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mercredi 7 mars 2012

___Les séropositifs arnaqués dans les hôpitaux camerounais.L’accès aux soins semble toujours très difficile pour les personnes séropositives au Cameroun. maladie santé sida townships VIH..

L’accès aux soins semble toujours très difficile pour les personnes séropositives au Cameroun.

C'est le constat dressé par l’ensemble des associations locales de lutte contre la maladie. Toutes ont dénoncé, lors d’une conférence-débat organisée le 12 mai 2011 à Douala, les abus qui auraient cours dans la plupart des hôpitaux publics du pays. En effet, ceux-ci ne respecteraient pas les prix homologués par le ministère de la Santé publique concernant les examens biologiques (bilans de suivi et autres analyses), les consultations et les médicaments antirétroviraux.

Sont ainsi pointés du doigt les directeurs de formations hospitalières et les coordonnateurs des hôpitaux de jour où sont généralement pris en charge les séropositifs. Le cas le plus flagrant dénoncé par le Programme pour le marketing social, très impliqué dans la sensibilisation à la lutte contre le sida et dans la prise en charge des personnes infectées par le VIH, est celui d'un hôpital de district de Douala, la capitale économique:



«Ça fait pratiquement un an que la directrice de l’hôpital de district de Nylon a augmenté les prix du bilan de suivi en l’absence de toute note ministérielle. Elle exige aux patients la somme de 13.000 francs CFA 20 euros au lieu de 3.000 francs CFA 5 euros, tel que stipule les textes», confirme Lucie Zambou, la présidente de l’association Sunaids, qui indique également que cet hôpital de proximité situé dans un quartier populaire de Douala «reçoit pourtant en moyenne 4.000 patients».

Des plaintes ont été déposées pour dénoncer ces pratiques. Mais les accusations sont battues en brèche par les formations sanitaires qui parlent, elles, d’une «campagne de désinformation orchestrée par ces leaders associatifs». Pourtant, le quotidien camerounais Mutations fait savoir que l’hôpital de district de Nylon aurait reçu une sommation du ministre de la Santé publique:



«Nous avons effectivement reçu plusieurs plaintes des leaders associatifs dénonçant ces pratiques à l’hôpital de Nylon. Une note du ministre de la Santé publique sommant le médecin chef de cet hôpital de revenir aux prix homologués vient d’ailleurs de nous parvenir», indique un représentant des pouvoirs publics dans la région du Littoral, dont dépend la ville de Douala.

Une autre association de lutte contre le sida, Positive-Generation, révèle pour sa part, des chiffres alarmants: 69% des hôpitaux ne respecteraient pas les coûts des examens biologiques et des consultations au Cameroun.



«A chaque visite dans les hôpitaux, on fait payer les consultations aux patients. Alors que c’est anormal», regrette Fogue Foguito, le responsable de cette association.

Il ajoute qu'à l’hôpital Laquintinie, le plus grand centre hospitalier de Douala, «une plaquette de dix comprimés d’antirétroviraux coûte 300 francs CFA 0,45 euro au lieu de 100 francs CFA comme prescrit dans les textes».

Autre chiffre inquiétant révélé à l'occasion de cette conférence-débat: plus de 34.000 personnes infectées par le VIH/sida ont perdu la vie en 2010 au Cameroun. Et le Comité national de lutte contre le sida (CNLS) indique qu'en 2010, ce sont 560.000 personnes qui vivent avec le virus dans ce pays.


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  • L'Afrique du Sud a toujours peur du sida

Le secret de Chanda, film sud-africain sélectionné au festival de Cannes 2010, est en salle en Afrique du Sud depuis le 11 mars. Acclamé dans le monde entier, il a pourtant du mal à passer dans son propre pays.

Le secret de Chanda © Dreamer Joint Venture GmbH Alsbrik 2010, Courtesy of Sony Pictures Classics

l'auteur

Sophie Bouillon

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cinéma Festival de Cannes film Johannesburg maladie santé sida townships VIH

Si j’étais allée voir seule Le Secret de Chanda (ici, en V.O., Life, Above All) au cinéma de Johannesburg, j’aurais sans doute partagé l’enthousiasme général. Ce film sud-africain, acclamé en Europe, récompensé par de nombreux prix, sélection Un Certain Regard au festival de Cannes 2010, décrit avec un réalisme stupéfiant les ravages de l’épidémie du sida dans les townships sud-africains. Le tabou qui l’entoure, le manque d’éducation et de traitement, les familles divisées, la prostitution, les problème d’alcool, de chômage et les rumeurs qui se propagent dans la communauté aussi vite que la maladie se développe dans l’organisme. Chanda, 12 ans, «plus éduquée et plus forte» que sa mère, va tenter de surmonter la honte et la maladie au milieu de l’ignorance et des croyances populaires. Le film est enfin sorti dans son pays natal le 11 mars 2011, après avoir fait le tour du monde.

J’avais proposé à deux jeunes d’un quartier pauvre de Johannesburg, un township comme on les appelle ici, de m’accompagner.



«Attention, c’est un film triste, les avais-je prévenus. Mais je pense que c’est important pour vous de le voir.»

Briser les tabous

Naïvement, je pensais que ce film faisait partie d’un processus d’éducation et de prévention contre le sida, persuadée (par mon éducation européenne) que l’on a besoin de faire face à sa réalité pour mieux la comprendre. Naïvement aussi, je m’étais demandé pourquoi on ne le montrait que dans les salles de cinéma d’art et d’essai des quartiers chics. Après tout, pourquoi ne pas organiser des diffusions dans les townships? C’est là-bas que le message devrait être diffusé.

Bien que l’Afrique du Sud est le pays où l’on compte le plus grand nombre de personnes séropositives au monde (5,6 millions sur 49 millions d'habitants), il n’y a quasiment aucune campagne de prévention, aucun panneau dans les rues ou très peu. En 2009, seulement un tiers des hommes avaient fait un test dans leur vie. Une publicité passe à la télé, certes, mais il y est davantage question de football que de maladie —et encore moins de préservatif. Personne ne parle vraiment du sida, cette chose abstraite et tellement omniprésente que l’on préfère vivre avec pour l’oublier. Dans les townships ou les campagnes, là où l’épidémie fait des ravages, cela reste un sujet tabou. Et pourtant, le pays dénombre deux millions d’orphelins.

Les deux adolescents avaient hésité et finalement accepté mon invitation, davantage pour sortir de chez eux que pour aller voir le film d’ailleurs. J’avais réservé les places en avance, pensant que Life, Above All, film local, attirerait les foules. Mais la salle était quasiment vide quelques jours après sa sortie. Une poignée de blancs, un homme noir venu seul, et nous.

