jeudi 8 mars 6666
_____L'afrique est un terrain de guerre. Entre l'Est et l'Ouest, entre le marxisme et le libéralisme, elle se perd. L'Afrique ne retrouve plus le destin que lui avaient promis les «pères de son indépendance» et La démocratie est un outil, non une valeur.»
jeudi 8 mars 6666 à 19:36 :: __La décroissance, un choix pour l'humanité ... Les miroirs de l'ombre
Depuis quelques années, l'Afrique est devenue le périmètre clos des rivalités des grandes puissances. Entre l'Est et l'Ouest, entre le marxisme et le libéralisme, elle se perd. Elle hésite.
L'Afrique ne retrouve plus le destin que lui avaient promis les « pères de son indépendance » et donc fatalement elle se trouve secouée de convulsion. Prise au piège d'ambitions planétaires qui lui sont étrangères, l’Afrique veut désormais prendre date avec l’Histoire, son histoire, pour retrouver ce chemin qui lui fait tellement défaut depuis des décennies.
Cette soif de changement a engendré une course au gigantisme, un chemin de questionnement brûlant quelquefois les étapes essentielles de la consécration. « La démocratie est un outil, non une valeur. » Il y a quelques années j'ai publié un ouvrage du même nom ou j'exposais ma conception de la démocratie où chaque nation civilisée devait inéluctablement conjuguer son destin avec des institutions dignes et démocratiques, dans lesquelles des millions d’atomes de souveraineté conféreraient autorités et légitimités pour agir en son nom. Quelques années plus tard mon constat d'amertume reste intact.
Rien n'a changé, les choses ont du moins empiré de manière substantielle et comme tout ce qui est excessif est insignifiant, je me dois d'avouer que certains Etats ont fait de l'accession à la démocratie leur leitmotiv. Mais globalement l'Afrique a manqué un rendez-vous décisif. Je ne parle pas du rendez-vous imposé par le général de Gaulle, mais du grand rendez-vous universel des Etats modernes qui font de la démocratie la seule expression légitime des peuples libres. En Afrique, le désir de la démocratie dans les années 90 a donné des possibilités insoupçonnées et des travers monstrueux. Des millions de morts et le bruit des bottes des guerres civiles étaient le prix à payer que le continent africain a dû s'acquitter.
L'idée d'accéder à la démocratie était un rêve fou, presque un cadeau empoisonné dont l'Afrique ne mesure pas à cet instant la portée et semble même minimiser les risques et les revers que masque ce contrat politique. Les conséquences ont été à la hauteur de l'enjeu. La démocratie est devenue un bien qui a fait du mal en Afrique, parce que la posologie n’a pas été proportionnellement respectée ; en plus, cette démocratie n’a engendré ni système économique cohérent ni système politique stable pour de simples raisons…
qu’elle n’est pas un simple caprice politique mais sûrement un acte dénué d'angélisme :« On n'y va pas en se disant: “je tente l'aventure et si cela ne convient pas à mon humeur, je retourne dans la chefferie natale » non, c'est un engagement important, c'est une décision qui peut être douloureuse, qui nécessite une préparation constante et une détermination sans faille car c'est une orientation nouvelle et un mode de vie nouveau que tout un peuple adopte conjointement avec sa classe dirigeante. Mais peu importe, l'Afrique s'est pris a rêver de tous les possibles: La promesse d'un bonheur. Une liberté totale et immédiate, sans contrôle ni concession. Elle a oublié que c'était loin d’être une promesse mais plutôt un enchaînement d'événements dont on ne maîtrise pas toujours l'issue. C’est aussi un défi, une responsabilité écrasante pour des peuples qui n’ont pas été préparés à prendre les rênes des Etats modernes.
De la dissidence à la démocratie, il n y a qu'un pas, mais faut-il déjà avoir l'audace de le franchir. Le saut vers cette inconnue était périlleux pour L'Afrique et elle le savait ; car prendre le risque d'accueillir l'appareil démocratique dans sa structure politique nécessite de recevoir au moins le mode d'emploi après le S.A.V (service après vente) ou passer préalablement un examen probatoire pour avancer son pion sur ce jeu pervers d'échec politique. A ce moment précis, l'important n'est pas « comment vous menez le jeu, mais jusqu'où le jeu peut vous mener ».
La démocratie: cette dame audacieuse et malléable à merci a su séduire le monde par ses promesses fantaisistes et la grande Liberté qu'elle procure aux nations et aux peuples de l’occident. Toutefois, j'ai aussi appris qu'en politique, on ne fait pas du copier-coller avec son histoire et ses orientations politiques sans prendre en considération les traditions profondes des nations de manière individuelle. D’ailleurs l’histoire européenne ne nous dit-elle pas à travers combien de luttes tribales, nationales, religieuses, sont-ils passés avant d’atteindre leur état actuel de paix ? On ne saurait mésestimer l'importance des héritages historiques pour les sociétés humaines en ce qu'ils relèvent et parfois donnent une explication des comportements et pratiques, tout en constituant des plate-formes de réflexion sur le temps présent comme sur le futur.
