Nantes, port négrier;

L’organisation des Anneaux de la Mémoire (Shackles of Memory dans les pays anglophones) est une association loi 1901 de droit français ayant pour objectif de mieux faire connaître au grand public l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs conséquences actuelles, dans la perspective de promouvoir de nouveaux échanges, équilibrés et équitables, entre les sociétés d’Afrique, d’Amérique et d’Europe.

Elle s’attache également à revisiter, approfondir certains aspects de l’histoire de différentes villes et régions, partout dans le monde. Elle a commencé par s’intéresser à la ville de Nantes (France) et à sa région, liées depuis le XVIIe siècle à la traite négrière et à l’esclavage. Elle poursuit son action à l’international, en accompagnant tous ceux qui souhaitent travailler sur ces pages sombres de l’histoire de l’humanité.

Des valeurs partagées (liberté, respect, égalité, solidarité…) et la recherche de la validité scientifique dans son approche des faits historiques, sociaux et économiques sous-tendent tout le travail et les projets de l’association.

Par cette appellation d’ « Anneaux de la Mémoire », l’association a voulu à la fois

évoquer les instruments de contention des captifs dans les caravanes africaines, sur les navires négriers et dans les plantations du Nouveau Monde ;

rappeler les maillons de la chaîne historique qui relie les populations concernées à ce passé ;



mais aussi mettre en évidence les alliances que peuvent passer entre eux les peuples de l’Atlantique et de l’Océan

Indien dans un nouveau commerce triangulaire d’intelligence et de prospérité.

Dès le Moyen Âge, la ville échange sel et vins avec le reste de l’Europe. C’est à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle que l’aventure commerciale et maritime s’accélère pour le port de Nantes. La navigation et la pêche hauturières se développent, notamment la pêche à la morue dans les eaux de Terre-Neuve. Nantes arme aussi quelques navires à la guerre de course, pratiquée par les corsaires. Enfin, les échanges avec les premiers territoires colonisés d'Afrique et d'Amérique s’amplifient. La ville va alors s’engager au XVIIIe siècle dans le commerce avec les colonies et dans le commerce triangulaire, plus risqué mais souvent aussi plus rentable.

Nantes ne pratiquait pas uniquement le commerce triangulaire mais la proportion de l'armement pour la traite négrière par rapport aux autres villes du royaume a fait considérer Nantes comme la cité maîtresse des trafiquants de « bois d'ébène » (euphémisme utilisé par les négriers pour désigner les esclaves noirs). On considère aujourd’hui que la traite fut le moteur réel de l’expansion maritime de Nantes aux XVIIIe et XIXe siècles.



De 1700 à 1750, les deux tiers de la traite négrière française sont assurés par Nantes.



Durant la période de traite illégale, après 1815, Nantes a armé près de 70 % des navires négriers français.



Sur 4 420 expéditions négrières françaises, 1 709 ont été recensées au départ de Nantes (environ 40 % du total), ce qui représente environ 450 000 Noirs déportés entre le XVIe et le XIXe siècle, par les seuls armateurs négriers nantais

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L’étude de la traite des esclaves rencontre les difficultés inhérentes à tout « devoir de mémoire » concernant les « périodes sombres » de l’Histoire : comment, à partir d’éléments mémoriels construire une Histoire mieux fondée, sans sombrer dans le mythe simplificateur, et sans laisser les enjeux politiques empiéter sur un travail d’historiens ? L’association des Anneaux estime qu’à Nantes, comme dans les autres territoires impliqués dans le commerce triangulaire, il faut lutter contre la tentation simpliste de faire de la « mémoire de la traite », seulement une « mémoire de la libération » des esclaves.

Pour les Anneaux, on doit parier plutôt sur un travail historique libre et diversifié que sur une apparente réconciliation politique qui laisse dans l’ombre les enjeux de la mémoire. C’est pourquoi l’association développe des recherches et des activités pédagogiques originales, ancrées dans l’actualité des mémoires de l’esclavage. Celles-ci varient en fonction du lieu où l’histoire s’est jouée. L’association établit donc des partenariats avec des universités des trois continents concernés, afin de travailler sur l’histoire de la traite sans négliger celle de ses conséquences : histoire des racismes, des métissages, mais aussi des échanges culturels uniques qui jusqu’à nos jours se sont tissés dans chaque lieu concerné.

La volonté de l’association est de faire des anciens « anneaux » des esclaves une chaîne historique, pour résister tant à la haine des ennemis d’hier qu’à la repentance anachronique et artificielle. En invitant tous les héritiers de cette histoire à revisiter et à redécouvrir ce passé douloureux, les Anneaux cherchent aussi à réunir les peuples dans un désir de mémoire partagée.

En 1985, alors qu’était célébré par l’association « Triangle d’ébène » le tricentenaire du Code noir à Nantes, un colloque international sur la traite des noirs (« De la traite à l’esclavage ») rassembla à l'Université de Nantes plus d’une centaine de personnalités de la communauté scientifique historique mondiale. C’était la première fois en France qu’une manifestation d’une telle ampleur avait lieu sur les sujets de la traite négrière et de l’esclavage.

C’est dans le sillage de ce double événement à la fois symbolique et scientifique que l'association des Anneaux de la Mémoire fut créée par des Nantais soucieux de briser le silence et de rendre justice aux victimes de la traite atlantique et de l'esclavage. Les Anneaux de la Mémoire se sont officiellement constitués en association loi 1901 au mois de février 1991.

C'est la mémoire et l'histoire de cette traite, légale jusqu'en 1815 puis « illégale » mais florissante jusqu'en 1830 (en France) que les Anneaux de la Mémoire veulent faire vivre en partenariat avec les collectivités, les organismes culturels et les citoyens concernés (en France métropolitaine et d'Outre Mer, en Afrique et en Amérique). Exposition Les Anneaux de la Mémoiremodifier logo de l'exposition des Anneaux de la Mémoire au château des Ducs de Bretagne, Nantes Logo de l'exposition des Anneaux de la Mémoire

Au début des années 1990, l’association des Anneaux de la Mémoire présenta, avec le soutien de la municipalité de l’époque, au château des Ducs de Bretagne, une grande exposition historique sur le commerce triangulaire et le rôle qu’y joua le port de Nantes. Cette manifestation eut un grand retentissement à Nantes et, grâce au soutien de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), dans tous les pays africains, américains et européens concernés par le programme de la « Route de l’esclave ».

Depuis cette date, l’association développe son activité associative en multipliant ses actions en France comme à l’étranger, à destination des plus jeunes comme du grand public et des chercheurs initiés à la recherche historique.

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