou le premier verre ne sont guère (ne devraient guère être) des sujets d'inquiétude pour les parents, s'ils sont capables d'expliquer en termes intelligents les dangers qu'il y a à franchir les limites de la consommation très occasionnelle.
En revanche, la première seringue ou la première pipe à crack sont des signaux extrêmement graves d'ennuis probables à venir.
4 > Troubles du comportement lié à l'usage: Là, la différence entre les différentes drogues est saisissante: alors que le tabac peut être considéré comme physiologiquement destructeur, il est inoffensif au plan comportemental. L'abus de cannabis entraîne parfois des troubles du comportement, allant de la destruction de toute volonté d'agir chez le sujet consommateur à des pulsions suicidaires, mais pouvant également provoquer des passages plus nerveux, une irritabilité plus forte, pendant les phases de manque. De plus, il semblerait qu'à l'instar de l'alcool, le cannabis diminue la vigilance routière.
Rien à voir toutefois avec les troubles liés à l'ivresse alcoolique: décès de la route, mais aussi rixes d'alcooliques et comportements violents, notamment en famille, et également, hélas, une probabilité accrue de survenance d'actes profondément horribles comme les incestes.
Enfin, le cas des drogues "les plus dures" doit être mis à part. L'opinion publique a été conditionnée par les actes violents régulièrement commis par des toxicomanes pour se procurer de ces drogues. Toutefois, ces actions sont liées à l'état de manque, pas à l'état "d'ivresse" qu'elles provoquent, qui dure peu et pendant lequel le drogué est rarement enclin à commettre des actes de violence, encore qu'il y ait des exceptions. Ainsi, d'après drogues.gouv.fr, la cocaïne a des effets "désinhibants" qui peuvent favoriser des passages à l'acte violent. Et certaines drogues chimiquement préparées à partir de la cocaïne peuvent provoquer des comportements potentiellement dangereux à partir des périodes d'ivresse. Mais pour ce qui est de ces drogues, c'est surtout l'état de manque qui peut pousser le toxicomane a commettre des actions désespérées et violentes.
5 > Les troubles liés au manque: Dans tous les cas, le manque pousse à la consommation, à tout prix. Et la gravité de l'état de manque rend d'autant plus difficile le sevrage ou le décrochage. Ainsi, il semble beaucoup plus facile d'arrêter de fumer (et pourtant, dieu sait si beaucoup échouent) que d'arrêter l'héroïne...
Et c'est là que les ennuis commencent pour les consommateurs de drogues illégales. Alors que le consommateur de cigarettes, même à deux paquets par jour, pourra satisfaire son vice pour environ 60F/jour (9-10 Euros), ou 1800F/mois (280 Euros), ce qui est beaucoup mais pas insurmontable (et qui résulte surtout de l'exceptionnel niveau de taxation du tabac...), alors que l'alcoolique trouvera des vins (infects, mais on ne parle plus de gastronomie depuis longtemps chez l'alcoolique...) pour moins de 2 Euros le litre, le fumeur de joints et plus encore l'héroïnomane devront payer des sommes colossales pour trouver leur drogue. Et c'est pour cela que les plus atteints (héroïnomanes, crack...) sont prêts soit à s'humilier par la prostitution, soit à dealer, soit à voler, y compris en prenant le risque de tuer leurs victimes, pour se procurer leur drogue.
Encore qu'il semblerait que certains toxicomanes préfèrent se suicider plutôt que de devenir braqueurs... Là encore, le manque de statistiques officielles, difficiles à collecter il est vrai, rend difficile une appréciation exacte de l'étendue du problème.
Q. Tant de paramètres... Tout cela paraît bien compliqué. Pourriez vous résumer en une phrase ou deux ?
Simple: "une drogue est très dangereuse si il est quasi impossible d'en avoir une consommation raisonnable". Ce qui fait toute la différence entre un joint de cannabis normalement dosé et une seringue d'héroïne ou une pipe à crack. "une drogue est moyennement dangereuse si seule une consommation excessive entraîne des séquelles graves et difficilement réversibles".
Q. Il y a donc des différences de "dangerosité" entre les drogues, mais vous admettez que le cannabis n'est pas innocent. Pourquoi, dans ce cas, tenir le même discours de sévérité vis à vis du cannabis comme de l'héroïne serait il une mauvaise chose, vis à vis notamment des jeunes, qui semblent très friands de cannabis ?