Pour résumer le film, il y est question de la mort du début à la fin. Il commence avec l’enterrement de la petite soeur de Chanda. Les chants puissants traditionnels prennent aux tripes et à la gorge dès les premières minutes, lorsque le petit cercueil d’un nourrisson est recouvert de terre. Pendant deux heures, les images choc se succèdent: la mère de Chanda est «atteinte d’une maladie», sa meilleure amie se prostitue et le secret se fait de plus en plus lourd à porter à mesure que le sida s’installe dans les maisons.

Le générique de fin retentit. Lourd. Pesant. La salle s’éclaire peu à peu et dévoile les yeux gonflés des spectateurs. Le malaise est palpable. Certains se mouchent, d’autres cachent leur visage. L’homme noir est resté figé dans son siège, et fixe l’écran. Je me rends alors compte que l’un des deux adolescents a quitté la salle avant la fin. A 18 ans, on est un homme, on n’a pas le droit d’être triste. Il est parti se recueillir dans le couloir. La jeune fille est restée, visiblement choquée par ce qu’elle venait de voir: la mort lente de sa communauté.

A ce moment-là, j’ai compris le sens de la sélection du Secret de Chanda au Festival de Cannes. Car il faut sans doute avoir «un certain regard», un autre regard, pour apprécier ce film. Celui, distant, d'un Européen qui n’est pas confronté au sida dans sa vie quotidienne. Alors, on apprendra beaucoup sur l’Afrique du Sud et sur l’épidémie. Car le film est très réaliste. Trop réaliste, peut-être. Sans espoir.

Je ne m’étais alors jamais posé la question de savoir comment un juif qui avait subi le drame des camps de concentration avait pu «regarder» La vie est belle. Ou comment un Africain «regardait» Amistad, terrible film de Spielberg sur l’esclavage. Ont-ils «un autre regard» que celui d’un jury de cinéma sur la Croisette? «Un certain regard» blanc sur les noirs?

Il y a quelques semaines, le festival du film français de Johannesburg a diffusé La Vénus Noire d’Abdelatif Kechiche. La moitié des spectateurs ont quitté la salle, souvent des Sud-africains, en majorité noirs, car ils ne supportaient pas la cruauté et le racisme avec lesquels était traitée Sarah Baartman, «cobaye africain» transportée à la fin du XIXe siècle en Europe. On chuchotait entre les sièges que «les Sud-Africains ne peuvent rien attendre d’un film sur leur histoire, produit et réalisé par un Français».

Est-ce que le Secret de Chanda aurait été traité avec plus de subtilité si son réalisateur avait été noir et issu d'un township? Oliver Schmitz est sud-africain, certes, mais il a grandi et vit au Cap, bien loin du quotidien des townships et des campagnes. Gillian Schutte, professeure de cinéma à l’université de Johannesburg et réalisatrice, a écrit une chronique dans le Mail & Guardian intitulée «Pourquoi je n’emmènerai pas mon fils voir Life, Above All». Selon elle, le cinéma sud-africain est encore aux mains d’une élite blanche incapable de parler de la vie des noirs sans verser dans le stéréotype: les Africains ne comprennent rien au problème du sida; la figure de l’homme est salie par l’alcoolisme, la lâcheté et la tromperie; les guérisseurs traditionnels font fortune en proposant des traitements absurdes aux gens désespérés.

Il est facile en Afrique du Sud de jouer la carte de la «race» dès que les blancs parlent des noirs et vice versa. Malheureusement dans la vie des townships tous ces stéréotypes sont bien souvent la réalité —mes deux adolescents le concèdent volontiers. Mais ce film leur «a rappelé trop de choses vécues à la maison, sans y apporter de solutions ni d’espoir de voir les choses changer». Ils n’ont pas souhaité en parler davantage, arguant que de toute façon, «je ne pouvais pas comprendre».

Ce film est réalisé par un blanc, pour un public blanc ou de classe aisée avec toutes les meilleures intentions du monde. Les autres, ceux qui sont confrontés au sida n’y apprendront pas grand chose, sauf à se prendre leur vie minable et l’incompétence de leurs parents en pleine figure, pendant que leur voisin blanc pleurniche sur son siège, terriblement triste et impuissant.

Ce n’est pas tant le prétendu racisme que les deux adolescents n’ont pas pu supporter, mais la honte et l’humiliation de voir des inconnus découvrir leur vie et pleurer sur leur sort des pauvres Africains victimes de la plus grande épidémie que le monde a jamais connue. La pitié permanente que l’on ressent en tant qu’Européens vis-à-vis de l’Afrique n’est-elle pas aussi une forme de racisme?

Une série télévisée, Intersexions, est diffusée tous les mardis sur la chaîne nationale SABC1. Sponsorisée par Usaid, le fonds de développement américain, elle a le mérite d’expliquer comment le virus se propage entre un mari trompeur des townships, une jeune fille sexuellement active des banlieues riches et des enfants nés avec une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes. Toutes les races et catégories de population sont représentées, dans la plus grande vraisemblance que peut apporter la fiction.

Ce genre de programme que l’on peut regarder dans l’anonymat de son salon joue un rôle beaucoup plus important dans les consciences que l’empathie d’un jury au festival de Cannes face à la misère de l’Afrique du Sud. La série explique aussi que le sida n’est pas seulement une maladie de pauvres noirs; c’est une épidémie qui nous concerne tous et c’est seulement en l’abordant ainsi que l’on pourra lutter efficacement contre le virus et faire tomber les tabous. Et avec, la honte.

Sophie Bouillon

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___Sida: trente ans après, la capote reste capitale.Depuis l'apparition du sida il y a trente ans, la recherche a mis au point des médicaments antirétroviraux efficaces.

Sida: trente ans après, la capote reste capitale Depuis l'apparition du sida il y a trente ans, la recherche a mis au point des médicaments antirétroviraux efficaces. Mais le préservatif demeure la clef de voûte de la prévention.

AIDS awareness - condom use (in Chimoio town, Mozambique) by tonrulkens via Flickr CC

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http://www.slateafrique.com/2377/sida-trente-ans-apres-preservatif-reste-vital

Jean-Yves Nau

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dépistage HIV médecine médicaments OMS Onusida préservatif prévention recherche santé sida

Nous le savons depuis plus d’un quart de siècle: il n’existe que deux méthodes pour prévenir la transmission (sexuelle) du virus du sida. La première —largement idéaliste et prônée par le Vatican— préconise la chasteté absolue avant le mariage suivie d’une réciproque et totale fidélité. La seconde —de caractère nettement plus pragmatique— se résume à l’utilisation systématique du préservatif masculin; du moins lorsque les partenaires estiment être l’un et l’autre dans ce qu’il est convenu d’appeler une situation potentiellement «à risque».

