Quelle liberté juridique pour un majeur protégé ?

La liberté des personnes qualifiées autrefois d'« incapables » a été élargie par la loi du 5 mars 2007, entrée en vigueur le 1 er janvier 2009.

L'objectif clai-rement affiché du législateur était de redonner toute leur dignité aux personnes concernées, à savoir les majeurs qui souffrent d'une altération, médicalement constatée, soit de leurs facultés mentales, soit de leurs facultés corporelles, de nature à empêcher l'expression de leur volonté.

Le changement d'approche se traduit d'abord dans la terminologie : l'expression connotée, voire blessante, de majeur « incapable » est remplacée par celle de personne « protégée ».

Le changement apparaît encore dans l'élargissement du domaine de liberté conférée aux personnes protégées, à deux niveaux :

  • le statut de la personne et le régime de ses biens.

Une autonomie accrue

Tout d'abord, le nouveau régime de la tutelle et de la curatelle prévoit plusieurs actes qui nécessitent le seul accord du majeur protégé, excluant toute assistance ou représentation par un tiers.

C'est par exemple le cas des actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, ou du consentement donné à sa propre adoption ou à celle d'un enfant.

Plus directement encore, la personne protégée prend aujourd'hui seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. Si ce n'est pas le cas, elle n'est pas écartée de plein droit et elle peut bénéficier de l'assistance de son tuteur.

Ce n'est que si cette assistance ne suffit pas qu'elle sera représentée, c'est-à-dire remplacée par son tuteur qui agira en ses lieu et place. On est donc passé d'une représentation systématique à une liberté contrôlée.

Autres illustrations de l'autonomie accrue du majeur protégé : il a le droit de choisir son lieu de résidence, peut entretenir librement des relations personnelles avec tout tiers - parent ou non. Le juge des tutelles peut encore lui laisser son droit de vote.

  • Outil très précieux

Sur le plan du patrimoine, la liberté juridique d'une personne sous tutelle a été également améliorée.

Deux exemples parmi d'autres le démontreront : elle peut, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, être assistée par le tuteur pour faire des donations ; elle peut également établir un testament si elle y est autorisée par le juge ou le conseil de famille. Elle peut seule révoquer le testament fait avant ou après l'ouverture de la tutelle.

Enfin, comment ne pas citer, pour tous ceux qui craignent d'être placés sous un régime de protection, les possibilités offertes par le mandat de protection future ?

Cet outil très précieux permet en quelque sorte de prolonger la capacité juridique d'une personne qui viendrait à perdre sa capacité en lui permettant, par anticipation, de prévoir les modalités de gestion de sa personne et de ses biens.

Le mandat peut être établi soit par acte notarié, soit par simple acte sous seing privé, l'étendue des pouvoirs conférés dépendant étroitement de la forme choisie. Ainsi, seul le recours à l'acte notarié permet d'autoriser le mandataire à effectuer des actes de disposition à titre onéreux, comme la vente d'un appartement par exemple. En tout état de cause, la rédaction d'un mandat de protection future nécessite une réflexion approfondie et son efficacité dépendra largement de la qualité de son contenu. L'assistance par un professionnel est donc incontournable.

Les Echos

  • Majeurs protégés

En raison, soit de leur état physique, soit de leur état mental certains majeurs font l'objet d'un régime de protection qui déroge au principe fixé par l'article 488 du Code civil qui déclare pleinement capables les personnes de l'un et de l'autre sexe ayant atteint l'âge de 18 ans. Les régimes qui peuvent leur être appliqués correspondent chacun à une adaptation qui tient compte de la variété des situations dans laquelle un majeur protégé peut se trouver. Les actes faits par le majeur antérieurement à la décision qui prononce une mesure de protection sont affectés d'une nullité. Cette sanction ne suppose pas la preuve de l'insanité d'esprit au moment où l'acte a été passé mais il est seulement subordonnée à l'existence, lors de la passation de l'acte critiqué, de la cause ayant déterminé l'ouverture de cette mesure (1re Civ. - 24 mai 2007 BICC n°668 du 1er octobre 2007).

Ces régimes sont aussi variés que, le placement sous sauvegarde de justice, la curatelle, et la tutelle. La tutelle peut elle-même se trouver réduite à la "gérance de tutelle" pour les personnes placées dans des établissements de soins spécialisés lorsque le juge constate que la tutelle ordinaire constitue une organisation trop lourde (tuteur, subrogé-tuteur, Conseil de famille, Juge des tutelles), elle peut également être limitée à la " tutelle aux prestations sociales".

La loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a réglé les droits patrimonieux du majeur protégé disposant de droits dans une indivision. (Voir les nouveaux articles 812-1 et 813-5 du Code civil). La Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs porte principalement sur le renforcement des contrôles de placement tout en limitant les mises sous tutelle ou curatelle, régimes très contraignants puisque la personne voit la gestion de son patrimoine et de ses revenus confiée à une tierce personne (parent proche, association, institutions...). Cette Loi a introduit le "mandat de protection future" qui permet à toute personne d'organiser à l'avance sa protection ainsi que celle de ses biens et de désigner le tiers qui sera chargé de la représenter pour le jour où son état de santé ne lui permettra plus d'y pourvoir lui-même. Lorsqu'il n'est pas contresigné par un avocat, le mandat de protection future sous seing privé, est établi conformément au modèle figurant en annexe du Décret n° 2007-1702 du 30 novembre 2007.

Le Ministère de la Justice entend également renforcer le contrôle financier des associations qui gèrent les revenus des personnes sous tutelle, par la nomination de commissaires aux comptes (personnes indépendantes qui garantissent la sincérité des comptes).

Le régime de l'hospitalisation dans des formations appropriées, le mode et la procédure de placement, les recours que peuvent utiliser les personnes dont les facultés mentales sont altérées ou leur entourage, sont définis par le Code de la Santé publique. Le contrôle de ces établissements par le Procureur de la République et par le juge des tutelles est prévu par l'article 490-3 du Code civil.

http://www.juritravail.com/lexique/Majeurs.html

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