R. Parce qu'en diffusant un discours d'équivalence entre cannabis et héroïne, on travestit la vérité auprès des jeunes, et, pardonnez moi, "on les prend pour des cons". Or les jeunes ont une capacité de jugement forte, mais qui peut être pervertie par la mauvaise qualité de l'information qui leur est dispensée.
Aujourd'hui, 3 millions de jeunes ont déjà fumé du cannabis. On peut le regretter, mais c'est un fait avec lequel nous devons composer. Or la plupart de ces jeunes ne deviennent pas "accros" et donc ont une estimation "relativement basse" du danger réel que le cannabis représente pour eux.
Instiller l'idée que cannabis et héroïne (ou crack) "sont la même merde" peut inciter certains à croire, a contrario, que "l'héroïne n'est pas plus dangereuse que le cannabis", ce qui serait une terrible méprise. Lorsqu'un dealer distribue ces deux produits, il peut ainsi jouer de cette ambiguïté auprès des jeunes pour le faire passer des drogues "semi-dures" aux drogues "ultra-dures".
Mieux vaut s'adresser à la partie élevée du cerveau des gens, admettre que le danger lié aux différentes drogues n'est identique d'une substance à l'autre, et communiquer autour de ces différences auprès du public, et notamment des plus jeunes.
Q. Ce que vous venez de dire sur la dangerosité des drogues fait relativement peur, il ne parait pas y avoir là de quoi plaider en faveur de la dépénalisation de l'usage, voire de la légalisation du commerce des drogues...
R. Ah ? Pourquoi l'alcool est il en vente libre, dans ce cas ? Nous venons de voir que ses effets étaient globalement bien plus dévastateurs que ceux du cannabis, et pourtant, personne ne songe plus à l'interdire. Les Etats Unis ont prohibé la vente d'alcool entre 1919 et 1933. Cela à provoqué (source: Cato institute) une flambée des prix et une explosion de la violence liée aux activités des mafias pour contrôler cette distribution extrêmement lucrative. Des exploitants de débits de boisson étaient menacés par les mafias pour accepter de vendre leurs marchandises, la concurrence entre factions se déroulait à l'arme à feu ou à l'explosif. Al Capone a sans doute été, en dollars courants, la plus grande fortune de l'histoire des Etats-Unis, plus encore que Bill Gates.
Et pire, les effets sur la consommation d'alcool ont été négligeables. En revanche, les décès liés à la vente d'alcool frelaté (le fameux alcool de bois qui fait partie du folklore de la série TV "les incorruptibles") ont explosé alors qu'ils sont rarissimes en temps normal (il y a eu des affaires de vin frelaté au méthanol dans les années 90 qui ont fait quelques morts en Europe. Rien d'extensif).
L'alcoolisme est un problème de santé grave, qui provoquerait 11.600 décès directs (notamment par cirrhose) par an en France, et qui concernerait 3.000.000 de personnes, encore que je me méfie de ces agrégats ou l'on mélange l'alcoolique chronique et le buveur excessif occasionnel. Pourtant, malgré l'énormité des chiffres, personne ne pourrait sérieusement envisager la prohibition, en se basant sur l'expérience menée dans les années 20 aux USA.
Il en va de même pour les drogues aujourd'hui. En 1989, le Cato Institute (lien) estimait à un facteur d'environ 100 la différence entre les drogues dures achetées sur le marché noir, et les drogues achetées légalement par les hopitaux pour usage médical, produites par des grands laboratoires pharmaceutiques. La morphine (dont on extrait assez simplement l'héroïne) légale coûtait alors 20 dollars (#20 euros) l'once (31 grammes), soit nettement moins d'un dollar le gramme ! Il n'existe pas une bourse de l'héroïne, mais au milieu des années 80, le commissaire N'guyen Van Loc écrivait dans ses mémoires que la dose d'héroïne commençait aux alentours de 200F, (30 Euros), ce cours étant très volatil en fonction de l'approvisionnement du marché. A raison de deux doses par jour, ce qui correspond à un individu "moyennement dépendant", le budget mensuel pour la drogue était donc au minimum de 12.000 Francs (1800 Euros) avant 1990. 12.000 Francs nets, au minimum, qui peuvent être facilement doublés, triplés, quadruplés, si les cours sont au plus haut et l'individu très accroché à la drogue. 12.000 francs minimum, c'était plus que le salaire moyen (brut..) des français à l'époque. Qu'il faut se procurer chaque mois, car le manque ne prend jamais de vacances, et ce après impôts, hors logement, nourriture, et ce alors même que la situation de drogué rend l'individu de moins en moins apte au travail, et inapte à l'occupation de postes à haut salaire...
