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Matin du 7 Aout 1991 :

Tout d'abord, je veux vous dire que je suis très heureux de vous revoir tous ici à Boersh dans ce petit groupe. Puisque hier, le voyage a été long et fatigant, je ne pourrai pas parler beaucoup, d'autre part, parler de l'égo qui est notre plus grande source de confusion ( lit : empêtrement ) n'est pas vraiment utile, et encore parce que c'est un sujet très vaste, des plus vastes, il est difficile d'en parler. En fait, l'égo est notre grand "patron" ( big boss ), 24 heures sur 24, et il n'est qu'une source de conflits que nous devons contrôler, Cet égo, nous l'avons toujours avec nous et nous ne le remarquons pas, nous ne l'identifions pas, ni lui-même ni les activités qui dépendent de lui. Et ceci est la partie pauvre de notre situation parce qu'en fait nous avons besoin de l'identifier, d'identifier ses activités, et nous ne l'avons jamais pu, depuis des temps sans commencement jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons jamais rien fait pour le connaître. Mais maintenant nous devons commencer et essayer de faire un effort pour identifier cet égo et ses activités.

Quand le Bouddha a donné l'enseignement des Quatres Nobles Vérités, il a d'abord dit : "Vous devez comprendre la souffrance", ceci est la chose principale pour accentuer la recherche de l'égo. Par exemple, si nous devons lutter contre un ennemi, nous devons savoir qui il est, à quoi il ressemble, nous devons l'identifier, c'est pareil avec notre égo, nous devons le connaître, car il est notre plus grand ennemi. Il doit nous être familier si nous voulons nous défendre contre lui.

La Deuxième Noble Vérité enseignée par le Bouddha, est la vérité de la cause de la souffrance, et la source de la souffrance, c'est l'égo, inévitablement si vous cherchez la souffrance, vous trouverez précisement l'égo, l'égo en tant que souffrance, en tant que base de la souffrance.

Comment réaliser la présence de l'égo, comment l'identifier ?

D'abord nous devons nous connaître nous-même. Cette sorte de fausse identification nous trompe 24 heures sur 24. C'est la raison pour laquelle l'égo nous contrôle. Et c'est seulement à cause de cette fausse identification qu'il peut le faire. L'égo lui-ême est comme une sorte d'auto-projection, il n'a pas d'existence dans une certaine forme, couleur, etc..., ni dans une substance ou matière solide etc...

Il peut nous contrôler parce que nous sommes trop faibles, autrement il ne pourrait rien contre nous, il n'a aucun pouvoir, pas de substance, pas de réalité. Il n'est qu'une substance très subtile, d'une subtilité qui n'a pas de substance. C'est à cause de nos mauvaises habitudes que nous sommes faibles et que nous nous laissons contrôler. En fait, l'égo fonctionne chaque minute de notre vie, quand nous mangeons, quand nous nous nous levons, lavons, habillons, etc... Il est toujours là, c'est tout.

En fait, si on le compare à la vérité ultime, il est négatif, il est la source de tous nos problèmes. Mais d'un point de vue relatif, il n'est pas vraiment négatif. Sans égo, relativement, nous ne pouvons pas pratiquer, c'est parce que nous avons un égo que nous pratiquons, que nous méditons, que nous nous prosternons etc... Nous faisons les "pratiques préliminaires" à cause de notre égo seulement pour essayer de le transpercer, de l'identifier, de mieux le comprendre. C'est la raison pour laquelle je dis que relativement l'égo n'est pas forcément négatif. Nous n'avons pas à l'abandonner de prime abord. Ultimement bien sûr, vous devez réaliser que l'égo est la chose à abandonner. Par exemple, si vous avez un ennemi, un ennemi très fort, très dangereux, vous ne pouvez pas l'abandonner, sinon vous allez au devant de graves problèmes.

Vous devez le connaitre, l'identifier, le ruser, traiter avec lui, travailler avec lui, l'utiliser en sachant au fond de votre coeur qu'il n'est pas votre ami et qu'un jour ou l'autre vous devez le battre, le vaincre. Avec l'égo, c'est pareil, vous devez l'utiliser comme un atellier de travail (workshop), et savoir qu'ultimement vous l'abandonnerez, mais relativement pour l'instant vous ne pouvez pas. Si vous savez que cet ennemi est fort et dangereux, vous ne le laisseriez pas vous contrôler même si vous le voyez tous les jours. Si vous saviez que l'égo est votre pire ennemi, vous ne le laisseriez pas vous contrôler même si bien sûr vous devez traiter avec lui pour pratiquer la générosité etc... par exemple. C'est la raison pour laquelle les pratiquants du dharma doivent etre habiles et vigilants, surtout ceux qui pratiquent le vajrayana; ils ne doivent pas se laisser contrôler par leur égo, d'aucune manière. Il faut donc trouver un moyen pour pratiquer sans que l'égo vous contrôle. Très précisement, l'égo ne vous dit pas vraiment toujours de bonnes choses. Il vous dit de bonnes et de mauvaises choses, cela dépends de votre égo et du moment. Vous devez être habiles et intelligents pour reconnaitre certains messages que l'égo envoie, toutes sortes de messages, bons ou mauvais, certains que vous devez prendre et d'autres que vous devez abandonner. Je ne sais pas dans quel texte on dit que l'égo peut donner de bons messages, mais c'est ma propre espérience que l'égo donne des messages qui sont bons, qui sont super, qui sont gentils, beaux. Et la raison pour laquelle je vous en parle, c'est que je suppose que c'est peut-etre aussi votre expérience à vous.

