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samedi 22 mai 2010

_______Dieu est-il un trou noir? D'après le dogme islamo-judéo-chrétien inspiré des sumériens et du culte d'Aton, Si dieu est un trou noir, cela expliquerait l'attirance des prêtre pédo pour le petit trou noir des enfants…

Dieu est-il un trou noir? D'après le dogme islamo-judéo-chrétien inspiré des sumériens et du culte d'Aton, "dieu" est "tout-puissant", ce qui correspond à une masse-énergie infinie, c'est à dire à un trou noir infini. Mais il n'existe pas de trou noir infini, sinon, NOUS, nous n'existerions pas ! De plus, rien ne peut sortir d'un trou noir : ni matière ni énergie, ni information : en voulant être "tout-puissant", Dieu est-il devenu un trou noir ?

Ça mérite réflexion !

Si dieu est un trou noir, cela expliquerait l'attirance des prêtre pédo pour le petit trou noir des enfants…

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____Presque 40 ans après les indépendances, l’Afrique était mal partie dans les années 60. Aujourd’hui, nous sommes déjà au XXIème siècle et l’avenir semble incertain pour la jeunesse africaine.. La jeunesse africaine, une bombe à retardement !

Conclusion

La jeunesse longtemps marginalisée par ses gouvernants, attend que des solutions soient trouvées pour soigner les maux qui la minent depuis les indépendances. Marquée par les injustices sociales, les guerres et la drogue, elle risque de «brûler» les métropoles africaines si les chefs d’Etat continuent à se comporter comme des chefs coutumiers. Saisiront-ils l’occasion à eux offerte par la rencontre Afrique-FMI à Libreville pour réduire la pauvreté sur le continent et travailler pour sa croissance afin que la jeunesse puisse avoir du travail? La bombe que constitue celle-ci, en particulier dans les pays subsahariens, est encore prête à éclater si on ne la désamorce pas à temps.

Dr. Noël Kodia, enseignant-chercheur, Brazzaville

La jeunesse africaine, une bombe à retardement pour le continent

Le XXème siècle vient de s’éteindre il y a quelques mois. Presque quarante ans après les indépendances, on peut donner raison à René Dumont quand il affirmait que l’Afrique était mal partie dans les années 60. Aujourd’hui, nous sommes déjà au XXIème siècle et l’avenir semble incertain pour la jeunesse africaine qui pourrait se définir comme une bombe à retardement s’il n’y a pas un sursaut d’orgueil de la part des dirigeants africains, leur bilan social, politique et culturel étant globalement négatif. Après quarante ans d’indépendance, les Etats africains (surtout au sud du Sahara) viennent de montrer aux yeux du monde qu’ils ont été en majorité dirigés par des «analphabètes» politiques qui ont hypothéqué l’avenir des jeunes au détriment de leur égoïsme. Pourquoi l’Afrique a-t-elle détruit sa jeunesse qui, pourtant, quelques décennies avant les indépendances, avait prouvé à l’opinion internationale que l’on pouvait compter sur elle dans le processus du développement du continent?

La jeunesse africaine avant les indépendances

C’est une jeunesse patriotique qui ne connaît pas encore l’ethnicité car formée culturellement sur le modèle de la société colonisatrice. Beaucoup de jeunes rêvent d’aller plus vite que le temps; certains abandonnent leurs études et vont immigrer dans les capitales occidentales dont les principales seront Paris et Bruxelles pour Francophones et Londres pour les Anglophones. Dans le milieu juvénile, le métier des armes est considéré comme une perte de temps; c’est une préoccupation de ceux qui «n’aiment» pas l’école. Ayant découvert les vertus de la politique à travers les livres et les partis politiques européens, plus particulièrement ceux du pays colonisateur, les jeunes s’intéressent à la politique et veulent la faire à l’image des Européens. C’est ainsi que naîtront des associations et partis politiques qui auront pour point focal un idéal fondé sur une conception commune au niveau des idées et non sur l’ethnicité comme on le remarque maintenant dans la plupart des pays africains.

Les jeunes après les indépendances

L’Afrique a été peut-être décolonisée trop tôt. Quarante ans après les indépendances, sa jeunesse a sombré dans le désarroi. Sa capacité de créativité et de raisonnement développée par l’école coloniale et même postcoloniale n’est plus qu’un triste souvenir. La jeunesse actuelle fait peur et l’on serait même en droit de se demander si l’élite politique africaine a conscience de la situation précaire dans laquelle se trouve le continent. Il faut souligner que les jeunes ont subi la gestion chaotique des hommes politiques qui ont pris la relève des administrations coloniales dès les années 60. Pendant plusieurs décennies de règne sans partage et cela jusqu’à l’aube du XXIème siècle, les dirigeants africains se sont caractérisés par l’inconscience, l’analphabétisme politique et la gabegie, des maux qui ont porté un coup fatal à l’évolution de la jeunesse. Les chefs d’Etats africains se sont presque comportés en chefs «irresponsables». De 1960 à nos jours, la majorité des leaders africains se sont montrés incapables de mettre en oeuvre ce qu’ils ont appris auprès des grands hommes d’Etat de l’Occident. Ils ont plutôt cultivé le tribalisme et l’ethnicité pour faire asseoir leur pouvoir. Dans sa réflexion intitulée «L’ethnicité et le phénomène urbain en Afrique subsaharienne», le professeur Albert Muluma Munanga, parlant de certains pays à ce sujet stipule que «sur le plan politique, plusieurs partis politiques ont été modelés sur la base ethnique. C’est notamment le cas du Parti Démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI) du feu Président Houphouet Boigny par la création de sections ethniques (...). Le cas du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) du Président Mobutu au Zaïre constitue un autre exemple? Pour avoir une popularité, le MNR (avait) crée une branche spécialisée en son sein ++dénommée ’alliance des Bangalas’ (...). Au Congo-Brazzaville, on (peut citer) les cas du parti de Bernard Kolélas, de Yombi Opango etc.».++

Avec cette nouvelle conception de faire la politique, la jeunesse voit se créer en elle un divorce entre l’idée d’appartenir à un groupe ethnique et celle de faire membre d’un parti politique au sens propre du terme.

L’échec des hommes politiques, synonyme de malheur de la jeunesse

De 1960 au seuil du XXIème siècle, l’Afrique a échoué dans son développement qui devait garantir l’avenir des jeunes. Si on peut louer quelques pays anglophones (l’Afrique du Sud, la Namibie, le Kenya...) qui se sont développés au cours des dernières décennies du XXème siècle, triste est le sort des pays francophones et lusophones, en particulier ceux de l’Afrique Centrale dont le retard est criard sur les plans culturel, social et économique. Les jeunes de ces pays (Tchad, République Démocratique du Congo, Congo-Brazzaville, Centrafrique et Angola) ont connu la guerre. Malgré quelques réalisations de prestige, les dirigeants politiques n’ont pas été à la hauteur de leur tâche. N’ayant pas pu préserver l’héritage de la colonisation, ils ont paradoxalement détruit le peu de réalisations laissées par l’administration coloniale. L’école et la santé qui sont les points vitaux du développement d’une société ont été négligées. Et pourtant les potentialités ne manquent pas dans certains de ces pays comme la République Démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville et l’Angola qui ont des sous-sols riches (cuivre, bauxite, diamant, pétrole...). Malheureusement leurs jeunesses croupissent dans la misère. Des usines n’ont pas été créées pour embaucher les jeunes après leur formation professionnelle; les rares laissées par les colons ont subi la loi de la nationalisation avant d’être littéralement «détruites» par la gabegie et le tribalisme des hommes au pouvoir. Les services sociaux et publics les plus élémentaires qui devaient au moins préserver la santé des populations, et particulièrement les jeunes qui