On comprend donc que le besoin d'argent soit vite au centre de la vie des personnes "accrochées" aux drogues "ultra-dures". Et que cette consommation conduise vite à la marginalité, à la prostitution, au crime.
Q. D'où vient la différence de prix entre la morphine légale et les drogues les plus dures vendues au marché noir ?
R. La prohibition oblige les producteurs et les distributeurs de drogue, qui ont alors un "statut" de trafiquant, à organiser production et distribution de façon à échapper aux représentants de la loi. Les labos de production sont donc relativement archaïques et de petite taille, car ils peuvent être découverts et détruits. Mieux vaut maintenir plusieurs unités de traitement de la matière première demandant peu d'investissement mais faiblement productives en contrepartie. Les circuits transfrontaliers incluent des coûts élevés de dissimulation des drogues aux autorités, et des transports par quantité unitaires assez artisanales, même si parfois des prises de plusieurs centaines de kilos sont annoncées. Le coût des prises douanières (environ 6% des quantités passées, selon l'estimation par nature imprécise des autorités) est également inclus par les trafiquants dans leur prix de revient. La distribution au client final est elle même artisanale (conditionnement en paquets dans des locaux provisoires, dealers opérant par petites quantités et cachés...).
Il y a plus. Le "marché" des drogues illégales s'opère par définition en dehors des lois, Lapalisse n'eut pas mieux dit. Il n'y a donc pas une "libre et saine concurrence" entre les acteurs du marché. Sur un territoire donné, une organisation mafieuse tend à imposer ses grossistes par la force et ainsi s'assure des marges très élevées. De surcroît, les dépenses de "service d'ordre" sont très importantes, puisqu' assurer la sécurité d'un territoire dans ces conditions demande une main d'oeuvre assez nombreuse et équipée d'armes lourdes. Enfin, il faut souvent corrompre des pouvoirs locaux pour assurer la sécurité du commerce, ce qui augmente encore les coûts du produit, et a des effets désastreux sur la conduite des affaires publiques...
Enfin, le commerce de la drogue étant illégal, la prise de risque de tous les participants à ce trafic est élevée, aussi tous les échelons intermédiaires réclament ils une rémunération en rapport avec cette prise de risque. Seuls les paysans des pays producteurs touchent une part assez misérable du gâteau, encore qu'elle puisse être supérieure à celle procurée par des cultures classiques, comme on le voit en Afghanistan.
Il ne faut donc pas s'étonner que la drogue vendue au marché noir soit si chère... Ajoutons en plus que la morphine légale produite par des laboratoires sous contrôle est d'une qualité parfaite, alors que la drogue produite par les organisations mafieuses est fortement polluée d'impuretés diverses et hautement nocives (source: Christian Michel).
Q. Selon vous, la drogue légale serait beaucoup moins chère ?
C'est très probable. Regardons le processus de fabrication de la drogue: il n'est pas différent de celui mis en œuvre pour produire 90% des produits pharmaceutiques de synthèse. Comme je l'ai mentionné précédemment, le CATO institute estime à un facteur 100 la réduction du prix escomptable si la fabrication et la distribution de drogues pouvaient s'opérer au grand jour. Christian Michel, qui dirigea un laboratoire pharmaceutique produisant entre autres de la cocaïne légale, m'a confirmé cette échelle de valeur. Cela paraît énorme, mais même en admettant qu'ils se trompent d'un facteur 5 (ce qui paraîtrait étonnant de la part de sources aussi sérieuses), la réduction de prix des drogues vendues au détail serait encore d'un facteur 20, sauf si le gouvernement se met à taxer les drogues comme le tabac (nous y reviendrons).
Q. Quels seraient les impacts de cette baisse de prix ?
Cela changerait tout l'écosystème de la drogue. Le budget mensuel d'un "accro" aux drogues dures pourrait passer sous la barre des 150-200 Euros, ce qui permettrait à la plus grande partie d'entre eux de se sortir des spirales de délinquance ou de prostitution qui sont leur quotidien.