Deux méthodes seulement? C’est ici oublier que, depuis plusieurs années, de nouvelles voies de prévention sont explorées grâce notamment aux spectaculaires progrès obtenus dans les traitements à base de médicaments antirétroviraux. En janvier 2008, des médecins de la Commission fédérale suisse pour les problèmes liés au sida avaient ainsi fait sensation en affirmant qu’une personne séropositive n’ayant plus de virus détectable dans le sang depuis au moins six mois –ce grâce à un traitement antirétroviral suivi scrupuleusement– et n’ayant par ailleurs aucune autre infection sexuellement transmissible «ne transmettait pas le virus par le biais de contacts sexuels».

  • Le traitement précoce réduit les risques de transmission

On en sait aujourd’hui un peu plus sur le sujet grâce aux résultats d’un essai clinique international mené chez des couples dont l’un des membres est infecté par le VIH et l’autre non; des couples dits «(séro)discordants». Baptisée «HPTN 052», cette étude a été menée auprès de 1.763 couples volontaires (pour la plupart hétérosexuels) vivant dans neuf pays: Afrique du Sud, Botswana, Brésil, Etats-Unis, Inde, Kenya, Malawi, Thaïlande et Zimbabwe.

Les chercheurs ont constitué deux groupes. D’une part des couples chez lesquels la personne infectée était traitée au plus vite. De l’autre des couples chez lesquels le traitement était mis en œuvre beaucoup plus tardivement. Et dans tous les cas (c’est une obligation éthique compliquant immanquablement le travail statistique) la nécessité de prodiguer régulièrement à tous ces couples les conseils élémentaires de prévention pour réduire les risques de transmission.

Principale conclusion: le fait de traiter précocement des hommes et des femmes infectés par le VIH réduit —en moyenne— de 96% le risque d'infecter un partenaire sexuel non infecté.



«Cet essai clinique montre de façon convaincante que traiter des séropositifs avec des antirétroviraux au plus tôt peut avoir un impact majeur pour réduire la transmission du VIH, se félicite Anthony Fauci, directeur de l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses (organisme qui a financé l’étude). Les précédentes données sur le potentiel des antirétroviraux pour réduire la contagion d’un séropositif provenaient seulement d’études observationnelles ou épidémiologiques.»

Tel n’est plus le cas, puisque l’on dispose désormais de solides données chiffrées et concrètes.

Le Dr Fauci n’est pas le seul à applaudir. Les responsables de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida) se sont également réjouis de ces résultats. Ils voient là «une percée scientifique qui change considérablement la donne et assurera l’avancement de la révolution de la prévention».



«Cette percée place le traitement anti-VIH au rang des nouvelles options de prévention prioritaires, estime Michel Sidibé, directeur exécutif d’Onusida. Nous devons maintenant nous assurer que les couples ont la possibilité de choisir le traitement de prévention et qu’ils y ont accès.»

«Cette avancée est cruciale car nous savons que la transmission par voie sexuelle représente environ 80% des nouvelles infections», a renchéri Margaret Chan, directrice générale de l’OMS. Quant au Pr Wafaa el-Sadr (Université Columbia de New York), membre du groupe ayant mené cette étude, il estime, sans immodestie, que cette dernière «sera toujours considérée comme une étude phare qui pourrait bouleverser mondialement le traitement et la prévention du VIH».

On peut comprendre un tel enthousiasme. L’étude «HPTN 052» avait été lancée en 2008 et ne devait s’achever qu’en 2015. Elle a, pour des raisons éthiques, été arrêtée après la découverte des premiers résultats importants observés au terme d’une évaluation intermédiaire; résultats obtenus par un groupe d’experts indépendants. Dans les couples au sein desquels la personne séropositive était traitée avec une association de trois médicaments antirétroviraux, un seul cas de transmission a été constaté; et ce contre 27 cas dans le groupe «témoin». Il était dès lors contraire à l’éthique de poursuivre un tel travail. Campagnes de dépistage

Spectaculaires, ces résultats ne sauraient pour autant faire l’objet de trop d’extrapolations et laisser penser qu’un traitement précoce peut désormais se substituer à toute prévention complémentaire. Les auteurs de l’étude soulignent eux-mêmes que «l’on ne peut pas les généraliser à la population dans son ensemble» et notamment chez des patients séropositifs qui ont de nombreux partenaires et qui n’auraient peut-être pas «la même constance dans leur traitement» que les personnes vivant au sein de couples «discordants» mais stables.

A Paris, Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine pour ses travaux sur la découverte du VIH, qualifie ce travail d’«hyper important». Elle souligne toutefois que la transformation d’une démarche thérapeutique en une approche préventive n’est «jamais du 100%». «Mon message c’est "continuez à vous prévenir par les moyens classiques, et essayez surtout de ne pas être infecté"», souligne-t-elle. Le Conseil national du sida, qui réfléchit depuis plusieurs années à ces questions, fait une analyse similaire. Il rappelle notamment que l’effet préventif du traitement ne peut être pleinement obtenu qu’à la double condition de parvenir à un dépistage beaucoup plus large et précoce de l’infection, et d’inscrire le nouvel outil dans une approche de prévention dite «combinée».

De la même manière, Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence française de recherches sur le sida, estime que si cette étape est «vraiment importante», il ne faut en aucun cas «opposer les traitements antirétroviraux aux autres méthodes de prévention». En d’autres termes, le préservatif doit continuer à être utilisé dans les situations «à risque». C’est d’autant plus nécessaire que sur les 33 millions de personnes infectées dans le monde, on estime qu’environ les deux tiers n’ont jamais été dépistées et ne savent donc pas qu’elles sont séropositives et donc susceptibles de transmettre l’infection par voie sexuelle. Et il faut ajouter que l’administration très précoce d’associations de médicaments antirétroviraux ne peut financièrement être envisagée dans la plupart des pays, africains notamment, les plus touchés par l’épidémie de sida. Pour autant, de nouvelles recherches sur ce thème vont être prochainement menées.



«Il nous faut maintenant valider le concept d’antirétroviraux à l’échelle de la population générale, précise le Pr Delfraissy. C’est l’objet d’un essai qui doit être conduit à partir de 2011 en Afrique du Sud. Il nous faut également approfondir les effets sur le long terme des traitements pris précocement sur l’infection à VIH elle-même, et sur les co-infections comme la tuberculose.»

On est ainsi aujourd’hui dans une situation quelque peu paradoxale, les progrès –réels– obtenus en termes de prévention via les médicaments ne permettant nullement de faire l’économie du préservatif, seule méthode qui en pratique fait la preuve de son efficacité; même si cette dernière n’atteint pas toujours immanquablement les 100%.

La situation actuelle n’est pas sans rappeler les limites de la pratique de la circoncision à des fins préventives. En 2007, après une série d’études plus ou moins controversées menées en Afrique, l’OMS avait décidé d’inclure la pratique de la circoncision parmi les possibles stratégies de prévention du sida. Deux ans plus tard, d’autres études établissaient que la circoncision d’hommes séropositifs ne conduisait nullement à une réduction du risque de transmission du VIH à leurs partenaires sexuelles féminines.