constituent la couche la plus dynamique de la société, n’existent plus dans les villes africaines. L’école et l’université sont malades et il se crée ipso facto une inquiétude au sein de la jeunesse qui vit actuellement dans la saleté et le SIDA. Dans les villes comme Kinshasa et Brazzaville (les capitales les plus rapprochées de la planète), la saleté et le SIDA ne respectent pas les frontières dans le milieu des jeunes des deux rives. A Kinshasa comme à Brazzaville, les services de voirie ne sont plus fonctionnels et les gouvernements constatent impuissants la dégradation des conditions de vie de leurs populations. On assiste dans certains quartiers des deux villes à des scènes insoutenables. Des jeunes désoeuvrés se donnent aux vidanges des fosses sceptiques dans des conditions inimaginables. Ils creusent de grands trous dans les rues à l’intérieur desquels ils déversent toutes les matières fécales qu’ils tirent des fosses sceptiques. Et quand les pluies arrivent, c’est toute la saleté qui se répand dans tout le quartier avec ses conséquences telles les épidémies de diarrhée et de fièvre typhoïde qui font des victimes surtout au niveau des plus petits. Pendant quarante ans, les leaders politiques africains se sont comportés en chef de village. Il y a eu des gouvernements, des institutions créées à l’image des pays modernes mais les chefs d’Etat du continent n’ont pas été sérieux dans l’exercice de leur fonction car prisonniers de leur ethnicité. Ils n’ont pas pu conscientiser la jeunesse pour créer des nations sur les territoires hérités de la colonisation. Dans son livre «Le manguier, le fleuve et la souris», le Président du Congo-Brazzaville a le courage de reconnaître que la jeunesse de son pays a été (et serait encore) marginalisée; triste constat: «Les plus sacrifiés sont les jeunes (...). Quelle perspective leur offre-t-on? Après avoir vu leurs rêves et leurs espoirs confisqués, le pouvoir (politique) les laisse en proie à tous les doutes, par conséquent à tous les excès». Devant l’échec d’une partie de l’élite politique africaine, beaucoup de jeunes sont tentés par les pays développés. Ceux qui y sont déjà et qui ont terminé leurs études et formations ne veulent plus rentrer au pays à cause de la sauvagerie et l’animalité qui s’y sont installées. Quarante ans après les indépendances, les jeunes Africains constituent à végéter dans le désespoir où l’arme et la drogue les guettent à tout moment.

La jeunesse africaine, une bombe à retardement

L’immaturité politique en Afrique a donné naissance à des sociétés d’orphelins par le biais des guerres ethniques et du SIDA. On rencontre maintenant en Afrique les «enfants des rues» âgés en général de cinq à quinze ans, errant dans les grandes villes, abandonnés à eux-mêmes. Incapables d’aller à l’école pour les plus petits et de poursuivre les études pour les plus grands, ces orphelins pensent trouver leur «bonheur» dans la drogue et les armes qui souvent les emmènent au pillage et au viol. L’Afrique serait-elle en voie de disparition avec une jeunesse qui ne lui inspire plus confiance? Réponse mitigée car elle n’a aucune ambition, aucun défi à relever. Et comme l’affirme l’historien congolais Théophile Obenga, «on disparaît quand on n’arrive pas à relever les défis». Si la jeunesse ne peut pas défier le SIDA, la culture guerre à elle imposée par les hommes politiques, si l’école et l’université africaines continuent à être extraverties (leurs diplômes n’étant plus pris au sérieux sous d’autres cieux), la disparition dont parle Théophile Obenga pourrait se concrétiser pendant ce nouveau millénaire. Angoissés et poussés au désespoir, les jeunes seront capables de prendre des risques car n’ayant plus confiance au pouvoir. Sans travail avec un avenir plus qu’incertain, ils développeront, avec le goût des armes et de la drogue, une culture de pillage, de gangstérisme et de barbarie. Les petits Angolais et Congolais l’ont bien su démontrer en Afrique centrale.

Il faut désamorcer la bombe

Le troisième millénaire devrait être porteur d’espoir pour les jeunes Africains. Le continent est riche. La plupart des Etats qui ont connu les guerres ont le diamant, la bauxite, l’or, le pétrole, l’eau et le soleil; mais paradoxalement la couche juvénile de ces pays n’en profite pas. Il faut redynamiser l’école et revaloriser surtout l’enseignement technique et professionnel. Des relations humaines, les jeunes Africains devraient faire un effort pour que vive la cohabitation ethnique qui souvent, quand elle est mal entretenue, provoque des remous sociaux qui retardent ainsi le développement de la conscience nationale. Pour Albert Muluma Munanga, «trouver les mécanismes qui permettent la coexistence interethnique (...) est le défi capital auquel doit faire face la sagesse de l’élite africaine actuelle (...) et parmi des solutions possibles pour l’instauration de la coexistence interethnique, (...) le seul moyen, c’est la culture d’une conscience nationale». Une autre aubaine pour le continent pour que le XXIème siècle soit le siècle de la renaissance africaine: la rencontre Afrique-FMI de l’année passée (janvier 2000) au Gabon. Les dirigeants africains, pour donner une chance à la jeunesse, ont intérêt à respecter les recommandations du FMI préconisées à Libreville. Ils doivent maintenant tourner le dos à la guerre pour s’occuper convenablement de la condition sociale des jeunes qui peut être définie comme l’élément moteur du développement d’un pays. Les Etats africains devraient profiter des largesses que leur a faites le FMI à Libreville sur «la croissance et la réduction de la pauvreté en Afrique». Pour les Institutions de Bretton Woods, le social doit maintenant passer avant la macro-économie; elles veulent que les gouvernants africains soient à l’écoute de leurs populations, surtout les jeunes. Ils doivent les associer à la gestion économique. Il faudra aussi effacer l’image de la guerre et de la drogue qui hante encore la conscience des jeunes en dépensant plus dans les secteurs sociaux (éducation, culture, santé) et moins dans l’armement. Le XXIème siècle pourrait être africain si l’on respecte les recommandations de Libreville qui feront que des millions d’Africains, en particulier les jeunes, sortent de la pauvreté et passent de la survie à la vie.

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______Indigènes sous la république(1)Frantz Fanon : "Peau noire, masques blancs et refoulement" complexe d’ infériorité du Noir et son désir de lactification - blanchir sa race.

Peau noire, masques blancs est sûrement l’ œuvre de Frantz Fanon la plus caricaturée de nos jours. Et certains révolutionnaires d’extrême gauche y sont, à vrai dire, pour beaucoup. ( Partie 1 )

À leurs yeux, le Fanon dénonçant les rapports de domination sur l’ « homme de couleur », n’ a pas le même intérêt que le théoricien de la révolution anti-coloniale. Il est même supposé être beaucoup moins intéressant. Grave erreur !

Peau noire, masques blancs est un ouvrage qui permet de bien prendre en compte la complexité réelle du racisme - et non de le réduire à sa portion congrue comme on le voit de nos jours grâce au fétichisme anti-lepéniste. Mais surtout, cet ouvrage permet de saisir les effets du racisme sur ses victimes à travers une analyse de leur inconscient. Car l’inconscient ne triche pas, ne ment jamais. Lorsqu’il se manifeste, alors que l’on réfute la réalité d’une névrose, l’inconscient, et corrélativement, ses effets, vous rappellent à l’ ordre dans l' instant. Mais combien d’ antiracistes, dissertant sur le racisme dont peuvent être victimes les Noirs, ont-ils lu ce livre resté célèbre de par son seul titre ? On devine bien que peu d’entre eux s’en sont donnés la peine. On se demande d’ailleurs si certains de ceux qui s’ en réclament ne se seraient pas arrêtés qu’ à la seule lecture du titre afin de s’ attribuer une conscience « anti-aliénation » à moindre frais.

Fanon a pensé en vain, dans le vide. Ses analyses n’ ont absolument pas été prises en compte par l’ antiracisme français, alors que le racisme anti-noir existe dans ce pays et a même une origine lointaine - il y vit de plus une forte population d’origine africaine. Lorsque le paternaliste de gauche jette son dévolu sur les idées des penseurs d’ un autre monde que le sien, il ne recherche que les thématiques qui abondent dans son sens, en se désintéressant totalement du reste. Que l’ on ne feigne donc pas l’ étonnement face à ce comportement.