Le nombre de vols commis pour se procurer l'argent de la drogue serait ramené à pratiquement zéro. Ainsi, les policiers pourraient mieux se consacrer à la lutte contre les cambriolages purement crapuleux, les viols, les meurtres, l'esclavage sexuel (terme plus parlant que proxénétisme selon moi), etc... de surcroît, les prisons ne seraient plus encombrées de dealers, ce qui permettrait à des auteurs d'autres délits et crimes violents d'effectuer des peines proportionnelles à la gravité de leurs actes. Aujourd'hui, trop de petits et moyens criminels échappent à un juste châtiment parce que les places de prison sont en nombre insuffisant. La sécurité dans nos pays progresserait dans d'importantes proportions.
Pensez qu'aujourd'hui, de nombreux proxénètes, des esclavagistes qui forcent des femmes (et des hommes) à se prostituer en les soumettant à une violence insupportable, sont "protégés" par les forces de l'ordre parce que ce sont de bons "indics" en matière de stupéfiants... N'atteint on pas là le sommet de l'injustice ? En quoi le sort terrifiant des femmes-esclaves de la prostitution doit-il être toléré par les autorités au motif que la chasse aux dealers est prioritaire ? La prohibition des drogues conduit à une bien cruelle inversion des valeurs à laquelle la légalisation permettrait de remédier.
Quant aux pays producteurs, leur situation se trouverait enfin assainie: les caïds qui tirent des profits mirifiques du trafic de la drogue seraient mis hors jeu. Les gouvernements locaux, qui subissent tous les inconvénients du narco trafic (corruption, guérilla, ...) pourraient enfin penser à mettre en place des politiques orientées vers le développement, et pas uniquement vers la résistance aux mafieux. En Colombie, l'argent de la cocaïne alimente la plus impitoyable des guérillas: 35.000 morts violentes, 300.000 sans domiciles sont à mettre à l'actif, si on peut dire, de la prohibition des drogues, ces 10 dernières années. Et plus d'1 millions de colombiens de classe moyenne ont fui ce pays, condamnant ceux qui restent à toujours plus de pauvreté. (source: J.Hari)
De plus, les marges rendues possibles par la prohibition sont une aubaine pour tous les mouvements terroristes qui veulent lancer des attaques contre le monde libre. Il est de notoriété publique que l'opium afghan finance des organisations islamistes, que les FARC colombiennes prélèvent un pourcentage sur l'activité des cartels (quand le crime rackette le crime...), que le sentier lumineux a mené une guerre sauvage aux paysans péruviens pour les forcer à cultiver la coca, que la drogue Laotienne a en son temps financé les khmers rouges, liste non exhaustive. En dépénalisant le commerce de la drogue, l'occident libre saperaient un des piliers du financement de bien des organisations totalitaires qui veulent sa perte.
Q. Soit, mais les paysans des pays du tiers monde producteurs de coca ou d'opium ne perdraient ils pas leurs moyens d'existence ?
R. Aujourd'hui, ces paysans ne touchent qu'une part mineure de l'argent des trafics. Ils sont souvent contraints d'accepter la culture de ces substances par les organisateurs du trafic, sous peine de mort ou "d'expropriation" hors de toute règle de droit. Certes, parfois, la culture du pavot permet de faire vivre des familles mieux que les cultures antérieures. Mais les remèdes à la lutte contre la pauvreté du tiers monde sont dans une libéralisation accrue du commerce de toutes les productions, pas dans l'exploitation de la prohibition des drogues, dont les inconvénients surpassent les avantages, y compris pour les économies des pays producteurs -qui deviennent souvent des pays consommateurs- prises dans leur ensemble.
Q. Tout de même, une baisse aussi spectaculaire des prix de la drogue ne signifierait elle pas une explosion de la consommation ? Vos idées n'engendreraient elles pas "une France de drogués" ?
R. C'est une des inconnues de la légalisation. Mais il est loin d'être certain que la consommation exploserait. N'oubliez pas qu'actuellement, les personnes qui tombent dans la drogue sont approchées par des dealers au marketing particulièrement actif, qui proposent des doses gratuites, dans l'espoir de profits ultérieurs bien plus élevés. Ces dealers, parfois eux mêmes toxicomanes, donc particulièrement incités à élargir leur clientèle, cherchent leurs clients, les sélectionnent, les appâtent, ce sont des vendeurs le plus souvent très performants.
