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lundi 17 mai 2010

______Deux experts des banlieues analysent les causes des violences. Malaise social ou dérive délinquante ? Deux spécialistes confrontent leurs analyses divergentes des émeutes urbaines

ENTRETIEN Laurent Mucchielli, sociologue au CNRS (1), et Christophe Soullez, criminologue (2) Les émeutes sont-elles le fait d’une minorité délinquante ou l’expression collective d’une colère ?

Laurent Mucchielli : En 2005, les membres de mon équipe ont travaillé sur quatre quartiers témoins en région parisienne. Il ressort de nos travaux que si une minorité de jeunes ont pris part aux événements, ils ont le soutien d’une large partie de la population des cités. Je conteste ce stéréotype hélas très répandu selon lequel un petit nombre de délinquants prendrait en otage le reste des habitants.

Chez ces derniers, une majorité comprend et partage la colère des émeutiers, même s’ils estiment souvent stupide de brûler des écoles ou des voitures. Sur le fond, quatre raisons au moins expliquent ce malaise social : les relations catastrophiques avec la police ; un sentiment d’échec et d’humiliation par rapport au système scolaire ; l’absence d’emploi ; et enfin, le « statut » dégradé et dévalorisé des personnes « issues de l’immigration ». Elles s’estiment considérées comme des citoyens indignes, de seconde zone, rejetées par une société qui ne les aime pas.

Christophe Soullez : Les profils des auteurs et leurs motivations sont très variés. Certains sont là par hasard tandis que d’autres ont des comptes à régler avec la police… Pour ce qui est du bilan de 2005, on ne connaît vraiment que les émeutiers qui se sont fait arrêter, souvent les moins habitués de ce type d’événements. Les jeunes qui ont eu affaire à la justice ne sont pas représentatifs du noyau dur des délinquants que l’on retrouve au cœur des violences urbaines. En 2005, sur l’ensemble des émeutes, il n’y avait eu qu’un seul tir.

Cette fois-ci, rien qu’à Villiers-le-Bel, on a compté 55 fonctionnaires touchés. Il y a donc une aggravation du recours à la violence criminelle. Un tir sur des policiers, cela s’appelle un crime. La question de savoir s’il existe derrière cela des revendications sociales est secondaire. On ne peut pas accepter de justifier de tels actes par l’expression d’un malaise social. Certaines cités ne sont-elles pas tombées aux mains de mafias ?

L. M. : C’est le langage de certains syndicats de police et de certains politiques. Dans le cours de l’émeute, tout se mélange. Certains profitent d’un incendie pour piller un magasin, d’autres vont régler des comptes… Mais l’essentiel n’est pas là. En 2005, Nicolas Sarkozy avait dit à l’Assemblée que 75 à 80 % des émeutiers étaient des délinquants notoires. Cette affirmation a été contredite. La majorité des jeunes vus par les magistrats étaient des primodélinquants.

Les Renseignements généraux eux-mêmes ont reconnu que les émeutes n’étaient pas le fait de bandes organisées. Et les chercheurs sont parvenus au même résultat. Il est prouvé que l’émeute ne relève pas fondamentalement d’une analyse en termes de délinquance. S’obstiner à le faire, c’est vouloir enlever toute signification sociale à ces événements.

C. S. : Certes, il n’y a pas eu de planification des émeutes. Mais passé l’explosion initiale, on a bien vu se mettre en place une organisation des affrontements, avec des tactiques de guérilla urbaine. Ces stratégies de groupes paraissent de plus en plus structurées. On l’a bien vu ces dernières années avec l’organisation de guets-apens tendus à des policiers que l’on attire dans la cité. L’emprise des réseaux sur les quartiers se constate aussi par la capacité de certains leaders à ramener le calme.

En 2005, les violences urbaines ont duré trois semaines parce que les cités s’embrasaient successivement. Mais à l’intérieur d’un même quartier, les violences ne duraient pas plus de quatre jours. Pourquoi ? Parce que ceux qui font le business disaient stop. Ils avaient besoin que les affaires reprennent. Le fait que la violence a augmenté d’un degré en 2007 ne justifie-t-il pas la fermeté de la police ?

L.M. : Les heurts ont bien été plus violents qu’en 2005, parce que la situation sociale s’est dégradée et que le rapport de force s’est durci. C’est logique : au lieu de revenir à la police de proximité, on a décidé d’affecter durablement dans les quartiers les compagnies de CRS.