« L’ on nous dira, oubliant en cela notre but, que nous aurions pu porter notre attention ailleurs, qu’ il existe des Blancs n’entrant pas dans notre description. Nous répondrons à ces objecteurs que nous faisons ici le procès des mystifiés et des mystificateurs, des aliénés, et que, s’il existe des Blancs à se comporter sainement en face d’un Noir, c’est justement le cas que nous n’avons pas à retenir. Ce n’ est pas parce que le foie de mon malade fonctionne bien que je dirai : les reins sont sains. Le foie étant reconnu normal, je l’ abandonne à sa normalité, qui est normale, et je me tourne vers les reins ; en l’ occurrence, les reins sont malades. Ce qui veut qu’ à côté de gens normaux qui se comportent sainement selon une psychologie humaine, il en est à se comporter pathologiquement selon une psychologie inhumaine. Et il se trouve que l’ existence de ce genre d’hommes a déterminé un certain nombre de réalité à la liquidation desquelles nous voulons contribuer ici »

Frantz Fanon




Né en Martinique, en 1925, Frantz Fanon meurt à Washington, en 1961, à l’ âge de 36 ans, des suites d’une leucémie. Sa vie fut courte mais pleine d’ idées, de sorte qu’ à sa mort, le mythe était déjà en construction. L’ homme est de tous les combats : en 1943, il quitte la Martinique et s’engage dans les Forces Françaises Libres contre l’ Allemagne nazie, avant de se rendre compte que le Français moyen n' en a rien à faire de sa propre libération. Quelques années plus tard, il rejoindra la branche la plus radicale du F.L.N algérien dans sa lutte pour l’ indépendance.Fanon est dans une logique simple : s’ il se doit d’apporter sa contribution à la France occupée par la tyrannie nazie, il se doit au même principe quand la France oppresse un peuple qui désire s’ émanciper de sa tutelle.

Durant sa courte vie, le révolutionnaire martiniquais marqua de son empreinte des générations entières d’intellectuels anticolonialistes, d’ acteurs de la contestation noire aux USA et d’ activistes d’extrême gauche grâce à des ouvrages comme Les damnés de la terre, L’ an V de la Révolution algérienne, Pour la révolution africaine. Nous nous attarderons ici sur Peau noire, masques blancs, publié en 1952.

Dès l’ introduction de Peau noire, masques blancs, les choses sont clairement posées : « Pourquoi écrire cet ouvrage ? Personne ne m’ en a prié. Surtout pas ceux à qui il s’adresse. Alors ? Alors, calmement, je réponds qu’il y a trop d’imbéciles sur cette terre. Et puisque je le dis, il s’ agit de le prouver » (1)

On comprend vite que cet ouvrage va briser la langue de bois, commotionner monsieur Tabou, fracasser les faux-fuyants sur les relations entre le Blanc dominateur et le Noir dominé et colonisé. Car Frantz Fanon met franchement les pieds dans le plat. Il va là où d’ autres n’ auraient jamais osé s’ aventurer, trop effrayés de briser le petit confort de l’antiracisme-spectacle. Ce dernier se complait dans une posture exclusiviste posée en termes réducteurs et ne pipe mot au sujet des effets psychologiques du racisme sur les racisés de longue date.

Fanon décrit les répercussions du racisme sur les Noirs avec une précision d’ horloger suisse et un tel refus de la langue de bois que l’ on devine bien pourquoi tant de Noirs, supposés être sensibles à ce genre de combats antiracistes, préfèrent le laisser dans l’ oubli. Celui-ci dissèque toutes les pathologies qui sont nées de l’ intériorisation du racisme par les Noirs : haine de soi, complexe d’ infériorité, fascination du Blanc : « l’ infériorisation est le corrélatif indigène de la supériorisation européenne, prétend Fanon. Ayons le courage de le dire : c’ est le raciste qui créé l’ infériorisé » (2)

Il certifie que « le Noir ne peut se complaire dans son insularité », raison pour laquelle il fuit son être afin de s’approprier la seule « porte de sortie » qui l’ intéresse vraiment. Celle-ci « donne sur le monde blanc. D’ où cette préoccupation permanente d'attirer l' attention du Blanc, ce souci d' être puissant comme le Blanc, cette volonté déterminée d' acquérir les propriétés de revêtement, c' est à dire la partie d' être ou d' avoir qui entre dans la constitution d’ un moi » (3). Ils sont des hommes à peau noire qui revêtent des masques blancs. « Le nègre esclave de son infériorité, le Blanc esclave de sa supériorité se comportent tous deux selon une ligne d’ orientation névrotique, continue-t-il. (…) Il y a chez l’homme de couleur tentative de fuir son individualité, de néantiser son être-là » (4)

Ce livre propose une réelle « interprétation psychanalytique du problème noir » qui permettra au Noir de « se libérer de l’ arsenal complexuel qui a germé au sein de la situation coloniale »(5). Il ambitionne de détruire le cycle infernal qui fait de certains Blancs des être enfermés dans leur blancheur et qui « s’ estiment supérieurs aux Noirs », pendant que de leurs côtés, des Noirs totalement possédés « veulent démontrer aux Blancs coûte que coûte la richesse de leur pensée, l’ égale puissance de leur esprit » (6)

Rejet du côté blanc et consolidation de sa supériorité supposée. Du côté noir : volonté obsessionnelle d’ exister aux yeux de celui qui le rejette puis acceptation sans rechigner du « règlement intérieur » qu’ il lui impose. Le Noir ne se contente pas d’ intérioriser la grammaire psychologique inhérente à son infériorité supposée, il y a carrément une « épidermisation » totale. Le Noir dont il est question ici est le névrosé, le pur produit du racisme occidental qui a hérité de toutes les tares que lui a enseigné le Monstre. Et, aussi « pénible que puisse être pour nous cette constatation, nous sommes obligés de la faire : pour le Noir, il n’ y a qu’un destin. Et il est blanc »




« Mannoni dit  : " La France est le pays le moins raciste du monde ". Beaux nègres, réjouissez-vous d’ être français, même si c’est un peu dur, car en Amérique vos congénères sont plus malheureux que vous…La France est un pays raciste, car le mythe du nègre-mauvais fait partie de l’ inconscient de la collectivité.»

Frantz Fanon




Fanon ne vise à rien d’autre qu’ à la désaliénation du Noir…autant que celle du Blanc. C’est le but ultime :

« Il est de bon ton de faire précéder un ouvrage de psychologie d’un point de vue méthodologique. Nous faillirons à l’ usage. Nous laissons les méthodes aux botanistes et aux mathématiciens. Il y a un point où les méthodes se résorbent. Le " sauvage de la brousse" n’ est pas envisagé ici. C’est que, pour lui, certains éléments n’ont pas encore de poids. Beaucoup de nègres ne se retrouveront pas dans les lignes qui vont suivre. Pareillement beaucoup de Blancs. Mais le fait, pour moi, de me sentir étranger au monde du schizophrène ou à celui de l’ impuissant sexuel n’ attaque en rien leur réalité. Les attitudes que je me propose de décrire sont vraies. Je les ai retrouvées un nombre incalculable de fois. Cet ouvrage est une étude clinique. Ceux qui s’ y reconnaîtront auront, je crois, avancé d’un pas. Je veux vraiment amener mon frère, Noir ou Blanc, à secouer le plus énergiquement la lamentable livrée édifiée par des siècles d’ incompréhension (…) » (7)

La question essentielle est posée : est-ce que le Noir est capable de dépasser son « sentiment de diminution, d’ expulser de sa vie le caractère compulsionnel qui l’ apparente tant au comportement du phobique », sachant que « chez le Nègre, il y a une exacerbation affective, une rage de se sentir petit, une incapacité à toute communion humaine qui le confine dans une insularité intolérable » (8) ?

Pour le coup, celui-ci cherche à compenser son « étouffement » en sortant de ce corps dans lequel il se sent à l’ étroit, tout en ayant le sentiment de ne pas exister aux yeux de ceux qu’il ambitionne d’ éblouir. Alors, il part à la conquête de ses « fantasmes infantiles », cherchant à les matérialiser à n’importe quel prix.