L’OMS et l’Onusida rappelaient alors que la pratique de la circoncision ne protégeait pas complètement et qu’elle ne saurait remplacer à elle seule les autres méthodes de prévention. Là encore, le recours au préservatif continue à être la règle; et ce d’autant plus que la promotion officielle de la circoncision pouvait avoir un effet paradoxal en laissant croire à une protection absolue et conduire, de ce fait, à une augmentation des infections. Prévention «combinée» ou pas, le latex demeure indispensable.

Jean-Yves Nau


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  • Sida: le Fonds mondial plombé par des détournements de fonds en Afrique

Le Mali a été pris la main dans le sac. La Côte d’Ivoire, la Mauritanie, la Zambie et Djibouti sont désormais sous surveillance renforcée.

Fingers Crossed / Dedos Cruzados, by JoséMa Orsini via Flickr CC

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Jean-Yves Nau

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Amadou Toumani Touré antirétroviraux corruption Côte d'Ivoire Djibouti Mali Mauritanie Michel Kazatchkine paludisme santé sida tuberculose VIH Zambie

Etat d’alerte au siège genevois du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Cette prestigieuse institution sanitaire est désormais officiellement victime de malversations et de multiples détournements de fonds.

Pour l’heure, le Mali est visé. D’autres pays africains pourraient suivre. Cette affaire sans précédent est doublement importante. Dans sa dimension financière bien évidemment, mais, plus encore sans doute, dans sa dimension symbolique puisque ce Fonds n’existe que grâce à la solidarité internationale.

A Genève, on sait être confronté à une double urgence. D’abord, mesurer l’ampleur exacte des malversations dont est victime cette institution, et ensuite, évaluer les conséquences pratiques de ces affaires dans les pays africains les plus affectés par ces trois fléaux infectieux.

L’existence prouvée de détournements de fonds risque fort en effet de nuire aux activités futures de cette institution internationale créée il y a moins de dix ans pour, précisément, pallier les errements précédents de la «solidarité nord-sud» dans le champ du financement de la lutte contre ces trois maladies sévissant à l’échelle planétaire.

Le 2 mars, le Français Michel Kazatchkine (qui venait alors d’être reconduit dans ses fonctions de directeur général) annonçait qu’il suspendait le jour même une subvention de près de 14 millions de dollars (10 millions d’euros) précédemment allouée à la lutte contre le sida au Mali.

«La mesure prend effet immédiatement et restera en vigueur jusqu’à ce que de nouvelles dispositions aient été prises pour gérer cette subvention, précisait-on à Genève. Le récipiendaire principal actuel, le “Groupe Pivot Santé Population” sera remplacé.» Le Mali en flagrant délit

Cette décision faisait suite à la mise au jour d’éléments probants faisant état d’une utilisation abusive de crédits versés. Le Fonds mondial rappelait alors qu’en décembre 2010 il avait déjà, au Mali, suspendu deux subventions destinées à la lutte contre le paludisme et en avait résilié une troisième ciblant la tuberculose, après avoir établi que des fonds avaient été détournés et que certaines dépenses n’étaient pas justifiées.

C’est une enquête menée par l’Inspecteur général du Fonds mondial qui a permis de mettre au jour le détournement d’environ 4 millions de dollars (2,86 millions d'euros) et d’établir que de hauts responsables chargés de la mise en œuvre des subventions avaient émis fausses factures, faux documents d’appel d’offres, et qu’ils étaient à l’origine de surfacturations de biens et services, notamment en ce qui concerne les activités de formation.

Concrètement, les trois mesures touchant le Mali prises en décembre concernaient:

- une subvention contre le paludisme de 14,8 millions de dollars (10,59 millions d'euros) pour l’achat et la distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide;

- une subvention de 3,3 millions de dollars (2,36 millions d'euros) pour l’achat de médicaments contre le paludisme;

- une subvention de 4,5 millions de dollars (3,22 millions d'euros) destinée à la lutte contre la tuberculose ciblant entre autres les détenus, les communautés minières et les patients atteints de tuberculose.

Au total, le Fonds mondial avait alors conclu des accords de subvention avec le Mali pour un montant de 123 millions de dollars (88 millions d'euros), dont 79 millions (56,5 millions d'euros) avaient déjà été versés.

La quatrième décision de suspension qui vient d’être prise ne devrait pas concerner, dans ce pays, les 22.500 personnes infectées par le VIH et actuellement traitées par des médicaments antirétroviraux: leurs soins sont financés par une autre subvention, gérée par le Haut Conseil national de lutte contre le sida du Mali.

On précise à Genève que les mesures nécessaires ont été prises pour qu’il n’y ait aucune interruption des traitements des personnes souffrant de formes dites «multirésistantes»: les subventions suspendues ont été transférées à de nouvelles entités «qui ont fait leurs preuves en matière de gestion et de capacité opérationnelle».

On ajoute encore que le gouvernement malien a «condamné» les malversations et qu’il «collabore» avec le Fonds mondial pour assurer une reprise aussi rapide que possible des activités sanitaires subventionnées. Dans ce pays, seize personnes soupçonnées d’être à l’origine des malversations sont en détention. Lutter contre la corruption

Le Fonds mondial annonce d’autre part que quatre pays subventionnés vont faire l’objet d’un renforcement des contrôles avec des «restrictions imposées à leur mouvement de trésorerie»: trois pays d’Afrique (Côte d’Ivoire, Djibouti, Mauritanie) et la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Enfin de nouvelles mesures de surveillance vont être prises, «destinées à empêcher et à détecter une éventuelle utilisation abusive de crédits alloués à des programmes de formation dans les 144 pays qui bénéficient de financements du Fonds mondial».

Comment, en somme, éteindre (au mieux et au plus vite) les feux de brousse de la corruption? Pour l’heure, le Fonds a choisi: faire toute la lumière sur les malversations identifiées et en faire une large publicité. En décembre 2010, Michel Kazatchkine avait affiché sa fermeté:

«Le Fonds mondial ne tolère aucune fraude et il nous incombe d’agir immédiatement pour y mettre fin, récupérer les fonds détournés et établir les moyens les plus fiables pour acheminer les ressources vers les personnes qui en ont le plus besoin.

La suspension de subventions est, pour le Fonds mondial, le moyen de faire comprendre aux parties concernées que les détournements de fonds ne sont pas acceptables. Il s’agit ensuite de travailler de façon constructive avec les pays pour résoudre les problèmes et concentrer nos efforts pour sauver des vies.