Demain, si la dose de drogue légale vendue en pharmacie (je reviendrai sur le délicat problème de la distribution plus tard) coûte, disons, 1 à 3 euros, les dealers de rue disparaîtront car ils ne pourront pas espérer faire du bénéfice en vendant de la drogue "artisanale" à de tels prix. Autrement dit, pour tomber dans la drogue, un consommateur devra faire de lui même le pas de rentrer dans une pharmacie, de demander à acheter un paquet de 5 doses à 10 euros, et s'initier tout seul à la consommation. Sont ils si nombreux, ceux qui sont prêts à faire le pas, sans "ami bien intentionné" pour les assister, surtout si sur les boites de drogues, figurent des photos de drogués avec en légende "attention, si vous consommez ce produit, demain, vous pourriez ressembler à çà" ?
Q. N'y a t il pas là une faille dans votre raisonnement ? Un marché libre suppose, pour les producteurs, un espoir de croissance, sinon pourquoi s'y investir ?
R. "une société sans drogue" est un objectif parfaitement utopique. Quel que soit le système d'approvisionnement existant (légal ou clandestin), il y aura toujours des nouveaux entrants dans la consommation de la drogue. Autant que ce soient des producteurs civilisés qui bénéficient de cette clientèle, et que le chiffre d'affaire de cette activité reste marginal dans le commerce mondial. Même si les modes de distribution adoptés ne favorisent pas l'explosion de la consommation, celle ci sera toujours suffisante pour attirer des entrepreneurs légaux en nombre suffisant.
On peut même espérer, encore que je sois moins optimiste que d'autres à ce point de vue, qu'un peu de R&D enfin légale autour de la drogue permette de créer des substances moins nocives pour l'organisme, ou avec des modes d'administration moins dangereux que la seringue. Des drogues en patch ?... L'idée fera peut être bondir certains, mais pourquoi pas... En revanche, il ne faut pas pousser l'angélisme trop loin: ceux qui pensent que l'on pourrait créer des drogues procurant le même plaisir immédiat à la consommation que les cochonneries actuelles tout en réduisant les effets secondaires indésirables à un niveau négligeable me paraissent trop optimistes. Après tout, on attend encore un substitut à l'alcool à la fois inoffensif et enivrant !
Q. Tout de même, vous ne prouvez pas que le nombre de drogués ne va pas exploser.
Non, je ne le prouve pas. L'époque ou l'usage des drogues était libre (disons jusqu'au début de ce siècle pour faire court) n'était pas pour autant un âge d'or de la consommation, mais il faut reconnaître que les deux époques n'étaient pas comparables. La médiatisation du phénomène n'était pas la même, la liberté de circulation et les moyens de transport des marchandises non plus. Toutefois, il faut noter que les lieux où la consommation de drogue s'est le plus développée, comme la Chine côtière, sont ceux où les états colons ont voulu se servir des drogues pour saper les volontés d'émancipation des populations locales. L'explosion de la consommation et donc du trafic de drogue fut parfois l'œuvre d'états dévoyés...
Aux USA, on estime que la proportion de la population "ayant un problème avec la drogue" n' a pas varié (autour de 3%) entre l'époque ou la drogue était libre et maintenant (source: cato). Mais nous sommes dans un domaine clandestin, les statistiques y sont donc peu fiables.
On ne peut pas être sûr que le nombre de drogués n'augmentera pas. Et c'est là que le bât blesse pour l'opinion: la plupart des gens pensent que cela "ne leur arrivera pas", à eux ou leurs enfants, que "le phénomène reste marginal", et qu'eux, de "bons parents", sauront préserver leurs gosses de ce danger. Pourquoi dans ces conditions changer le système prohibitionniste actuel ? Pourquoi opter pour l'inconnue que représente la légalisation ?
Un père de famille à qui je tentais d'expliquer mon point de vue m'a rétorqué: "Mais si c'était votre fille qui se droguait, seriez vous toujours favorable à la dépénalisation ?". Ce à quoi je lui ai rétorqué, à sa grande surprise: "si par malheur votre fils se droguait, préfériez vous que la société le traite comme un malade ou comme un délinquant ? préféreriez vous pouvoir lui payer sa drogue sur vos revenus, ou qu'il soit obligé de vous voler, de braquer ou de faire la pute pour payer ses doses ?". Cette anecdote illustre bien le problème posé: dans un cas, on sait que le problème de la drogue touche suffisamment de jeunes pour être grave mais pas suffisamment pour que tout le monde se sente concerné. Dans un autre, les drogués et leurs familles subiront moins de souffrances du fait de la drogue, mais on ne peut pas garantir qu'il n'y aura pas augmentation du nombre de drogués, donc du nombre de familles concernées.