« Nous n’ aurons aucune pitié pour les anciens gouverneurs, pour les anciens missionnaires. Pour nous, celui qui adore les nègres est aussi ’’malade’’ que celui qui les exècre. Inversement, le Noir qui veut blanchir sa race est aussi malheureux que celui qui prêche la haine du Blanc »

Frantz Fanon




La première partie du livre s’intitule « le Noir et le langage » et se propose de décortiquer la manière dont le colonisé s’oblige à mettre sa propre culture et sa langue en jachère afin d’adopter le langage du maître civilisateur. Pour exemple, celui du « noir Antillais qui se verra d’autant plus blanc, c’est-à-dire se rapprochera d’autant plus du véritable homme, qu’il aura fait sienne la langue française » (9). L’Antillais qui connaît la métropole est comme « un demi-dieu » aux yeux des autres. Il a vu le monde civilisé. Aussi, se permet-il de revenir « se faire consacrer » auprès de l’ « indigène » des îles, celui « qui-n’est-jamais-sorti-de-son-trou, le bitaco »(10) Débarquant en France, il pousse son désir de se détacher des stéréotypes négatifs en luttant absolument contre « le mythe du Martiniquais qui mange-les-R » et s’oblige, au contraire, à les rouler comme personne ne les roule plus en France.

Fanon se navre d’ailleurs de la pauvreté d’une littérature antillaise pensée et écrite en créole. Le créole serait plus sauvage que le français ou, si l’on veut, moins civilisé. Il est donc rejeté en tant qu’expression d’un imaginaire local auquel on substitue le français, LA langue par excellence. Des générations entières d’Antillais de cette époque se sont vues interdire l’utilisation du créole par leur propre famille, histoire de maîtriser la langue réelle, sans l’accent exotique qui ne fait pas très « évolué » au goût de certains.

Aux Antilles, on parle la langue officielle de la France - qui est le français - et « les instituteurs surveillent étroitement les enfants pour que le créole ne soit pas utilisé ». Impossible de s’émanciper sur ces points tant la domination jacobine est oppressante.

On peut se féliciter qu’il y ait des « ouvrages traduits du ouolof ou du peuhl » et le psychiatre suit d’ailleurs « avec beaucoup d’intérêt les études de linguistique de Cheik Anta Diop » mais Fanon attend toujours le réveil créole.

Chez le mystifié-mystificateur Blanc, le problème du langage se pose aussi. Des médecins blancs, face à des Noirs ou des Arabes des colonies, s’autorisent toujours, ou presque, à leur parler petit-nègre. Frantz Fanon remarqua ce trait de condescendance chez la plupart de ses confrères médecins : « Bonjour, mon z’ami ! Où y a mal ? Hé ? Dis voir un peu ? Le ventre ? Le cœur ? » (11)

S’ il n’y a pas la revendication clairement affichée de rabaisser les indigènes, les médecins adoptant ce genre d’attitudes ne font rien d’autre que perpétuer un rapport de domination en s’adressant à eux comme s’ils étaient d’une humanité inférieure. Certes, pour se défendre, les paternalistes pourront toujours prétendre que « parler aux nègres de cette façon, c’est aller à eux, c’est les mettre à leur aise, c’est vouloir se faire comprendre d’eux, c’est les rassurer » (12) mais le fond du problème demeure.

Ce sont les militaires français de l’armée coloniale qui inventèrent le « petit-nègre », appelé originellement le « français tirailleur». Il fut conçu afin de faciliter la communication entre le commandement français et les soldats indigènes puis est resté dans l’imaginaire français comme symbole du langage de la majorité des Africains : moi y’en a être content être ici et y servir armée français.

Pour Fanon, « parler petit-nègre à un nègre, c’est le vexer, car il est celui-qui-parle-petit-nègre » (13) et c’est « justement cette absence de volonté, cette désinvolture, cette nonchalance, cette facilité avec laquelle on le fixe, avec laquelle on l’emprisonne, on le primitivise, l’anticivilise, qui est vexante » (14). Ce sont les attitudes qu’ont en propre les « salauds ». Lui se fait un devoir moral de parler correctement à ses patients, et ce, quelque soit leur niveau de maîtrise du français. Il se « refuse à toute compréhension paternaliste » (15). Il s’ « adresse toujours aux " bicots " en français correct, et a toujours été compris » (16)

Le Blanc définit ce qui correspond à sa conception du raffinement puis établit non seulement une norme mais, plus encore, une non-distance entre ce raffinement et les attributs de sa propre culture, de sa propre civilisation. Dans le même temps, il installe une distance entre ce même indigène et la culture dominante qu’est la sienne. Dans cette approche, le Noir, et plus largement le colonisé, obéit à ce règlement et a l’impression d’exister en se reconnaissant dans ce que l’homme, le vrai, a de plus cher : sa langue, sa femme type, ses vêtements, sa nourriture, ses mythes, sa religion etc.

Parmi les colonisés, il y a une lutte pour obtenir la meilleure place auprès du Blanc. C’est à celui qui en sera le plus proche. Chacun veut se déterminer sous les meilleurs aspects, avec comme seul souci de s’éloigner le plus possible de la dernière place, celle qui incarne le sauvage à l’état pur. Chacun revendique sa non-distance, donc sa proximité avec le modèle blanc. Il n’est certes pas blanc, mais il est tout de même différent de ce qui se fait de pire :

« Nous avons connu, poursuit Fanon, et malheureusement nous connaissons encore, des camarades originaire du Dahomey ou du Congo qui se disent Antillais ; nous avons connu et nous connaissons encore des Antillais qui se vexent quand on les soupçonne d’être Sénégalais. C’est que l’Antillais est plus " évolué " que le Noir d’Afrique : entendez qu’il est plus près du Blanc ; Cependant pour beaucoup d’Antillais cette situation n’est pas ressentie comme bouleversante mais comme tout à fait normale. Il ne manquerait plus que ça, nous assimiler à des nègres ! » (17)

Pour ces étudiants du Dahomey ou du Congo qui se font passer pour antillais, le but n’est pas seulement de fuir une couleur - car c’est impossible pour eux. Ils veulent fuir le statut de dernier de la classe ( humaine ), la place de sauvage assignée par le monde civilisé. En se disant antillais, ils sont tout simplement moins sauvages que ceux qui sont juste africains. Ils sont montés en humanité.

Le cas de ces Antillais tombant en état de démence à la moindre allusion à l’Afrique, s’explique par le même cheminement intellectuel. Frantz Fanon décrit ce rejet par un fait simple : aux Antilles, la vision du monde se résume dans 4 mots qui sont « nos pères, les Gaulois ». C’est à partir de cette vision assimilatrice qu’il déclare : « L’Antillais ne se pense pas Noir ; Il se pense antillais. Le nègre vit en Afrique. Subjectivement, intellectuellement, l’Antillais se comporte comme un Blanc. Or c’est un nègre. Cela, il s’en apercevra une fois en Europe, et quand on parlera de nègres il saura qu’il s’agit de lui aussi bien que du Sénégalais » (18) Mais, précise-t-il, on ne doit pas oublier que l’Antillais est d’abord français et qu’il est amené « à tout instant à vivre avec des compatriotes blancs » (19). Raison pour laquelle il ne doit pas s’enfermer dans un imaginaire exclusivement noir qui le condamnerait à créer « des chansons pour enfants noirs » et des « ouvrages d’histoire » du même type.

Fanon est révolté par l’image du Noir au cinéma. Quand il lui arrive d’aller voir un film américain, il appréhende l’ apparition du bon négro ridicule à l’écran. À quel moment va t-il arriver celui-là ? Quand va t-il faire mourir de rire la salle en jouant son rôle d’arriéré, engoncé dans ses tares, elles-mêmes consubstantielles à sa « race » ?

Mais surtout, son obsession c’est la figure du nègre Y’ a bon banania. Dans le film Requin d’acier, le nègre servant dans un sous-marin est à l’image de ce mythe banania : trouillard et servile. Il tremble « au moindre mouvement de colère du quartier-maître » et sera « finalement tué dans l’aventure (…). Oui, au Noir on demande d’être bon négro ; ceci posé, le reste vient tout seul(…) » (20)

Quelque soit la névrose, celle-ci est d’abord le corollaire de la situation culturelle. C’est par ce biais que circule la dévalorisation du Noir :

« il y a une constellation de données, une série de propositions qui, lentement, sournoisement, à la faveur des écrits, des journaux, de l’éducation, des livres scolaires, des affiches, du cinéma, de la radio, pénètrent un individu - en constituant la vision du monde de la collectivité à laquelle il appartient. Aux Antilles, cette vision du monde est blanche parce qu’aucune expression noire n’existe (…). C’est seulement à l’apparition d’Aimé Césaire qu’on a pu voir naître une revendication, une assomption de la négritude. La preuve la plus concrète, d’ailleurs, en est cette impression que ressentent les jeunes générations d’étudiants antillais débarquant à Paris : il leur faut quelques semaines pour comprendre que le contact de l’Europe les oblige à poser un certain nombre de problèmes qui jusqu’alors ne les avaient pas effleurés. Et pourtant ces problèmes ne manquaient pas d’être visibles » (21)

Le Noir capte son image dépréciée à travers plusieurs supports de communication. Honteux et gêné de ce qu’il voit, il rejette violemment celle-ci et se convainc de ne pas en être. Ainsi naît la négrophobie. Le souci est de prendre le contre-pied radical de ce que le Blanc montre du Noir. Si les Blancs rient du nègre sauvage que les actualités coloniales présentent, c’est surtout parce qu’ils sont persuadés qu’ils leur sont supérieurs. Aussi, pour les persuader qu’il n’est pas différent et qu’il est lui aussi supérieur à ces primitifs, le Noir rie avec eux.