Je salue le président du Mali, Amadou Toumani Touré, pour la fermeté dont il fait preuve dans la lutte contre la corruption.» Une situation médiatique délicate

Pour autant, maîtriser la médiatisation n’est pas chose facile; a fortiori quand il s’agit de corruption. C’est ainsi que le directeur général du Fonds a jugé nécessaire, fin janvier, de faire une «mise au point», estimant que «certains médias» n’avaient pas pris l’exacte mesure de la situation; des médias montant la mayonnaise et, pour se faire, se refusant à rappeler qu’aucun soupçon de corruption ne venait «entacher l’immense majorité des crédits que verse le Fonds mondial et qui donnent des résultats hors du commun dans la lutte contre les trois maladies».

Etrange situation, d’autant plus délicate (incestueuse?) qu’en octobre 2010 —au lendemain des promesses faites par des donateurs publics et privés de verser 11,7 milliards de dollars (8,3 milliards d'euros) sur trois ans—, le Fonds s’était félicité du fait que cinq journaux européens (The Financial Times, El País, Le Figaro, Bild Zeitung, et The Independent) lui aient «offert» des espaces publicitaire pour «remercier ses donateurs».

Et Michel Kazatchkine d’ajouter:

Toute notre reconnaissance va à ces journaux qui nous ont offert un espace publicitaire. Leur démarche relève de la pure générosité et nous permet de remercier la population des pays qui ont apporté une contribution majeure au Fonds mondial.»

Aujourd’hui, le Fonds mondial fait savoir qu’il «exige» le remboursement de 34 millions de dollars (24,3 millions d'euros) qui ont disparu dans différents pays sur un total de 13 milliards de dollars (9,3 milliards d'euros) de crédits versés. 34 millions de fuites sur 13 milliards de réservoir?

S’indigner? S’émouvoir? Le même Fonds se plaît à rappeler le nombre —des millions— de morts prématurées qui ont pu être évitées grâce à son action et à celles de ses donateurs.

Quand fera-t-il connaître le nombre des morts résultant des malversations financières dont les plus pauvres et les plus exposés au sida, au paludisme et à la tuberculose ont été victimes? Malversations que ce Fonds a certes su détecter, malversations dont il fait état, mais qu’il n’a pas su prévenir?

Jean-Yves Nau

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___Sida: l’engagement des grand-mères africaines. Les orphelins du sida sont légion en Afrique subsaharienne, malgré quelques progrès observés dans la lutte contre la maladie.

Sida: l’engagement des grand-mères africaines

L'Auteur

http://blog.slateafrique.com/femmes-afrique/2011/06/03/sida-le-courage-des-grand-meres-africaines/

Anne Collet Topics

association humanitaire, éducation, sida

Les orphelins du sida sont légion en Afrique subsaharienne, malgré quelques progrès observés dans la lutte contre la maladie. Pour s’occuper d’eux, les grand-mères reprennent du service.

Au Swaziland, il y a un an, le 6 mai 2010, un sommet rassemblant 450 grand-mères d’Afrique sub-saharienne originaires de 12 pays parmi les plus touchés par l’épidémie de sida (Afrique du Sud, Botswana, Kenya, Malawi, Mozambique, Namibie, Rwanda, Tanzanie, Ouganda, Zambie et Zimbabwe) marquait grâce à une association fondée en 2003 par le Canadien Stephen Lewis, le début d’un grand mouvement de reconnaissance de ces vieilles dames africaines en charge des orphelins du sida. Lewis un diplomate et ancien envoyé spécial des Nations unies pour le sida en Afrique, avait constaté alors qu’il était en poste au Malawi, que les grand-mères sans moyens ni aide des Etats, faisaient des merveilles en endossant les unes après les autres le rôle de chefs de famille. Dans les pays concernés, nombreux sont les enfants orphelins du sida qui n’ont qu’une grand-mère pour refuge. Poussées par les circonstances, celles-ci accueillent ces enfants très souvent perturbés pour prendre en charge leur éducation.

Victimes indirectes du sida, les grand-mères tentent donc de créer une dynamique dans toute l’Afrique et même au-delà, avec l’espoir de recevoir de l’aide internationale: outre les frais de scolarité, les besoins en logement, nourriture et soins pour elles-mêmes comme pour les enfants qu’elles élèvent et qui ne sont pas toujours leurs propres descendants, sont incommensurables. Mais grâce à la fondation Stephen Lewis, des ONG locales ont compris le message et commencent à leur venir en aide. C’est le cas de Swapol qui a permis au Swaziland d’accueillir le sommet. En Ouganda, l’idée proposée par l’association St Francis d’offrir 100 dollars aux grands-mères afin de leur permettre de démarrer leur propre micro-entreprise, fait tâche d’huile.

Pour les organisateurs du sommet de 2010, ces grand-mères africaines, certaines sont âgées de 90 ans, sont des êtres indomptables et infatigables. Elles accueillent sous leur toit dix, douze et parfois quinze enfants et réussissent à maintenir un lien social. «Ces femmes extraordinairement courageuses, enterrent leurs propres enfants et s’occupent de leurs petits enfants orphelins en faisant appel à une incroyable réserve d’amour et de résilience», résume Stephen Lewis, qui a invité 42 grand-mères canadiennes à les rencontrer.

Depuis cette date, le mouvement a pris une ampleur internationale. Le Canada tout entier est mobilisé dans une campagne intitulée «de Grand-mère à Grand-mère» et vient en aide à celles qu’il considère comme les «héroïnes méconnues de l’Afrique». 12 millions de dollars canadiens (8,700 millions d’euros) ont été à ce jour collectés et acheminés aux Africaines par l’intermédiaire d’associations locales de lutte contre le sida.

Les grand-mères africaines ont malheureusement encore du pain sur la planche. L’Afrique subsaharienne est en effet de loin la région la plus touchée au monde par l’épidémie de sida qui continue à faire de nombreux orphelins. Selon les statistiques publiées par Onusida en 2010, on y dénombrait 22,4 millions de séropositifs et 1,8 millions de nouveaux cas par an. En outre, 1,3 millions de personnes sont mortes du sida au cours de la seule année 2009.

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___Lutte-t-on vraiment contre le sida en Afrique? Santé, éducation, infrastructures: quelle priorité?

En juin 2011, les pays membres de l'ONU ont réaffirmé leur engagement dans la lutte contre le sida. Un vœu pieux de plus, sans contraintes. Pour le ministre sénégalais de la Santé, il faut «mettre la communauté internationale devant ses responsabilités».

Teaching scouts about HIV/AIDS 04, by hdptcar via Flickr CC

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Camille Biet

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maladie Modou Diagne Fada Objectifs millénaires du développement ONU Onusida santé Sénégal sida VIH

«On ne peut pas dire que tout le monde nous a laissés tomber, mais on remarque que beaucoup de pays hésitent à nous soutenir». Le ministre sénégalais de la Santé Modou Diagne Fada s’exprimait le 10 juin 2011, dans un entretien avec SlateAfrique, sur l’importance de donner une suite concrète aux engagements pris pour la lutte contre le sida.