Ceci dit, la prohibition actuelle n'a pas empêché un nombre important (quoique non mesuré précisément) de personnes, et surtout parmi les plus jeunes, de consommer du cannabis, de l'extasy, et plus gravement, de l'héroïne, de la cocaïne, du crack. Rien ne prouve que la légalisation augmenterait le nombre de consommateurs potentiellement attirés par ces produits.
Q. Je suppose que vous ne préconisez tout de même pas la vente libre des drogues dures dans les supermarchés ?
Non. Même si certains libéraux vont jusque là, je ne les suis pas sur ce terrain. Contrairement à ce qui se passe avec l'alcool, le tabac ou même le cannabis, quand on commence à consommer une drogue dure, fusse une seule fois, il est difficile de ne pas tomber dans le cycle de la dépendance et de la déchéance physique qui l'accompagne. Aussi ne peut on pas à mon avis vendre de la drogue comme des paquets de bonbons. Je pense qu'il faut limiter la vente des drogue dures (cocaïne et dérivés, héroïne, LSD, et sans doute quelques autres...) aux pharmacies, volontaires, bien sûr, car on ne peut contraindre un pharmacien à vendre un produit qu'il ne désire pas vendre, et à des dispensaires hospitaliers. On pourrait également coupler des lieux de ventes spécialisés à des "shoot-rooms" comme ceux qui ont été lancés en Suisse pour éviter que les junkies ne squattent les halls d'immeubles. L'initiative a été très mal perçue par la population des villes à ses débuts, aujourd'hui, de nombreux suisses reconnaissent qu'il vaut mieux qu'existent des lieux dédiés à la consommation de drogue, que livrer les toxicomanes à la rue ou aux gares (source: JL Romero, "lettre à une droite maladroite")...
De même, je ne suis pas favorable à la publicité pour les drogues. Seule une information médicalement contrôlée (mais uniquement factuelle et non moralisatrice) sur le lieu de vente devrait être autorisée.
En revanche, je ne vois aucune raison de traiter le cannabis, "normalement dosé" voire même "un peu fortement dosé" pourvu que l'information du consommateur soit claire, différemment du tabac, voire de l'alcool. Je pense même qu'il est souhaitable que les circuits de vente du cannabis et des drogues dures soient séparés. Aujourd'hui, nombre de dealers sont "multi substances": un vendeur de hasch aura intérêt à essayer de vendre de l'héro à un client s'il "voit une faille" chez lui, car l'espoir de profit est plus élevé avec l'héroïne (ou le crack) qu'avec le cannabis. Si on sépare les circuits de diffusion, alors la tentation pour les consommateurs de cannabis, de passer à des drogues plus dures, n'en sera que plus réduite.
Q. Vous ne répondez toujours pas de façon satisfaisante au risque d'explosion de la consommation sous tendu par la légalisation. Les hypothèses que vous faites ne sont que des hypothèses !
Et pour cause, il n'y a pas d'expérience récente de dépénalisation de la vente des drogues dures dans le monde. Nous manquons cruellement de données pour "modéliser" le comportement du marché dans une hypothèse de rupture complète avec un système existant. Je ne peux que me contenter de croire que les problèmes posés par la légalisation seraient inférieurs à ceux posés par la prohibition.
Il y a tout de même un précédent: le nombre d'alcooliques aux USA n'a pas diminué pendant la prohibition, et n'a pas augmenté après. Je n'aurais pas la malhonnêteté intellectuelle d'en tirer une loi générale (chaque cas, chaque époque, chaque clientèle est différente), mais c'est un signe encourageant.
Et quand bien même. Légaliser la drogue n'est pas seulement une bonne opération d'un point de vue économique pour les nations touchées par le phénomène. C'est un problème d'abord éthique: jusqu'où les états et les législateurs peuvent ils priver un individu de la liberté de jouir de son corps, qui est la première de ses propriétés, même si c'est pour se détruire ?
Q. Vous exagérez. Vous n'allez tout de même pas élever la toxicomanie au rang de liberté fondamentale de l'individu ?
Si, justement. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit que tout individu reçoit à la naissance des droits naturels imprescriptibles qui sont "la vie, la liberté, la propriété et la résistance à l'oppression", et que ces droits ne s'arrêtent que là où commencent ceux des autres.