Dans le chapitre consacré au Nègre et la psychopathologie, il est démontré comment lors de la projection des aventures de Tarzan, le Noir antillais s’identifie immédiatement à Tarzan. Tarzan incarne le Blanc, certes sauvage, mais beaucoup moins que les Africains qu’il lui font face. En revanche, dans une salle d’Europe, Tarzan est rejeté en tant que primitif. De même, « un documentaire sur l’Afrique, projeté dans une ville française et à Fort-de-France, provoque des réactions analogues. Mieux : nous affirmons que les Boschimans et les Zoulous déclenchent davantage l’hilarité des jeunes Antillais (…) » (22)

Le sauvage c’est l’Autre : je ne suis pas sauvage ! Ainsi, l’Autre ne peut être moi. J’établis, par conséquent, un cordon sanitaire civilisationnel entre lui et moi afin que la confusion ne s’opère pas. Je marque ma différence, assez fort pour qu’elle soit entendue par le vrai homme :

« Il est normal que l’Antillais soit négrophobe. Par l’inconscient collectif, l’Antillais a fait siens tous les archétypes de l’Européen. L’anima du nègre Antillais est presque toujours une Blanche. De même, l’animus des Antillais est toujours un Blanc (…). Un peu plus tard, nous lisons des livres blancs et nous assimilons petit à petit les préjugés, les mythes, le folklore qui nous viennent d’Europe (…) Le noir Antillais est victime de cette imposition culturelle. Après avoir été esclave du Blanc, il s’auto-esclavagise. Le nègre est, dans toute l’acception du terme, une victime de la civilisation blanche. Rien d’étonnant à ce que les créations artistiques des poètes antillais ne portent pas d’empreinte spécifique : ce sont des Blancs. Pour revenir à la psychopathologie, disons que le nègre vit une ambiguïté qui est extraordinairement névrotique. À vingt ans, c’est-à-dire au moment où l’inconscient collectif est plus ou moins perdu, ou du moins difficile à ramener au niveau du conscient, l’Antillais s’aperçoit qu’il vit dans l’erreur. Pourquoi cela ? Tout simplement parce que, et ceci est très important, l’Antillais s’est connu comme nègre, mais, par un glissement éthique, il s’est aperçu ( inconscient collectif ) qu’on était nègre dans la mesure où l’on était mauvais, veule, méchant, instinctif. Tout ce qui s’opposait à ces manières d’être était blanc. Il faut voir là l’origine de la négrophobie de l’Antillais. Dans l’inconscient collectif, noir = laid, péché, ténèbres, immoral. Autrement dit : est nègre celui qui est immoral. Si dans ma vie je me comporte en homme moral, je ne suis point un nègre. D’où, en Martinique, l’habitude de dire d’un mauvais Blanc qu’il a une âme de nègre (…) » (23)

Frantz Fanon ne se ment pas. Il ne triche pas avec lui-même. Il admet qu’il a lui aussi été victime de l’imposition culturelle et livre sa honte sur certains de ses comportements téléguidés par la culture dominante.

Le Procureur Fanon ?

À sa sortie, Peau noire et masques blancs offusqua le milieu littéraire. Il se permettait de dire des choses fortes à une époque où l’on ne s’était pas encore habitué à entendre un Noir faire autre chose que danser avec une jupe faite de bananes. Frantz Fanon a aussi déclenché la colère de certaines « féministes » à cause de son deuxième chapitre : La femme de couleur et le Blanc, et plus particulièrement les pages concernant « Mayotte Capécia ». On va vite comprendre pourquoi.

Dès les premières pages, il expose « dans quelle mesure l’amour authentique demeurera impossible » entre la femme de couleur et l’Européen « tant que ne seront pas expulsés ce sentiment d’infériorité ou cette exaltation adlerienne (…) » (24). Car l’amour - le vrai, pas la sublimation d’un fantasme qui déifie le sociétaire d’une « race » jugée supérieure à la sienne -, celui qui se fonde sur le principe de « vouloir pour les autres ce que l’on postule pour soi, quand cette postulation intègre des valeurs permanentes de la réalité humaine » (25), doit commencer par se libérer « des conflits inconscients » (26)

Il n’y a donc pas d’amour réel possible tant que le sentiment d’infériorité du Noir vis-à-vis du Blanc ne sera pas débusqué - l' inverse est tout aussi vrai. Ce contrat entre l’ amoureux et son amante, n’ étant pas respecté, seule la désillusion pointera le bout de son nez en fin de parcours.

Et c’ est à ce moment précis qu’ arrive la cas « Mayotte Capécia ». Le nom de cette écrivaine martiniquaise est devenu synonyme de l’ aliénation du Noir et de son complexe d’ infériorité grâce, ou à cause, de la « machine à broyer » Fanon. Beaucoup de personnes se sont plaintes de la dureté du jugement de Fanon alors qu’ au fond il n’ évoque « Mayotte Capécia » que de la page 34 à 42. Les autres allusions parsemées tout au long de l’ ouvrage ne seront que ponctuelles. Mais le mal est fait, consommé.

Qui est donc « Mayotte Capécia » ? Cette martiniquaise (27) était devenue la coqueluche d’ un certain milieu littéraire parisien après la publication de son roman autobiographique, baptisé « Je suis martiniquaise », en 1948. Selon Fanon, ce roman autobiographique confortait, à lui seul, les clichés les plus avilissants concernant le complexe d’ infériorité du Noir et son désir de lactification - blanchir sa race.

Le « procureur » Fanon qualifia le livre de « Mayotte » d’ « énorme mystification » et d’ « ouvrage au rabais, prônant un comportement malsain ». Il dénonça la toute puissance du paternalisme parisien et blanc qui voyait d’ un très bon œil une Antillaise entériner la supériorité de leur petit monde sur le sien. « Mayotte Capécia » répondait à ce que Sophie Bessis a nommé l’injonction mimétique (28) : exiger des Autres qu’ils correspondent à l’image que l’on se fait d’eux afin de dépasser ce qu’ils sont réellement.

Les raisons de la colère du « procureur » ? Mayotte est une femme qui rêve du Blanc mythique comme d’ autres rêvent de l’ american dream. Le Blanc représente tout pour elle : le beau, le bon, le juste. En revanche, les mots durs, la diffamation, les préjugés raciaux réducteurs, elle les réserve tous aux seuls Noirs. Elle ne jure que par le Blanc qu’ elle sacralise au point où elle écrira : « je décidai que je ne pourrais aimer qu’ un Blanc, un blond avec des yeux bleus, un Français » (29)

Ainsi les choses sont claires, « c’ est vers la lactification que tend Mayotte. Car enfin il faut blanchir la race ; cela toutes les Martiniquaises le savent, le disent, le répètent » (30) « Mayotte Capécia » l’ affirme sans retenue : « J’ aurais voulu me marier, mais avec un Blanc ». Et le « procureur » tempête : « Mayotte aime un Blanc dont elle accepte tout. C’ est le seigneur. Elle ne réclame rien, n’ exige rien, sinon un peu de blancheur dans sa vie. Et quand, se posant la question s’ il est beau ou laid, l’ amoureuse dira : " tout ce que je sais, c’est qu’ il avait les yeux bleus, les cheveux blonds, le teint pâle, et que je l’ aimais " - Il est facile de voir, en remettant les termes à leur place, qu’ on obtient à peu près ceci : " je l’ aimais parce qu’ il avait les yeux bleus, les cheveux blonds et le teint pâle ". Et nous qui sommes Antillais, nous le savons que trop : le nègre craint les yeux bleus, répète-t-on là-bas » (31)