Cette stratégie du rapport de force est une erreur, elle ne fait qu’empirer les choses. N’oublions pas qu’en 2006, il y a eu des mini-émeutes aux Mureaux, à Montfermeil, à Montpellier… Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

C.S. : Jusqu’en 2002, on ne faisait que du maintien de l’ordre. Depuis, la police a développé l’action judiciaire. Elle cherche, lors des émeutes, à interpeller les délinquants pour mettre fin à un sentiment d’impunité.

La police a su se réformer, en méthodes et en moyens. Mais, seule, elle ne peut pas tout. Les autres acteurs de la chaîne pénale, la justice et l’administration pénitentiaire, n’ont pas bénéficié des mêmes évolutions et ont pris du retard. Ces institutions en sont restées à une culture de la délinquance qui date de l’après-guerre.

Recueilli par Bernard GORCE

(1) Auteur de Quand les banlieues brûlent, éd. La Découverte 2007, 170 p., 9,50 €. (2) Auteur des Stratégies de la sécurité, PUF, 230 p., 22 € et du Que sais-Je ? Violences et insécurité urbaines, PUF, 127 p., 8 €.

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_______« Tu veux que tout s’arrange, tu veux que tout ça change, mais qu’est-ce que tu fais pour que tout ça bouge ? » Jeunes Africains, Franco-africains

Energie, capacité d’innovation, créativité tous azimuts

L’absence de travail crée un sentiment d’exclusion et d’inutilité qui entraîne violence, toxicomanie et extrémismes. Las des années d’enseignement perdues, les jeunes font de leurs gouvernements la cible de leur frustration. Cherchant leur propre voie, ils manifestent dans les rues, s’affrontent sur les campus et constituent le gros des troupes en cas d’émeute. Certains responsables - politiques et religieux - exploitent ces tendances et les mobilisent sur des bases militaristes, « prenant le relais de l’embrigadement des anciens partis uniques », estimait le chercheur Tshikala K. Biaya (2). La vie des jeunes Africains est ainsi faite d’instabilité et d’incertitude. La majorité des 6 millions de réfugiés et déplacés sont des jeunes traumatisés - en tant que victimes ou combattants. En dix ans, près de deux millions d’enfants sont morts dans les guerres d’Afrique centrale. Plus de 120 000 enfants-soldats sont recensés dans une douzaine de pays. Autre drame, les millions de jeunes porteurs du VIH/sida, tandis que d’autres sont devenus chefs de famille en raison du décès de leurs parents tués par la maladie, qui laisse environ 12 millions d’orphelins.

« Les gouvernements africains doivent apporter des solutions à cette majorité juvénile qui devient plus pauvre, plus mécontente et, parfois, plus militante », affirmait en 2004 la Commission économique pour l’Afrique, réclamant des politiques viables élaborées avec la collaboration des jeunes. « L’énergie, la capacité d’innovation et les aspirations de la jeunesse sont un capital qu’aucune société ne peut se permettre de dilapider », dit le BIT. Ils font preuve de créativité tous azimuts - musique, théâtre, peinture... Sans oublier leur attrait pour les nouvelles technologies de l’information et de la communication. « Tu veux que tout s’arrange, tu veux que tout ça change, mais qu’est-ce que tu fais pour que tout ça bouge ? », chante La Brigade, un groupe de rap métissé. Jeunes Africains, Franco-africains, tous ont en tête l’image de ces jeunes qui, à Melilla ou Ceuta, se disent « plus près de la mort que de la vie » et dont les « vagues d’assaut » (ainsi que certains journaux ont qualifié leurs tentatives désespérées de franchir les barrières !) en direction de la forteresse européenne sont imputées à la pauvreté et à la famine en Afrique subsaharienne. Ne peuvent-ils prétendre à un avenir plus humain ?

Antoinette Delafin

(1) Perspectives économiques en Afrique, OCDE-BAD 2004-2005. (2) Jeunes et culture de la rue en Afrique urbaine. Addis-Abeba, Dakar, Kinshasa, in Politique africaine n°80, décembre 2000, pp 12 à 31.