La démocratie aussi belle soit-elle ne peut pas brutalement déraciner tout un continent juste pour se conformer aux exigences occidentales,« Elle n'est pas non plus un modèle que l'on peut reproduire à l'identique au mépris des contestes socioculturels, elle est encore moins un produit que l'on peut exporter clefs en mains. » ajoute avec élégance l'ancien secrétaire des Nations Unies, le professeur Boutros Ghali. Donc il aura fallu deux siècles pour que la démocratie s'enracine en Europe, tout comme en Amérique latine, et l'on voudrait la parachuter en Afrique avec entrée en vigueur immédiate, ce n’est pas juste, l’Europe a manqué son cours initiatique avec l'Afrique, de peur d’être devancée par les Etats-Unis dans ce processus, elle a forcé la mise en place de la démocratie, avec les préalables contraingnates formulés lors du 16è sommet franco-africain de la Baule en 1990 où le président français prévient sèchement : « Ne bénéficieront de l’aide de la France que les Etats qui accepteront le principe de la démocratie au sein de leurs institutions » cette recommandation n'est louable qu'à condition de donner les moyens nécessaires à ses Etats, elle est perverse lorsqu'elle devient un bâton et un instrument à chantage contre les anciennes colonies.
Le rêve fou de la démocratie et l'ambition démesurée de l'occident d'imposer vaille que vaille la démocratie dans cette partie du monde où la chefferie coutumière fut pendant longtemps son mode de gestion du pouvoir devait un jour voir ses limites. Cette situation imposante devait irrémédiablement un jour, provoquer des effervescences passionnantes et passionnelles. Et comme la passion est mauvaise conseillère, il aurait fallu faire preuve de beaucoup de recul et d'intelligence politique pour ne pas s'engouffrer dans cette impasse démocratique où les gagnants ne sont pas forcement ceux qu'on croit.
La question impertinente est de savoir : L'Afrique était-elle prête à assumer cette lourde institution, était-elle préparée à accepter ce changement brutale de gestion et cette nouvelle conception du pouvoir, voire ce néologisme ambigu? Il ne faut pas oublier que la démocratie ne se limite pas à la création et à la mise en place d'institutions, elle est un état d'esprit, la résultante d'une culture qui se transmet sur plusieurs générations. C'est comme un « idéal qui s'entretient et se transmet de génération en génération comme un flambeau » disait Jean Moulin. Il est clair aujourd'hui qu'il ne suffit pas de mettre des normes les unes au-dessus des autres pour satisfaire à l'exigence démocratique.
Un État fondé sur le droit n'est pas forcement un État de droit, pour qu'il le devienne il lui faut trois conditions essentielles à mon avis: d'abord la légitimité du pouvoir, ensuite allié le pouvoir à la responsabilité, enfin la transparence dans l'exercice. L'Etat de droit ne se fait pas du jour au lendemain, cela suppose une culture juridique ; et l'éducation est un préalable à l'instauration d'un État de droit. La démocratie a trouvé en Afrique le néo tribalisme le plus violent, il faut qu'elle se débarrasse de ses vieux démons. Pour qu'elle s'installe dignement et durablement il faut qu'on apprenne à respecter la diversité culturelle et s'opposer à ce que les particularités ethniques, culturelles ou religieuses constituent un critère d'accession au pouvoir.
La démocratie en Afrique a fait oublier l'essentiel: Le respect des différences et la préservation du vivre-ensemble. L'appât du gain facile et le vertige du pouvoir ont déstructuré les valeurs fondamentales, celles de la morale et de l'éthique, parce que, quoi qu'elle fasse elle avait une présomption de culpabilité violente.
Cette déconstruction a fait perdre au peuple d'Afrique sa force redoutable et sa légendaire envie de vivre et de se battre pour gagner sa LIBERTE. Elle considère à juste titre que son envol sera aussi vertigineux de sa chute et qu'elle prend un pari ambitieux avec son Avenir. De toutes les façons, peu importe comment on y arrive, mais il faut arriver à stabiliser le pouvoir politique en Afrique et cela doit se faire nécessairement dans un contexte de démocratie apaisée et concertée. Au risque de choquer certains, il y est parfois des coups d'Etat nécessaires et salutaires pour accélérer le processus démocratique.
Certains Etats en ont usé et abusé. La règle en démocratie est d'allier le pouvoir à la responsabilité, c'est une règle et non une exception, jusqu'alors la démocratie était un concept en Afrique, elle devient aujourd'hui une politique, bientôt elle deviendra le principe cardinale. Elle s'intègre lentement mais sûrement dans notre logiciel de fonctionnement politique, ne la brutalisons pas, ne l'accablons pas, accompagnons-la, encourageons-la, mais n'en faisons pas un préalable verrouillé et sans condition. L’Afrique est le berceau de l’humanité, elle est aussi “l’avenir du monde”, le chêne et l’olivier symbolisent sa force et sa fierté, ces arbres ont des racines profondes comme l’est ce continent aux perspectives prometteuses.