Son « insularité » est telle qu’ à vingt ans, Mayotte refuse de s’ imaginer que Dieu puisse être autre chose que blanc : « J’ ai vu depuis au cinéma, le film des « Verts pâturages » dans lequel les anges et Dieu lui-même sont noirs, et cela m’ a terriblement choquée, témoigne-t-elle. Comment imaginer Dieu sous les traits d’ un nègre ? Ce n’est pas ainsi que je me représente le paradis. Mais après tout, il ne s’ agissait que d’ un film américain » (32)

Décidément, pour « Mayotte », « le Dieu bon et miséricordieux ne peut être noir, c’ est un Blanc qui a des joues bien roses. Du noir au blanc, telle est la ligne de mutation. On est blanc comme on est riche, comme on est beau, comme on est intelligent » (33)

Dieu est blanc, comme les anges et tout ce qui est juste, grand et beau. Un Dieu et des anges noirs ne correspondent pas à sa réalité. À la réalité. Un jour, « Mayotte » découvre que sa grand-mère était blanche ( « je m’ en trouvais fière » déclare-t-elle ) mais « au lieu de se découvrir noire absolument, elle va accidentaliser ce fait ». Elle s’explique enfin la pâleur de teint de sa mère qui était donc une métisse : « J’aurais dû m’ en douter avec son teint pâle. Je la trouvais plus jolie que jamais, et plus fine et plus distinguée. Si elle avait épousé un Blanc, peut-être aurais-je été tout à fait blanche ? …Et que la vie aurait été moins difficile pour moi ? (…) » (34)

Parce qu’ elle a du sang européen, la mère de « Mayotte » est donc plus fine et plus distinguée, d’un coup de baguette magique. Ces caractéristiques seraient inhérentes à la « race » blanche. Le « procureur » n’en démordra pas : Mayotte demeure une de « ces femmes de couleur échevelées, en quête du Blanc » qui fantasment « à une nuit merveilleuse, à un amant merveilleux, un Blanc » (35). Et rien d’autre.

Des propos durs ? Certes ! très durs - ce reproche de la radicalité a toujours été fait à l' homme : déjà, sa conception très virile de la révolution effrayait ses plus fervents défenseurs. Mais ces propos n’ ont d’ égal que la pathétique image que « Mayotte Capécia » vendait d’ elle-même et des Antillais. Les défenseurs de « Mayotte » réclamant une certaine indulgence à son égard, devraient s’ inspirer d’ un mot de Victor Schœlcher qui soutenait que « pour mériter la sympathie des hommes de bon sens et de bon cœur, le premier devoir serait de se mettre de niveau avec la civilisation et d’ accorder aux autres ce que l’ on réclame pour soi-même »

Fanon relèvera d’ailleurs certaines incohérences dans le récit de Mayotte. Notamment, lorsqu’ elle dit : « avoir connu Fort-de-France très tard, vers dix-huit ans ; pourtant les villas de Didier NDR : qu’elle évoque dans son récit avaient charmé son enfance. Il y a dans ce fait une inconséquence que l’ on comprend si l’ on situe l’ action. Il est habituel en effet, en Martinique, de rêver à une forme de salut qui consiste à se blanchir magiquement. Une villa à Didier, son insertion dans la société de là-haut ( la colline de Didier domine la ville ), et voici réalisée la certitude subjective de Hegel » (36)

On ne comprendra que plus tard ces incohérences. En 1993, on apprend que « Mayotte Capécia » était en fait le pseudonyme d’ une jeune femme nommée Lucette Céranus Combette. Morte à 39 ans - elle aussi d’ un cancer, comme son « procureur » - Lucette Combette avait une culture tellement limitée qu’ elle n’ aurait jamais pu écrire aucune ligne de « ses » deux romans.

Ces « nègres » - on préfèrera le terme anglais de Ghost writers d’ ailleurs - étaient des auteurs blancs, des Français de France - l’ un d’ eux était l’ amant de Lucette mais son nom n’ a pas été révélé. Les rédacteurs des deux ouvrages ont utilisé la vie de « Mayotte Capécia » pour surfer sur la vague de l’ exotisme doudouiste et servir aux Français une image qui allait conforter leur arrogance vis-à-vis des Français d’ outre-mer. Il fallait mettre en scène les emblèmes de cette domination blanche sur les Autres en persuadant les Français que la manière qu’ ils ont de traiter leurs colonisés est juste : la preuve ! même cette femme, qui venait de ces endroits coupe-gorge, était d’ accord avec cette réalité « objective ».

Ainsi, la jeune « Mayotte » nous est présentée, à travers la plume de ses gost writers, sous les traits d’ une arriviste prête à tout pour sortir de son milieu. Y compris, à ridiculiser les siens auprès d’un public hexagonal très friand de tout ce qui relève de l’infériorisation de l’ altérité.

Christiane Makward, professeur de littérature française contemporaine aux USA, écrira la biographie (37) de « Mayotte », en essayant au passage de régler son compte à Frantz Fanon. Elle accuse ce dernier d’ avoir dépeint une femme courageuse et presque analphabète comme étant une petite écervelée totalement aliénée, sans même connaître son background. Fanon aurait été victime de ses propres préjugés de machiste antillais et d’ érudit ayant fait de hautes études. Or l’on ne connaîtra la réelle identité et l’ histoire de « Mayotte Capécia » qu’ en 1993, soit, plus de trente ans après la mort de Fanon.

Celui-ci était donc supposé deviner la supercherie à l’ époque où « Mayotte » elle-même se plaisait à défendre le contenu de son livre sans états d’âme. Frantz Fanon n’ est pas responsable du fait que Lucette-Mayotte validait le contenu narratif de « son » ouvrage au moment où il écrit Peau noire, masques blancs. S’ il a été induit en erreur, la faute en incombe à la seule « Mayotte » qui chercha par tous les moyens à sortir de sa condition, quitte à répondre aux sirènes dégradantes de l’ injonction mimétique. Le dupé n’ a pas à être tenu pour responsable de la duperie orchestrée pour des raisons non-avouables.

On a remis un livre au jeune Fanon et l’ auteur supposé de ce livre assumait totalement celui-ci. Point. Sur cette base, Fanon a fait son travail et s’ est contenté d’ effectuer une analyse de ce qu’ il lut. Il est dans son rôle : sonder l’ inconscient et expliquer ses effets sur le comportement des hommes et des femmes colonisés.

« Mayotte Capécia » est dépeinte par Christiane Makward comme une « héroïne » (sic) qui n’ avait pas une grande culture. Son rêve n’ était pas vraiment de blanchir sa race, comme le prétend Fanon, « mais de poursuivre le rêve fondamental de bonheur, de sécurité affective, qu’ aucune femme dans son ascendance n’ avait encore connus et qui semblent plus accessibles auprès du Blanc dans l’ imaginaire de l’ Antillaise » (38) ( sic)

La préface de cette biographie est assez particulière. Christiane Makward base son livre sur le reproche fait à Frantz Fanon d’ avoir taillé en pièce la pauvre « Mayotte » en martelant qu’ elle était négrophobe et aliénée. Et que trouve-t-on dans la préface de cette même biographie ? Exactement, les mêmes reproches : « Jamais, insiste le préfacier Jack Corzani, une Martiniquaise n’ a aussi naïvement et sincèrement avoué sa propre " aliénation ", son désir de " blanchiment ", son mépris du nègre " sauvage ", toutes choses que Frantz Fanon et quelques autres devaient violemment dénoncer » (39). Jack Corzani, qui ne porte pas Frantz Fanon dans son cœur, est donc convié, en tant que préfacier, à saper les premières lignes des théories de Fanon. Et dans son exercice, il reprend exactement les mêmes termes qui admettent l’aliénation et le désir de blanchiment de « Mayotte ». Il va bien falloir finir par admettre que si tout lecteur est amené à percevoir ces aspects peu reluisants c’ est, peut-être, bien parce qu’ ils existent, tout simplement.