Mais le principal, c'est que pour identifier l'égo, vous devez le connaitre, c'est très important, c'est facile à comprendre de manière intellectuelle, mais plus difficile à comprendre avec le coeur. L'égo est simplement une sorte d'activité subtile, égoïste, attachée et attachante, une activité d'attachement égoïste de la pensée. C'est parce que c'est une substance subtiile que c'est difficile à détruire jusqu'à l'illumination. Si c'était un jeu plus grossier, ce serait plus facile. Par exemple, dans un jeu de tir, s'il y a une petite cible à viser, c'est difficile à atteindre, très difficile, presque impossible. C'est pareil avec l'égo, c'est parce que c'est très subtil que c'est ridicule, nous devons être des pratiquants très émérites, très expérimentés, très vigilants, si nous voulons détruire l'égo. Mais dès maintenent nous devons nous efforcer de l'atteindre. Bien sur l'égo est subtil, mais ses activités sont grossières. Il faut le cerner en identifiant d'abord ses activités grossières; c'est là qu'il faut commencer à travailler. On doit les prendre pour cibe. La plus grossière de ses activités, c'est la colère et l'agressivité.. C'est le premier point à viser, le plus important. Il faut essayer de contrôler la colère et l'agressivité, essayer de les comprendre.

C'est la raison pour laquelle certains yogis ont l'habitude de s'attacher à quelqu'un qui est vraiment une sorte de faiseur de problèmes, vraiment mauvais, quelqu'un qui génère la colère et l'agressivité, l'irritation, pour pratiquer la patience, pour s'entrainer à se contrôler et qui leur permet de se mettre en colère réciproquement et d'apprendre à améliorer leur pratique, à progresser dans leur recherche de l'égo. Et, en général pas seulement la colère mais toutes sortes d'émotions qui peuvent vous affecter, qui sont le reflet de votre égo, peuvent être utiles pour le reconnaître. Les émotions perturbatrices et les émotions en général sont d'un point de vue ultime, mauvaises, mais d'un point de vue relatif, il y en a de bonnes et de mauvaises. De toute manière, il faut être en contact avec elles pour pouvoir travailler contre l'égo. La colère est la plus grosse qui puisse affecter quelqu'un. C'est avec les émotions grossières qu'on peut comprendre l'égo, autrement c'est trop subtil à saisir. C'est un de mes conseils. Quand vous êtes en famille, de la même manière, vous pouvez être très heureux, très joyeux et c'est ainsi une manifestation, une activité grossière de l'égo. Vous devez à ce moment-là l'identifier comme telle.

Mon Gourou Thouksé Rinpoché me disait, quand on allait au cirque, parce qu'il aimait bien le cirque, quelquefois on était invité à un spectacle. Il me disait, quand je regardais, captivé et excité, les éléphants, les clowns et c'était une manière de faire le point avec moi, de me tester, "Est-ce que c'est bien ?", je disais : "Oui, c'est très joli, très interessant", "Bon, c'est bien, maintenant regarde ton esprit". Parce que j'étais excité en regardant le cirque, il avait l'habitude de me donner cette sorte de grand enseignement "regarde ton esprit", j'ai apprécié plus tard la réelle profondeur de cette leçon. Quand on commence à être excité, à avoir des émotions, on peut observer son esprit et apprendre quelque chose. Quand les émotions sont là, il faut les regarder et les comprendre. Les activités de l'égo vous ouvrent la porte de la compréhension de l'égo. Bien sûr, elles ne sont pas l'égo, mais elles sont un moyen d'approcher l'égo. C'est aussi la raison pour laquelle certains grands pratiquants, ou yogis traitent avec un environnement romantique, c'est comme avec l'ami coléreux. Chaque sorte d'expérience de l'égo peut-etre un enseignement, notre maître. Parce que chaque moment de notre vie peut nous apprendre à prendre conscience de l'égo, à l'utiliser, à le connaitre, à le regarder ou bien à changer sa négativité en positivité, c'est une sorte de jeu utile, un jeu de rôle; c'est l'expérience de transformer le mauvais en bon.

Dans le Vajrayana, c'est une expression qu'on emploie, on parle d'une sorte de jeu, d'un rôle, d'un plaisir, celui de changer ces sortes de choses, par le moyen de la conscience et ainsi de passer au travers sans encombres.

Il faut développer l'attention par rapport à ce "jouet éducatif" que sont l'égo et ses activités.

Beaucoup de gens, et même des maître, pas de très bons à mon avis, ont l'habitude de parler de l'égo et de l'attachement à l'égo, seulement l'égo, mais ils ne l'expliquent pas vraiment, le détachement est aussi l'égo. Le détachement est aussi mauvais. Attachement et détachement sont également mauvais. Tant que nous sommes impliqués dans ce monde relatif, nous devons traiter avec ce genre de choses mais nous devons faire attention et être vigilants, cela peut être dangereux. Par rapport à l'égo et à ses activités, on peut résumer en deux mots : un bon karma donne un bon égo, un mauvais karma donne un mauvais égo.