Les deux tiers des Africains ont moins de 30 ans

Plus de la moitié de sa population a moins de 21 ans et les deux tiers moins de 30 ans. Le terme « jeune » (15-24 ans, selon les Nations unies) s’applique sur le continent aux individus non mariés ou non indépendants économiquement, tandis que les « vieux » sont encore seuls détenteurs du savoir et du pouvoir, surtout en milieu rural. Après la vague des démocratisations, les parents espéraient pour eux des lendemains meilleurs. Ils leur laissent un bien lourd héritage. Forces vives de pays soumis ces vingt dernières années aux conditions draconiennes des plans d’ajustement structurel, ils ont vécu la disparition de l’État-providence, l’essoufflement du modèle éducatif colonial et, au final, une précarisation extrême de leurs conditions de vie.

La moitié des économies africaines sont en deçà des ressources par tête d’il y a vingt ans, selon le Programme des Nations unies pour le développement. Des millions d’Africains ne mangent pas à leur faim et près de la moitié vivent avec moins d’un dollar par jour. L’Afrique subsaharienne affichait en 2004 des taux d’analphabétisme de 35,9 % pour les adultes (plus de 15 ans) et de 20,1% pour les jeunes (1). Au rythme actuel, elle ne parviendra pas à l’éducation primaire universelle avant au moins 2150 et presque la moitié des pays n’atteindront pas la parité éducative entre les sexes d’ici 2015. Lors du Sommet sur l’emploi et la lutte contre la pauvreté à Ouagadougou, en septembre 2004, la Commission de l’Union africaine recommandait aux dirigeants de mettre au plus vite l’accent sur l’éducation, l’apprentissage, la formation professionnelle, la transformation de l’économie informelle, cette forme de « débrouille » pratiquée par une grande partie de la jeunesse urbaine. Près de la moitié des jeunes travaillent encore dans l’agriculture ; or l’éducation demeure une priorité absolue en zone rurale, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. En 2003, l’Afrique subsaharienne comptait un des plus forts taux de chômage des jeunes (21 %) alors que la région devrait connaître la plus forte augmentation de sa population active d’ici à 2015 (30 millions de jeunes supplémentaires). Leur sort dépend de la croissance économique mais surtout de son contenu en termes d’emploi. Seuls « 5 à 10 % des nouveaux arrivants sur le marché du travail pourront intégrer l’économie formelle », indique le Bureau international du travail (BIT), pour qui « l’Afrique augmenterait son PIB de 12 à 19 % » si elle créait des emplois décents pour les jeunes.

XXIIIème sommet Afrique-France

La jeunesse africaine, un potentiel entre instabilité et incertitude

(MFI) "La jeunesse africaine, sa vitalité, sa créativité et ses aspirations" : tel est le thème du XXIIIe Sommet Afrique-France. Retiendra-t-il toute l’attention des dirigeants rassemblés à Bamako ?

« C’est un potentiel gigantesque. Cela peut aussi être une menace considérable si cette jeunesse-là n’a d’autre horizon que l’enrôlement dans une rébellion ou l’endoctrinement radical. Il est donc impératif de lui donner des perspectives », affirmait Philippe Douste-Blazy, le ministre français des Affaires étrangères, au quotidien Le Parisien en août dernier, motivant ainsi le thème du 23è Sommet Afrique-France. A l’initiative du Mali, pays-hôte, la rencontre aura été précédée d’un Forum de la jeunesse africaine, réunissant à Bamako les 8 et 9 novembre 53 jeunes - un par pays représenté - assistés d’une centaine d’autres venus des régions du Mali et d’une délégation de Franco-africains. Une première ! La Déclaration qu’ils soumettront aux chefs d’Etat pointera cinq questions clés pour leur avenir : formation et emploi, insertion sociopolitique, enjeux sanitaires, culture et nouvelles technologies, diaspora franco-africaine.

Il y a urgence, à lire l’appel « solennel, angoissant et pressant » lancé par les représentants des Jeunes leaders aux chefs d’État de l’Union africaine en 2004 : « Nos Etats sont dépouillés de ressources et détournés de leurs prérogatives. L’éducation n’est plus considérée comme un droit pour les enfants africains mais plutôt comme un luxe. Plus de droit à l’emploi, à la santé, au logement, à un environnement sain. En somme, les jeunes sont laissés à eux-mêmes. » La jeunesse africaine est devenue le plus grand défi que l’Afrique doit relever.

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