L’équation est simple. Un objectif: 15 millions de personnes sous traitement d’ici 2015. Un coût: 4,2 milliards d’euros par an. Une inconnue: la source de financement pour atteindre cet engagement (PDF).

Au mois de juin 2011, les pays membres des Nations unies ont de nouveau formulé une promesse mais sans prendre en compte l’aspect pratique, sans s’imposer aucune obligation; juste un «vœu pieux» de plus. Cet engagement doit sauver la vie de millions d’Africains. Il s’agit donc, comme le dit Fada, de «mettre la communauté internationale devant ses responsabilités».

Ils sont encore 9 millions de malades à ne pas avoir accès aux soins nécessaires. Près de 360.000 enfants naissent chaque année avec le VIH, et ces chiffres concernent plus particulièrement l’Afrique. Une Afrique lâchée par les pays du Nord dans sa lutte contre l'épidémie.



«Tout le monde ne nous a pas abandonnés: la France a maintenu son niveau de financement au Fonds mondial contre le sida et les Etats-Unis le financent à près de 50%», indique le ministre.

Pourtant, Fada précise que d’autres restent réticents:



«Nous appelons l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et les autres qui ont suspendu leur participation au Fonds mondial à revoir leur décision», ajoute-t-il.

Quant aux pays émergeants comme la Chine, explique le ministre de la Santé, ils continuent de recevoir l’aide du Fonds:



«Si la Chine ne participe pas au Fonds, elle pourrait tout de même s’abstenir d’en bénéficier», souligne-t-il.

Pour une prise en charge africaine

22,5 millions de personnes vivent avec le VIH en Afrique. 60% sont des femmes. Le taux de prévalence dans certains pays est particulièrement élevé, avec jusqu'à une personne sur quatre porteuse du virus. La très grande majorité des enfants vivant avec le VIH dans le monde se trouvent sur le continent noir.

Les inquiétudes restent donc sérieuses et la baisse des financements n’est pas faite pour rassurer. Les présidents malien, camerounais, rwandais, gabonais et nigérian se sont déplacés à New York en juin pour faire le point sur dix ans de lutte contre le sida. Les autres pays africains se sont fait représenter par leur ministre des Affaires étrangères ou leur ministre de la Santé.

Les pays «donateurs» n’ont envoyé personne. Ils n‘ont pris aucun engagement concret et n’ont pas abordé dans la déclaration finale les thèmes chers aux Africains, comme le prix des médicaments. C’est donc à l’Afrique maintenant de prendre les choses en main.

Mais si les Africains sont d’accord pour dire qu’il faut mettre fin à cette pandémie qui ronge le continent, les désaccords persistent, comme d’habitude, lorsqu’il s’agit de se réunir pour des politiques de santé communes:



«On doit harmoniser les interventions concernant cette pandémie au niveau de l’Afrique. Il est important, au niveau africain, qu’on dispose d’un institut qui prenne en charge les politiques régionales de santé publique, les stratégies régionales de lutte contre le sida», note Fada.



Il ajoute que «tous les pays Africains doivent s’engager dans la voie de respecter les recommandations d’Abudja qui veulent que 15% du budget soit destiné à la santé. Ce n’est pas encore le cas dans tous les pays africains. Et je crois que tous sont obligés aujourd’hui de renforcer leurs ressources financières destinées à la santé. Il ne sert à rien de dire que nous allons attendre tout de l’extérieur jusqu'à aliéner notre autonomie. Nous sollicitons le soutien extérieur, mais nous devons, nous, pays africains, accepter de mettre la main à la poche.»



«Nous avons beaucoup de priorités dans nos pays. Est-ce que c’est l’éducation? Est-ce que c’est l’agriculture? Est-ce que ce sont les infrastructures? C’est sûr que si la santé rentre en compétition avec ces secteurs-là, elle risque d’être maltraitée», avoue le ministre.

C’est parce que les priorités sont multiples que les pays donateurs ne peuvent pas oublier leur responsabilité. Le Fonds mondial, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Onusida doivent maintenir leurs budgets et même réussir à les augmenter.

Prendre des engagements sans les coupler avec des décisions opérationnelles, c’est donner un coup d’épée dans l’eau. Pour leur défense, les pays du Nord sont affectés par une crise économique aiguë. Ceci étant dit, il devrait être facile de mettre en place quelques éléments qui permettraient l’obtention de résultats rapides et efficaces.

- Faire évoluer les sources de financement avec les «financements innovants», notamment une taxe sur les opérations financières. L’idée semble bonne, mais certains pays se refuseraient à taxer les actionnaires.

- Faire baisser le prix des médicaments en développant les génériques. Là, on s’attaque à la propriété intellectuelle des grandes firmes pharmaceutiques. Un sacrilège pour certains.

- Simplement mieux gérer l’argent et éviter les malversations et la corruption. Il semble que le fond mondial tente déjà d’améliorer sa gestion depuis le scandale malien, où près de 3 millions d'euros ont disparu avant d’atteindre les bénéficiaires. Ne pas abandonner maintenant

La lutte contre le sida est une lutte de santé publique qui devrait mettre tout le monde d’accord. Une lutte qui, pour une fois, ne devrait pas être politique, ni affectée par des considérations nationales. Moins encore du fait que jusque-là, les résultats sont probants. Mais c’est une lutte qui requiert de l’argent et qui implique une industrie à laquelle on ne touche pas, une industrie pharmaceutique qui prospère et dont les éléments les plus humanistes sont souvent mis au placard au profit de ceux qui, justement, créent le profit.

Quand tous les pays du monde applaudissent et se font féliciter dans cette grande salle historique de l’Assemblée générale des Nations unies pour un engagement sans valeur, c'est un goût amer qui reste dans la bouche, un goût d’impuissance. Le goût du désespoir. Il ne faut pas non plus oublier qu'aucun des «objectifs du Millénaire pour le développement» n’est en passe d’être réalisé… En 2015, il faudra rendre des comptes sur ces engagements, ainsi que sur celui qui vient d'être pris vis-à-vis du sida.

Les résultats des participations financières dans la lutte contre le VIH sont visibles, concrets: des malades sous traitement, des vies sauvées, des enfants qui naissent sans êtres porteurs de la maladie… L’objectif du triple zéro («zéro nouvelle infection, zéro discrimination et zéro mort due au sida») formulé par le chef de l’Onusida Michel Sidibé est atteignable —si les pays riches mettent la main à la poche. Il n’est pas concevable que les pays du Nord laissent tomber l’Afrique maintenant.