L’ universitaire français René Etiemble écrira un article en 1950 - soit bien avant la sortie de Peau noire, masques blancs - au sujet de « Mayotte Capécia ». Et on y lit le même type de désapprobation :

« On ne lui en voudrait si, page 201, elle ne se déclarait incapable de " supporter leur ignorance, leurs superstitions ", à ces sales nègres. Donc elle a des excuses, Madame Capécia ; et cette vulgarité, que j’oubliais, qui rend son livre si pénible. " Je vivais avec un blanc, un officier " (...) Vous vous trompez, Madame. Tous les blancs ne sont pas des officiers pétainistes. Il est vrai qu’un blanc, de ceux que je respecte, ne saurait estimer les femmes de couleur qui, pour lui complaire, feraient aux noirs la haies de dos (...) » (40)

Dans La négresse blanche, Frantz Fanon note que « Mayotte Capécia » a tenté de prendre le contre-pied de Je suis martiniquaise en évoquant les nègres de manière plus positive. Mais rien n’ y fait : « tous les nègres qu’ elle décrit sont en quelque sorte des crapules ou des Y’a bon banania (…). Qu’elle n’ enfle plus le procès du poids de ces imbécillités. Partez en paix, ô éclaboussante romancière…Mais sachez que, au-delà de vos cinq cents pages anémiées, on saura toujours retrouver le chemin honnête qui mène au cœur. Ce, malgré vous » (41)




« nous avons voulu analyser certains comportements, nous n’avons pu éviter l’apparition de phénomènes nauséeux. Le nombre de phrases, de proverbes, de petites lignes de conduite qui régissent le choix d’un amoureux est extraordinaire aux Antilles. Il s’agit de ne pas sombrer de nouveau dans la négraille, et tout Antillaise s’efforcera, dans ses flirts ou dans ses liaisons, de choisir le moins noir (…) Nous connaissons beaucoup de compatriotes, étudiantes en France, qui nous avouent avec candeur, une candeur toute blanche, qu’elles ne sauraient épouser un Noir ( S’être échappée et y revenir volontairement ? Ah non, merci). Dernièrement, nous nous entretenions avec l’une d’entre elles. À bout de souffle, elle nous jeta à la face : ’’ d’ailleurs, si Césaire revendique tant sa couleur noire, c’est parce qu’il ressent bien une malédiction. Est-ce que les Blancs revendiquent la leur ? En chacun de nous il y a une potentialité blanche, certains veulent l’ignorer ou plus simplement l’inversent. Pour ma part pour rien au monde je n’accepterais d’épouser un nègre ’’. De telles attitudes ne sont pas rares, et nous avouons notre inquiétude, car cette jeune Martiniquaise, dans peu d’années, sera licenciée et ira enseigner dans quelque établissement aux Antilles. On devine aisément ce qu’il adviendra »



Frantz Fanon




Après Je suis martiniquais, c’est au tour de Nini la mulâtresse, de l’ écrivain sénégalais Abdoulaye Sadji, d’ être analysé. Ce sont les rapports de fascination de la « femme de couleur » face au blanc qui sont encore examinés, puis ensuite ceux du Noir devant la femme de couleur :

« D’ abord il y a la négresse et la mulâtresse. La première n’ a qu’ une possibilité et un souci : blanchir. La deuxième non seulement veut blanchir, mais éviter de régresser. Qu’ y a-t-il de plus illogique, en effet, qu’ une mulâtresse qui épouse un Noir ? Car, il faut le comprendre une fois pour toutes, il s’ agit de sauver la race » (42)



Nini est une mulâtresse de Saint-Louis du Sénégal. Peu de gens savent que l’ abolition de l’ esclavage de 1848, prononcée dans les colonies françaises des Caraïbes et de l’Océan Indien, concernait aussi la ville de Saint-Louis du Sénégal et l’ île de Gorée. La ville de Saint-Louis s’ est socialement constituée - comme toutes les cités coloniales - autour d’ une base raciale, avec des communautés de mulâtres intercalées entre les nègres et les Blancs. La même structure de domination fondée sur une hiérarchie raciale produira les mêmes effets des deux côtés des rives de l’Atlantique : fascination du Blanc, haine métis-Noirs puis inter-noirs etc.

Mactar, le prétendant qui veut en faire de Nini sa dulcinée, est comptable dans les Entreprises Fluviales. L’homme est un bachelier cultivé. Mais il est noir. Et le Noir rédige une déclaration d’amour à l’adresse de Nini, la mulâtresse, cette « petite dactylographe, toute bête, mais qui possède la valeur la moins discutée : elle est presque blanche ». Le nègre aliéné sait que, pour s’ adresser à une personne qu’ il conçoit comme supérieure à lui, il doit la flatter en lui faisant comprendre qu’ il respecte la verticalité qui fonde le sens de la hiérarchie raciale. Mactar s’ exécute donc :

« On s’ excusera presque d’ oser proposer un amour noir à une âme blanche, souligne Fanon. Cela nous le retrouvons chez René Maran : cette crainte, cette timidité, cette humilité du Noir dans ses rapports avec la Blanche, ou en tout cas avec une plus Blanche que lui. De même que Mayotte Capécia accepte tout du seigneur André, Mactar se fait esclave de Nini la mulâtresse. Prêt à vendre son âme. Mais c’ est une fin de non-recevoir qui attend cet imprudent. La mulâtresse trouve que cette lettre est une insulte, un outrage fait à son honneur de " fille blanche ". Ce nègre est un imbécile, un bandit, un malappris qui a besoin d’ une leçon ; elle lui apprendra à être plus décent et moins hardi ; elle lui fera comprendre que les " peaux blanches " ne sont pas pour " Bougnouls ". En l’ occurrence, la mulâtraille fera chorus à son indignation. On parle d’ envoyer l’ affaire en justice, de faire comparer le Noir en cours d’ assises. '' On va écrire au chef de service des Travaux publics, au gouverneur de la Colonie, pour leur signaler la conduite du Noir et obtenir son licenciement comme réparation du dégât moral qu’ il a commis " » (43)

On voit que le traitement réservé au Noir pour avoir déclaré sa flamme à une mulâtresse est synonyme de déshonneur, horreur, humiliation. Et cette effronterie est perçue comme telle par une bonne partie de la « communauté ». En revanche, lorsque le bruit court qu’ un Blanc de France veut épouser Dédée la mulâtresse, les termes rugueux font place à de mielleux commentaires. Abdoulaye Sadji en rajoute une couche :

« cette nouvelle du mariage entre une mulâtresse et un Blanc de France couronne un certain rêve de grandeur, de distinction, qui fait que toutes les mulâtresses, les Ninis, les Nanas et les Nénèttes vivent hors des conditions naturelles de leur pays. Le grand rêve qui les hante est celui d’ être épousées par un Blanc d’Europe. On pourrait dire que tous leurs efforts tendent vers ce but, qui n’ est presque jamais atteint. Leur besoin de gesticulation, leur amour de la parade ridicule, leurs attitudes calculées, théâtrales, écœurantes, sont autant d’ effet d’ une manie des grandeurs, il leur faut un homme blanc, tout blanc, et rien que cela (…) » (44)

Pour Fanon, cette aristocratie racialisante de la société Saint-Louisienne s’ explique par l’ intégration de la mulâtraille « dans une collectivité blanche qui semblait hermétique. La moins-value psychologique, ce sentiment de diminution et son corollaire, l’ impossibilité d’ accéder à la limpidité, disparaissaient totalement (…) » (45). Le bonheur est à portée de main. Aussi, lorsque que la mulâtresse Dédée épouse son amoureux blanc, la cérémonie se déroule dans une atmosphère explosive car, si la plupart des mulâtresses avaient des cavaliers blancs, on avait adjoint des mulâtres à trois ou quatre d’ entre elles. Scandale ! Humiliation ! Les familles des quatre infortunées y voient un déshonneur et cette « offense exigeait d’ ailleurs une réparation » (46)

La négrophobie est la parfaite compagne de l’ aliénation. Là où le racisme a déposé ses valises, rien de bon n’ a émergé. En ces temps, il était quasiment impossible que des rapports sains n’ émergent entre Blancs et Noirs, mais surtout entre Noirs et mulâtres, et Noirs entre eux. Pourtant, certains prennent encore toutes ces sociétés coloniales basées sur la haine du Noir comme « modèle de tolérance » sans, bien entendu, tenir compte de la réalité historique.