Dans ces conditions, je ne vois pas en quoi le fait d'acheter une drogue à un commerçant, pour peu que celui ci soit respectueux des règles du commerce civilisé, pour se l'injecter, viole les libertés ou la propriété d'autrui. Bien sûr, c'est "sale", un drogué en manque, et çà ne fait pas honneur à l'espèce humaine, c'est un gaspillage de capital humain, mais si on peut avoir un préjugé moral contre la drogue, je ne vois pas au nom de quel principe on peut interdire à une personne de se droguer. Pour la protéger d'elle même ? Mais alors pourquoi ne pas lui interdire de boire ? de fumer ? de conduire ? pourquoi ne pas criminaliser le suicide ? Le sexe non protégé ? le ski hors piste ? La cuisine grasse ? Pourquoi, à partir du moment ou l'échange de drogue de drogue ne viole pas les droits des deux parties prenantes, doit il être traité comme un acte criminel ?
Dans une société respectueuse des libertés individuelles, ne peut être interdit que ce qui porte préjudice à la vie et la propriété des tiers. L'échange de drogue entre individus consentants n'entre manifestement pas dans cette catégorie.
En revanche, cela n'exonère pas le drogué de sa responsabilité individuelle dans les cas il porte préjudice à autrui sous l'emprise de la drogue (en conduite automobile par exemple...) et çà ne le protège pas du licenciement si son employeur estime qu'il travaille plus mal.
La position libérale, qui consiste à dire, "obligeons les producteurs à informer correctement sur les risques létaux et la nocivité du produit, et laissons le consommateur se décider en toute liberté", me paraît plus saine que la prohibition, basée uniquement sur des préjugés moraux contre certains types de comportements "incorrects".
Q. Je vous attendais là. Vous dites que le consommateur est libre. Or le consommateur de drogues dures est le plus souvent "dépendant". Il n'est donc plus libre de refuser la transaction. Où est la liberté du consommateur dans tout çà ?
Dans un système libéral où la vente serait légalisée, le vendeur serait tenu d'informer clairement le consommateur "sain" des risques d'overdose, de dépendance et de maladie grave qu'il encourt. Sinon, il s'exposerait à des poursuites comme celles auxquelles les fabricants de cigarettes font face. A ce moment là, le consommateur est libre de choisir et convenablement informé.
Si par malheur il tombe accro, il ne peut s'en prendre qu'à lui même. Cela constituerait un gros progrès par rapport à la situation actuelle où le consommateur potentiel est souvent l'objet d'une tentative de manipulation par un dealer.
De surcroît, le drogué, qui ne serait plus un délinquant, serait toujours libre de tenter de s'arrêter. Dans un système dépénalisé, il trouverait plus facilement qu'ailleurs des médecins ou des structures caritatives pouvant l'aider à s'échapper de la drogue. Aujourd'hui, il doit consacrer son énergie à trouver des sommes d'argents pharamineuses et à se cacher de la répression des autorités. Sous la dépénalisation, sa liberté ne serait pas parfaite, mais au moins elle progresserait fortement par rapport à la situation actuelle.
Q. Vous prétendez que la dépénalisation supprimerait la contrebande. Le tabac ne fournit pas un beau contre exemple à cette théorie ?
Le problème du tabac est que l'état a multiplié les taxes au delà du raisonnable ! 90% du prix d'un paquet de cigarettes est constitué de taxes ! Il est évident que si l'état devait dépénaliser la vente des drogues, il ne devrait pas y appliquer la même taxation, sinon, vous avez raison, la contrebande continuera d'exister, comme elle existe - et explose - pour le tabac.
C'est un des obstacles à la dépénalisation des drogues. Le fumeur ou l'amateur de bordeaux accepterait il d'être plus taxé que le fumeur de cannabis ? Non, et il aurait raison. C'est tout notre système de taxation des "vices" qui serait remis en question. Ce serait indubitablement une bonne chose, mais aucun ministre des finances n'est prêt à l'admettre...
Q. Croyez vous que la population française soit prête à accepter une telle révolution législative ?
R. Aujourd'hui, non. Le débat sur la dépénalisation existe si peu... Et tant les partisans de la pénalisation que ceux de la dépénalisation semblent incapable de dépassionner le débat. Ceux ci tournent rapidement à l'anathème et aux invectives, comme hélas sur d'autres sujets de société. Il semble de plus en plus difficile en France de mener un débat constructif sur des sujets difficiles.