Camille Biet

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____Ethiopie - Swaziland: Les séropositifs n'ont plus la foi en l'eau bénite. Sida: mieux vaut circoncire que guérir? circoncision maladies prévention santé science sida VIH

L’Éthiopie est l’un des pays au monde le plus touché par la pandémie de sida. Sur une population de 90 millions d’habitants, 1,2 millions de personnes sont séropositives.

Dans cet État de la Corne de l’Afrique, les superstitions sont encore bien présentes. Comme l’explique The Wall Street Journal, les communautés chrétiennes orthodoxes éthiopiennes (la religion dominante dans le pays) tentent souvent de combattre le virus par des pratiques religieuses.

Les fidèles de cette Eglise croient notamment dans le pouvoir de l’eau bénite. Selon eux, une source de la montagne d’Entoto, située au-dessus de la capitale Addis-Abeba, permet de guérir la maladie.

Une journaliste du quotidien américain est allée à la rencontre de certains de ces pratiquants.

Elle a recueilli le témoignage de Melaku, un séropositif, âgé de 30 ans. Il y a cinq ans, il est venu lui aussi à Entoto à la recherche d’un miracle.



«A l’aube chaque jour, il descendait un ravin escarpé et s’étendait nu dans une piscine naturelle. Les prêtres tenant des croix, versaient à six reprises de l’eau sur les gens», peut-on lire dans l’article.

Malgré le décès de nombreux malades, Melaku est resté sur place: «J’essayais d’avoir la foi dans l’eau bénite.»

Il a ensuite fait la rencontre d’une autre séropositive, Tigist. Elle aussi a rejoint le groupe de croyants, mais le remède n’a pas été efficace: «Elle est devenue plus malade, elle vomissait l’eau bénite.»

Melaku a alors décidé de transporter sa compagne à l’hôpital. Tout en continuant à prendre de l’eau bénite, Tigist a finalement accepté la thérapie antirétrovirale, un traitement qui permet de réduire la mortalité chez les personnes infectées par le VIH.

Comme le constate The Wall Street Journal, de plus en plus d’Ethiopiens ont accès aux médicaments. Même s’ils continuent à croire en Dieu, ils ne sont plus réfractaires à la médecine.

«J’encourage les gens à se faire baptiser et à prendre leurs médicaments chaque jour», explique ainsi un prêtre d'Entoto.

Selon les dernières données disponibles, en février 2010, 250.000 Ethiopiens avaient débuté une thérapie antirétrovirale, alors qu’ils n’étaient que 72.000 en 2007.

Le nombre de morts liés au sida a ainsi baissé de 71.900 en 2007, à 28.100 trois ans plus tard.

Melaku et sa compagne ne sont plus retournés à la source miraculeuse depuis deux ans. Tout en tenant dans sa main deux flacons de rétroviraux, Tigist conclut le reportage :



«Je crois toujours dans le pouvoir de l’eau, mais comme les médicaments m’aident, je pense qu’ils sont plus puissants.»

Le Swaziland a anticipé les résultats d’études qui concluent à l’efficacité préventive de l’ablation du prépuce.

Harare, capitale du Zimbabwe, le 9 février 2011. REUTERS/Philimon Bulawayo

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Jean-Yves Nau


**circoncision maladies prévention santé science sida VIH

http://www.slateafrique.com/15911/vertus-et-limites-de-la-circoncision-antisida

Mise à jour du 2 février 2012: La campagne financée par la France dans le township d’Orange Farm en Afrique du Sud a permis de circoncire plus de 25.000 hommes entre 2008 et 2011. Dans le bidonville, le pourcentage de séropositifs a déjà diminué de 25%, selon un reportage de Ouest-France.

                                                          ***

Le 15 juillet 2011, il annonçait, à grand renfort de publicité, qu’il s’engageait personnellement pour soutenir une campagne de circoncision de masse, visant à lutter contre la propagation du sida dans son pays. Un pays qui détient un bien triste record: celui d’être le plus touché au monde par cette pandémie sexuellement transmissible.



«Flanqué d'une imposante suite royale, dont sa mère, quatre de ses treize épouses et nombre de ses enfants, des guerriers en tenue, des danseuses aux seins nus et une fanfare militaire, le dernier monarque absolu d'Afrique a demandé à ses sujets mâles de se faire circoncire», mandait il y a peu l’Agence France Presse (AFP), depuis Johannesburg.

Or, une semaine plus tard, mercredi 19 juillet, trois groupes de chercheurs annonçaient à Rome, où se tenait une conférence internationale sur le sida, disposer de nouvelles preuves statistiques de l’efficacité préventive de la circoncision.

Mswati III, devant plusieurs milliers de personnes réunies dans la ville de Mankayane, déclarait:



«Il est bon que nos jeunes hommes bénéficient d'une initiative pour les aider à combattre la maladie Je compare ce virus à un terroriste. Il est là pour éradiquer notre peuple». Et le monarque d’insister, demandant à ses sujets de «rester éloigné des activités qui peuvent donner la maladie».

On peut comprendre l’initiative de Mswati III: plus d’un quart de son peuple (1,2 millions de personnes) est infecté par le VIH. La campagne de prévention dont le roi vient de faire la publicité est soutenue par le gouvernement américain qui y participe à hauteur de 30 millions de dollars (21 millions d’euros). Lancée en février dernier, elle vise à circoncire, sur un an, 160.000 hommes âgées de 15 à 49 ans Mais pour l’heure, seuls 3.000 individus se sont portés volontaires. Les promoteurs de la campagne espèrent que l'intervention du roi ne restera pas sans effet:



«Mswati III n'a pas précisé s'il comptait lui-même se faire circoncire, précise aujourd’hui l’AFP. La circoncision, longtemps pratiquée au Swaziland, avait été peu à peu abandonnée au 19e siècle.»

Devin, Mswati III? A Rome, une semaine après l’exposé du monarque, plusieurs scientifiques apportaient la preuve qu’en terre africaine la pratique de la circoncision pouvait aider à lutter contre la diffusion par voie sexuelle du virus du sida.

Mais la plupart des spécialistes de cette question ont aussi rappelé, à cette occasion, que ce moyen de prévention ne pouvait être efficacement utilisé qu’en association avec d’autres méthodes, à commencer par le recours systématique au préservatif en cas de rapport sexuel potentiellement contaminant. Un message qui n’est pas simple à transmettre auprès de personnes qui le plus souvent ignorent si elles sont ou non infectées par le VIH. Un moyen de prévention, pas de protection

La question du possible rôle préventif de la circoncision n’est pas nouvelle. Elle repose pour l’essentiel sur le postulat que certaines cellules présentes sur la face interne du prépuce seraient des portes d’entrée privilégiées du virus au sein de l’organisme, lors d’une relation sexuelle.