Écoutons encore Fanon sur le sujet de la négrophobie :

« Dans " Magie noire ", Paul Morand nous décrivait pareil phénomène, mais nous avons appris par la suite à nous méfier de Paul Morand. Du point de vue psychologique, il peut être intéressant de poser le problème suivant. La mulâtresse instruite, l’ étudiante en particulier, a un comportement doublement équivoque. Elle dit : " Je n’ aime pas le Nègre, parce qu’ il est sauvage. Pas sauvage au sens cannibale, mais parce qu’ il manque de finesse." Point de vue abstrait. Et quand on lui objecte que des Noirs peuvent lui être supérieurs sur ce plan, elle allègue leur laideur. Point de vue de la facticité. Devant les preuves d’ une réelle esthétique noire, elle dit ne pas la comprendre ; on essaie alors de lui révéler le canon : battement des ailes du nez, un arrêt en apnée de la respiration, " elle est libre de choisir son mari ". Appel en dernier ressort à la subjectivité » (47)

Le chapitre consacré à l’écrivain René Maran, note les mêmes comportements de mystifié. C’est « parce qu’ ils se sentent inférieurs » que les Noirs comme Maran « aspirent à se faire admettre dans le monde blanc » (48). Car Fanon, là encore très dur comme à son habitude dans sa critique, accuse l’écrivain antillais de s’ être soumis aux desiderata du père de sa bien-aimée blanche qui acceptait de lui donner la main de sa fille à condition qu’ il soit tout sauf un nègre. Et Maran, le nègre, répond à la requête du futur beau-père en se blanchissant au maximum à ses yeux. Pour Fanon, « Jean Veneuse », alias René Maran, ne dit rien d’autre que « je pense en français, ma religion est la France. M’ entendez-vous, je suis Européen, je ne suis pas un nègre, et pour vous le prouver je m’ en vais en tant que commis civil, montrer aux véritables nègres la différence qui existe entre eux et moi » (49)

Qui est René Maran ? L’ homme reçut le prix Goncourt en 1921 pour son roman au vitriol « Batouala » qui dénonçait très explicitement le colonialisme. Les pères de la négritude reconnurent l’ influence de celui qui vécut plusieurs années en Afrique et se sentait très attaché au « continent noir ». On est donc très loin du cas « Mayotte Capécia ». Mais Fanon n’ en a cure. Il traite ouvertement « Jean Veneuse » de simple négrophobe ayant assimilé la culture européenne au point d’ être incapable de se départir de la haine de lui-même. René Maran « ayant vécu en France, respiré, intégré les mythes et préjugés de l’ Europe raciste, ne pourra, s’ il se dédouble, que constater sa haine du nègre » (50)

Mais que l’on ne s’ y trompe pas, finit-il par lâcher : « Il y aurait une tentative de mystification à vouloir inférer du comportement de Nini et de Mayotte Capécia une loi générale du comportement de la Noire vis-à-vis du Blanc, il y aurait affirmons-nous, manquement à l’ objectivité dans l’ extension de l’ attitude de Veneuse à l’ homme de couleur en tant que tel (…) » (51)

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_____Le pouvoir noir. Malcolm X demeure l'un des plus célèbres militants noirs américains.

Malcolm X demeure l'un des plus célèbres militants noirs américains. Devenu l'un des chefs de file du mouvement des Black Muslims, il quitta celui-ci en 1964 pour créer une organisation non religieuse qu'il voulait plus politiquement engagée encore, l'Organisation de l'unité afro-américaine (OUA). Il avait découvert l'importance qu'il y avait à relier le mouvement noir américain à ceux qui ailleurs combattaient la même forme de racisme et d'oppression. A partir de cette période, les prises de position de Malcolm X, ses analyses et ses réflexions, peuvent évoluer très rapidement : ainsi en est-il de ses idées de former une nation noire séparée ou d'organiser le retour en Afrique. En avril 1964, il débute ses grandes tournées en Afrique et au Moyen-Orient dans le but de préparer l'unité des Noirs et d'internationaliser leur lutte pour la liberté. Ce recueil retrace l'itinéraire politique de Malcolm X à partir de sa rupture d'avec les Black Muslims. Il éclaire l'évolution d'un homme profondément sensible, marqué par l'amère condition des siens, mais décidé à en finir - par tous les moyens - avec la ségrégation, la misère et le racisme.

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______Personnage violent sous des dehors folkloriques, l'extrémiste Eugène Terre'Blanche, tué samedi à l'âge de 69 ans, a vainement consacré sa vie à la défense de la suprématie blanche en Afrique du Sud.

Le Sud-Africain Eugène Terre'Blanche, un néonazi violent et folklorique AFP



Personnage violent sous des dehors folkloriques, l'extrémiste Eugène Terre'Blanche, tué samedi à l'âge de 69 ans, a vainement consacré sa vie à la défense de la suprématie blanche en Afrique du Sud. Souvent vêtu de kaki, parfois d'un masque qui révèle des yeux bleus perçants, le leader du Mouvement de résistance afrikaner (AWB) n'a jamais caché son admiration pour Adolf Hitler. L'emblème de l'AWB, composé de trois "7" en étoile, évoque la croix gammée sous l'aigle nazi.

Taxant les dirigeants du régime ségrégationniste d'Apartheid de "libéraux", Terre'Blanche plaidait pour la création d'un "Volkstaat", un territoire autonome pour les Afrikaners, les descendants des premiers colons européens qui parlent une langue dérivée du hollandais. Après la libération du héros de la lutte anti-Apartheid Nelson Mandela, il a tenté de faire dérailler la transition démocratique en organisant une série d'attentats meurtriers. Il assure alors, à propos des négociateurs : "Nous allons les frapper de toutes nos forces, violemment. Nous allons leur faire mordre la poussière." À l'époque, son style flamboyant (il se déplace à cheval, entouré de sa garde) et ses qualités d'orateur lui valent une certaine notoriété.

Mais son caractère incontrôlable et sa violence revendiquée inquiètent même les partisans de l'Apartheid. L'abolition du régime ségrégationniste et une peine de prison pour tentative de meurtre achèveront de le marginaliser. Né le 31 janvier 1944 dans le village de Ventersdorp (nord-ouest), Eugène Terre'Blanche s'engage dans la police avant de reprendre la ferme familiale près de la bourgade, à une centaine de kilomètres à l'ouest de Johannesburg.

En 1973, il fonde l'AWB avec six amis pour contrer "l'abandon" des intérêts blancs par le régime d'Apartheid. Le mouvement sort de l'ombre en 1979, lorsque certains de ses membres enduisent un historien de goudron et de plumes. Depuis sa ferme, Terre'Blanche étend son influence, se rendant surtout dans les exploitations agricoles du nord du pays où il multiplie les discours enflammés en afrikaans.

Condamné à 5 ans de prison en 2002

Les autorités le surveillent de près et découvrent en 1982 une cache d'armes sur la ferme de son frère, qui lui vaut une condamnation avec sursis. En 1991, le dernier président de l'Apartheid, Frederik de Klerk, se rend à Ventersdorp. Les hommes de Terre'Blanche le défient : quatre personnes sont tuées dans les affrontements. Deux ans plus tard, l'AWB pénètre à bord d'un véhicule blindé dans le World Trade Center de Johannesburg, où se tiennent des négociations pour la transition. L'attaque sera vite contenue. Mais, deux jours avant les premières élections multiraciales, en avril 1994, un attentat à la bombe de l'AWB dans le centre de la capitale économique fera neuf morts.

Auteur de diatribes contre le "pouvoir communiste noir", Terre'Blanche tonne : "Si Mandela ne nous donne pas notre Volkstaat, nous combattrons jusqu'à conquérir l'ensemble de l'Afrique du Sud." La justice ne lui permettra pas de mettre sa menace à exécution. En 2002, il est condamné à cinq ans de prison pour avoir battu à coups de barre de fer un vigile noir à qui il a causé des lésions cérébrales irréversibles.

Remis en liberté conditionnelle pour bonne conduite en 2005, Terre'Blanche tombe dans un oubli relatif, jusqu'à son meurtre samedi par deux de ses ouvriers agricoles. Il aurait refusé de leur verser un salaire mensuel de 300 rands (30 euros).

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