De plus, la légalisation totale de toutes les drogues n'ayant été essayée nulle part à une époque récente, quel gouvernement prendra le risque politique de se jeter à l'eau en premier ?
Ajoutons à cela qu'une action unilatérale de la France paraît difficile dans le cadre de l'espace Schengen et de l'UE. Si nous agissions seuls en ce sens, nous verrions fleurir un narco-tourisme en provenance de toute l'Europe dont personne ne voudra, et les marchés noirs des pays voisins continueraient à faire prospérer des mafias aux méthodes répugnantes. Et si nous devons convaincre des partenaires de marcher à plusieurs dans cette voie, cela renforcera la difficulté politique de l'opération.
Pourtant, il me semble qu'il faut avoir le courage de diffuser de telles opinions, et de susciter un débat. Il faut aussi se donner les moyens de vérifier certaines des hypothèses sur lesquelles se fondent l'argumentaire des pro-légalisation, à savoir la baisse de prix escomptable des drogues vendues au détail. Pour cela, il faudrait qu'une enquête auprès de laboratoires pharmaceutiques, notamment ceux qui fabriquent de la cocaïne ou de l'héroïne légale pour usage médicinal, soit lancée et que ses résultats soient communiqués au public. S'il s'avère que les hypothèses ci avant énoncées sont trop optimistes, alors les pro-légalisation devraient revoir leur position. Mais tout porte à croire que notre hypothèse est bonne. Et alors avec de tels chiffres indiscutables en main, nous pourrions expliquer aux citoyens comment légaliser le commerce des drogues contribuerait à amoindrir dans de vastes proportions un grand nombre de problèmes de délinquance, de sécurité, de terrorisme, de pauvreté du tiers monde. Et qui sait si dans quelques plus ou moins longues années, alors les pro-dépénalisation ne seront pas majoritaires ?
Q. Un "grand débat" de plus ? soit , mais plus pragmatiquement, que pourrait-on faire dès à présent ?
R. Dès à présent, on pourrait sans risque majeur dépénaliser la vente du Cannabis, et réglementer de façon simple ce commerce (en définissant les dosages de THC admissibles, les circuits de distribution et les règles de packaging) sur la même base que celui du tabac ou de l'alcool, en en profitant pour réduire l'hyper-taxation de ces substances. Au vu des récentes décisions concernant les hausses du prix du tabac, dont les effets pervers sur la contrebande et la délinquance se dont déjà sentir, on n'en prend pas le chemin !
Mais cela permettrait d'apporter, l'expérience aidant, un début de réponse à l'opinion publique, à la question suivante:" vaut il mieux confier le commerce des substances "séduisantes mais nocives" à des mafias ou à des pharmaciens et autres commerçants civilisés et professionnels, dans le cadre de la loi ?"
Annexes :
Quelques sources pour vous faire votre propre opinion
Sources officielles
http://www.interieur.gouv.fr/rubriques/c/c1_le_ministre/c13_discours/2003_04_23_drogues (discours de N. Sarkozy au sénat)
La MILDT (Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et Toxicomanies) : http://www.drogues.gouv.fr/ (nombreux liens)
http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/losp/36toxicodep.pdf (rapport officiel sur la toxicomanie et les dépendances)
Informations générales
http://membres.lycos.fr/caat/ (association d'aide aux toxicomanes)
http://publications.lecrips.net/swaps/11_112.htm (mortalité lié aux drogues)
http://alsace.u-strasbg.fr/medecine/cours_en_ligne/e_cours/maturation-3a/toxicomanie-stupefiant.pdf (rapport médical complet sur les drogues et leurs effets)
http://www.anpa.asso.fr/html-fr/syntheses-pdf/synthese-statistiques.pdf (statistiques sur l'alcool en France)
Liens pro-légalisation
http://www.cato.org/current/drug-war/index.html (toutes les études du Cato sur la prohibition et ses effets néfastes)
http://www.johannhari.com/archive/index.php?subject=drugLegalisation (Nombreux textes de Johann Hari, Journaliste britannique, pro-légalisation)
http://www.liberalia.com/htm/cm_interdire_drogues.htm , par Christian Michel, auteur libertarien.
Liens anti-légalisation
http://www.drogue-danger-debat.org/index.php (association Française opposée à toute légalisation)
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