Sur cette base, et compte-tenu des diverses résistances rencontrées dans le recours au préservatif masculin, des études furent lancées au début des années 2000 pour évaluer le plus scientifiquement possible l’efficacité de cette pratique dans plusieurs pays africains.

En décembre 2006, l’Institut national américain de l’allergie et des maladies infectieuses annonçait qu’il mettait fin prématurément à deux essais cliniques menés en Ouganda et au Kenya après avoir constaté que la circoncision conférait une protection partielle, de l’ordre de 50%, contre l’infection par le VIH. Cette observation confirmait alors les données d’un essai franco-sud-africain (financé par l’Agence nationale française de recherche sur le sida), conduit en 2005, et qui montrait une diminution statistiquement significative des taux d’infection chez des jeunes adultes circoncis.

En mars 2007, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Onusida annonçaient qu’ils recommandaient officiellement la pratique de la circoncision comme moyen de prévention. Les deux organismes insistaient toutefois sur le fait que cette pratique ne protégeait pas complètement et qu’elle ne devait pas remplacer les autres méthodes de prévention. La circoncision pouvait être «proposée» (là où elle n’était pas pratiquée pour des raisons religieuses) quand il existait un taux de séropositivité élevée et où la transmission hétérosexuelle prédomine —soit l’Afrique australe et une partie de l’Afrique de l’Est.

Et l’OMS comme l’Onusida de souligner que tout devrait être mis en œuvre pour mettre en garde les hommes circoncis et leurs partenaires contre «un sentiment erroné de sécurité». Il fallait aussi veiller à ce que ce geste soit proposé et non imposé.

Mais tout le monde ne partageait pas ce point de vue préventif; notamment ceux pour qui la prévention ne peut être fondée sur une mutilation. En juin 2007, le Conseil national français du sida jugeait que la circoncision constituait «une modalité discutable de réduction des risques de transmission du VIH». Il critiquait notamment les modèles mathématiques extrapolant l’impact possible sur l’épidémie d’une politique d’incitation et prédisant une possible diminution d’environ deux millions des nouvelles infections et de 300.000 décès au cours des dix prochaines années.

Il estimait alors que ce type de modèle mathématique ne tenait pas compte «de données sociologiques, anthropologiques ou de la possibilité de reproduire dans la vie réelle des résultats obtenus dans des expériences encadrées».

Un succès confirmé «dans le monde réel»

Pour autant, en mai 2009, le gouvernement du Botswana annonçait le lancement d’un programme visant à circoncire en cinq ans 80% de la population masculine (soit 460.000 hommes), afin de limiter la propagation du sida dans ce pays d’Afrique australe fortement touché par l’épidémie. Cette initiative reposait pour une large part sur les conclusions d’une étude qui venait d’être publiée dans le journal de la Société internationale du sida estimant que dans ce pays, la circoncision d’environ un demi-million d’hommes d’ici 2012 devrait prévenir quelque 70.000 cas d’infection du sida d’ici 2025. Puis, en juillet 2009, de nouvelles études menées dans le district de Rakai en Ouganda et publiées dans The Lancet remettaient tout en en question.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la décision prise par le roi du Swaziland et la publication des résultats présentés à Genève, et notamment ceux de la nouvelle étude conduite sous l'égide de Agence française de recherches sur le sida (ANRS) par l’équipe de l’épidémiologiste Bertran Auvert.

Ce dernier explique avoir voulu confirmer «dans le monde réel» ses observations faites antérieurement dans plusieurs pays d'Afrique noire, et qui avaient conclu à une baisse du risque d'infection de 60% chez les hommes hétérosexuels. L’étude a été menée à Orange Farm, un bidonville de la banlieue de Johannesburg, en Afrique du Sud, où l’infection par le VIH touche 40% des hommes non circoncis (et 45% des femmes) âgés de 35 à 39 ans. La moitié des hommes de ce bidonville (soit plus de 20.000 personnes) ont répondu à une campagne massive d’incitation à la circoncision (interventions radiophoniques ou par haut-parleur, porte-à-porte, affichettes dans les stations de taxis ou les centres de santé...).

Les chercheurs expliquent ne pas avoir observé de différences de comportement sexuel entre les hommes circoncis et ceux qui ne le sont pas: même utilisation de préservatifs (34%), même fréquence de relations sexuelles, même nombre de partenaires... Ces observations sont confirmées par une autre étude réalisée auprès de 2.200 hommes de 18 à 35 ans dans la province kényane de Nyanza.

Les chercheurs français ont d’autre part constaté que dans le groupe des hommes circoncis, le taux d’infection était de 76% inférieur à celui de ceux qui ne l’avaient pas été. Selon Bertran Auvert, les femmes, qui ne sont pas protégées directement par la circoncision de leur partenaire, devraient bénéficier indirectement de la réduction du risque.



«C'est la première fois qu'une étude au niveau mondial montre qu'un programme de prévention entre adultes hétérosexuels marche dans le monde réel», s'est-il réjoui auprès de l'AFP, ajoutant que la circoncision n'intervenait qu'une fois dans la vie, était peu coûteuse (40 euros), et qu’elle était «de plus en plus acceptée socialement». Selon une autre étude conduite par des chercheurs ougandais, la circoncision serait de nature à procurer aux hommes davantage de satisfaction sexuelle.

Pour autant, les termes de l’équation sanitaire n’ont pas varié. Ainsi, plusieurs spécialistes participant à la conférence de Rome ont insisté sur le fait que la circoncision ne pouvait être que «complémentaire d'un autre moyen de prévention». Pas, ici, de loi du tout ou rien.



«Arrêtons de penser qu'un outil de prévention va suffire, a notamment déclaré à l’AFP Françoise Barré-Sinoussi, co-prix Nobel de médecine 2008 pour ses recherches sur la découverte du VIH.



Si on veut diminuer l'incidence de l'infection dans le monde, ça ne va pas être la circoncision toute seule, les préservatifs tout seuls, le traitement comme prévention tout seul: c'est un ensemble, dont font partie aussi l'éducation et la lutte contre la stigmatisation. Il ne faut pas se leurrer, même quand on aura une possibilité de "cure" (rémission), ce que j'espère, même quand on aura un vaccin, ce ne seront que des outils supplémentaires à rajouter dans le circuit».

Devin, Mswati III? En l’an 2000, au sujet des séropositifs, le roi avait cru pouvoir affirmer qu'ils devraient être «marqués et stérilisés». Avait-il prévu, lors de sa harangue du 15 juillet dernier, qu’une semaine plus tard des militants d'associations de lutte contre le sida manifesteraient dans la capitale Mbabane pour demander le maintien de la distribution des traitements antirétroviraux, malgré la très grave crise économique qui frappe ce petit royaume au bord de la banqueroute?

Jean-Yves Nau

http://www.slateafrique.com/83727/ethiopie-eau-benite-medicaments-antiretroviraux-sida

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