† _____Steve Biko dans l'oubli de l'histoire (1946-1977) | 21 août 2006 mourrait seul, saoûlé de coups et comateux, dans une cellule de Pretoria et devenait le plus grand martyr de la lutte contre l'apartheid en Afrique du sud
Par http://www.777-mafia.com/us/home, jeudi 25 mars 2010 à 10:44 :: __«!i…» last day of the lights and the beginning of the darkness - The-dark-knight :: #3268 :: rss
Il y a 25 ans, Stephen Biko mourrait seul, saoûlé de coups et comateux, dans une cellule de Pretoria et devenait le plus grand martyr de la lutte contre l'apartheid en Afrique du sud, par son rôle de catalyseur de la libération noire. Il n'avait que 30 ans à l'époque, mais son Mouvement de la Conscience Noire avait enflammé des dizaines de milliers de Sud-Africains, enthousiasmés par son appel à libérer avant tout leur esprit, avant de libérer le pays. Car, disait-il, l'arme la plus puissante dans les mains de l'oppresseur est l'esprit de l'opprimé. Né en 1946 à Ginsberg, une township noire près de King William's Town, Stephen Bantu Biko fût très tôt destiné à combattre l'apartheid: son père Mzimkhayi fut tué par un policier blanc lors d'un rassemblement militant le 12 septembre 1951.
Expulsé du secondaire pour son attitude anti-establishment, Steve fit ses premières armes politiques sur un campus de Durban dans les années 60. Fédérant des mouvements noirs, impliqué dans des projets de développement social, l'étudiant en médecine gagna en stature par son éloquence, son charisme et sa philosophie d'émancipation. Fondateur du Mouvement de la Conscience Noire, président la Convention du Peuple Noir, il s'investit à temps plein dans la lutte, après avoir été exclu de son école médicale. En 1973, ses activités lui valurent d'être assigné dans sa ville natale de King William's Town. Les autorités ne le lâcheront plus. Arrêté, détenu et interrogé à maintes reprises jusqu'à cette interpellation à un barrage fin août 1977.
Pendant plusieurs jours, Biko fut détenu, enchaîné, roué de coups, privé de soins, au QG de la police de Port Elizabeth. Un traitement inhumain sur lequel les auditions de la Commission Vérité et Réconciliation firent lumière en 1997-98, entendant des policiers qui menèrent l'interrogatoire. Mais aucun d'entre eux n'admettra avoir pu porter un coup fatal. Ils se virent refuser l'amnistie, mais n'ont à ce jour pas été poursuivis. Le 11 septembre, inconscient, Biko était transporté nu à la prison centrale de Pretoria (à 1.100 km de là), à l'arrière d'une Land Rover. Quelques heures après son arrivée, il décédait de lésions cérébrales sur le sol d'une cellule de Pretoria. Nu, toujours.
L'émotion et la colère, en Afrique du Sud et à l'étranger, furent immenses. Donald Woods, rédacteur en chef du respecté Daily Dispatch devenu l'ami de Biko, fit passer à l'étranger des photos du corps couvert de plaies et ecchymoses: le ministre de la Police, Jimmy Kruger, avait maintenu qu'il était mort d'une grève de la faim. L'exclusion et l'isolement du régime commencèrent pour de bon. Les gouvernements étrangers les fuyaient, les sanctions étaient imminentes. La chanson Biko de Peter Gabriel, fit le tour du monde, et Cry Freedom, film sur sa vie réalisé en 1987 par Richard Attenborough (avec Denzel Washington, Kevin Kline) sur la base d'un livre de Woods, exilé, généra larmes et sympathie anti-apartheid dans le monde.
Avec cette vague mondiale, autant que pour la conviction, alors renforcée en Afrique du Sud, que la violence répondrait à la violence, beaucoup considèrent avec le recul la mort de Biko comme un point de non-retour, la goutte d'eau qui fit déborder le vase, le début de la fin de l'apartheid. Donnant ainsi raison à Biko lui-même. Trois mois avant sa mort, il déclarait: "soit tu es vivant et fier, soit tu es mort, et quand tu es mort, tu ne peux plus t'en soucier. Et ta façon de mourir peut elle même être une chose politique (...) car si je n'arrive pas dans la vie à soulever la montagne de l'apartheid, sûrement l'horreur de la mort y parviendra.
Une pluie d'hommages en Afrique du Sud a salué le 25ème anniversaire de sa mort. Mais l'hommage à Biko, à l'influence aujourd'hui revendiquée par tous, s'accompagne de questions sur la fidélité à l'homme et ses idéaux, dans une société marquée par de criantes et durables inégalités, et des degrés très variables d'émancipation des Noirs. Notre libération n'aurait jamais eu lieu si nous n'avions pu nous débarrasser du sentiment de victime, d'objet, de haine de nous-mêmes (...) Steve Biko nous a aidés à exorciser ces démons intérieurs à travers la conscience noire, absolument essentielle à notre lutte pour la liberté.
L'ancien primat anglican et prix Nobel de la Paix, Desmond Tutu, résumait en ces mots le rôle crucial du charismatique orateur de King Williams Town dans les consciences des militants d'alors: la libération intérieure qui permit celle du pays. Les querelles des années 80 sur l'héritage de Biko sont dépassées. Il est aujourd'hui revendiqué par tous, bien au-delà de l'AZAPO (Organisation des Peuples d'Azanie), qui se perçoit l'authentique dépositaire. Notre pays n'est pas égalitaire. Nous sommes égaux dans la Constitution, dans l'urne, mais au jour le jour, pratiquement, nous avons à lutter pour bâtir cela, a lancé à cette occasion l'AZAPO, estimant que Biko vivra aussi longtemps que ses idéaux n'auront pas été réalisés.
Que serait devenu Biko ? Aurait-il été une conscience, un aiguillon, apportant un levain d'indépendance à la gouvernance (...) de la Nouvelle Afrique du Sud, spéculait avec regret Nadime Gordimer (Prix Nobel de littérature). Ou aurait-il, bien plus tôt, éclipsé Mandela lui-même comme le champion de la lutte, comme ses partisans en étaient convaincus ? J'ai pensé bien des fois que la conscience noire n'avait pas fini sa tâche, a écrit Tutu dans un cahier 25 ans de l'active Fondation Biko, car je m'inquiète que nous ayons épousé les critères de nos ex-oppresseurs blancs sur ce que signifie le succès, ce que signifie être arrivé, ajoute-t-il en visant la nouvelle élite noire. Qu'est devenu notre altruisme, notre ubuntu? (fraternité-unité africaine), a encore écrit Desmond Tutu.
Source: www.afrique-express.com
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